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1 mai 2016

Duo de mai

Duo de mai avec Caro du blog "les heures de coton". Comme point de départ, cette photo gentiment prêtée par Espiguette

Aujourd’hui je vous propose mon texte. Mardi, vous pourrez lire celui de Caro.

 

espiguette

 

 

La fuite

 

Elle n’arrête pas de lui dire de regarder dans le rétro pour voir si la police n’est pas à leurs trousses, mais il ne semble pas l’écouter.

Il a tué une femme et elle est complice. Voilà pourquoi ils fuient.

Tout a commencé il y a deux ans. Elle l’a rencontré à la terrasse d’un café. Une belle gueule, de celles dont on se souvient.

-          Je peux m’asseoir ? lui a-t-il dit

-          Pourquoi pas ?  a-t-elle répondu.

Elle ne repoussait jamais ceux qui l’abordaient, sans doute parce qu’elle ne s’aimait pas. Et puis elle a été flattée qu’un type si beau s’adresse à elle.

Une fois à sa table, il n’a pas arrêté de parler, zigzagant entre les compliments les plus éhontés et les drames de sa vie. A l’époque, elle aimait soigner les bleus à l’âme.

Il la rappelle brusquement à la réalité.

-          Putain, tu conduis comme une merde ! T’as failli te taper le trottoir.

Elle se retient de lui dire de prendre le volant. Deux ans qu'elle se tait et qu'elle se  mord la langue. Pourtant,  à la terrasse de ce café, deux ans plus tôt, il lui avait joué le grand jeu de la Rencontre. Se faire prendre à un piège aussi grossier. Etait-elle sotte !

-          J’en ai ras le cul, maugrée-t-il. Ras le cul des connasses qui pètent  de trouille !

Pourquoi lui parle-t-il sur ce ton ?

-          Vas-y, dis quelque chose, s’agace-t-il.

Elle continue à se taire.

-          Cette fille, si je l’ai tuée, c’est qu’elle voulait ma peau : c’était moi ou elle !

-          Peut-être, mais moi, elle ne m’avait rien fait.

-         Bon, on arrive. Ma mère, c’est la cinquième maison à droite. Tu te gares dans la cour et tu m’attends. J’en ai pas pour longtemps. Un truc à régler avec elle.

Elle arrête le moteur et il sort. Il ne lui demande pas d’entrer chez sa mère. D’ailleurs elle n’en a pas envie, elle ne l'aime pas.

Dès qu’elle le voit disparaître, elle met le contact et démarre. Elle ne sait pas pourquoi, un instinct de survie, et elle roule sur la nationale jusqu’à ce que le soleil disparaisse à l’horizon. A la prochaine ville, elle larguera la voiture et elle prendra le premier train pour Paris. Ensuite, direction l’Espagne, pourquoi pas Séville ou Grenade ? Elle a toujours rêvé de l’Alhambra…

25 avril 2016

Elle

20160417_140402C’est là, derrière le nuage qu’il l’avait vue la première et unique fois, et son visage ne l’avait plus quitté. Une tocade avait pensé sa mère – toujours bien-pensante -  mais une tocade qui dure encore. Et le visage de l'inconnue se superpose sur le visage de toutes les femmes qu’il rencontre. Il cherche une parfaite symétrie. Il n’est pas pressé. Il a toute la vie devant lui, du moins le pense-t-il, car il est à un âge où la mort ne joue pas encore à cache-cache avec la vie.

Et si elle arrive, que lui dira-t-il ? Doit-il y penser ? L’écrire ? L’apprendre par cœur ? Mais apprend-on par cœur ce que le cœur nous dicte ? Tant de questions... car il ne sait pas encore que le cœur est l’ennemi de la géométrie.

 

PS : photo prise à Rouen en avril 2016.

23 avril 2016

Le soutien-gorge

20160320_131040Quand elle lui a demandé ce qu’il en pensait, il n’a rien dit, comme d’habitude. Elle a insisté, mais il n’a en rien rompu son silence, une longue habitude le condamnait à observer plutôt qu’à parler.

-          Très bien, a-t-elle conclu, je le mettrai pour aller chez Muriel.

Léa a eu un franc succès en arrivant chez son amie. Jean Louis l’a accueillie d’un œil concupiscent en lui disant qu’elle n’avait pas grossi d’un poil. Michel, le mari de Martine, lui a fait des compliments sur le choix de la matière en osant un geste pour toucher le produit. Quant à Éric – qui venait de se séparer d’Odile – il lui a dit que maintenant qu’il était libre… et il a laissé la phrase en suspens.

Les femmes ont été moins enthousiastes, il faut dire que ces messieurs ne tarissaient pas d’éloge, ce qui en devenait gênant. Muriel a fini par dire.

-          Et toi Jean Marc, comment tu trouves ta femme ?

Un silence a suivi la question mais Muriel s’est enhardie.

-          Alors, qu’en dis-tu ?

-          J’aurais préféré ne pas commenter, mais puisque tu insistes, je trouve que ça fait un peu pute.

-          Un peu pute ? a repris Léa, furieuse.

-          Oui, un peu pute !

A ce moment-là, Léa s’est adressée à Éric.

-          Qu’est-ce que tu dirais de passer la soirée avec une pute ?

Éric ne se l’est pas fait redire deux fois et ils sont partis ensemble. Le groupe est resté abasourdi.

-         Ça alors ! a fini par dire Muriel.

-          C’est dingue, a renchéri Martine.

Et Jean Marc a conclu.

-          Vous ne saviez pas encore qu’ils couchaient ensemble ?

L’Assemblée, médusée, n’a rien répondu mais Jean Marc a ajouté.

-          Que cela ne nous empêche pas de prendre l’apéritif à la santé des putes… et de leurs clients !

 

PS : photo prise dans le cadre de l'exposition " Art et déchirure"

19 avril 2016

La boîte à mémoires

boite à mémoiresSon amie Juliette avait une boîte à mémoires qu’elle lui avait ainsi présentée : c’est une boîte qui te permet, quand tu la regardes, de voir les plus belles choses que tu as vécues. Chaque objet – ou catégorie d’objet – symbolise un souvenir. Quand je sens que je vais sombrer, je l’ouvre et je sais que la vie vaut la peine d’être vécue. Elle avait ajouté qu’elle la lui montrerait la semaine suivante. Et chose fut faite.

Juliette l’encouragea à s’en fabriquer une bien que Marie lui ait dit qu’elle n’en avait nullement besoin. Juliette conclut par ses mots : « C’est lorsque nous pensons que les choses sont inutiles qu’elles sont le plus utiles. »

Marie finit par se laisser convaincre. Elle voulut commencer par la liste de ses meilleurs souvenirs ; elle n’en trouva aucun, sa mémoire se révélait tristement vide.

Elle fit l’inverse : édifier la boîte et associer ensuite les souvenirs. Mais cette étape se fit dans la douleur : combien de cases ? Combien de rectangles et de carrés ? Quelles couleurs ? Fallait-il faire des lignes ou non ?

Quand Marie en parla à Juliette, celle-ci lui dit de « lâcher prise ». « Lâcher prise ? » répéta Marie incrédule.

-          Oui, cesse de vouloir tout contrôler. Tu la feras cette boîte, mais surtout oublie la perfection. Nul n’est parfait.

Marie s’essaya au lâcher prise, sans succès, et au bout d’une demi-journée d’ardent labeur, elle s’effondra en pleurs. C’est au moment où elle sécha ses larmes que le voile noir se déchira et qu'un arbre immense surgit. Ses  racines semblaient gonflées de vie et, sur chaque branche, des boutons de fleurs s'ouvraient et laissaient éclore un souvenir…

 

PS : photo gentiment prêtée par Roger Dautais. Il pratique le land art et son écriture sensible saura vous faire trouver un chemin intérieur…

 

15 avril 2016

La porte

20160320_135548Dans son rêve, la porte noire est toujours fermée. Elle essaie de la pousser, mais jamais elle ne cède. Jusqu’au jour où la porte noire du rêve se transforme en une porte fleurie aux somptueux tournesols. Elle ne tente pas de pousser les deux battants, elle se contente d'admirer cette végétation qui envahit l'espace.

Soudain la porte s'ouvre, une main gantée de blanc se tend et l'invite à entrer dans une cathédrale engloutie dont les vitraux reflètent des sirènes aux longues chevelures d'algues marines. Elle accepte la main tendue et entre dans  la nef sans même se demander si elle pourra ressortir...

 

 

PS : photo prise à Rouen lors de l’exposition « art et déchirure ».

30 mars 2016

Le tableau

 

20160320_130923-          Et  là, c’est qui sur ce tableau ?

-          C’est la petite fille que sa vilaine sorcière de mère a enveloppée dans le noir de ses pensées.

Sans hésitation, les bouches des mères qui faisaient corps autour du tableau s’étaient écriées de toute la force de leur bonne foi blessée.

-          Hein ? Quoi ? Tu plaisantes j’espère !

Elle, elle en aurait pleuré de désespoir. Ces bien-pensantes se plaisaient à croire que les mères ne voulaient que le bien de leurs filles. Amusante bluette. Et blanche Neige ? Et la belle au bois dormant ?

Pauvres petites âmes prisonnières de leurs corps. Bien évidemment, elle ne dit rien et continua d’observer le liquide qui baignait dans le fond de son verre. Un rhum au liquide amniotique, pensa-t-elle en souriant. Il faudrait qu’elle en boive encore beaucoup, de ce liquide amniotique, pour ne pas passer une soirée abominable.

Après avoir fini son verre, elle en reprit un deuxième, plein à ras bord,  suscitant la réprobation de son mari.

-          Franchement, tu ne crois pas que tu as assez bu !

Elle le moucha vertement. De quoi se mêlait-il ? Si en plus de ne pas être comprise par l’assemblée, elle ne pouvait pas boire ! Ce vernissage, tout de même, c’était le sien oui ou non ?

 

PS : texte imaginé à partir de cette œuvre de M. J. Faravel, vue lors du Festival Art et déchirure à Rouen

 

26 mars 2016

Le Christ

 

20160228_110729

-          Allez - la supplia-t-il – explique moi la fin !

Elle lui répondit agacée qu’expliquer ne servait à rien, que ce n’était pas en expliquant quoi que ce soit qu’on arrivait à ses fins. Tout ce qu’il avait à faire, c’était de vivre, aucune explication ne remplacerait jamais la vie. Et elle ajouta.

-          D’ailleurs, regarde le Christ, tu as vu ce qui lui est arrivé à force de s’expliquer par paraboles ? Il est mort à 33 ans ! Qui voudrait d’une fin pareille, surtout quand on voit à quoi ça a servi !

Une fois ces mots dits, elle tourna les talons et lui fit un petit signe amical de la main. Elle n’était pas mécontente de sa sortie…

 

PS : photo prise à Honfleur en février 2016

8 mars 2016

Les pensées

20160227_110509Elle aurait aimé avoir des pensées sauvages mais les siennes n’étaient qu’apprivoisées. Les bouquets de mots arc-en-ciel qui ouvraient les esprits étaient loin  de son univers. Ces mots à elle avaient des cols sages, et l’innocence de ses idées avait la vertu des chemins balisés qui ne fatiguent jamais ceux qui les parcourent.

C’est pour cette raison qu’elle était devenue actrice, juste pour feindre ce qu’elle n’était pas et essayer d'oublier ce qu’elle était…

 

PS : photo prise à Trouville en février 2016

25 février 2016

La transformation

20160221_154909Ils avaient bien tenté de  dissuader Eve mais rien n’avait pu y faire, elle avait souhaité passer de l’autre côté.

Cinq minutes plus tard, des tirs avaient retenti, puis le silence s’était installé, à peine troublé par le bruit du vent dans les branches nues. Personne ne bougeait, tous fixaient le chemin, espérant la voir revenir.

Soudain un énorme sanglier apparut, les flancs rougis de sang frais. La bête semblait épuisée. Quelqu’un – peut-être une femme -  prononça  le nom de la disparue. Aussitôt, des flancs de la bête, surgit une amazone qui cria : « Pour que  règne la paix sur  terre, débarrassons-nous des démons qui la hantent !» Et, joignant l'arme à la parole, elle décocha une flèche en direction du petit groupe.

Tous partirent en courant, sauf Adam, qui ne se résignait pas à abandonner celle qu'il aimait. Bien mal lui en prit : une flèche se ficha dans sa boîte cranienne et lui rappela, trop tard, qu'au pays des Amazones, les hommes ne sont que des pions.

 

PS : photo prise dans une forêt de l’Eure

13 février 2016

Le tableau

20160207_161958Son fils n’aimait pas ce tableau et elle pouvait le comprendre. Pourtant, elle avait tenu à le suspendre dans la cage d’escalier du deuxième parce qu’il l’intriguait. Cette  petite fille au visage angélique qui se détachait sur la forêt sombre faisait presque peur.  La pureté de sa robe claire était-elle une défense suffisante contre les esprits troublants qui habitaient la forêt de son inconscient ?

Elle se demandait si le « peintre amateur » - une vieille dame qu’elle connaissait bien -  ne s’était pas projetée dans  cette enfant dont elle avait trouvé le modèle sur une boîte de chocolats...

 

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