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Presquevoix...
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9 septembre 2009

Le divorce (gballand)

Ce samedi-là, à 20 h précisément, il sortit de chez lui en bleu de travail et entra dans son garage d’un pas décidé. Il réapparut en brandissant une tronçonneuse dans sa  main  droite et en criant à plusieurs reprises « Elle va voir ce qu’elle va voir ! Elle va voir ce qu’elle va voir !… » accompagnés de rires hystériques. Puis, il disparut aussi sec à l’intérieur de sa maison. Quand la police interrogea le voisin, celui-ci raconta que la tronçonneuse s’était mise en marche dès 20 h 15 pour ne plus s’arrêter qu’à  minuit, d’où le coup de téléphone et la plainte.
En se rendant sur les lieux, la police avait retrouvé l’homme au bleu de travail assis dans sa salle à manger, en sueur, à côté de sa tronçonneuse. La pièce était sens sus dessous, avec des rivières de sciure sur le carrelage blanc. Le canapé, la table de la salle à manger, les six chaises et le buffet avaient  été coupés en deux parts égales. Les policiers n’avaient jamais vu ça.
Quand il demandèrent à l’homme la raison de son  acharnement  celui-ci répondit simplement :
- Elle voulait un partage des biens, la salope, elle l’a eu !

* inspiré très librement d’un fait divers lu dans  Libération ( 26/08/09)

6 septembre 2009

Le chapelier (gballand)

P1010086

Elle était d’abord tombée amoureuse de la vitrine du chapelier, puis du chapelier, comme si l’un ne pouvait aller sans l’autre. Si le chapelier avait eu un fils, elle serait peut-être tombée amoureuse de son fils mais tel n’était pas le cas. Le chapelier vivait seul et  n’avait pas eu d’enfants.
C’est lui qui lui avait fait signe d’entrer dans la boutique. Elle avait accepté, timidement d’abord, puis elle était passée tous les jours. Il lui parlait de chapeaux, elle lui parlait d’amour, de ses amours perdus. Lui parlait de ses chapeaux avec amour.
- Un amour qui ne s’est jamais démenti pendant 25 ans, crut-il bon de lui préciser.
Elle lui répondit que 25 ans de fidélité, c’était énorme, qu’elle, elle n’avait jamais réussi à être fidèle plus d’un an. Il sourit amusé. Cette jeune femme aurait pu être sa fille. Après un mois de visites quotidiennes ou presque, il voulut lui offrir un chapeau. Elle refusa. Il s’en étonna.
- Je n’accepte jamais de cadeaux matériels, précisa-t-elle, mais  vous pouvez m’offrir autre chose.
Il rougit. Que savait-il des femmes ? Ne les avait-il pas toujours un peu fui, préférant modeler des chapeaux pour leurs têtes graciles et laisser leurs corps aux mains des autres hommes ? Non, les femmes non.
Plus il résistait, plus elle insistait, le poussant dans ses derniers retranchements. Ne comprenait-il pas ? Elle finit par s’énerver :
- Je m’offre à vous et vous me repoussez ?
Il la regarda, presque effrayé :
- Je ne crois pas que… Enfin, vous méritez mieux que moi. Je suis juste bon à faire des chapeaux vous savez, alors que vous, vous êtes promise à de belles choses. Je suis sûre que vous seriez déçue et…
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Dépitée, elle sortit du magasin en faisant violemment tinter la petite sonnette.

PS : texte écrit à partir d’une photo de C. V.

3 septembre 2009

Les vœux (gballand)

Je n'obéis aux vœux de chasteté que lorsque je porte la soutane*, voilà comment je me suis justifié, mais ma hiérarchie n’a rien voulu entendre. On m'a demandé des comptes. J'ai répondu que tout homme avait des besoins et j’ai ajouté que Dieu, dans sa grande bonté, ne souhaitait certainement pas soumettre ses serviteurs à la torture de l'abstinence  24 heures sur 24. L'évêque m'a signifié que je péchais par vanité.
- Avec combien de femmes avez-vous forniqué mon fils ? m'a-t-il demandé.
J'ai refusé de répondre. L'évêque s'est fâché, moi aussi, le ton a monté et c'est là que Dieu est intervenu en prenant fait et cause pour moi. L'évêque n’en croyait pas ses oreilles. Dieu  a renvoyé l'évêque à la lecture des évangiles. Le problème, c'est qu'ensuite Dieu est parti et que je suis resté  seul…

* Phrase attribuée à Fernando Lugo, actuel président du Paraguay et ancien évêque.

1 septembre 2009

La décision (gballand)

falaiseIl avait contemplé les falaises pendant cinq jours. C’est en contre plongée qu’elles étaient le plus impressionnantes. Ce petit séjour à Etretat l’avait apaisé ; savoir qu’il y avait si peu de la vie à la mort était un baume sur sa plaie.
En haut de la falaise, à plusieurs reprises, il avait senti qu’il pourrait se laisser porter, comme ces oiseaux qui tournoyaient au large. Il lui suffirait d’ouvrir son imperméable, de laisser s’envoler les  pans de tissus qui lui tailleraient deux ailes grises et de penser à la mer qui aspirerait son corps.
Ces quelques jours passés au « Dormy house », campé sur  la falaise, avait été fort agréables. En d’autres temps, sa modeste solde lui aurait interdit cet hôtel de luxe.
  Il avait choisi l’une des chambres les plus chères, face à la mer, et avait même dîné chaque soir dans le restaurant panoramique qui offrait des menus aux mets raffinés. Non, il ne s’était privé de rien. Maintenant qu’il avait pris sa décision, l’argent ne signifiait rien.
Il sauterait le dernier jour, le vendredi, et n’avait qu’un regret, celui de ne pas avoir parlé à cette femme qui depuis trois jours s’asseyait seule dans la salle de restaurant, non loin de lui et qui, elle aussi, se promenait  sur les falaises revêtue d’un imperméable où le vent s’engouffrait  à plaisir.

PS : photo gentiment prêtée par Pierrick, du blog croklaphoto /

30 août 2009

La pilule euphorisante (gballand)

Pour la rentrée scolaire je me suis achetée une boite de pilules euphorisantes. C’est une amie qui, connaissant mon syndrome de pré rentrée,  me les a conseillées. Il me faudra au moins ça pour supporter le discours-fleuve - souvent déprimant - du proviseur, les collègues, les élèves, l’emploi du temps aux mailles souvent lâches  et j’en passe…
Mon amie m’a certifiée qu’il me suffira de prendre une pilule par jour pour nager dans la bonne humeur. « Tu ne le regretteras pas, et c’est complètement inoffensif. » a-t-elle cru bon d’ajouter devant mon air incrédule.
A la pharmacie, on m’a quand même conseillé de ne prendre qu’une demi-pilule au départ parce qu’il y avait déjà eu des cas – rares, certes, mais jamais anodins - de rires prolongés à la limite de l’hystérie. J’avoue que le discours du pharmacien m’a un peu refroidie mais j’ai quand même acheté la boîte. Tout, plutôt qu’une rentrée funèbre.
Je ferai d’abord l’essai chez moi, la veille de la rentrée, et si ça marche, j’en prendrai une par jour pendant un mois, sauf le week-end. Si ça ne suffit pas je continuerai jusqu’en décembre,  si ça ne suffit pas encore jusqu’en avril et si ça ne suffit toujours pas…

2 août 2009

Toi et moi (gballand)

Le temps que tu perds, ma pauvre fille, à te détester*! Il y en a eu d'autres avant toi des disgracieux, des malheureux… d'ailleurs toi, tu ne devrais même pas te plaindre, tu ne fais pas partie de ces catégories-là, tu es juste dans la moyenne. C'est la moyenne qui te porte au cerveau ?
Mais qu'est-ce que tu veux ? Te rendre malade de toi ? C'est déjà fait. C'est quoi l'étape suivante ? Te suicider ? Mais qui va s'intéresser à ton suicide à part toi ? Tu t'intéresses aux autres, toi ? Je sais ce que tu vas me répliquer : on ne peut pas aimer quand on ne s'aime pas. Mais ce ne sont pas les formules toutes faites qui vont "nous" sauver du suicide, hein ? Qu'est-ce que je pourrais te dire pour te faire réagir ? Pas un mensonge tout de même ? Pas à toi ? Tu me connais trop.
Je ne sais pas moi, sors de toi, va voir ailleurs si tu n'y es pas. Il n'y a rien de pire que de s'enfermer. Ouvre les volets, reste un peu à la fenêtre, dis bonjour aux voisins, souris-leur, parle-leur… tiens, c'est bien ça, de parler. Au début, dis des choses banales et après le reste viendra. C'est en parlant qu'on s'oublie et franchement, je crois que le mieux que tu puisses faire, c'est t'oublier un peu, juste le temps de te rendre compte que la vie n'a de couleurs que celles dont on veut bien la vêtir.

PS : phrase extraite du livre "le Psychanalyste" de Leslie Kaplan

31 juillet 2009

La messe d’enterrement (gballand)

( texte largement inspiré d’une conversation que j'ai eue, il y a quelque temps, avec ma voisine )

Madame B :
Ah c’était un bel enterrement, je vous jure. Quand je pense que sa sœur de 94 ans est allée toute seule jusqu’à l’autel, raide comme un piquet, si c’est pas beau ça, quelle santé ! Ah elles s’entendaient bien  les deux sœurs, toujours ensemble, mais c’est celle de 97 ans qui est partie d’abord. Normal, elle était plus âgée. Et  la musique, vous auriez dû entendre ça, c’était beau comme un oiseau qui vole dans une église. Je crois bien que c’était un opéra grégorien, j’avais encore les notes qui résonnaient dans ma tête quand je suis sortie de l’église. J’ai jamais vu d’enterrement aussi beau, même celui de mon mari, pourtant j’avais payé cher, je vous dis ça en anciens francs, mais c’était 150 000 francs, et on était resté qu’une heure dans l’église. Là, deux heures ! Ça a dû lui coûter cher. J’ai pas vu passer l’après-midi, on est sorti à 17 heures. Ah elles ont pas eu une vie facile les deux sœurs, elles sont parties de rien, mais à l’époque c’était comme ça. Pas comme maintenant ! Si c’est pas malheureux tous ces jeunes qui volent et qui se droguent et qui boivent ! Ils le disaient l’autre jour à la télé ! Ah, ils ont bien raison de mettre le couvre-feu…

Moi :
Vous m’excuserez Madame B, mais je dois aller préparer le repas, sinon on ne va jamais se mettre à table. Allez, bon dimanche…

25 juillet 2009

Une demande inattendue (MBBS)

Eduard reposa le combiné, songeur. Cela faisait au moins vingt ans qu’il n’avait pas eu de nouvelles d’Emilie, sa petite amie de l’époque et ce soir, elle l’appelle. Elle avait glissé dans la conversation qu’elle était divorcée depuis une année et qu’elle avait eu envie de reprendre contact, que les souvenirs partagés étaient si tendres et qu’elle avait gardé une si bonne image de lui qu’elle avait fait les recherches pour le trouver et désirait le rencontrer. Il avait hésité car lui, n’avait pas oublié la façon dont ils s’étaient séparés et ses souvenirs à lui étaient un peu moins positifs que les siens mais histoire d’en avoir le cœur net, il avait accepté de la rencontrer le mardi suivant vers les 19h30, au restaurant « la Cambuse » au bord du lac.

Ce mardi, jour de leur rendez-vous, il était un peu nerveux. Vingt ans, cela marque son homme, ses cheveux étaient plus rares, son ventre un peu plus rebondi qu’autrefois et même s’il n’avait aucune envie de reprendre leur histoire là où elle s’était terminée, il ne pouvait s’empêcher d’avoir des petites palpitations à l’idée de la revoir. A 19h30 précise, il parqua sa voiture dans l’arrière-cour du restaurant et se dirigea vers la terrasse. Ce début de soirée était agréable, une légère brise apportait un peu de fraîcheur à l’air ambiant, sa journée avait été positive et les affaires marchaient bien. Il se sentait bien. On le conduisit à sa table, visiblement, Emilie n’était pas encore là mais il se souvenait qu’elle avait toujours un quart d’heure de retard, c’était systématique et il avait à l’époque, renoncé à la faire changer. Il se commanda un verre de blanc et attendit, admirant le paysage qui s’offrait à lui. Il aimait ce restaurant, il emmenait souvent ses clients déjeuner là car la cuisine était simple et délicieuse, le patron presque un ami et les serveurs discrets et efficaces. Quand une main se posa sur son épaule il sursauta. Elle était là, elle avait peu changé si ce n’est quelques ridules au coin des yeux mais ses yeux démentaient le sourire qu’elle voulait joyeux. Elle portait un ensemble pantalon qui lui allait à ravir et qui mettait en valeur sa taille fine, ses cheveux bruns étaient coupés courts et elle était à peine maquillée, elle était très belle. Il se leva, ils s’embrassèrent comme deux amis contents de se revoir, elle s’assit, commanda également un verre de vin blanc et un silence s’installa. Il observait ses mains, qu’elle serrait et desserrait nerveusement et comme elle ne disait rien il prit les devants.

- Cela fait longtemps…

Elle rit en répondant que oui, cela faisait exactement 19 ans et 7 mois. Un peu surpris par cette précision, il lui demanda ce qu’elle avait fait durant toutes ces années.

- Je suis partie m’installer à Sainte-Croix, je sais c’est un peu paumé comme ville mais l’industrie horlogère cherchait de la main-d’œuvre, ils offraient des bonnes conditions de travail et des facilités de logement. J’y suis restée dix ans puis mon entreprise m’a offert la possibilité d’une formation de responsable, j’ai été mutée à Neuchâtel à la maison mère, j’ai gravi les échelons petit à petit et j’ai un bon poste.

- Tu m’as dit être divorcée, tu as été mariée longtemps ?

- Dix ans, je me suis mariée tard, j’étais trop occupée à gérer ma carrière pour songer à fonder une famille mais l’horloge biologique interne des femmes étant ce qu’elle est, si je voulais avoir des enfants, il fallait que je trouve le père. Jean était un mari gentil mais après cinq ans de vie commune, nous avons été consulter pour comprendre pourquoi je n’arrivais pas à être enceinte. Mon mari était tout simplement stérile.

Le serveur vint prendre la commande. Cela leur laissa un instant de répit et l’occasion de changer de sujet, sujet qui, Eduard le sentait, semblait être douloureux.

- J’ai suivi ta carrière de loin, tu sais. Ton nom apparaît parfois dans les journaux. Et toi, es-tu marié ? Des enfants ?

- Oui aux deux questions. Deux filles, Jade qui a 15 ans et Coralie qui en a 13.

La terrasse se remplit progressivement, l’air était doux et Eduard se demandait toujours pourquoi elle avait demandé à le rencontrer. Finalement il se décida.

- Je vais être direct, je me demande pourquoi tu as cherché à me revoir ? Après si longtemps et surtout après la façon dont nous nous sommes quittés, si tu te souviens…

Emilie baissa les yeux sur son assiette, soudain très nerveuse.

- J’ai une demande particulière, j’ai eu 40 ans en avril, si je veux avoir des enfants c’est le dernier moment, je ne peux plus attendre…

Elle redressa la tête et le regarda dans les yeux.

- J’aimerais que tu me fasses un enfant !

Le moment de stupeur passé, il réagit.

- Mais tu es folle, un enfant ? Comment peux-tu imaginer que je puisse être d’accord. Et je suis marié je te rappelle et je ne vais pas foutre en l’air ma famille pour cette idée complètement…dingue.

-Ne t’énerve pas, je sais que ma demande est perturbante, je pourrais baiser le premier mec venu mais je me disais qu’un enfant de toi serait merveilleux.

- Oublie, tu entends, oublie ! Tu es belle, cherche-toi un autre compagnon mais ne compte pas sur moi.

- Mais…

- Non, oublie.

- Dommage, nous aurions pu être heureux !

- Dans tes rêves, Emilie, dans tes rêves.

19 juillet 2009

La feuille (gballand)

murQuand il  vit la feuille, il ne put s’empêcher de s’arrêter au risque de se faire bousculer par les passants. Il n’entendit  même pas le type qui  marmonna, énervé  « Rien de mieux à foutre que de rester planté au milieu du trottoir ! ».
Seule cette feuille minuscule existait. Elle vivait envers et contre tout dans un univers hostile. N’était-ce pas elle, cette fragile pousse tendre, qui avait creusé le mur de sa grâce persuasive ? La feuille lui donnait du courage, comme un petit remontant qu’on s’enfile à la hâte au comptoir d’un café obscur. Oui, dès aujourd’hui il écrirait cette lettre qu’il remettait toujours au lendemain. Il repousserait le mur de l’indifférence, il leur ferait savoir ce qu’il avait dans les tripes, ça oui, il le leur ferait savoir !
De retour chez lui il s’assit à son bureau, se saisit d’une feuille blanche, d’un stylo…  mais soudain,  toutes ses  bonnes résolutions s’évanouirent.
Il n’était plus qu’une feuille de papier vierge sur laquelle il laissa l’empreinte de son visage trempé de larmes…

PS : photo gentiment prêtée par P. Cassagnes. Pour voir son site : www.sucrebleu.com

12 juillet 2009

Le fils du père (gballand)

- Je te dis qu’il m’a mordu ! c’est ce qu’elle répétait en boucle.
Je ne pouvais pas le croire. Lui si doux, si calme, comment était-ce possible ? Au comble de l’énervement, j’ai fini par crier.
- Mais bon sang, qu’est-ce que tu lui as dit pour qu’il te morde ?
- Rien, m’assura-t-elle, rien du tout.
Je savais que chez elle, "rien" voulait dire beaucoup. Elle avait cette habitude étrange de dire l’inverse de ce qu’elle voulait exprimer.
Il fallait que j’en aie le cœur net. Je l’appelai et il arriva aussitôt :
- Ta grand-mère m’a dit que tu l’avais mordue, c’est vrai ?
Il me regarda l’air penaud et baissa les yeux. Ses petites mains potelées  se crispaient sur la peluche qu’il serrait contre lui. C’était donc vrai.
- Mais pourquoi tu as mordu ta grand-mère ?
Il me fixa de ses yeux clairs et dit comme à regret :
- Elle m’a dit que j’étais bien comme mon père et que t’aurais jamais dû te marier avec lui.
Elle recommençait. Aucun homme, décidément, ne trouverait grâce à ses yeux.

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