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8 février 2022

Le calendrier

Début novembre, à la maison de retraite « les pervenches », Julia, l’animatrice, avait suggéré aux résidentes et résidents de « l’atelier création » qu’ils pourraient faire une petite activité qui leur permettraient non seulement de passer ensemble un bon moment, de faire connaître le lieu aux habitants de Rogeville, mais aussi de pouvoir mettre en place un petit fond financier pour une éventuelle sortie avec les résidents qui le souhaiteraient.

Branle-bas de combats chez les 7 résidents et 9 résidentes valides sur les cinquante que la maison hébergeait. Lors de la réunion, les conversations allaient bon train. Femmes et hommes planchaient jusqu’à ce que Julia dise.

-          Et pourquoi pas un calendrier avec les résidents, enfin les valides, de préférence.

Une vielle dame au crâne presque rasée – perte de cheveux oblige - ajouta.

-          Et pourquoi pas un calendrier avec nos hommes ?

-          Pourquoi que les hommes ? répondit une voix de femme acerbe.

-          Parce qu’ils sont en meilleur état physique que nous, répondit la première.

-          Et alors ? dit une troisième voix de femme, énervée.

-          Alors, pour le calendrier c’est mieux, conclut la première.

Les messieurs ne disaient rien et regardaient ces dames qui se crêpaient un peu le chignon, un chignon qu’aucune n’avait, d’ailleurs. Julia relança le débat.

-          Alors messieurs, qu’en dites-vous ?

Le premier à parler, ce fut Victor, le « gentleman », comme elles l’appelaient toutes. Il était arrivé il y a deux ans, après la mort de sa femme, avec ses 86 printemps.

-          Moi mesdames, je ne crois pas que nous soyons en meilleur état que vous, mais je veux bien me mettre en slip kangourou pour le plaisir de ces dames, et pour le calendrier, bien sûr. Tu en penses quoi Marcel ?

Marcel faisait partie de ces résidents qui parlaient peu, mais Victor et lui allaient de pair depuis que la femme de Marcel était partie sept mois plus tôt.

-          Je pense comme Victor, mais moi avec un slip kangourou et un Marcel, forcément, si ces dames sont d’accord.

Intervint un troisième homme, discret et misogyne, mais non dépourvu d’humour.

-          Moi je veux bien, mais je reste assis, j’ai mal aux jambes et des varices, comme ces dames. Par contre d’accord pour le slip kangourou et le Marcel. Quant aux dames, elles ne peuvent qu’être d’accord, hein mesdames ?

Julia s’adressa aux dames de l’assemblée.

-          Donc, mesdames, qu’en dites-vous ?

Certaines gloussaient déjà à l’idée de voir ces messieurs en slip kangourou, à leur âge. L’une qui était là avec son mari atteint de la maladie d’Alzheimer sourit.

-          Alors on va un peu s’amuser, c’est ça ? Tant mieux, mais ne comptez pas sur mon mari, le pauvre, il ne peut pas tenir en place et il perd la tête.

-          Tu peux le remplacer Colette, dit une nôtre. Tu seras notre star féminine. T’es encore pas mal pour tes 89 ans.

-          Si vous voulez, mais en jupon par-dessus le slip et le soutien-gorge, pas autrement.

Et le projet prit forme. Julia à la chorégraphie et à l’écriture ; Victor, le gentleman, à la photo car il en avait fait pendant toute sa jeunesse et Colette, aux effets spéciaux – même s’il n’y en avait pas. C’était bien la première fois, à la résidence des pervenches, qu’on entendait des rires et des gloussements…

PS : prochain texte, vendredi.

 

4 février 2022

Le bac blanc de philosophie

Mardi dernier, bac blanc de philo des terminales STMG (sciences et technologie du management et de la gestion) et j’étais de surveillance. 24 élèves dans la salle, loin de leur portable – resté dans leur sac près du bureau du professeur – et avec un masque qui, dès les premières minutes, a suivi un chemin différent du chemin prévu puisque, parfois, il était au-dessous de leur nez.

Masquer des adolescents de dix sept ou dix huit ans, c’est épuisant. Bien sûr, il suffit d’être bienveillant - comme le dit notre ministre de l’éducation qui lui-même ne l’est pas avec le personnel – et de leur chuchoter dans l’oreille – ou presque en raison des « gestes barrières » - que le masque doit se mettre sur le nez et pas dessous. Par ailleurs, certains élèves sont arrivés sans copie et même un, sans stylo. Etonnant. Et là, la bienveillance, toujours : demander si des élèves seraient assez généreux pour prêter une copie à leur « camarade » qui n’en avait pas.

Une feuille simple, d’ailleurs, aurait été amplement suffisante pour la moitié des élèves car, après 45 minutes, certains étaient déjà épuisés : les mots ne venaient pas. Rapidement, nous avons su que la durée de l’épreuve étant de 4 heures, les élèves pourraient sortir au bout de deux heures. Ouf ! Au bout d’une heure et demie, le nombre d’élèves dormant sur la table a augmenté. Certains avaient un masque qui avait quitté leur nez mais là, bienveillance oblige, j’ai préféré les laisser dormir.  Au bout de deux heures, 12 élèves voulaient sortir, heureux de retrouver leur addiction favorite : le téléphone portable.

En regardant les copies défiler, je me suis dit qu’au moins, les 4 professeurs de philo de l’établissement seraient heureux, une feuille recto ou recto verso à corriger, c’est simple. Après tout, c’est un cadeau que leur font les élèves. Sachant qu’un salaire de prof en France est tellement bas ; il est généreux de leur part de leur donner un peu de temps libre pendant les vacances de février.

En regardant les 12 élèves restés assis sur leur chaise, j’ai imaginé qu’avec un peu de chance, les autres sortiraient bien avant les quatre heures de l’épreuve. J’avais raison ou presque. Au bout de trois heures, il ne restait plus que trois élèves. Et, la dernière demi-heure, seule une élève continuait à écrire. Elle est sortie 15 minutes avant la fin. Je lui ai demandé si elle aimait la philo, et elle m’a répondu.

-          Un peu, moi j’aime bien comprendre.

J’ai enchaîné en lui disant.

-          En tout cas, vous avez gagné le premier prix du nombre de minutes passées dans la salle et du nombre de pages écrites. Bravo.

-          J’espère que ma note sera meilleure que celle des autres, a-t-elle ajouté.

Après lui avoir souhaité une bonne journée, je suis allée donner les copies au secrétariat des élèves. Sur le trajet, je me suis souvenue que moi-même, élève, je détestais la philosophie et surtout, le professeur de philo. Quel âge aurait-il ce prof ? Peut-être est-il mort ? Qui sait ? J’ai oublié son nom, bien sûr, mais je me souviens que ma note au bac avait été exécrable, même si j’avais essayé de remplir une copie double pendant tout le temps imparti ! Heureusement, je n'étais pas en section littéraire.

 

PS : prochain texte, mardi.

1 février 2022

La boulangerie

A chaque fois que son mari revenait de la boulangerie, le même mur de lamentations. Au début, elle avait ri aux éclats, elle était bon public, mais cette répétition insatiable des aventures boulangères lui donnait mal à l’estomac, comme un croissant mal maché. Elle lui avait même dit.

-          Si tu veux, j’irai à ta place.

Mais non, il n’avait pas cédé car c’était l’une des rares aventures de sa première année de retraité. En général, l’histoire commençait   par « yen a marre des vieux » et se terminait par « moi, mon fric je le cherche dans la queue ».

Voici la litanie des questions/réponses entre la boulangère, les clients, et les réponses imaginées par son mari :

La boulangère : « Vous la voulez sur plaque ou sur pavé votre baguette ? »

Le ou la cliente : sur plaque, ah non, sur pavé.

L’imagination créative de son mari : je m’en tape !

La boulangère : je vous tranche le pain ou pas ?

L’imagination créative de son mari : allez-y qu’on en finisse. !

Le client : je ne sais pas, mais bon, oui, tranchez-le !

L’imagination créative de son mari : et moi, si je pouvais te le trancher, connard, je le ferais tout de suite.

La cliente : ah, j’oubliais un croissant, enfin non, deux… et un pain au chocolat s’il vous plaît.

L’imagination créative de son mari : Tu sais que tu me fais chier avec ta bible incomplète des achats. Tu devrais être interdite de boulangerie à vie !

Vers la fin de l’histoire, en général, l’exaspération de son mari était à son comble, mais il y avait encore la dernière étape à raconter : le paiement. Hélas les vieux ne sortaient jamais leur porte-monnaie avant que ce ne soit leur tour. Trouver le porte-monnaie et les pièces – les bonnes – était pour eux d’une difficulté phénoménale, mais une obligation. Là, systématiquement, son mari disait.

-          Pourquoi ils ne prennent pas la somme exacte dans leurs mains, les cons, au lieu de faire la queue sans penser à rien et faire chier les autres au moment du paiement !

En général, elle finissait par dire à son mari.

-          « Adieu les cons ». On devrait revoir ce film, tu ne crois pas ? Ou si tu veux, je te l’achète pour ton anniversaire ?

 

PS : prochain texte, vendredi.

 

 

25 janvier 2022

Les mots

La veille, dans leur mouvement politique qui ne réunissait que six personnes – et dont quatre étaient absentes ce jour-là, covid oblige – Marion lui avait dit une chose étrange, car l’étrangeté glissait en elle comme le soleil sur la mer.

-          Je me demande si, en dehors des fameuses 500 signatures obligatoires pour les futures candidates et les futurs candidats à la présidence, il ne faudrait pas faire entrer aussi un exercice d’écriture ; les mots sont si malmenés dans cette campagne présidentielle.

Il n’avait rien dit et attendait la suite, patiemment.

-          Pourquoi ne pas demander à chaque candidate et à chaque candidat, pendant une période de quinze minutes, de créer un tautogramme* avec une lettre qui correspondrait à celle choisie par un jury de 3 femmes et 3 hommes tirés au sort ?  Ce texte serait ensuite révélé à la France entière.

Il lui avait tout de même précisé que son idée était certes créative, mais trop complexe à mettre en place. Puis, ensuite, il avait ajouté qu’il ne voyait pas très bien ce qu’une telle initiative pouvait apporter à la campagne présidentielle. C’est à ce moment-là qu’elle s’était énervée.

-          Cesse d’être aveugle enfin ! Tu ne vois pas que les mots qui surgissent savent de nous des choses que nous ignorons d’eux ? Tu sais, ce n’est pas de moi cette phrase, c’est de René Char. Et c’est justement grâce à ces mots surgis dans l’immédiateté que nous connaîtrons vraiment les candidates et les candidats de l’intérieur.

Ne souhaitant pas perturber sa veine créative, il n’ajouta rien. Mais au fond de lui résonnait cette question : Marion est-elle à sa place dans notre parti ? Il faudrait qu’il en parle aux autres…

*Tautogramme : Phrase ou vers composé de mots commençant tous par la même lettre.

 

PS : prochain texte, vendredi.

21 janvier 2022

L’affabulateur tardif

Ce type était un affabulateur, Hélène l’avait déjà remarqué avant le COVID, mais la pandémie avait multiplié la dose de ses affabulations.

C’était – et la chose est rare – un affabulateur tardif, enfin c’est ce que lui avait dit son amie Laure qui l’avait connu alors qu’il avait quarante ans. Hélène se demandait comment il avait pu sombrer dans l’affabulation après quarante ans, mais le problème n’était pas là.

Donc, à cinquante-cinq ans bien tassés – s’il ne les avait pas, ce collègue les faisait et là non plus, le COVID n’avait pas arrangé les choses – il disait qu’il était non seulement professeur de mathématique, mais qu’il travaillait avec la police scientifique et que, en plus, il avait un cabinet de psychologie. Hélène avait failli ajouter qu’il aurait dû aller lui-même consulter le docteur Freud, mais elle n’avait pas osé ; il lui restait encore une petite dose de bienveillance, cette bienveillance que M. Blanquer – leur ministre détestée – prônait pour les autres mais non pour lui.

Elle avait ajouté.

-          Eh bien Patrice, tu bosses énormément ! Quand je pense que moi, j’ai déjà du mal à préparer mes cours alors que je suis à mi-temps ! Je me demande comment tu fais. En tout cas, bravo !

Patrice avait souri – le masque était rarement mis dans cette salle des profs où on ne voyait quasiment plus personne – et avait conclu.

-          Il y a ceux qui sont sur le front et les autres, comme toi.

-          Oui, ça doit être ça, répondit-elle. Mais méfie-toi, être sur le front, ça peut être dangereux, parfois !

Et elle était sortie rapidement de la salle des profs avec ses photocopies.

 

PS : prochain texte, mardi

7 janvier 2022

Les mots

Elle faisait partie de la police de la littérature. Son travail était complexe, mais son salaire était aussi bas que celui d’un professeur en début de carrière, je vous laisse imaginer…

 Elle aurait rêvé d’avoir le double. Mais peut-on rêver hors des mots qui nous font rêver ? La littérature a rarement fait manger à leur faim écrivaines et écrivains, poétesses et poètes, dessinatrices et dessinateurs de BD, libraires etc.

Quand je parle de police de la littérature, je vous entends déjà glousser. Encore une police ? Nous n’en avons déjà pas assez ainsi ? Non, semble-t-il.

Elles n’étaient que trois dans cette police-là, et que des femmes. Son poste dépendait du ministre de la culture qui avait décidé – une initiative très récente et surprenante - de mener des enquêtes « subtiles » sur le monde des mots de nos grandes et grands écrivains du vingt et unième siècle. Seuls les mots intéressaient le ministre qui, lui-même, pourtant, semblait ne rien lire à part deux ou trois journaux, et encore.  De mauvais esprits disaient qu’il cherchait les mots qui lui manquaient. Il faut dire qu’au ministère, les mauvais esprits ne manquaient pas.

Elle passait donc ses journées plongées dans les livres de 42 romancières et romanciers, enfin pas exactement 42, puisque la tâche était divisée par trois. 14 écrivains lui avaient donc été attribués.

Pourquoi 42 écrivains vous demanderez-vous ? Elle n’en savait rien. Pourquoi celles-ci et ceux-ci ? Elle n’en savait rien non plus. La seule consigne du ministre avait été : « Cherchez les mots les plus importants dans les trois dernières parutions de ces 14 écrivains qui vous ont été donnés, notez-les et envoyez-les-moi. Après, nous verrons. » Nous verrons quoi ? Avait-elle eu envie de lui dire, mais qui pose une question à un ministre ?

Elle en était donc au début de son travail. Chaque semaine elle envoyait au ministre les mots qu’il attendait sans jamais avoir aucune réponse de sa part.

Ce qu’elle apprit, en faisant une recherche sur internet, c’est que le ministre avait 42 ans. Est-ce pour cette raison qu’il avait donné une liste de 42 écrivains. Ce qu’elle imaginait aussi, c’est que le ministre souhaitait publier un livre quand il serait limogé, et ça, c’était fort possible, car on limogeait très vite dans ce gouvernement là…

 

PS : prochain texte, mardi.

4 janvier 2022

Le cercueil

En entrant dans le magasin de pompes funèbres, la cliente avait dit.

-          Je veux trouver la lumière après ma mort.

Le pauvre employé, en poste depuis une semaine, n’a pas trop su quoi dire. D’autant plus que la cliente avait tout au plus 65 ans. Son cerveau a repassé en mémoire les leçons de son patron mais rien n’est sorti, si ce n’est.

-          Euh, je vous écoute.

-          Eh bien, le grand jeu.

Mais de quel jeu parlait-elle cette cliente ? Voulait-elle parler des présentations du corps, des habillages, du cercueil, de la mise en bière ? Était-elle folle ?  Il a choisi de commencer simplement.

-          Vous avez une idée du cercueil, madame ?

A ce moment-là, la cliente s’est s’énervée en soulignant que la lumière c’était la musique, d’abord et avant tout, puis elle a ajouté.

-          Vous n’allez tout de même pas parler tout de suite d’argent avec moi ?

Décidément, il fallait qu’il appelle le patron, mais où était-il ? Il a essayé une dernière question.

-          Voulez-vous voir notre catalogue ?

-          Je les connais par cœur les cercueils, pas besoin de catalogue.

C’est à ce moment que le patron est entré en hurlant.

-          Maman, mais qu’est-ce que tu fous ici ? Décidément tu veux me faire chier jusqu’au bout ! Et tout ça pour quoi ? Pour dire que tu étais une excellente patronne, une excellente vendeuse, mais que moi, je ne t’arrive pas à la cheville ? Bravo.

Aussitôt, la dame est tombée en pâmoison dans les bras du vendeur. Enervé, le patron lui a dit.

-          C’est pas grave. Elle est hystérique. Aidez-moi à la mettre dans un cercueil ; tenez, le premier, et elle en ressortira toute seule si elle le veut.

Le vendeur est tout de suite passé à exécution en se demandant s’il allait rester dans ces pompes funèbres de fous…

 

PS : prochain texte, vendredi.

31 décembre 2021

2022, année de quoi, au fait ?

"Je maintiens les écoles ouvertes" a dit moults fois Monsieur Blanquer, le ministre de l’Affichage, depuis le début de la pandémie. Dommage qu'il ne maintienne pas aussi son esprit ouvert, car sa réforme a déshumanisé et déstructuré le lycée.

J’évoque M. Blanquer car je suis enseignante, mais je pourrais aussi évoquer tous les hommes et toutes les femmes politiques d'extrême droite, de droite, de centre droit etc. qui ont l’esprit fermé et n'ont pour seul programme de candidature à la PdR* que le sécuritaire, l'identitaire, la lutte contre l’immigration extra-européenne... voire la haine de l'autre.

Déshumaniser plutôt qu'humaniser, voici donc le seul programme de  deux de nos candidates et de certains de nos candidats.

A quoi pensent ces femmes et ces hommes-là chaque soir, avant de se coucher dans leur lit XL ? Je me le demande. J’adorerais ouvrir la porte de leur cerveau afin de mettre à la poubelle leurs « pensées déshumanisées ». Mais peut-être  ne leur resterait-il aucune pensée ensuite ?

Depuis les années 90 ces thématiques reviennent à chaque élection. M. Sarkozy, d’ailleurs, ne s'est pas privé de "radicaliser" la France.  « Sécuriser » faisait partie de son vocabulaire, et comme son vocabulaire était « restreint » ce mot revenait souvent. Hélas pour lui, maintenant, la justice se met « en marche »  pour " sécuriser " le peuple Français de ces hommes politiques qui ont oublié qu’ils étaient censés travailler pour un pays et non pour eux-mêmes. Ces hommes qui ont utilisé leur longue carrière politique à "sécuriser" leurs comptes en banque ou leurs comptes en suisse ou leurs comptes offshore.

Oui, pour ces hommes, rien ne semble compter, à par leurs comptes. Sans doute devrait-on leur raconter, chaque soir "La mort d'Ivan Ilitch" de Tolstoi, afin qu'un semblant d'humanité glisse dans leur esprit embrumé par leur MOI hypertrophié.

 

Je vous souhaite une très bonne année 2022

 

*Présidence de la République

PS : prochain texte, mardi.

 

 

 

21 décembre 2021

Le père Noël est-il une ordure ?

Penché sur le guidon de sa moto, à 170 kms heures, il se répétait « Non le père Noël n’est pas une ordure, non le père Noël n’est pas une ordure, l’ordure c’est elle. » Et ce soir-là, le père Noël, c’était lui car il avait mis ce merveilleux costume qui le faisait briller avec les étoiles de Noël : du rouge et du blanc, ses couleurs préférées. Rouge de la passion et blanc de l’innocence.

 Quand les flics l’avaient arrêté sur la RN14, il fut bien obligé de tout dire.

-          En costume de Noël fin novembre, c’est pas un peu tôt ? lui dit le gendarme qui pensait avoir le sens de l’humour.

-          Et en plus, à cette vitesse ? ajouta l’autre. Alcootest, tout de suite

Mais il n’avait pas bu.

-          Venez donc dans la voiture avec nous - lui dit le premier gendarme. - on va discuter et après, on vous suivra chez vous. Ce sera notre cadeau de Noël.

Comment allait-il commencer son histoire ? Une histoire stupide dont le fond de vérité était essentiel et le fond, n’est-ce pas ce qui importe, dans la vie ? D’ailleurs, enfant, on lui avait toujours dit qu’il avait bon fond.

-          Voilà ce que m’est arrivé, raconta-t-il le visage blême.

-          Elle m’a dit qu’elle me quittait et…

-          Et ? Dirent les deux gendarmes d’une seule voix.

-          Et comme j’étais dans mon costume de père Noël, je ne l’ai pas supporté.

-          Vous l’auriez supporté dans un autre costume ?

-          Je sais pas. Mais là, non. C’était trop dur. Vous faites plaisir à quelqu’un, vous arrivez en costume de père  Noël pour faire sourire, et on vous fout tout en l’air. C’est pas juste.

-          Qu’est-ce qui n’est pas juste ?

-          Qu’elle en aime un autre.

-          Elle est toujours vivante, j’espère, dit le premier gendarme.

-          Vivante, oui. L’autre aussi, mais je lui ai donné deux gros coups de poing et je lui ai enfoncé mon bonnet de Noël sur son crâne.

Les gendarmes se regardèrent et dire d’une seule voix – il faut dire qu’ils étaient jumeaux.

-          Donnez l’adresse. On vous suit pour voir son état.

Arrivée au domicile de l’ex, ils comprirent tout de suite. Elle était vivante, mais allongé sur le divan, ils aperçurent un type à la longue barbe, l’air de Jésus ou presque, avec un bonnet de Noël sur la tête et deux yeux au beurre noir. Le pauvre gars pleurait. Le premier gendarme prit la parole.

-          Parfait, vous êtes vivants. Juste les yeux pour le jeune homme, rien de grave.

-          Mais il est cinglé ce connard en père Noël. Je le connais même pas, dit la fille.

-          Il nous a dit que vous vouliez le quitter.

-          Ce type est un copain de mon frère et un obsédé, par-dessus le marché. Comment pouvait-il croire qu’en arrivant en père Noël, j’allais devenir sa copine ? Un cinglé.

L’affaire aurait pu s’arrêter là. Les policiers partaient avec le père Noël qui sanglotait en hurlant « Personne ne m’aime, personne ne m’aimera jamais. » quand le jeune barbu se leva du divan et dit d’un air sérieux.

-          Laisse-toi pousser la barbe pour de vrai, père Noël, et tu verras, nul ne résistera, même pas celles qui se disent saintes. Marie, ma mère, me l’a dit, et je te le transmets.

Les gendarmes se demandaient s’ils se trouvaient dans une annexe de l’hôpital psychiatrique. Ils préférèrent se taire et, bras dessus bras dessous avec le père Noël, ils l’accompagnèrent vers sa moto pour le conduire sur les sentiers de la gendarmerie…

PS : prochain texte, vendredi.

 

 

17 décembre 2021

Le troll

Il était devenu troll parce qu’il était en rogne contre tout : le boulot, la famille, son poids – il avait grossi de 5 kilos en un mois et ne se supportait plus nu -, ses amis, enfin le peu qu’il lui restait. Cette somme de rognes l’avait fait basculer dans la catégorie des Zemouriens, une nouvelle ethnie politique.

Oui, la haine s’était installée en lui. Quand il se regardait dans le miroir, il se disait : « Je suis devenu le parasite de la rue massacre. Cette rue m’a foutu la poisse. » Quand sa sœur entendait ses « litanies », elle souriait et ajoutait.

- Ouais. Ta xénophobie, c’est la haine de toi, mon vieux. Tiens, quand je te vois toi, Zemourien parmi les Zémouriens, je me dis qu’on devrait obliger chaque candidat à avoir une série de dix séances chez un ou une psychologue. Il y en aurait un ou une en présentiel et trois autres derrière une vitre teinte. A quatre, ils pourraient faire un bilan de la santé mentale du ou de la candidate. Et les psychopathes, les bipolaires, les narcissiques seraient éliminés d’avance ! Tu vois à qui je pense ? Tout ça pour la santé du peuple Français.

Il ne disait rien. Il savait qu’avec son obsession de la psychologie – sa soeur était elle-même thérapeute – elle lui mettrait une migraine du diable qui le plongerait dans un « trollisme » de première grandeur

 

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