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10 juin 2014

Le papillon

ksenia

A chaque fois qu’elle  voyait son amie, celle-ci commençait par un  « Alors  » sonore. Oui, Alors ?

Alors rien, toujours rien, ou si peu. En demi-deuil – il était mort depuis un an - elle butinait ici ou là, mais ne récoltait presque rien, sinon le pollen de quelques hommes dont elle oubliait toujours le nom.

Le jour de sa mort, elle l’avait vu dans toute la nudité de son corps d’insecte. C’était un peu comme si, face à l’éternité, il avait voulu lui dire la vérité : je n’étais qu’un papillon qui s’est pris pour un homme, excuse-moi.

Pendant 10 ans, elle avait fait l’amour à un papillon sans jamais ne s’apercevoir de rien. Etait-elle aveugle à ce point ?

 

PS : photo gentiment prêtée par Ksenia

6 juin 2014

Le couple

 

Portugal avril 2011 239

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand elle avait vu le paon elle avait poussé de petits cris de joie et avait ajouté.

-   Non mais tu l’as vu ? Tu l’as vu ?

Son mari détestait ses crises d’admiration proches de l’hystérie. Lui préférait la discrétion.

-   Mais oui, je l’ai vu, et alors ?

-   Et alors ?  Il ne te fait penser à personne ?

-   Non.

-   Cherche un peu.

Il savait qu’elle adorait se faire prier ; c’est la raison pour laquelle  il se désintéressa  complètement du paon et partit à grands pas vers la serre. Après tout, pourquoi lui ferait-il plaisir ?  Lui faisait-elle plaisir, elle ?

 

PS : photo prise par R.B. au Portugal

31 mai 2014

Le coup du parapluie

symétrie

Ah, comme elle était gentille la petite mamie aux parapluies, avec sa mise en plis  dont les boucles aux reflets violets laissaient apparaître, çà et là, les plaques roses de son crâne. Tout le monde l’aimait, toujours un mot sympathique pour les uns ou pour les autres ; toujours un bonbon pour les enfants et un compliment pour les mamans. Qui aurait pu se douter de sa double vie ? Sauf qu’un jour, des lettres anonymes circulèrent. On l’accusait – mais était-ce vrai ? – de se servir de ses parapluies pour décocher les flèches empoisonnées qui décimaient les chats du quartier les uns après les autres. Combien en avait-elle tué ? Trente ? Quarante ?

Nul n’eut jamais la preuve de sa culpabilité, mais sa disparition  n’était-elle pas un aveu ?

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

25 mai 2014

Le fauteuil

arrêtbusElle le détestait. Le jour où elle l’avait éventré et où ses veines de paille étaient apparues dans toute leur nudité, elle avait jubilé.  Elle aurait pu le garder ainsi, blessé - car après tout cette infirmité lui enlevait toute superbe - mais non, il lui rappelait trop de souvenirs. Un  soir elle avait vu rouge – le bourgogne avait sans doute trop coulé dans ses veines – et elle avait décidé de se séparer de lui. Après avoir descendu trois étages en ahanant, elle l'avait calé comme elle  avait pu dans sa voiture et l'avait transporté jusqu’ à un arrêt de bus loin du centre-ville.

Sans doute ferait-il les beaux jours des clients de la compagnie de bus locale…

 

 PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

25 avril 2014

La brèche

la brêcheAu début elle ne s’était pas inquiétée, mais petit à petit, la fine tige avait essaimé ses ramifications et creusé son nid à l’ombre de la pierre. De l’intérieur, des milliers d’yeux braqués sur elle et des phrases qui se chuchotaient, aussi noires que le plumage des corbeaux qui  voletaient au-delà des toits.

Qui voulait  la rendre folle ? Elle soupçonnait tout le monde ; pourtant, personne  ne la connaissait …

 

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

15 avril 2014

La gargouille

P1010109Elle se moquait ouvertement de lui et, depuis un certain temps, il ne la saluait plus. A chacun de ses passages, il se demandait ce qu’elle allait encore inventer. Une semaine plus tôt, elle avait hurlé qu’il avait fait le malheur de sa famille. Et la veille, elle avait répété en boucle : «  pauvre type, pauvre type, pauvre type, pauvre type, pauvre type…. ». Il n’avait  pu s’empêcher de lui envoyer un « salope » tonitruant, les yeux levés vers le ciel, puis il avait passé son chemin.

 

De toute façon, il n’attendait plus rien, ni d’elle, ni de personne. Il n’espérait qu’une seule chose : crever, et le plus vite possible. Avec trois  litres de rouge par jour, il savait qu’il tenait le bon bout…

 

PS : photo de C. V. prise à Dieppe.

26 février 2014

L’envolée

Raphaelle

Elle resta longtemps devant la corde lisse, le visage impassible, un temps qui parut infini au public. Soudain elle monta ; lentement d’abord, puis de plus en plus vite jusqu’à atteindre le haut du chapiteau, en crever la toile étoilée et  continuer, opiniâtre, droit vers le ciel sur sa corde chimérique. Quand elle ne fut plus qu’un point, les spectateurs baissèrent les yeux et regardèrent la piste dans l’attente du numéro suivant. Soudain, des cris étranges envahirent le chapiteau et l’homme-oiseau fit deux voltes vertigineuses sur son trapèze argenté ; le public oublia aussitôt la jeune femme à la corde lisse pour se concentrer sur les performances de l’étrange volatile…

 PS : photo prêtée par R.B. de la compagnie Wild line

31 janvier 2014

La librairie

Porto

Chaque jour, après son travail, elle allait à la librairie Lello. Pedro s’en plaignait, il lui disait qu’elle le trompait avec une femme, parce que pour lui la librairie était le ventre – le sexe ? - d’une femme dont les livres tapissaient toutes les largeurs. Ils  riaient ensemble de cette plaisanterie.

C’est en haut de l’escalier rouge de la librairie Lello que son étourdissement l’avait prise. Avant de descendre, comme à son habitude, elle avait regardé les marches qui défilaient dans leur drapé rouge et le vertige l’avait happée dans le ventre de l’escalier. Son livre « o vale da paixão » lui était d’ailleurs tombé des mains  et avait dévalé les marches. Elle avait sans doute essayé de se rattraper à la rampe, mais elle ne souvenait de rien à part des deux mains  qui l’avaient aidée, silencieusement,  à s’asseoir  sur une chaise du premier étage.

Elle essaya de retenir ces mains, mais l’homme devait être pressé, il lui sourit amicalement, rajusta ses lunettes, remit son chapeau sur la tête, puis  elle vit son pardessus disparaître dans l’escalier. Lorsque sa silhouette ne fut plus qu’un souvenir, elle se replia un peu sur elle et remarqua, à ses pieds, une feuille pliée en quatre. Elle hésita à la prendre, mais la curiosité fut plus forte. Ella la déplia et lut les vers suivants :

 

Não basta abrir a janela
Para ver os campos e o rio.
Não é bastante não ser cego
Para ver as árvores e as flores.

Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre
Pour voir les champs et le fleuve
Il ne suffit pas de ne pas être aveugle
Pour voir les arbres et les fleurs. 

Fernando Pessoa,

Avait-elle vraiment rencontré le poète Fernando Pessoa mort en 1935 ?

 

PS : photo prise par C.V  dans la librairie Lello à Porto.

Voyez ici le site de la librairie pour rêver à 360 degrés.

 

21 octobre 2013

Trazos sueltos

raph21Une fois n'est pas coutume, un petit coup de pub pour un projet cirque/danse/théâtre - trazos sueltos - de la compagnie Wild Lines". Il s'agit d'un parcours itinérant en Equateur, au Pérou et en Bolivie. Voici ce qu'en disent les membres de la compagnie  :

" Si la ligne droite se définit comme « la façon la plus courte d’aller d’un point à un autre », cela n’implique pas nécessairement qu’elle soit la plus intéressante ! Tel est le parti pris du projet de spectacle vivant TRAZOS SUELTOS, parcours itinérant entre l’Equateur, le Pérou et la Bolivie - de novembre 2013 à juin 2014 - qui mêle les disciplines du cirque, du théâtre et de la danse. Successivement dans les villes de Portovelo (Equateur), d’Iquitos (Pérou) et de La Paz (Bolivie), la compagnie élit un lieu de résidence pour une durée de deux mois, afin d’y transformer des espaces publics en lieux de création totale à l’air libre."

Pour lire la suite du projet, le soutenir ou en parler autour de vous : cliquez ici !

PS : photo de Raphaelle Balland, membre de la compagnie Wild Lines


19 octobre 2013

Le mât

P1010067

- Chiche, si tu montes, je monte !

Il n’était pas monté, elle non plus, et tous deux contemplaient le mât sur le quai que la foule avait déserté. Terminés les défis, pensa-t-elle déçue. Elle le laissa seul  et ne lui dit pas même au revoir. Comment  avait-elle pu l’aimer ?

PS : Photo de C. V. prise durant l'Armada, à Rouen.

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