La coach
Elle lui avait pourtant dit d’arrêter les ritournelles et les phrases creuses - sans parler des discours à rallonge - mais rien n’y avait fait. Elle n’aurait jamais dû accepter ce remplacement pendant un mois, remplacement qu’elle avait obtenu car elle avait été la coach de François Hollande en des temps anciens.
Avant le show, le chef lui avait dit.
- Vous me trouvez mieux au naturel ou en photo ?
Et elle lui avait répondu.
- Je préfère quand vous arrêtez de vous gargariser !
Il lui avait juste dit.
- Vous êtes virée demain. En attendant, pendant l’allocution, notez et voyez les propositions à me faire.
Et il était entré sur scène avec son costume de Narcisse et son faux sourire. Elle avait bien essayé de noter des trucs, mais quoi ? Ce type était creux, suffisant et n’écoutait que lui et son reflet.
La purge a duré deux heures. Il avait dû se droguer à lui-même avant le spectacle, comme à l’habitude. Elle a juste noté trois choses : « retrouver le goût de bien faire », « le combat du progrès contre le repli », « l’argent magique ». Même pas deux lignes.
Le soir elle lui a tendu la feuille, et il a dit.
- C’est tout ? Heureusement que je vous vire demain.
- Vous ne trouvez pas que vous exagérez ? Si vous rêvez dans votre palais, vous êtes bien le seul à encore rêver en France. Quant à l’argent magique que vous associez à l’Etat providence, vous êtes gonflé ! Et le combat du progrès ? Progrès pour qui ? Et le goût de bien faire, en parlant des gens qui touchent le RSA ? Alors là, excusez-moi, on atteint les sommets de la connerie !
Si son garde du corps ne s’était pas précipité sur lui, le showman aurait passé ses petites mains longues et fines autour du cou de sa coach.
Elle l’a fixé, le visage blanc puis, tel un robot, elle a prononcé le refrain de la chanson de Brassens : Il y a peu de chance qu’on détrône le roi des cons. A la fin, elle a ajouté HELAS. Ensuite, elle est partie dans un autre monde, celui des gens qui vivent dans la vraie vie, celui des gens qui prennent les transports en commun, celui des gens qui vont à Pôle emploi et celui des gens qui luttent pour un autre monde, mais pas celui des imposteurs !
PS : prochain texte, vendredi.