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25 septembre 2008

Je te dis qu’il y a quelqu’un (texte de gballand)

Ce matin, j'ai téléphoné chez moi par erreur et au moment où j'allais raccrocher quelqu'un a décroché et a dit.


- Allô !
Sur le moment je n'ai rien répondu, l'effet de surprise, sans doute. Puis j'ai fini par articuler.
- Qui êtes vous ?
- C'est plutôt à moi de vous le demander ! A enchaîné cette voix que je ne connaissais pas.
- Qu'est-ce que vous faites chez moi ?
- Ecoutez, j'ai autre chose à faire qu'écouter des hystériques...

J'ai raccroché le combiné la main tremblante. Puis, j'ai appelé mon mari, au comble de l'énervement. J'ai essayé de lui expliquer la situation en quelques mots mais il ne comprenait rien, comme d'habitude ! Je lui ai dit tout de go « Téléphone à la maison et tu verras bien. » Il m'a rétorqué « A quoi ça servira puisque nous ne sommes pas à la maison, mais ici, chez tes parents ! ». Je lui ai dit implacable « Cesse de raisonner et prends le téléphone, tu verras bien ! » Devinant que rien ne pourrait me calmer, il a composé notre numéro de téléphone. Manifestement personne ne répondait. Il a raccroché en disant un « Tu vois ! » triomphant. Je déteste ce ton qu'il n'utilise qu'avec moi. Je lui ai rétorqué immédiatement.

- Téléphone à nouveau  !
- Qu'est-ce qu'il te prend ? Tu es devenue folle ?
- Vas-y, je te dis  !

Il sait très bien que lorsque j'ai une idée en tête, je ne cède pas, alors il a refait notre numéro. A la pâleur de son visage j'ai compris qu'il se passait quelque chose, on avait dû décrocher de l'autre côté. Je l'ai entendu dire « Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? » à plusieurs reprises, puis il est devenu livide. Il a bien essayé d'ajouter quelque chose mais rien ne sortait, et ensuite il s'est effondré sur le sol.

Maintenant je suis à l'hôpital, j'attends qu'il reprenne connaissance. On m'a juste dit qu'il avait eu un choc émotionnel et qu'il devrait se réveiller d'un moment à l'autre, seulement le moment s'éternise et je regrette amèrement d'avoir insisté pour qu'il retéléphone. J'essaierais bien de  téléphoner à mon tour, juste pour voir, mais je préfère attendre qu'il se réveille.
J'ai peur...

24 septembre 2008

Les excuses (texte de gballand)

Encore un jour passé à chercher des excuses* ! Je me demande s'il y a un jour, un seul jour de ma vie, où je ne me suis pas cherché d’excuses. Je crois qu'il y a 40 ans, si j'avais pu me trouver une excuse valable, je ne serai jamais sorti du ventre de ma mère. Enfant, j’avais toujours l’excuse à la bouche, comme d’autres ont le sourire aux lèvres. J’inventais des excuses pour ne pas rentrer à l'heure, ne pas faire mes devoirs, ne pas faire les courses, ne pas aller au piano, ne pas me coucher... Je me souviens qu' un jour où j'avais séché les cours, j'avais dit que j’étais allé à l’enterrement de ma grand-mère qui, bien sûr, n’était pas morte  !  J’ai passé 40 ans de ma vie à me chercher des excuses, et aujourd'hui, mon problème, c'est que je cherche une excuse que je ne trouve pas !

Vous me direz : ce n'est pas possible, avec l’expérience qui est la tienne, tu ne peux pas ne pas te trouver une excuse ! Hélas si, aujourd'hui, je cale. Panne sèche. Il faut dire que le problème est un peu plus délicat. Je vous explique en deux mots ce dont il s’agit : un suicide... Je veux me suicider et je me demande ce que je vais bien pouvoir écrire à ma femme...

* phrase lue sur le blog Blues

21 septembre 2008

La Voix

Jamais je n'oublierai celle qui pour moi restera toujours l'inconnue*. Elle n'avait ni visage, ni silhouette. Tout a commencé par ce coup de téléphone, un dimanche soir, je me souviens précisément de l'heure, il était 21 heures.


- Je voudrais parler à Jean Paul
- Je pense que vous faites erreur, il n'y a pas de Jean Paul ici.
- C'est bien le 01 45 28 77 49 ?
- Oui.
- Arrête de te moquer de moi Jean Paul, c'est Lise, ce que j'ai à te dire est très important. Si tu ne m'écoutes pas, je suis capable de me suicider, tu le sais !
- Mais je vous assure, je ne m'appelle pas Jean Paul mais Pierre ! Vous faites erreur.

Et à ce moment-là, elle a éclaté en sanglots. Comment ne pas être troublé ? N'importe quel homme aurait réagi de la même façon. J'ai essayé de lui parler, de la rassurer, rien ne la calmait. Voilà comment sa voix est entrée dans ma vie. A partir de ce jour là, elle m'a téléphoné tous les soirs. J'aurais certainement dû me méfier, prendre de la distance, mais je n'ai pas su ou pas voulu. Elle appelait tous les soirs à 21 heures. Sa voix s’insinuait en moi, légèrement rauque et douce à la fois, sauf lorsque des larmes l'empêchaient de parler.

Je ne saurai dire, même aujourd'hui, si ce Jean Paul dont elle a parlé le premier soir existait vraiment. Ses appels ont duré quatre mois et, soir après soir, elle tournait les pages de sa vie. Peut-être a-t-elle menti, je ne sais pas. Il me suffisait de rester silencieux, de murmurer un « je vois » ou un « hum hum » et  elle parlait, comme si à la fin de chacune de ses journées, elle n'avait rencontré que le silence des murs d'un appartement qu'elle décrivait comme sombre et encombré d'absence.

A partir du troisième mois, elle  a changé. Sans doute parce que j'ai commencé à lui poser des questions. Je crois que je m'attachais à elle. Je n'aurais pas dû. Un beau jour, je lui ai dit : « Et Jean  Paul ? Il existe vraiment ? » Elle a eu l'air bouleversée que je remette en cause l'existence même de Jean Paul. D'ailleurs, elle a raccroché immédiatement, pour rappeler cinq minutes plus tard, en s'excusant.

Ce qui me paraît curieux, encore aujourd'hui, c'est que ni elle, ni moi, n'avons voulu nous rencontrer. Nous nous contentions du fil de nos voix.

A partir de ce soir là, je ne lui ai plus parlé de Jean Paul, je sentais que si je voulais continuer à l'entendre jour après jour, je ne pouvais plus lui poser de questions sur lui. J'étais déjà amoureux. Cet amour peut vous sembler étrange, mais quelque chose dans sa voix, dans le lien qui nous unissait, me paraissait plus important que tout ce que  possédais jusqu'alors.

Je finissais par ne plus sortir, déclinais toutes les invitations - même celles de femmes qui pourtant m'auraient plu - je perdais l'appétit,  je ne lisais plus et j'attendais sa voix.

Tout au long du troisième mois, j'ai senti sa nervosité, son manque de patience. Le moindre bruit dans mon appartement, le moindre manque d'attention de ma part, tout lui était insupportable. Au début, elle me menaçait, presque gentiment « Si tu ne m'écoutes pas, je raccroche ! », mais à la fin du troisième mois, elle pleurait de plus en plus. C'est alors que je lui ai posé une nouvelle question, il fallait que je sache ce qu'elle cachait. « Dis-moi ce qui s'est réellement passé avec Jean Paul ! Est-ce qu'il s'est passé quelque chose dans mon appartement ? » Ces paroles n'avaient pas été préméditées, je venais de me souvenir que lorsque j'avais décidé de louer l'appartement,  le type de l'agence m'avait dit, mi-figue, mi-raisin, - «  j'espère que vous ne croyez pas aux fantômes ! », mais je suis assez peu curieux et je ne lui avais pas demandé d'explications. Il y eut un silence, puis elle m'a dit d'une traite qu'elle avait tué Jean Paul, dans la salle à manger de mon appartement, et que le corps avait été transporté ailleurs. « Je ne peux pas m'habituer à cette mort ! Ça ne peut pas être moi », ajouta-t-elle.

Je sais, on peut trouver bizarre que je n'aie rien fait, que je n'aie pas prévenu la police, que je n'en aie jamais  parlé ni  à mes amis, ni à mes parents !  J'ai gardé ce secret pour moi, pour nous, presque comme si cette mort était un enfant que nous aurions eu ensemble, elle et moi. J'étais amoureux fou d'elle, aussi stupide que cela puisse paraître, amoureux d'une voix.

Je ne lui ai pas demandé de détails sur la mort de Jean Paul, mais elle m'en a donné quelques-uns, sans doute pour savoir si nous pouvions sceller un pacte. La mort de Jean Paul était devenu notre mort. Je peux même affirmer que j'étais heureux qu'il ait disparu, c'était un peu comme si je l'avais tué moi-même.

A partir du quatrième mois, notre relation a beaucoup changé, elle est devenue très intime, plus charnelle. N'importe quel homme se demandera comment on peut avoir une relation charnelle  avec une voix... c'est pourtant ce qui s'est passé.
Chaque matin, je partais au travail avec sa voix, j'entendais ses chuchotements graves, ses frissons rauques, ses intonations me chatouillaient les lobes de l'oreille aux moments les plus insolites, et je sentais sa caresse lorsque je rédigeais mes dossiers de subventions au bureau ; je crois même… mais j'en parlerai peut-être plus tard.  Mon travail me pesait, mes collègues de bureau me déprimaient, je n'avais plus d'amis, il n'y avait plus qu'elle, elle et elle : j'étais éperdument amoureux, amoureux d'une voix qui avait dit s'appeler Lise. Je pense même pouvoir dire aujourd'hui que pour rien au monde je n'aurais voulu la rencontrer ; sa présence aurait instantanément rompu le lien qui nous unissait.
A 21 heures précises, toujours, elle me téléphonait et l'heure qui suivait  était d'une sensualité délicieuse. Jamais, avec aucune autre femme, je n'ai ressenti ce que j'ai ressenti avec sa voix. Chaque sensation était explorée jusqu'à ce que l'un comme l'autre nous découvrions les limites de notre jouissance. Elle savait exactement ce que je désirais au moment où je le désirais et nos voix exploraient nos corps dans leur intimité la plus absolue, aussi étonnant ou absurde que cela puisse vous paraître. Oui, je peux dire que je faisais l'amour avec une voix !

Depuis qu'elle n'est plus, je suis le passager  de ma propre  vie.  Je me suis perdu à moi-même.
Le premier jour du cinquième mois, le téléphone a sonné, mais à 19 heures. J'ai décroché, c'était un homme, il appelait du commissariat du 12ème arrondissement pour me dire que Lise était morte. Mon numéro était à côté de son téléphone, c'est la raison pour laquelle j'ai été appelé tout de suite. « Vous connaissez Lise Dedieu ? » m'a-t-il dit, j’ai tout de suite su qu’il s’agissait d’elle, « Elle est tombé du quatrième étage, un suicide », a-t-il précisé. « Elle a laissé un mot à côté du téléphone, je vous le lis, je ne sais pas ce qu'il faut en penser, voilà :   Jean Paul n'a jamais existé, je l'ai oublié. Sache que de  toute ma vie, je n'ai vécu que quatre mois. Maintenant je dois partir. Je n'oublie rien. Ta voix. »


Voilà comment sa voix a disparu de ma vie et m'a fait disparaître à moi-même. Je sais que vous ne croirez pas à mon histoire, pourtant je me sens obligé de laisser cette lettre dans l'appartement, pour qu'on sache... Celui qui la trouvera la lira puis la donnera à qui il pensera utile de la donner. Je peux juste dire que je pars pour me retrouver.

* Phrase lue dans une nouvelle de Jacques Sternberg,  « l’inconnue »

19 septembre 2008

Je t’aime

penduleTic tac, tic tac, la pendule égrène les minutes. Quelle sera sa tactique avec Hélène ? Elle est là, devant lui, délicieuse, un bonbon sucré dans sa robe rouge, si frêle, si absente. Ne peut-il être aimé à première vue ? Il pense toujours à elle en écoutant Rêverie de Schumann. Fraîche, délicate, elle s'installe dans le fauteuil blanc, ses jambes se croisent et se décroisent, pendant que ses yeux interrogateurs se posent sur lui. Que va-t-il lui dire ? Le moins possible ? Enfant, déjà, il ne parlait pas, il assistait aux conversations, muet, enfermé dans son bégaiement. Il se souvient de cette litanie de petites vexations remâchées depuis 20 ans. Mais il y a Hélène et sa robe rouge, si lisse, si tendre qu’il voudrait l’effeuiller pour découvrir le cœur de son corps. Rêverie de Schumann… Hélène n'est-elle qu'un rêve ?

Il revoit sa mère sagement assise au piano, sur le tabouret vernis. La seule qui ne lui reprochait rien. Elle lui souriait toujours avant de jouer, puis elle posait son regard doux sur le clavier qu'elle semblait caresser. Quand elle ne jouait plus, son sourire disparaissait et ses yeux reflétaient  déserts et solitudes. Son bégaiement est-il une fatalité ? Sa vie elle-même est-elle une fatalité ? Hélène regarde moi, devine-moi Hélène, je suis à toi Hélène, j’ai besoin de toi Hélène. Il doit le lui dire, maintenant. Il le faut, trois mots simples « Je t’aime » que ses lèvres n’ont jamais su former.

* photo vue sur le blog : http://www.pendulantic.com

18 septembre 2008

Le boudin noir

boudinpommesSa mère préparait le repas dans la cuisine pendant qu’il regardait l’album de photos qu’elle avait sorti à sa demande. Il tournait les pages, pensif. Toute son enfance était rangée  chronologiquement dans cet album format A4. La photo qu’il préférait, c’était celle qu’on avait prise de lui, à la maternité ; celle où sa mère le regardait avec des yeux tendres, sans doute la première et la dernière fois où elle l’avait regardé ainsi.

De la cuisine, sa mère lui cria que c’était prêt et il referma l’album d’un coup sec. Quand il ouvrit la porte,  une odeur de friture le saisit à la gorge. En voyant son assiette sur la table il comprit : sa mère y avait disposé un morceau de boudin noir qu’une compote de pommes recouvrait légèrement. Il ne put s’empêcher de dire catastrophé.

- Oh non, pas du boudin noir ! C’est le cauchemar du végétarien ! Tu veux ma mort ou quoi ?
- Comment ? Tu es devenu végétarien ?
- Mais je te l’ai dit  au téléphone !

Elle secoua la tête énergiquement, soutint qu’il ne lui avait jamais rien dit de la sorte et conclut.

- De toutes façons, toi et moi, on s’est jamais compris !

Soudain, il eut un haut le cœur et  sortit de la cuisine précipitamment. Sa mère regarda son assiette, l’air désolée.

- Quel gâchis, articula-t-elle, du boudin que j’avais acheté spécialement pour lui !

* photo vue sur le site http://www.cuisine-lyonnaise.com

17 septembre 2008

Le cadeau d’anniversaire

J’ai acheté un cadeau d’anniversaire à mon mari, une vareuse. Il y a longtemps qu’il en voulait une, ça lui faisait plaisir. J’aime bien lui faire plaisir, parfois.
- Prends-moi une grande taille, du XL ! C’est ce qu’il m’a dit.
Alors moi, j’ai fait comme il m’a dit, j’ai pris du XL, je n’aurais pas dû.
Quand il l’a essayée, à la maison, les manches étaient tellement longues qu’on aurait dit qu’il avait rétréci au lavage, ça m’a fait un choc. En le voyant si petit, perdu dans sa grande vareuse de marin des villes, j’ai eu une révélation, je ne sais pas encore très bien laquelle, mais  quelque chose a changé…
Comment peut-on à ce point se tromper sur sa propre taille ?

16 septembre 2008

Le petit déjeuner est servi

- Le petit déjeuner est servi !

Elle ne se levait que lorsqu’elle entendait  crier cette phrase dans le jardin de la maison familiale où ils avaient coutume de passer leurs vacances d’été. Le petit déjeuner était toujours servi dehors, quand il faisait beau, mais jamais par elle. Elle préférait paresser dans son lit à se remémorer les hommes qu’elle avait « eus », humant l’odeur de pain grillé qui arrivait jusqu’à ses narines. Elle se levait au dernier moment. Quand elle s’asseyait à table, son frère la regardait toujours d’un air mauvais, mais elle s’en contrefichait ; elle savait qu’il était jaloux de ses conquêtes qu’elles alignaient comme autant de papillons épinglés dans sa collection estivale.
Ce matin-là, elle arriva la dernière, comme d’habitude, et elle fut accueillie par une remarque acerbe de son frère.

- Il y a les « Tout Pour Ma Gueule » et puis il y a les autres ! 

Elle ne releva pas, dit bonjour, s’assit et saisit une tartine qu’elle beurra lentement, d’un air détachée. Elle entendait le murmure des voix mais ne participait pas à la conversation. Elle voulait encore savourer son aventure de la veille, un homme qu’elle avait rencontré au « Bar du port ». Il l’avait raccompagnée chez elle, tard dans la nuit, et leurs bouches ne s’étaient quittées qu’à trois heures du matin. 
Est-ce qu’elle le reverrait celui-là ?

- Putain, mais fais attention ! Cria son frère à son adresse.

Elle regarda sa tartine et se rendit compte qu’elle était entrain de beurrer sa main gauche. Elle  posa le pain sur la table, sourit bêtement et s’essuya la main.

- Tu as l’air fatiguée ma petite fille, remarqua sa mère.
- Forcément, hurla son frère, elle passe ses soirées à baiser ! Putain, mais vous êtes tous aveugles ou quoi ?

Elle pâlit. On entendait juste le bruit des cuillères dans les bols et le soleil matinal s’amusait à glisser au travers des branchages. Rien ne fut prémédité, mais au moment où elle vit son frère se lever de table, elle se décida à  lui porter l’estocade.

- Et alors, qu’est-ce que ça peut te foutre ? Baiser c’est quand même mieux que se branler tout seul dans sa chambre !

A partir de ce jour-là, il ne lui adressa plus la parole. C’était il y a 20 ans.

* nouvelle écrite à partir d'une consigne des "impromptus littéraires"

14 septembre 2008

Toute rencontre est le début d’une séparation

Toute rencontre est le début d'une séparation ! Evidemment, quand elle le lui avait dit lors de leur première rencontre au café de l’Echiquier, ça l’avait un peu surpris, surtout qu’il ne lui avait rien demandé, à part un stylo. Puis, par désœuvrement, il s’était retrouvé assis à sa table, l’observant entrain de lisser compulsivement le bout de l’une de ses longues mèches brunes entre ses doigts. Ce qui lui avait tout de suite plu chez cette fille, c’est qu’elle aussi avait un tic, différent du sien, mais elle en avait un. Il se demandait encore pourquoi il s’était laissé aller à la confidence et  avait fini par lui dire – sans qu’elle ne lui demande rien d’ailleurs - que lui aussi avait un tic et que ce tic lui faisait préférer les échanges virtuels aux échanges réels. Elle avait alors répondu, comme si elle pensait à autre chose.
- Toute rencontre est le début d’une séparation  ! C’est un proverbe japonais, précisa-t-elle.
Il n’avait pas su quoi ajouter, mais il se faisait maintenant la réflexion qu’on ne se méfiait jamais assez des petites phrases dites lors des premières rencontres ; certaines sonnent comme des devises et signent le destin de deux êtres. Il se souvenait que Ana, sa première amante virtuelle, avait terminé son deuxième mail par :
Je ne peux jamais aller très loin avec les hommes.
Il devait convenir qu’elle  l’avait  averti !
Seulement, il avait un défaut, sa ténacité, et les difficultés l’avaient toujours stimulé. Avec la fille du café de l’Echiquier, ils sortirent trois mois. Ils se voyaient tous les mardi, de 20 heures à 22 heures, chez Pascaline, pour manger, parler de tout et de rien – surtout de rien - puis il la raccompagnait chez elle, rue Ganterie. C’était le moment qu’il préférait car il essayait alors de la connaître autrement, sous la porte cochère du numéro 28,  le seul endroit intime qui lui permettait d’apprendre son corps. Ses mains s’égaraient ici ou là et sa langue tentait  de forcer en douceur le barrage de ses lèvres. Comme elle se montrait peu sensible au ballet de ses mains, il n’allait jamais vraiment très loin, tout en s’exaspérant un peu de sa froideur. Pourtant,  cette mise à l’épreuve l’excitait plus qu’elle ne le désolait, et il ne désespérait pas de coucher avec elle. Ce mardi  27, dernier mardi du mois qui couronnait le troisième mois de leur rencontre, elle l’invita chez elle.
- Non, ce soir on ne va pas chez Pascaline ! Pour fêter nos trois mois de rencontre, Je t’ai préparé  un repas japonais, lui annonça-t-elle en souriant.
Cette décision était si soudaine qu’il ne put s’empêcher de la trouver étrange, mais il accepta. Son appartement était situé au dernier étage d’un vieil immeuble et un petit escalier en bois y conduisait. Arrivée devant la porte, elle sortit sa clef, la tourna dans la serrure, ouvrit la porte et le fit entrer en lui  prenant la main. Elle le conduisit jusqu’à une  table basse où tous les mets étaient déjà disposés. Puis, sans qu’il s’y attendît, elle l’embrassa d’une façon insolite bien qu’agréable. Elle finit par détacher sa bouche de la sienne et lui dit dans un souffle.
- Sers-toi, ne m’attends pas, je reviens.
Cinq minutes avaient déjà passé et elle n’était toujours pas revenue, aussi suivit-il son conseil et commença-t-il à manger un sushi, puis un autre. Elle refit son apparition au moment où il avalait une bouchée. Il faillit s’étrangler car elle était presque nue, juste couverte  d’un léger voile de tulle vert. Gêné, il ne sut quoi dire. Elle lui enjoignit de rester assis et de continuer à manger, ce qu’il fit docilement. Ils parlèrent peu. Après le plat principal elle annonça simplement.
- Ton dessert, c’est moi, viens ! Et elle lui désigna le canapé.
Il l’enlaça sans plus attendre mais fut vite embarrassé de ce tic qui faisait son apparition aux moments les plus intimes. Elle sembla s’en accommoder et, passée la première gêne, leurs corps s’emmêlèrent ; il eut même la satisfaction de l’entendre gémir. Il se sentait prêt à rester en elle toute la nuit, jusqu’à plus soif, mais elle se dégagea brusquement et lui annonça, en se redressant nue et fière, telle une amazone prête à bander son arc.
- Maintenant, pars !
Malgré sa surprise, il protesta.
- Tu es folle, on vient juste de  faire l’amour et  tu me renvoies comme un  malpropre…
- Ecoute je t’ai prévenu la première fois : toute rencontre est le début d’une séparation ! Prends tes affaires et pars immédiatement !
En deux minutes, Il se retrouva à la porte de chez elle, penaud, ses chaussures à la main. Il s’assit sur une marche et attacha patiemment ses lacets tout en essayant de ne penser à rien. C’est à ce moment-là qu’il entendit de profonds sanglots de l’autre côté de la porte, mais il se garda bien de frapper, une « gifle » lui avait suffi !
Quand il se retrouva dans sa chambre, dans ce lit que personne d’autre ne connaissait à part lui, il souleva de mémoire le tulle vert qui voilait le corps de Marie – c’était son prénom et elle le lui avait caché jusqu’au dernier soir – et il refit en rêve le  voyage de son corps…

13 septembre 2008

Un nouveau texte pour Carla Bruni - Sarkozy

Je suis tombée par hasard, sur cette chanson  de Brassens - « Fernande » -  interprétée par Carla Bruni du temps où elle n’était pas encore  femme de Chef. Il paraît qu’on lui « avait déconseillé » de  chanter « Fernande ». Je me suis dit qu’en toute modestie, j’allais lui écrire, sur la même musique, de nouvelles paroles – inspirées de celles de Brassens - afin que le texte fasse vraiment corps avec sa vie d’épouse de Chef.
Ah, si  Madame Bruni - Sarkozy n’avait pas déjà enregistré son  disque, peut-être aurait-elle accepté mon humble  participation ! Mais je ne désespère pas de l’entendre  entonner cette « antienne femelle » dans un avenir proche…

Pouvoir

Une manie de jouvencelle
Moi j'ai pris l'habitude
D'agrémenter ma solitude
Aux accents d’une ritournelle

{Refrain}

Quand je pense à mon père !
je baille je baille
Quand je pense au mariage
Je baille aussi
Quand j’pense au père Noël
Mon Dieu j’baille de plus belle
Mais quand j'pense au Pouvoir
Là je ne baille  plus
Piloter l’Elysée
Ça c’est bien mieux qu’baiser.

C'est cette ardente  ritournelle
Cette antienne femelle
Qui retentit dans la cervelle
De notre ambitieuse donzelle.

{ Refrain}

Et pendant l’acte conjugal
Comme elle est un peu triste
Chante ainsi notre belle artiste
Pensive sur son lit nuptial

Refrain

Elle a grimpé tous les barreaux
Réussi son parcours
Et parée de tous ses atours
Elle jouit de ses nouveaux vassaux

11 septembre 2008

Rien ne sera plus comme avant

Paulolobo Il y avait cette photo qu’elle observait et ce silence omniprésent. Si elle ne disait rien, le silence finirait par la retenir dans son ombre. Elle ne se sentait pas prisonnière, non, mais elle aurait préféré que quelqu’un parle. Elle faisait du rangement, lui, elle ne savait pas ce qu’il faisait, elle ne s’y intéressait plus vraiment. Pas le courage.
En ouvrant l’album de photos, elle en saisit une, la brandit et dit à voix haute.

- Tu te souviens de ce manège, il tournait tellement vite ! Je criais  et toi tu avais passé ton bras autour de mes épaules et tu avais dit « N’aie pas peur, je serai toujours là ! »  Tu te souviens ?

Elle savait qu’il ne répondrait rien et elle continua son monologue, sans le regarder ; elle ne le regardait presque plus ces derniers temps, c’était trop éprouvant. Ses yeux le traversaient sans le voir.

- Et puis quand on est descendu, tu m’as emmenée loin de la foule et on a marché, on a marché longtemps pour aller dans ce pré, tu sais, là où il y a la rivière. C’est drôle de marcher la nuit, on ne suit jamais une ligne droite. Je marchais en zigzaguant et je riais comme une folle, je crois que j’avais un peu bu. Quand nous sommes arrivés au pré, tu as soulevé le barbelé et tu m’as dit d’un ton qui n’admettait aucune réplique « Viens ! » Moi je ne voulais pas y aller. Tu te souviens ?

Seul le silence lui répondit. Regardait-il la télévision ou était-il encore enfermé dans ses pensées. Elle continua.

- Alors tu m’as pris par la main et tu m’as redis « Viens ! ». Moi, je savais déjà pourquoi tu avais pris ce chemin-là et je crois que j’avais peur. Pourtant je t’ai suivi et rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé. Ensuite tu m’as raccompagnée chez moi, il était tard... J’avais les cheveux en désordre, les jambes humides, et du sang avait séché sur ma peau. J’ai eu peur de rentrer. S’ils avaient compris ? Mais  la maison avait fermé ses yeux depuis longtemps. Je me suis enfermée dans la salle de bain et je me suis lavée, longtemps, jusqu’à ce que je sois sûre qu’il n’y ait plus de traces.

Quand elle s’arrêta de parler, il ne bougea même pas sa tête. L’entendait-il ? Elle regarda à nouveau la photo et conclut.

- Je t’aimais… toi aussi tu m’aimais, mais on ne s’est jamais aimé pareil. Et maintenant…

 
Elle s’essuya rapidement les yeux, rangea la photo et continua à feuilleter l’album, comme si de rien n’était, mais rien ne serait plus comme avant. Dans une heure, elle déplierait la banquette pour qu’il se couche et il la regarderait faire, comme tous les soirs, de ses yeux inexpressifs. Où était-il maintenant ? Il vivait dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Elle lui caresserait la tête, comme tous les soirs, mais ses mains le faisaient par habitude, elles ne l’aimaient plus comme avant.
Puis elle éteindrait la lumière de la salle à manger et elle monterait se coucher seule dans la chambre qui était la leur, au premier étage. Elle mettrait son réveil à sonner à huit heures. L’infirmière arrivait à 8 h 30 pour sa toilette et il faudrait lui ouvrir la porte.


Rien ne serait  jamais plus comme avant.

* photo gentiment prêté par Paulo Lobo du blog Voyage en suspens.

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