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17 août 2023

Le numéro de téléphone

Samedi soir, avant le dîner, l’enfant entra dans la cuisine et dit à sa mère qu’il ne voulait plus aller à la messe le dimanche. Elle ne répondit rien et continua à éplucher ses pommes de terre. L’enfant insista.

-          Tu m’entends maman ?

Elle finit par lui dire.

-          Oui mon chéri, je t’entends, tout comme Dieu t’entend, mais toi tu ne veux plus l’entendre.

-          Alors ? J’ai le droit ?

Elle lui répondit en souriant.

-          Demande à ton père, c’est lui qui parle à Dieu, moi je n’ai pas son numéro de portable

-          Pas drôle maman, pas drôle du tout.

-          Enfin je voulais dire que tout ce qui concerne la religion passe par ton père ; moi, à vrai dire, je ne crois plus beaucoup en Dieu.

-          Ben pourquoi tu vas la messe ?

-          Pour faire plaisir à ton père, et puis les prières m’apaisent.

-          Je peux le dire à papa que tu ne crois plus en Dieu ?

-          Je ne te le conseille pas, sinon le dîner ne sera pas agréable, tu vois ce que je veux dire ? Si tu ne vois pas, demande à Dieu te t’expliquer.

L’enfant fit une grimace à sa mère et partit dans le bureau de son père où celui-ci s’escrimait à terminer un rapport pour le directeur de cabinet du ministre. Dès que son fils lui parla de la messe, il l’arrêta.

-          Ecoute, pour la messe, ce n’est pas le moment de m’en parler, je travaille. Va voir ta mère.

-          Maman m’a dit de venir te voir, parce que ce n’est pas elle qui s’occupe de Dieu.

-          Elle a dit ça ? Ecoute, adresse -toi à Dieu toi-même par une prière et tu verras ce qu’il te répondra.

-          Et si Dieu ne répond pas ?

-          Tu insistes et tu fais une autre prière. Allez, file.

L’enfant partit dans sa chambre, prit une feuille et écrivit en grosses lettres rouges la phrase suivante : « JE NE CROIS PLUS EN DIEU et JE N’IRAI PLUS A LA MESSE » . Il colla la feuille sur la porte de sa chambre et ajouta sous la phrase « PS : si quelqu’un a le numéro de téléphone portable de Dieu, qu’il me le donne. »

PS : prochain texte, dimanche.

8 décembre 2022

Confrérie

J’appartiens à la confrérie des buveurs réunis après avoir appartenu, pendant deux ans, à la confrérie des amnésiques réunis. Si je suis partie, c’est qu’amnésique je ne l’étais pas. Je faisais juste semblant, pour le plaisir de l’être.

En ce qui concerne le vin, là, je ne feins pas, ma consommation croit au fil des mois de notre calendrier. Le seul endroit où je peux fuir, c’est au fond du verre, un voyage qui ne coute pas cher, vous en conviendrez.

Dieu, avec qui j’ai parlé hier après-midi à l’église Saint Maclou m’a dit simplement.

-          Ma fille, si tu as besoin de boire, bois. Mais à travers ce vin, sens non pas le sang, mais les blessures du Christ.

Et je lui ai répondu, simplement.

-          Merci mon Dieu. Je peux vous jurer que je les sentirai jusqu’à la lie.

Là, Dieu a souri – je ne savais pas que Dieu souriait – et il a conclu.

-          Doucement ma fille, et n’oublie pas de te confesser car la lie ne donne pas l’éternité.

Je suis sortie, plus légère, mais en rentrant chez moi, je me suis demandée si Dieu ne s’était pas moqué de moi…

 

PS : prochain texte,  samedi.

4 septembre 2015

Le voyage

MOUETTESQuand elle monta sur la barque, personne ne soupçonnait qu’on ne la reverrait plus. De la rive son mari lui cria « Attention à toi, tu ne sais pas nager ! » Elle lui fit un petit signe de la main comme pour lui dire que bien sûr elle ferait attention. Comment pouvait-il imaginer le contraire ?

Dès qu’elle fut à quelques mètres de la rive les goélands suivirent le bateau. Elle se montra surprise mais cette escorte lui sembla de bon augure, après tout, n’était-il pas mieux d’être accompagnée pour se rendre là où elle allait ? Elle les salua et ils continuèrent leur course, conscients du mystère qu’ils partageaient avec elle. Son désir, sans doute le connaissaient-ils, eux qui savaient les murmures du vent et de la mer.

Depuis quelques temps Dieu et les mystères de l’âme l’obsédaient. Qui était-elle ? D’où venait-elle ?  Et où était Dieu ? Ces questions la surprenaient au cœur de la nuit et elle se réveillait en criant, sa chemise de nuit collée au corps. Et si Dieu n’était qu’une création machiavélique des hommes ?

La barque voguait gentiment et lorsqu’elle se penchait, elle pouvait se voir dans le miroir bleu qui reflétait une image qu’elle n’avait jamais reconnue comme sienne. Pourquoi n’avait-elle jamais su apprivoiser ce visage régulier qui avait pourtant su séduire ?

En regardant vers le rivage, elle vit encore son mari réduit à un point minuscule ; ce qu’il était sans doute devenu dans sa vie. Les enfants, les amis, sa maison tout cela semblait si loin, incapable de prendre la place du sentiment qui maintenant la gonflait d’un orgueil infini : elle partait à l’aventure et ne jetterait l’ancre que lorsqu’elle aurait trouvé un pays où les êtres étaient reconnus à leur juste valeur.

 

PS : Dessin de Patricia, qui nous a quittés récemment.

Je me suis aussi inspirée de Youkali - (Kurt Weill & Roger Fernay), écouté et ré-écouté dans cette version :

 

 

 

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