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Presquevoix...
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12 janvier 2020

Le voyage

 

 

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Elle était dans un minuscule voilier, prête pour la course, pourtant elle ne connaissait rien, strictement rien à la voile. Le temps était clément, son esprit aussi. On lui avait dit qu’elle en aurait pour un an ; une année, c’est court pour ceux qui savent que ce sera la dernière.

L’eau était bleue à souhait, le ciel presque blanc laiteux, et son âme voguait déjà sur l'océan qui la mènerait vers une île lointaine, non encore identifiée mais qui, déjà, serait sienne, ou presque.

Elle imaginait que le nom de l’île commencerait par un G, première lettre du prénom de sa sœur, sœur honnis, sœur aimée, sœur bonne-sœur qui n’avait jamais donné son corps à un homme et avait gardé son cœur aux abris.

Juste avant que le voilier ne quitte le port, elle hurla "Bonne Année", mais à qui s'adressait-elle puisqu'elle ne connaissait plus personne ?

 

PS : photo gentiment prêtée par Chinou

 

 

 

 

8 janvier 2020

Retour sur Noël

 

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Le Père Noël n’avait pas trouvé sa lettre dans sa boîte aux lettres, elle en était sûre et certaine. Sinon, au lieu de lui offrir d’abominables poupées, un casse-tête, un atelier de bracelets, des puzzles qu’elle détestait, sans parler de ces livres dont les histoires ne lui permettaient aucunement de rêver, il aurait tué sa mère, comme elle le lui demandait. "Ce n'était pas si difficile que ça quand même, et ça coûtait bien moins cher !" était la phrase qui tournait en boucle dans son cerveau de petite-fille de huit ans, un cerveau qui commençait à devenir malade, mais personne n'avait encore remarqué qu'il n'allait pas bien...

 

PS : boîte aux lettres prise en photo en 2016

 

27 décembre 2019

Le silence

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Elle l'interrogea en souriant.

- De quoi ils parlent tous les deux ? Tu dois le savoir, toi qui as presque atteint l'âge de la sagesse.

Il se contenta de répondre.

- Ils crient leur silence.

Elle se demanda de quel silence il parlait. Il est vrai que lui-même parlait peu et, quand il franchissait le cap d'une phrase, elle était courte, et cynique de préférence. En fait, il la fatiguait, parce qu'elle se demandait ce qui se cachait derrière ce presque silence où le sourire était absent...

PS : photo prise à Nancy en juillet 2017

16 décembre 2019

Présence

 

 

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Enervé, assis près de la voiture qu'ils avaient arrêtée au bord d'une route minuscule qui les avait conduits dans cet étrange désert, il avait crié.

- Alors, ça y'est, t'as fini de mettre tes jambes en l'air ?

Elle n'avait pas répondu, habituée à ses rodomontades.

Il avait insisté.

- Bon, moi j'en ai marre de ton spectacle. Je pars. Rien à faire ici.

Toujours le silence. Seuls quelques cris d'oiseaux inconnus et un léger vent qui annonçait peut-être un orage à venir.

Il ouvrit la porte de la voiture, la ferma violemment, et c'est là qu'elle hurla "STOP".

Une fois près de lui, elle lui dit d'une voix étrangement articulée : "C'est l'ha-bi-tude de la vie qui cau-se la mort."*

Il  regarda son visage si long, si pure et il lui sourit en disant : « Ok, j’ai compris, donnons du temps au temps avant l’extinction des feux. »

 

*phrase de Hegel

PS : photo prise par ma fille en Amérique du Sud.

 

 

11 décembre 2019

Citation

 

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Quand cette visiteuse parisienne  lui avait dit en se mettant  face à lui   “Soyez donc résolu à ne plus servir, et vous serez libre.”,  il lui avait immédiatement répondu.

“ Ta gueule, on n'a pas tout à fait le même problème. Moi, je suis coincé pour des siècles et des siècles dans ce putain de musée  ! ”

Elle n’avait pas insisté et était partie. La prochaine fois, elle ne dirait cette citation de la Boétie qu’à ces collègues de travail, et encore…

 

 

 

 

 

2 octobre 2019

Le prince

 

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Arrivée devant le restaurant qu’elle avait connu vingt ans plus tôt, elle prit une photo. Le Prince avait fermé ses portes. Elle  avait connu un autre  prince, elle, un vrai, mais il avait disparu de sa vie.

 D’ailleurs, ce restaurant, elle y était entrée avec lui la première fois, et c’est lui qui l’avait invitée. Il lui avait dit en souriant.

-          Pour celle que j’aime, qui n’est pas une vraie princesse mais qui mériterait de l’être.

A l’âge qui était le sien à l’époque –  23 ans – elle avait été touchée de ce compliment qu’aujourd’hui elle trouverait stupide. Être aimée d’un prince, et un si beau prince, n’entrait-elle pas ainsi dans un monde onirique ? Hélas, le rêve avait vite fermé ses portes.

Elle se souvint soudain de cette surprenante remarque qu’il lui avait faite, une fois le menu choisi.

-          Je t’aime et tu n’aimeras que moi, toujours.

Elle en avait été touchée, bien sûr. Mais trois ans plus tard, elle mettait fin au conte de fée qui l’avait épuisée.

Jamais plus elle n’avait eu de ses nouvelles. Peut-être était-il reparti chez lui, dans un pays dont elle avait oublié le nom. Peut-être avait-il disparu ou, peut-être n’avait-il jamais existé. Qui sait ?

 

PS : photo prise à Saint Leu la forêt, dans le Val d’Oise, non loin de la maison des parents d'une amie qui, l'un comme l'autre, ont disparu.

 

22 septembre 2019

La montre

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Il voulait que je photographie sa montre partout. Il était fou, j’aurais dû m’en douter et ne pas passer mes vacances avec lui.

Au début, tout était normal ou presque, les visites normales des vacances normales : églises, musées, palais, jardins, plages etc. C’est vers la fin du séjour que tout s’est aggravé et que j’ai découvert le sens de sa vie : le temps.

Oui, il n’est jamais bon de découvrir le sens de la vie de l’autre. D’ailleurs parfois, leur vie n’a aucun sens – pensons-nous -  ou bien ils sont en contresens. Et vous connaissez bien - vous lecteurs -  tous les aléas de ces vies qui se croisent et se décroisent.

Certes, ainsi va la vie et il suffit juste – et parfois cela demande d’énormes efforts - de  remettre l’horloge en marche.

 

PS : photo prise en Espagne, en juillet 2019

18 septembre 2019

L'amie

 

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Malgré ses 60 ans passés, Juliette se prenait pour un ange. Allez savoir pourquoi ?

Je n’osais pas lui dire qu’elle ferait mieux d’aller voir un psy, pourtant ce n’était pas l’envie qui me manquait.

Elle passait son temps à projeter - le mal de préférence – chez les autres.

Juliette était un ange qu’aucun homme n’avait voulu accompagner pour la simple et bonne raison – disait-elle – qu’elle savait trop de choses.

Un jour, au cours d’une conversation dans un salon de thé, je lui ai demandé ce qu’elle savait sur les hommes. Et elle m’a répondu, l’air sérieux.

-          Je les vois au fond d’eux-mêmes et ça les dérange.

-          Et que vois-tu ?

-          Ce qu’ils veulent cacher, bien sûr.

Je n’ai pas insisté. J’aurais eu envie de lui dire qu’on voyait mieux le mal chez l’autre que dans sa malle personnelle, mais cela en valait-il la peine ? J’ai juste ajouté.

-          Je crois que  j’ai eu de la chance avec mon mari. 

Et elle m’a répondu.

-          Ton mari, de toute façon, c’est un gentil petit chien !

-          Un gentil petit chien ? Je ne m’en étais pas rendu compte.

-          Eh oui, Les anges ont les yeux ouverts, les autres ont les yeux fermés.

Je n’ai plus jamais revu Juliette, et je crois que je m’en porte mieux.

 

PS : photo prise au Tréport en 2016

14 septembre 2019

Rêves

 

 

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Le jour où Béatrice les a vus sortir de terre, son visage s’est liquéfié. Ils existaient donc. On ne lui avait pas menti, ou plutôt il ne lui avait pas menti. Car c’est lui, cet ami étrange et merveilleux - appelé Joseph - qui lui a dit que ses frères allaient sortir de terre avec leurs lunettes de plongée. Ensuite il a ajouté.

-          Ils sont fous, mais ne crains rien, ils ne sont pas violents. Tout au plus te parleront-ils, si tu les inspires, ou plus, si affinité.

Il l’avait tellement habitué à ses histoires loufoques que Béatrice a souri. Seulement, ce matin-là, ils étaient tous présents et elle était seule dans le parc. Elle a essayé de leur dire bonjour, mais aucun mot n’est sorti de sa bouche. Elle a voulu courir, mais son corps était figé.

C’est à ce moment-là que le premier est sorti complètement de terre et a éclaté de rire. Un rire tonitruant qui l’a glacée  des pieds à la tête. Il lui a dit.

-          Regarde-moi godiche, je ne ressemble à rien. C’est moi qui devrais avoir peur de toi. Sale temps dans ton cerveau, on dirait, pourtant il fait beau dehors.

Comment pouvait-il se moquer d’elle de cette façon ? Elle a voulu lui répondre, mais elle ne pouvait pas articuler et seul un borborygme est sorti.

-          T’es bourré ou quoi ? Mon frère me l’avait bien dit, tu es folle à lier. Les fous ne sont pas ceux qu’on croit.

Depuis cette rencontre, Béatrice a disparu. Où ? Nul ne le sait, même Joseph, mais ne ment-il pas ? Quand je lui ai posé la question, il m’a répondu.

-          Il ne vaut mieux pas en parler. Béatrice a disparu car elle voulait disparaître, c’est tout. Un jour, elle reviendra, et elle t’expliquera tout.

Je n’ai plus jamais revu Béatrice, sauf dans mes rêves, des rêves où elle me raconte des choses étranges mais qui maintenant se transforment en cauchemar.

D’ailleurs, hier, elle m’a demandé de tuer Joseph. Seulement, maintenant, Joseph est mon amant, que puis-je faire ?

 

PS : photo prise à Lausanne en 2014

6 septembre 2019

Le garage

 

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Il s’était créé un "garage" étonnant. Le nombre de voitures - aussi hétéroclites les unes que les autres -  augmentait au fil des ans et ce lieu prenait petit à petit l'aspect d'une casse, à l’image de son cerveau, peut-être.

Aucune voiture n’aurait pu rouler mais certaines, insistait-il, étaient en cours de réparation.

Lui aussi aurait eu besoin d'une révision, mais est-ce possible quand on entrepose des souvenirs  qui conduisent au chaos intérieur ?

 

PS : photo prise au Portugal en juillet 2019

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