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Presquevoix...
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3 juillet 2019

Espérance

 

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Il l’a tuée rue de l’Espérance ; un crime parfait.

Hélas, il ne s’en est jamais remis, et depuis il erre sur les routes, le coeur en miettes et l'âme blafarde, avec pour seul compagnon un chien qu'il a appelé Espoir...

 

PS : Photo de Paul Day prise à la Gare de St Pancras, à Londres

 

27 juin 2019

Sa femme

 

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Sa femme partageait tout avec lui, sauf l’amour ; là, elle avait été catégorique.

-          On partage la nourriture, on partage la voiture, on partage la salle de bain - même nus - on partage le même lit, mais l’amour non, impossible.

Bien sûr, il ne lui avait pas posé de questions. Les questions n’étaient pas sa tasse de thé ; d’ailleurs il détestait le thé - tout comme les anglais - mais il ne savait pas pourquoi.

-          A quoi bon savoir pourquoi nous n’aimons pas les choses ou pourquoi les gens ne nous aiment pas, disait-il souvent.

 

PS : photo prise dans la salle de bain d’une chambre d’hôte à Caen.

 

 

9 juin 2019

Le bouquet

 

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La première fois qu’elle avait rencontré Dieu c’était  dans un bouquet de fleurs, dans le salon d’une amie. Elle lui avait demandé qui l’avait assigné à domicile, là, et il lui avait répondu : les fidèles.

-          Mais je n’en fais pas partie des fidèles, avait-elle répondu.

-           Non, pas encore, avait-il souri, mais qui sait de quoi demain sera fait ?

Elle resta silencieuse, la fidélité n’était pas son fort ; son mari le disait d’ailleurs à qui voulait l’entendre.

Pourtant, dix ans plus tard, elle entra au monastère des visitandines pour une retraite qui n’en finit pas de durer…

 

5 juin 2019

Le rendez-vous

 

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Julien lui avait dit : « Rendez-vous à Memoranda à 10 h ».

A 10 h, il n’était pas là, ni à 11 h, ni à 12 h. Elle est sortie de la librairie avec Freud et Jung sous les bras. Les jours ont passé. Des rêves sont arrivés avec leurs revenants et leurs pays lointains. Elle a aussi rencontré un enfant perdu qui l’a terrifiée et puis elle a quitté la porte des livres pour retrouver le pays des hommes. C’est là qu’elle a revu Julien. Il ne se serait pas arrêté si elle ne l’avait pas appelé.

-          Alors ? a-t-elle dit.

-          Alors quoi ?

-          Notre rendez-vous à Memoranda il y a un mois ?

-          Ah oui, j’avais écrit le rendez-vous pour m’en souvenir, puis j’ai perdu la feuille.

-          Et le téléphone portable ?

-          Perdu aussi.

-          Je vois. Aurevoir et à jamais, sourit-elle, à moins que nous nous retrouvions au pays des rêves.

En descendant l’avenue de la liberté, elle s’est demandée comment elle avait pu aimer cette transparence qui habitait Julien des pieds à la tête. « Si loin de lui, si loin du monde », a-t-elle pensé.

Puis elle a aspiré l’air du large qui entrait en ville en passant par le port. Elle  devait partir, il était temps...

 

PS : photo prise à Caen

25 mai 2019

L’anniversaire de mariage

 

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La table était presque mise, il ne restait plus qu’à… Seulement, les cinq invités prévus ne vinrent pas. Chacun avait une raison, une bonne. La première se disait stressée et avait peur de gâcher la fête, le deuxième et le troisième signalèrent qu’ils se séparaient et ne pouvaient plus supporter leur présence respective, le quatrième ressassait le départ de sa compagne, quant à la cinquième, elle était malade, le rhume des foins, avait-elle dit.

Juliette et Tristan se retrouvèrent donc face à face sous les arbres du jardin et commencèrent le repas qu’ils avaient prévu à 7. Juliette sourit.

-          Dix ans de mariage. Une bonne idée de nous mettre en face à face, c’est sans doute leur cadeau.

-          Allez, buvons un verre de cet excellent château Margaux que nous prévoyions à 7. Je peux t’assurer que nous lui ferons honneur.

-          A nous, dit-elle en levant son verre, à nous et à notre chemin de vie.

Ils terminèrent leur repas, un peu grisés, heureux de constater qu’il passait un cap sans faire couler le navire alors que d’autres…

 

 

 

27 avril 2019

La phrase

20190324_152057-1La première fois qu’il avait murmuré cette phrase – « J’aime beaucoup tes fesses et tes lèvres »  -  à la sortie du cours, Brigitte avait eu envie de le renvoyer.  Le gougeât, comment avait-il pu faire preuve d’une telle impertinence ! Certes, elle avait un corps mince et séduisant, mais tout de même.

Finalement, elle n’avait rien dit. Elle se souvenait encore du jour où, à 16 ans à peine, il était arrivé avec un gilet jaune. A la fin de l’heure, elle lui avait demandé de rester.

-          Pourquoi un gilet jaune, tu peux m'expliquer ?

Après avoir attendu quelques secondes, il lui avait répondu.

-          Jaune parce que c’est la couleur de la lumière des dieux qui bénissent la terre. C’est aussi la couleur de Louis XIV.

-          Et le gilet ?

-          C’est pour faire peuple, je crois, enfin ça, je suis pas sûr.

Elle avait souri ; comment ne pas sourire à un élève aussi créatif ?

Le temps avait passé, et sa créativité - tout comme sa réflexion -  avait baissé pavillon, mais ça, elle n'osait pas le lui dire...

 

PS   :  photo prise à Rouen.

PS 2 : Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne saurait être que fortuite

 

 

 

22 mars 2019

Le zèbre

 

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La première fois qu’elle avait vu le zèbre c’était à l’intérieur d’une boutique de meubles. Elle avait été séduite : quelle élégance, quel profil, quelle beauté. Il était si différent d’elle.

Ils s’étaient rencontrés face à un lit deux places qui lui avait donné envie de s’allonger immédiatement. Elle avait ri quand il lui avait dit.

-          C’est tentant, mais il vaut mieux ne pas fabuler.

-          Mais vous, on croirait que vous sortez d’une fable ?

-          Erreur, petite madame, il faut prendre garde aux interprétations.

Leur discours s’était sans doute égaré car à un moment donné, il lui avait dit en souriant.

-          Nous avons le pouvoir de l’histoire que nous nous racontons à nous-mêmes.

-          Eh bien continuons alors, lui avait-elle dit, car votre présence fait entrer en moi  un bien être et une douceur que je n’avais pas ressentis depuis longtemps.

Il n’avait rien répondu et elle avait continué.

-          Vos zébrures sont de toute beauté.

-          Vous me draguez ?

-          Non, bien sûr, je suis mariée.

-          Dommage.

Pourquoi lui avait-elle menti ? Ce zèbre décidément l’intriguait. De quel pays venait-il et que symbolisait-il dans le monde qui était le sien ? Il avait conclu.

-          Je dois partir. Le travail m’attend. Sans doute nous reverrons-nous un jour ?

Sa déception était à la mesure de son désir, mais elle était sage et prude, comme les femmes qui attendent que le désir de l’autre se manifeste afin de  faire connaître le leur.

La dernière fois qu’elle l’avait vu - un mois plus tard  - c’était dans la vitrine d’une boutique, rue des Bons-enfants. Elle lui avait fait un signe de la main et un sourire, mais il l’avait ignorée, sans doute bouffi de ce costume qui lui donnait la dignité des hommes de pouvoir.

Elle partit immédiatement, vexée par cet oubli, le cœur chagriné et les yeux noircis de larmes. Adieu le zèbre, adieu l’amour, bonjour tristesse, chanta-t-elle le cœur aigri.

 

PS : photo prise rue des Bons-enfants à Rouen

16 mars 2019

La statue

 

 

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A 80 ans passés, il était lourd et presque sourd. Son dos s’était courbé et il marchait à petits pas. La vie ne l’avait pas épargné ; lui non plus n’avait pas épargné la vie. C’est en entendant des pleurs qu’il se tourna vers l’homme nu. Etait-ce lui qui pleurait ou un autre ? Et cet homme immobile, les yeux  perdus, n’était-ce pas lui, jeune ? Mais n'était-ce pas l’autre ? Il est vrai que l’autre lui ressemblait tant, qu’il s’était parfois demandé si lui et l'autre était une seule et unique personne. Puis il entendit la statue prononcer une phrase, une seule, et c’est juste après l’avoir entendue qu’il disparut à jamais. Voici cette phrase qui m’a été transmise par quelqu’un qui était en ce jardin, à ce moment-là. Et depuis, cette phrase me hante. Voici ce qu’elle disait :

« Un jour, vous croiserez un être qui vous ressemble mais que vous aviez oublié ; et ce qu’il vous montre, c’est exactement ce que vous n’avez jamais voulu voir en vous. »

PS : photo prêtée par Espiguette, merci à elle.

31 janvier 2019

une photo et un texte

A nouveau la photo, croquis main gauche, de Mado. Aujourd'hui, voici mon texte.

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Décor

Ce nu, c’était celui d'un homme qu'elle avait aimé, mais  était-ce possible ? Un  nu est-il ce que l’on veut qu’il soit ou dessine-t-il une pure image de l’esprit qui sombre dans l’inconscient. Qui aurait pu lui répondre ?

Elle a regardé à nouveau son dessin, le modèle, a fermé les yeux et les a rouverts quelques minutes plus tard. Toujours cette ébauche, celle d’un être qui, dans une pause que l’on aurait pu imaginer rêveuse, fermait son corps à lui-même.

Son esprit  est aussitôt devenu le siège d’une pensée obsessionnelle : quel était le nom de l’allégorie que ce nu représentait ? De quel fantasme était-il le reflet ? Mais surtout, quel était l’envers du décor de celle qui avait choisi un homme pour en imaginer un autre ?

29 janvier 2019

une photo et un texte

Voici une photo, croquis main gauche, de Mado. Aujourd'hui vous pouvez lire son texte, le mien sera en ligne le 31 janvier.

 

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Dessein contrarié

 

J’aime bien   passer  l’heure du déjeuner dans le square. Une trouée de soleil, des oiseaux bavards, les gens qui partagent le début du printemps… Depuis quelques jours,  je réveille  le vieux carnet à spirales qui hibernait  au fond de mon sac ; retenir de  fines  traces d’éphémère… griffonner  un nuage, un arbre, les accents d’une allure…

Mon attention  vient  d’accrocher une silhouette de vieil adolescent dégingandé qui se déplace  avec  nonchalance. Il  s’affale  sur un fauteuil en face de moi, de l’autre côté du bassin, s’abandonne dans une attitude singulière  qui me rappelle vaguement  quelque chose-  personnage de BD, de film?  Vite,  croquer  la posture avant qu’il bouge ! J’affûte mon  regard ;  c’est lui qui doit besogner, capter la ligne du corps, les vides, les volumes… Le crayon affranchi n’aura plus qu’à  se défouler.

Premier coup d’œil machinal et   je sursaute, le poignet en suspens au-dessus de  mon ébauche : sur le papier, rien qu’un pâle filet gris, un semblant d’homme qui lévite… Mais surtout, il est  nu.

Qu’est-ce qui se passe? Je me suis endormie  sans doute. Je  rêve et je vais me réveiller … Je relève la tête. L’homme immobile, absorbé par le miroir de l’eau paraît presque irréel.  Mais il est  bel et bien habillé ! C’est que  je deviens folle…

Soudain, mon cœur se met à cogner, goguenard: « Yannis…l’atelier… ta main qui tremblote…tes dessins brouillons…toujours  inaboutis…Tu n’avais jamais été troublée par la nudité d’un modèle. Mais…tu es tombée amoureuse de Yannis ...Tu osais à peine le regarder ! ».  Oui, par peur de  me trahir. J’étais si jeune … Alors J’avais déserté l’atelier sans aucune explication. Je ne m’étais plus jamais  inscrite à aucun  cours.  Restée  cette  éternelle débutante …

L’homme en face  est sorti de sa torpeur. Il se déplie lentement, s’étire. Il a dû se sentir observé car  son regard semble chercher le mien,  et le rencontre. Puis il se lève. Je l’aperçois qui  emprunte l’allée et  se dirige vers moi…

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