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Presquevoix...
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9 février 2016

Les fleurs

20150706_160416-1Elle sanglotait devant les fleurs et il semblait que rien ne pouvait l’arrêter.

-          Vous avez besoin d’aide ? lui dit un vieux monsieur barbu qu’elle avait vu à plusieurs reprises dans la serre.

Furieuse d’être interrompue dans son épanchement lacrymal, elle faillit lui répondre vertement, mais l’homme lui présenta ses excuses.

-          Désolée d’être aussi brusque, je ne me suis pas présenté : Sigmund Freud.

-          Votre nom me dit quelque chose…

-          C’est fort possible, répondit-il, modeste.

Il l’observait derrière ses lunettes rondes et ne put s’empêcher de lui dire ; sans doute un vieux réflexe professionnel.

-          Qu’est-ce que ça vous suggère, ces fleurs ?

-          Rien, rétorqua-t-elle sèchement.

Il sourit avec bienveillance. Les mécanismes de défense de cette jeune femme ressemblaient aux forteresses édifiées au Moyen Âge. Ses ennemis  devaient avoir la puissance d’une armée en campagne, pauvre enfant.

-          Eh bien, quand vous aurez une idée, venez donc me voir dans mon cabinet, lui dit-il en tendant sa carte de visite.

Elle la prit et lut " Sigmund Freud, psycho-analyste, 120 ans d’expérience professionnelle ". Elle allait le remercier, mais il avait déjà disparu…

 

PS : photo prise au jardin Botanique de Meise en juillet 2015

5 février 2016

Rencontre

20150613_113108Cela faisait une demi-heure qu’elle était en contemplation devant les cartes quand il est arrivé. Toujours discret, comme à son habitude, il a murmuré.

-           Alors, tu vas où cette année ?

-          Nulle part.

-          Alors pourquoi tu restes ici ?

-          Pour me rendre compte de tout ce que je vais rater.

Il ne lui a pas dit qu’il la trouvait un peu masochiste. Elle n’aurait certainement pas apprécié.

-          Et quand tu auras fini de regarder tout ça, tu fais quoi ?

-          Rien.

-          Alors on peut aller prendre un pot.

-          Ah non, sinon ça voudrait dire que je fais quelque chose.

Il ne lui a  pas dit qu’il la trouvait un tantinet radicale. Elle n’aurait certainement pas apprécié.

-          Dommage.

-          Pourquoi dommage ?

-          Eh bien, ça m’aurait fait plaisir de discuter avec toi.

-          Ah bon ? Je n’ai rien à dire.

-          Tout de même.

-         Non, je t’assure, je n’ai plus rien à dire sur  rien. C’est la seule position intéressante actuellement dans cette  société où tout le monde parle pour ne rien dire. Même toi d’ailleurs, tu vois, tu me parles et tu n’as rien à  dire.

Il ne lui a pas dit qu’il la trouvait un peu « cinglée ». Elle n’aurait certainement pas apprécié. Finalement, il ne perdait rien à ne pas aller au café avec elle. C’est fou ce qu’elle avait changé depuis leur dernière rencontre qui ne datait pourtant que de trois semaines. Quelle mouche l’avait piquée ? Il a su plus tard qu’elle sortait avec un psy, ceci expliquait  peut-être cela…

 

PS : photo prise par GB

3 février 2016

Le comportementaliste

20151209_155321Alors ? Lui avait-il dit. Elle s’était penchée au-dessus de la rampe et avait répondu.

-          J’ai le vertige !

-          Normal, rien que de très normal car on vient de commencer, il faudra vous entraîner au minimum 7 fois par semaine.

Elle s’éloigna de la rampe, rouge écarlate, et n’osa pas lui dire que sa méthode lui paraissait d’un crétinisme absolu. Comment allait-elle se guérir de ses vertiges en se penchant une fois par jour au-dessus de la rampe ?

Elle hocha pourtant gentiment la tête, et rendez-vous fut fixé la semaine suivante, à la même heure.

Elle aurait certes pu trouver un psychologue plus efficace que ce comportementaliste. Seulement, il provoquait chez elle de tels vertiges émotionnels qu’elle ne pouvait se résoudre à le quitter, même en faisant une économie de 40 euros par semaine …

 

PS : photo prise par GB

26 janvier 2016

Le regard

20160107_141604Si le regard est franc, lui avait dit son ami, le reste suit. Ah oui ? Et comment jugeait-il si un regard était franc ou non ? Il y avait un test ? La naïveté de ce type était déconcertante.

Il se souvenait encore de cette fille dont les yeux avaient la couleur troublante des vitraux de Georges Braque. Ne lui disait-elle pas qu’elle l’aimait, les yeux dans les yeux, avec des accents de sincérité à nuls autres pareils ? Cela ne l’avait pas empêchée de partir avec son meilleur ami sans explication aucune. Ou plutôt si, il y avait bien eu une explication, mais si étonnante, qu’il n’y avait pas cru une seconde : je pars, lui avait-elle dit, parce que tu es un type trop bien pour moi et ce miroir de perfection, devant moi, en permanence, ce n’est plus possible ; ça finit par me donner une mauvaise opinion de moi !

 

PS : collage fait par GB, au temps des ateliers collages.

 

 

22 janvier 2016

Les chauves

20151218_200457Elle avait une tendresse particulière pour les chauves, elle les voyait si nus, si démunis face aux intempéries de la vie. Alors quand ces deux chauves s’assirent juste devant elle au théâtre des arts, elle ne put s’empêcher de les photographier. Encore une fois le proverbe se vérifiait : qui se ressemble, s’assemble.

Mais qui étaient-ils ? Lui serait-il possible, en n’observant que leur crâne dégarni, d’imaginer leur histoire ? En tout cas, s’ils étaient ensemble, ils se parlaient peu. S’étaient-ils disputés juste avant d’arriver au théâtre ? Peut-être pour une question de place ? L’un aurait-il  préféré le premier balcon à l’orchestre ? Ou s’agissait-il de vieilles querelles, de celles qui ressortent à la plus petite contrariété. J’imagine que vous connaissez le processus : par une aspiration inconsciente, des faits remontent des limbes de notre mémoire pour ne plus nous laisser en paix.

Elle n’eut pas le temps de réfléchir plus avant au problème. Les musiciens arrivèrent, les lumières s’éteignirent et la musique fut.

PS : photo prise par GB

18 janvier 2016

L’attente

20160107_141517En voyant son collage, il lui avait demandé pour quand c’était. Elle n’avait pas su lui répondre ; elle n’était pas Dieu.

Il avait insisté.

-          Tu pourrais t’informer ?

-          Auprès de qui ?

-          Je ne sais pas moi, il y a bien un service pour ça.

Elle avait souri et l’avait laissé parler. Incroyable comme ce type parlait toujours pour ne rien dire. De toutes façons, un jour il se calmerait. Un jour d’ailleurs, il ne dirait plus rien, forcément. Et ce jour-là, enfin, elle pourrait se reposer !

 

 

 

PS : collage réalisé par GB il y a des siècles...

 

 

6 janvier 2016

L’ascension

20151107_092653Il lui avait dit.

-          Tu prends l’escalier à ta droite et il suffit de monter, c’est tout en haut.

-          Et une fois en haut ?

-          Une fois en haut, tu m’attends.

C’est donc ce qu’elle fit le jour J. Une fois dans la rue du destin, elle prit l’escalier à sa droite et elle monta et monta encore jusqu’à sentir de fines gouttes perler le long de son dos.

Je me souviens très bien d’avoir voulu l’arrêter, mais elle ne m’écoutait pas, fière d’avoir été choisie pour cette ascension qui n’en finissait pas.

Et tout ça pour quoi ? Pour qu’en haut, un type barbu lui dise qu’elle ne pourra plus jamais redescendre ?

 

PS : photo prise à Montmatre en novembre 2015.

21 décembre 2015

Noël

20151207_191206

Depuis 10 jours, tout le monde lui demandait ce qu'elle ferait à Noël. Mais qu'est-ce que ça pouvait  bien leur faire à tous ? Pourquoi lui demandaient-ils ça alors qu'ils s'en fichaient complètement, que la seule chose dont ils se souciaient, c'était d'eux ?

A la quinzième question identique - avait-elle choisi inconsciemment sa victime ? -  elle répondit énervée.

- Ecoute, à Noël, comme tous les ans, je vais rester chez moi. Pas de  famille, pas d'amis, pas de sortie, télé et au lit. Tu vois,  si c’est ça que tu voulais savoir, tu auras un Noël beaucoup plus heureux que le mien ! Tu veux aussi savoir comment je vais passer le nouvel an ?

Son collègue resta pétrifié. Elle sourit intérieurement, satisfaite de l’effet produit. Elle allait  partir quand il articula péniblement, comme sous l’effet d’anxiolytiques.

-          Eh bien justement, je voulais te demander si tu voulais passer Noël avec moi ?  Ne te crois pas obligée de me répondre tout de suite

-          Quoi, dit-elle médusée, tu veux que je vienne dans ta famille ?

-          Je n’ai pas de famille.

Elle aurait pu répondre oui, tout de suite, mais sa misanthropie profonde la privait de toute spontanéité. Elle l’observa à la dérobée. Certes, elle le trouvait plutôt agréable dans l'ensemble, mais toute une soirée avec lui, ne serait-ce pas insoutenable ? Et de quoi parleraient-ils ? Parce que ce ne serait pas comme au bureau où elle se contentait d’échanges stéréotypés. Et n’exigerait-il pas d’elle des choses qu’elle ne pourrait donner ?

-          Je te préviens, je suis un peu misanthrope, asséna-t-elle.

-          Moi aussi, répondit-il.

-          Et puis je déteste cuisiner.

-          Pas de problème.

-          Et surtout, je n’éprouve aucun sentiment particulier pour toi, crut-elle bon d’ajouter.

-          Pas grave.

-          Tu es sûr ?

-          Mais oui. D’abord, tu n’es pas mon genre, si cela peut te rassurer.

Elle accusa le coup et répondit.

-          Bon, très bien.

Il lui donna son adresse et l’heure d’arrivée, puis ajouta.

-          Tu peux apporter une bouteille de vin, à moins que tu ne sois hostile à toute consommation d’alcool.

Elle sourit.

-          Sans vin, je risque d’être limite hostile, il vaut mieux que j’apporte une bouteille, voire deux.

Et elle partit rapidement, de peur de changer d’avis…

 

PS : Photo prise par GB. La place de la cathédrale, à Rouen, version fêtes de fin d'année. Le prochain texte sera mis en ligne le 26 décembre.

11 décembre 2015

Le banc

Elle était restée 15 minutes sur le banc, 15 minutes de trop et on ne l’y reprendrait plus. Pourquoi attendre les retardataires de la vie ?

Elle se leva à 12 h 30, exactement, et elle disparut au coin de la rue des martyrs. Seulement, au fur et à mesure qu’elle marchait, une petite musique tournoyait dans sa tête jusqu’à l’obsession : « Avec le temps, avec le temps va tout s'en va, on oublie le visage et l'on oublie la voix… »

20151107_092027Arriverait-elle à oublier son visage et sa voix ? Non, impossible. Elle revint sur ses pas. Il était sagement assis sur le banc, le regard allant de la rue au portable et du portable à la rue.

Quand il la vit, il lui fit un grand signe de la main auquel elle répondit le cœur léger. Elle s’assit à côté de lui, ébouriffa ses cheveux bouclés pour le taquiner et l’embrassa sur sa bouche si rouge qu’elle ressemblait à une fraise mûre.

Il ne lui demanda ni d’où elle venait, ni ce qu’elle avait fait, ni pourquoi elle était en retard mais il lui annonça.

-          J’ai une surprise pour toi. Seulement on va marcher longtemps.

Quand ils arrivèrent en haut de la butte, elle était épuisée mais elle ne regrettait rien. Le ciel de Paris était si pur ce jour-là, si pur.

Depuis qu’il avait disparu,  personne ne lui avait proposé de surprises. Elle ne l’avait jamais revu et n’avait pas cherché à le retrouver. C’était son étoile filante.

Elle n’avait oublié ni son visage, ni ses cheveux frisés, ni sa bouche couleur fraise. Mais le reconnaîtrait-elle aujourd’hui ?

De loin en loin, elle revenait s’asseoir sur le banc, comme pour lui dire qu’elle ne l’avait pas oublié…

 

PS : photo prise à Pigalle.

1 décembre 2015

Le père Noel

20151123_092222Il s’est arrêté devant la petite cabane du cerf dans le centre commercial. Il s’en serait bien passé mais Martin, le fils de la femme avec qui il sortait, voulait absolument s’approcher de cette cabane ridicule. Et les questions ont commencé à fuser, comme d’habitude. Pourquoi ce gamin parlait-il toujours pour ne rien dire ? Il a répondu de mauvaise grâce aux premières questions et quand l'enfant lui a demandé.

-  Et le Père Noël, il est où ?

Il n’a pu se retenir de lui dire.

-  Le Père Noël ? Eh bien  il a été mangé par le méchant cerf qui a appelé ses copains pour faire un bon repas de Noël.

L’enfant a fondu en larmes, inconsolable, et tout ce qu’il a pu faire c’est le tirer par la main pour  retrouver sa mère au plus vite...

PS : photo prise par mes bons soins dans le but d'écrire un texte.

 

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