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22 avril 2018

M la maudite

20180417_122053Elle sévissait dans les parcs et s’emparait de pétales de fleurs pour confectionner ses précieux parfums mais parfois, quand ses sens s’enflammaient, elle volait des enfants. Depuis l’ère des portables, l’opération était d'une simplicité enfantine ; nombre de parents préféraient consulter leur précieux téléphone plutôt que de surveiller la chair de leur chair.

Son flacon de parfum  à la main, elle s’approchait de l’enfant convoité, lui faisait respirer des fragrances étranges, l’enfant s’évanouissait et elle l’emmenait loin, très loin, dans un pays que personne ne connaissait et qu’elle avait appelé « le pays des enfants abandonnés ».

Quand elle entendait les parents pousser leurs cris épouvantés après la disparition de l’enfant, elle ne pouvait s'empêcher de rire aux éclats. Qu'espéraient-ils ces parents indignes ?

Souvent, elle faisait un ou deux vols planés au-dessus du parc afin que les parents les voient, elle et l’enfant qu'elle traînait dans son sillage, mais jamais ils ne levaient les yeux, enfermés en eux-mêmes…

 

PS : photo prise dans le parc du lycée.

 

14 avril 2018

Retour

PatrickLe bateau revenait au port mais elle ne voyait pas sa silhouette sur le pont. Aussitôt, sa machine à questions se mit à tourner follement.  Avait-il disparu dans les flots ? Une sirène surgie du fond des mers l’avait-elle emprisonné dans ses filets ? Son associé – dont elle n’aimait pas le visage patibulaire – l’avait-il assassiné ?

Inquiète, elle enfila sa veste noire et sortit sur le quai. Elle constata que, comme à chacun de ses retours au port, il était  sur le pont, la cigarette aux lèvres, prêt à la manœuvre. Elle en fut soulagée.

Pourquoi ce sombre scénario s’échafaudait-il  à chacun de ses retours ? Qui avait ainsi disparu un jour  pour ne plus jamais  revenir ? Qui et pourquoi ?

PS : photo gentiment prêtée par Patrick Cassagnes

 

 

 

 

6 avril 2018

Lire ou bricoler ?

20180302_103028Si encore il avait aimé lire, mais non, jamais elle ne l’avait vu un livre à la main. Il préférait la truelle ou la pioche ; ce n’était pas avec ça qu’il allait lui faire la conversation.

Elle, elle adorait lire, tout, vraiment tout, de Flaubert à Marc Levy ; elle était bibliophage, c’était une maladie. Et lui ne disait pas autre chose.

-          Arrête de lire, tu vas avoir mal  à la tête !

Jamais elle ne l’écoutait, bien sûr, et elle continuait, des heures durant, au détriment de la cuisine, du ménage, mais pas des enfants, car ils n’en avaient pas. Et il le lui reprochait.

-          On dirait que tes livres c’est tes enfants !

Elle lui répondait du tac au tac.

-          Je pourrais dire pareil de tes outils de bricolage !

-          Oui mais le bricolage ça nous sert à tous les deux.

-          La lecture aussi. Il faut bien qu’il en ait un pour éclairer l’autre…

 

PS : photo prise à Caen devant l’incroyable librairie Memoranda où des piles de livres s’entassent partout, ce qui n’empêche pas la libraire de savoir où se trouve quoi.

 

23 mars 2018

l'apparition

olga

 

L’apparition

 

Elle avait choisi Lisbonne comme refuge. « Lisboa » - disait-on dans ce pays presque oublié de l'Europe -  une cité inconnue qu’un  poème, abandonné sur un banc de la ville où elle vivait alors, lui avait esquissée devant ses yeux lassés de pleurer. Elle se rappela les premiers vers du poème tandis qu’elle traversait « o terreiro do paço » faisant rouler derrière elle son énorme valise noire.

 

Je dis :

“Lisbonne”

Quand je traverse – venant du sud – le fleuve

Et la ville où j’arrive s’ouvre comme si elle naissait de son nom

Elle s’ouvre et se lève dans sa splendeur nocturne

Dans son long miroitement de bleu et de fleuve

Dans son corps entrelacé de collines

Je la vois mieux parce que je la dis
Tout se montre mieux parce que je dis

Tout montre mieux son être et sa carence
Parce que je dis
(…)

 

C’est en remontant la rue Prata qu’elle vit la femme sans nom, dans sa robe de brume ourlée de dentelles de lumière. Elle souleva le rideau de pluie et s'arrêta devant elle, la fixant de ses yeux où l'absence avait creusé deux cernes de mélancolie.

Son immobilité lui imposa d’abord le silence, mais elle s’enhardit et lui murmura les premiers vers  du poème de Sophia de Mello. Sans doute ceux-ci la touchèrent-ils car son masque blanc s’anima et sa main lui tendit un pendentif argenté. Elle le prit et l’ouvrit. A l’intérieur un seul mot : « saudade ».

Elle voulut la remercier mais la femme avait déjà disparu.

Une fois le pendentif à son cou, elle regarda  les nuages qui traçaient  leur chemin de pluie dans l'immensité du ciel. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à suivre les motifs qui ornaient les pavés glissants et le destin aurait fait son oeuvre. Ceux-ci  la conduisirent devant  l’hôtel flor da baixa.

Elle entra sans hésiter. La réceptionniste lui annonça qu’on l’attendait plus tôt, mais que ce n’était pas grave, elle pouvait prendre possession de sa chambre.

 

-     Mais je n’ai pas réservé, s’étonna-t-elle.

-    Quelqu’un a réservé pour vous, s’entendit-elle répondre. D'ailleurs, vous avez le pendentif - et elle lui montra le médaillon argenté autour de son cou - c'est ça qui est le plus important.

 

La jeune femme de la réception faisait un bruit de gorge étrange en prononçant les "r" et sa phrase avait une musique inhabituelle.  

Elle accepta la clef tendue.

 

–     Quarto número 13, primeiro andar – dit-elle en  lui désignant l’ascenseur.

Quand elle entra dans sa chambre, elle vit une enveloppe blanche déposée sur le couvre-lit rouge.

La lettre qu’on y avait glissée disait :

 

Les amours passent, mais pourquoi leur ombre nous condamnerait-elle à la mélancolie ?

Lisbonne vous attend

Aimez-la, et elle vous aimera, infiniment.

L’inconnu

 

PS : photo gentiment prêtée par Olga da Silva Marques

 

19 mars 2018

X

20180306_144318En rentrant de vacances, il avait trouvé une chaussure de femme sur sa boîte aux lettres.  Qu’attendait l’esseulée ? 

Il se demandait si ce n’était pas un « coup de théâtre » de X,  l’inconnue rencontrée un an plus tôt lors d’une soirée chez des amis.

Que lui voulait-elle et que devait-il lire dans ce symbole phallique ?  Sans doute X se vengeait-elle car il avait eu l’audace de s’évader de la geôle qu’elle lui avait construite sur mesure.

Ne lui signifiait-elle pas aussi qu’elle aurait eu plaisir à écraser son mégot de « Moi »  sous son talon pervers ?

X, c’est certain, n’était pas femme à lever le pied ! Il se souvenait d’ailleurs – ironie du sort -  qu’il n’avait pas pu prendre son pied avec elle.

15 mars 2018

Le voilier fantôme

 

ksenia

 

 

C’est un bateau qu’elle voyait souvent sur l’océan de ses rêves. Quand la brume était épaisse, sa corne puissante effrayait les goélands qui hantaient son inconscient. Le capitaine du voilier avait une barbe d’un siècle et s’appelait John Thompson. Il aimait le rhum et les femmes, une dans chaque port, bien sûr ; son inconscient n’avait pas peur des clichés.  

Le peuple de ses rêves l’appelait le voilier-fantôme parce qu’il apparaissait et disparaissait sans que l'on sût pourquoi. Quant à  John Thompson, il avait bien existé ; c’était un journaliste dont la barbe avait eu sur elle un effet aphrodisiaque. Elle l'avait rencontré  au Guardian,  où elle avait fait un stage, juste après son Master d’anglais qui ne lui avait pas donné grand-chose, à part faire des remplacements de professeurs - malades d'enseigner - auprès d'élèves qui anonnaient l'anglais en s'accrochant désespérément  à leur accent français.

Elle avait un peu couché avec John Thompson, mais d’orgasme point car, malgré sa barbe et ses aventures dignes d’un loup des mers, John ne connaissait ni l’art ni la manière et son "sextant" avait quelques ratés. Dans son rêve, il lui hurlait souvent « Vire de bord, love, vire de bord, et cap sur la liberté ! ».

Oui, il était temps d’écouter John Thompson, elle allait virer de bord et larguer les amarres…

 

PS : photo gentiment prêtée par Ksenia

 

7 mars 2018

L’ombre

20151110_135158Elle s’était toujours appliquée à se faire de l’ombre avec un masochisme qui n’avait d’égal que son altruisme forcené.

Pourtant, le jour où un homme de passage lui avait posé cette question - Pourquoi tu t’acharnes contre toi en permanence ? -  elle était restée interdite.   

C’était il y a un an et depuis elle s’échinait à comprendre. Pourquoi cette lutte entre elle et elle ? Pourquoi cette volonté absolue de se nuire  ?

 

PS : photo prise dans le parc du lycée.

 

"Lorsque l’ombre est activée, elle se manifeste hors du contrôle du moi, sur un mode archaïque : projection, passage à l’acte, raptus agressif ou anxieux ou encore maladie somatique. Nous sommes ici au niveau de l’ombre personnelle."

"Connaître et accepter son ombre achemine vers cette modestie qui est nécessaire à la reconnaissance de ses imperfections."

Carl Gustave Jung

22 février 2018

Le ressentiment

20170526_135120Aux beaux jours, c’est là qu’ils s’asseyaient. Lui sur le banc de droite, elle sur celui de gauche, et ça a duré pendant 25 ans. 25 ans pendant lesquels ils ne se sont pas parlé.

Pour quelles raisons voudriez-vous sans doute savoir ? Oh, une raison toute simple qui, dans un autre couple, n’aurait sans doute pas mené à de tels excès.

25 ans plus tôt,  en revenant de la messe,  elle lui avait dit qu’elle voulait  faire chambre à part. Il ne l’avait pas supporté. En mesure de représailles, il ne lui avait plus adressé la parole, même le jour de sa mort. Il l’a regardée droit dans les yeux et - c’est tout au moins ce qu’elle a raconté à tout le village – il lui a fait un  bras d’honneur en guise de dernier adieu.

 

PS : photo prise dans la Creuse en mai 2017

14 février 2018

Les mignardises

20160818_095343

C’est là que cette famille bohême  avait habité. Les glycines pouvaient encore en témoigner. La maison était grande et ressemblait un peu à une gare. On y accueillait  des gens de passage, des artistes, comme eux. On y donnait aussi des fêtes, beaucoup de fêtes. C’est au cours de l’une d’entre elles que la police avait été appelée, je m’en souviens encore.

Un type aviné – qui se disait artiste peintre – s’était hissé nu en haut de la charpente en fer et avait gueulé à qui voulait l’entendre qu’il avait couché avec l’hôtesse des lieux, en ajoutant que le maître des lieux était un impuissant notoire.

L’impuissant n’avait pas supporté l’insulte. Il était lui-même monté sur la charpente et les deux hommes s’étaient battus jusqu’à ce que mort s’en suive.

On sut, mais  plus tard, que si  l’hôtesse avait bien une liaison, ce n’était pas avec l’artiste peintre, mais avec la femme du pâtissier. Celle-ci n’était pas une artiste, quoi que : on racontait qu’elle excellait dans l’art de déguster des mignardises,  préparées par son pâtissier de mari, sur le corps de sa maîtresse…

 

PS : photo prise à Eu en aout 2016

10 février 2018

L’effet sculptant

20171222_152726Elle avait voulu croire à l’effet sculptant et elle était entrée dans la cabine d’essayage avec son « trophée ».

Après avoir déposé ses affaires, enlevé son manteau, ses chaussures et son pantalon, elle avait voulu se glisser dans le pantalon miracle. Elle a mis 5 minutes harassantes pour l’enfiler : les jambes étaient trop étroites et la négociation au passage des hanches lui a pris trois minutes.

Une fois que tout a été en place, elle a fait l’erreur de se regarder de dos, puis de face. Elle s’est effondrée aussitôt. Sur son corps, l’effet sculptant s’était transformé en effet boudinant !

Elle a tout enlevé mais, avant d’avoir pu remettre le pantalon en rayon, la vendeuse – jeune et mince, bien sûr – lui a demandé perfide : Alors ?

Elle s’est retenue de lui dire ce qu’elle pensait et a juste bégayé :  Alors non, la coupe n’est pas faite pour moi ! 

La vendeuse a eu le tort d’insister avec un  « Vous êtes sûre ? » et elle a répliqué hors d’elle : « Vous vous foutez de moi ? ».

Puis elle est sortie en coup de vent. En descendant la rue, elle a aperçu un nouveau salon de thé. Elle est entrée, s’est assise et a commandé un thé et une bavaroise.

Puisque la sculpture n’était pas pour elle, il ne lui restait plus que les « Arts de la table », au moins ça !

 

PS : photo prise à Rouen mais que j'aurais pu prendre n'importe où ;)

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