Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Presquevoix...
Archives
3 mars 2009

La rumeur (gballand)

Son chef de service l’arrêta dans le couloir alors qu'elle cherchait à l’éviter, comme d’habitude ; elle n’avait jamais aimé les chefs.
- Madame Duval, j’aurais quelque chose à vous dire.
-   Oui, répondit-elle, étonnée qu'il lui adresse la parole.
-  Monsieur Marchal m’a dit que vous aviez dit que j'étais un con !
Elle le  regarda médusée. Que pouvait-elle lui répondre ? Elle choisit le profil bas.
- Je vous assure que je n'ai jamais dit ça M. Dumontier, vous pouvez me croire !
Elle avait jugé que le "vous pouvez me croire" serait du meilleur effet.
- Si vous ne l'avez pas dit, vous l'avez pensé, je l’ai toujours lu dans vos yeux.
- Vous interprétez M. Dumontier, vous croyez lire dans mes yeux que je pense que vous êtes un con, alors que je n’ai jamais dit que vous étiez un con !
- Vous venez quand même de le dire deux fois !
- Pour clarifier les choses, répondit-elle agacée.
Il tourna les talons et s'engouffra dans son bureau en claquant la porte derrière lui. Cette porte, il la claquait au nez de son avancement, elle le savait Et à moins d'un recours auprès du  chef en chef, elle était cuite. Il fallait qu’elle parle à cet abruti de Marchal. Depuis qu’elle lui avait retourné une gifle après une réflexion sexiste à son égard – « Voilà un petit cul à qui je ne dirais pas non » -  il lui menait une vie noire.

28 février 2009

L’homme du Paris-Bordeaux (gballand)

Je suis un homme vague*, lui avait-il dit alors qu’ils conversaient agréablement dans un compartiment de première classe d’un train qui les menait vers Bordeaux. Elle avait simplement hoché de la tête, comme elle savait si bien le faire depuis son enfance. Avant que le train n’arrive en gare, il lui avait demandé son numéro de téléphone et son adresse et elle les lui avaient donnés.

Trois jours après son retour, on sonna à l’interphone. Elle entendit distinctement une voix qui disait « Bonjour, c’est moi, l’homme du Paris-Bordeaux. » Elle revit ses yeux clairs et  son visage carré aux traits presque durs. Elle hocha la tête, comme elle le faisait depuis son enfance et elle appuya sur le bouton de l’interphone.


Aujourd’hui encore, elle se souvient de cette porte qu’elle avait ouverte. Jamais plus elle ne  la refermerait.

* phrase tirée d’un roman de Fred Vargas

25 février 2009

Obsession (texte de gballand)

Ma femme était belle et douce, je l’aimais d’un amour particulier. Depuis que nous nous étions mariés, un an plus tôt, je ne pouvais m’empêcher de la surveiller de façon obsessionnelle. Elle sortait, je la suivais, elle téléphonait, je tendais l’oreille ; elle s’enfermait dans la salle de bain, je fouillais son sac. C’était devenu une habitude, j’étais son double, son ombre. Jamais elle ne me faisait une seule réflexion à ce sujet. Quand elle rentrait, je lui demandais où elle était allée et elle me racontait sa journée. Sauf mardi dernier où elle me répondit.
- Mais tu le sais bien !
Je répliquai le plus naturellement du monde.
- Comment le saurais-je ? J’ai travaillé ici tout l’après-midi.
Elle se contenta de sourire, de déposer un baiser sur mon front et, le soir, je m’endormis en elle.
Sans doute se lassa-t-elle d’être surveillée, et ce qu’elle prit au début pour une marque d’amour devint pour elle un supplice. Hier, elle était assise à la terrasse d’un café avec un homme. Elle dut m’apercevoir puisqu’elle me fit un signe. Je ne pus faire autrement que d’aller vers elle. L’homme assis à sa table était quelconque, il portait un costume foncé et ses cheveux grisonnants donnaient à son visage un air paisible.

- Jean, dit-elle d’une voix calme, je te présente mon futur amant.
L’homme qui l'accompagnait ne broncha pas.
- Paul sera mon amant cette après-midi, ajouta-t-elle. Je préfère t’avertir. J’ai loué une chambre à l’hôtel de la cathédrale, à 16 heures. Je rentrerai  tard, ne m’attends pas.

Je crois que je suis parti sans rien dire, je ne me souviens plus. J’ai passé une fin d’après midi infernale à les imaginer en train de faire l’amour. J’entendais même leurs râles et je dus me boucher les oreilles. Ce soir-là, elle revint beaucoup plus tard qu’à l’habitude. Je fis semblant de rien. Elle aussi. En la voyant s’endormir de façon  sereine alors que l’insomnie me terrassait, une idée me vint ; et je savais que je ne trouverais la paix que lorsque je serais passé à l’acte : il me fallait la tuer.

24 février 2009

L’entretien (texte de gballand)

- Pour être franc, je n’ai pas vraiment de questions à vous poser * mais …
Et à ce moment-là, il la dévisagea d’une façon étrange. Afin d’éviter de rencontrer ses yeux, elle fit mine de chercher quelque chose dans son sac. Allait-il lui demander si elle avait l’expérience de la chose ?
- En fait, je me demandais si vous aviez déjà fait ça auparavant, vous me paraissez bien jeune pour ce genre de métier.
Devait-elle lui dire la vérité ou lui débiter la phrase toute faite qu’elle avait apprise par cœur le matin-même ? 
- J’ai déjà eu une expérience dans la profession, mais à Londres, alors je n’ai pas vraiment de lettres de recommandation.
- Parfait, parfait, l’interrompit-il soulagé, je n’ai aucune raison de ne pas vous croire.
Vous commencerez demain. Bénédicte vous montrera votre loge et vous indiquera ce que vous devez faire. Quant au reste, c’est à vous de juger jusqu’où vous pouvez aller…
Puis, il se leva et lui tendit une main molle dont elle garda longtemps le souvenir...

* phrase extraite de l’énigmatique  nouvelle  deYoko Ogawa, l ‘annulaire

22 février 2009

L’accent (texte de gballand)

Un matin, elle se réveilla avec l’accent américain. Au début, elle ne le remarqua  pas, c’est son mari qui le lui signala, l’air agacé.
- Arrête de prendre cet accent s’il te plaît, surtout celui-là !
- Quel accent ? répondit-elle étonnée.
Pourtant, ni l'anglais, ni l'Amérique ne lui étaient familiers ; à n’y rien comprendre ! Le médecin se déclara impuissant à vaincre son accent et lui conseilla de prendre son mal en patience. Il avait même ajouté « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » Elle avait pensé en son for intérieur qu’il se moquait certainement d’elle.
Sur les conseils d’une amie, elle alla voir un psychanalyste renommé. Il l’écouta patiemment et, à la fin de son histoire, il lui dit posément.
- Je ne peux rien pour vous, désolé.
Excédée par sa réponse, elle s’entendit lui riposter avec une aisance désarmante.
- You’re a fucking ass hole* !
A partir de ce jour-là, elle ne s’exprima plus qu’en anglais et rien ne put la faire changer de langue. Son mari, qui ne comprenait ni ne parlait l’anglais, la quitta ; et son patron, dont l’entreprise exportait essentiellement vers l’Europe du Sud, la licencia. Ce départ et ce licenciement ne semblèrent pas l’affecter outre mesure, c’était comme si on la débarrassait de vêtements trop étroits.
Un mois plus tard, elle partait pour New York avec pour tout bagage un minuscule sac à main.

* Vous êtes un foutu connard ( traduction approximative )

20 février 2009

La courte échelle (texte de gballand)

« Fais-moi la courte échelle, il faut que je vérifie un truc ! », C’est ce qu’elle lui avait dit la première fois qu’elle lui avait vraiment parlé. Est-ce qu’on demande ça à un garçon la première fois  ? Il n’avait pourtant pas refusé et avait placé ses mains tout contre le mur afin qu’elle puisse se hisser. Il faisait beau, une brise légère agitait les feuillages et, pendant qu’elle regardait de l’autre côté du mur, lui regardait ses jambes blanches qu’il aurait bien aimé caresser.
- Je t’ai pas demandé de regarder mes jambes !
Comment avait-elle su ? Et elle avait rajouté comme par provocation.
- Mais si ça t’amuse,  te gêne pas !
Il avait rougi. Juste après, elle avait poussé un cri de surprise et avait dit d’un ton dépité.
- Ils font l’amour !
- Qui ?
- Lui et elle.
- Tu les connais ?
- Lui, oui.
C’est tout ce qu’elle avait daigné lui dire.
- Aide-moi à descendre, avait-elle ajouté d’un ton sec, j’en ai assez vu pour aujourd’hui.
Une fois à terre, elle l’avait regardé droit dans les yeux en lui demandant.
- Je te plais ?
Il avait répondu que oui, sans oser fixer ses yeux clairs.
- Alors fais-moi l’amour !
- Maintenant ? Avait-il articulé la gorge sèche.
- Oui ! C’est  maintenant ou jamais !
Et, les yeux brillants, elle s’était collée contre le mur.

PS : texte écrit à partir d’une consigne du blog des « impromptus littéraires ».

18 février 2009

Disparition (texte de gballand)

Ils étaient dans la cuisine entrain de terminer leur repas quand elle remarqua amusée.

- Tu vois, quand je te dis quelque chose, je devine immédiatement ce que tu vas me répondre.

Il resta silencieux un instant, comme s’il analysait ce qui se cachait derrière ses paroles, puis répondit.

- Alors je vais pouvoir disparaître.

Elle l’observa en se demandant s’il était sérieux. Le lendemain soir, elle l’attendit jusque tard dans la nuit, mais il ne rentra pas. Elle pleura beaucoup.  Le lendemain, elle avertit la police. Un mois  plus tard, un homme s’installait chez elle, quelqu’un qu’elle présenta à son fils comme son nouveau compagnon.


Un an plus tard, on sonna à la porte de chez elle. Elle ouvrit ; c’était son mari. Il avait beaucoup changé. Après l’avoir dévisagé, elle déclara d’une voix neutre qu’elle n’avait besoin de rien et elle referma aussitôt la porte.

17 février 2009

Le choix (texte de gballand)

On ne choisit pas de vivre, mais on peut choisir de mourir, c’est ce qu’elle se disait en regardant la fine lame de rasoir qu’elle tenait entre ses doigts. Elle voyait bien qu’elle les décevait tous. La nuit commençait à tomber et sa mère ne rentrerait qu’à 22 heures, elle avait tout le temps de se taillader les veines. Il lui fallait juste du courage. Elle fermerait les yeux, comme quand elle écoutait Bob Marley.

Fermer les yeux le plus longtemps possible, voilà ce qu’elle voulait. Et puis elle resterait allongée sur le carrelage blanc de la salle de bains et quand sa mère rentrerait, elle la trouverait là, inanimée, livide, avec cette tache rouge étalée sur le sol. Sûr qu’elle tournerait de l’œil. Sûr qu’elle se culpabiliserait. Sûr qu’elle appellerait son père et peut-être qu’il ferait quelque chose pour elle, lui qui ne l’appelait plus.

16 février 2009

Le tableau (gballand)

Il regardait le tableau qu’elle avait accroché au-dessus du piano d’un air mauvais.

- Alors ? lui dit-elle en souriant.
- Alors c’est une croûte !
- C’est peut-être une croûte, mais moi il me plaît bien.
- Si tu le dis !
- C’est ce que ta mère a fait de mieux. Rien à voir avec la boite de chocolat qui lui a servi de modèle !
- Un coup de bol, insista-t-il, il faut dire que par rapport à ce qu’elle peint d’habitude…

Et il partit. Elle resta longtemps à méditer face au tableau. Bien sûr qu’il était imparfait, bien sûr qu’il y avait un manque de technique évident, mais il parlait : l’inconscient  rôdait dans la forêt sombre où la petite fille vêtue de blanc semblait s’être perdue sans pourtant montrer la moindre frayeur sur son visage. Il y avait là quelque chose d’authentique, quelque chose que la mère de son mari n’avait jamais dit quand elle ressassait son enfance au fil des repas familiaux. Dans ce tableau-là, un drame se jouait, un drame qui avait été saisi rétrospectivement, dans toute la naïveté d’un pinceau novice.
Même si le tableau ne lui plaisait pas, elle le laisserait à cette place-là. Son mari finirait bien par s’y habituer.

15 février 2009

Achtung ! (texte de gballand)

Il avait emmené sa femme skier en Autriche, mais elle ne parlait pas l’allemand. On lui avait dit que là-bas, la neige était belle et fraîche et que les traditions étaient toujours vivantes. Logés dans un petit chalet blotti dans la  montagne, ils goûtaient tous deux les charmes de l’hospitalité autrichienne. Le matin, ils chaussaient lesurs skis à 9 h 30 tapantes et s’élançaient sur les pistes  de fond. C’est toujours elle qui skiait devant ; elle faisait preuve d’une résistance remarquable.
Le matin du quatrième jour, il glissait tranquillement sur une petite pente douce quand il entendit sa femme crier.


-  C’est quoi « ACHTUNG* ! » ?

Il répondit sans hésiter.

- TOUT DROIT  !

Aucun cri ne lui parvint. Arrivé devant le panneau ou « Achtung » s’étalait en lettres noires, il s’avança précautionneusement et, en voyant la profondeur du précipice, il eut un étrange sourire. Il fit demi-tour et skia tranquillement vers l’hôtel en essayant de   composer un masque d’inquiétude sur son visage placide. Dans une demi-heure, il arriverait au village et, même si les secours partaient immédiatement, il ne la reverrait certainement pas vivante.

* « Achtung » signifie « attention »

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés