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Presquevoix...

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6 avril 2023

S’auto-fasciner

Moi, je m’auto-fascine, c’est plus simple que de fasciner les autres. La preuve, à 50 ans bien tassés, je n’ai encore jamais fasciné personne, même pas mon mari. Il faut dire que lui aussi est loin de m’avoir fascinée.

La méthode est simple. Il suffit de se donner des objectifs ou des défis. Par exemple : comment se fasciner avec sa voix, ses pensées, son humour, son ouverture d’esprit. Hier, j’ai parlé de ma méthode d’auto-fascination à mon mari. Il m’a regardée avec une certaine pitié, et il a fini par dire.

-          Ah, intéressant. Il y a combien d’années que tu as commencé ? Imagine que je ne l’avais même pas remarqué ! 

-          Aveugle et sourd, donc ? ai-je répondu calmement.

Là, il n’a rien répliqué. Il m’a regardé à nouveau, m’a souri et a écrit sur un bout de papier qu’il m’a donné : « Aveugle, sourd, et maintenant, muet ! »

PS : prochain texte, lundi.

2 avril 2023

Surdité

Julie était restée 45 minutes dans la salle d'attente de l’ORL avec sa mère qui souffrait d’une surdité particulière : une détestation des aigues et des graves qui déraillaient terriblement. L’ORL, que sa mère avait vu seule, lui avait demandé d’être attentive aux mots entendus et de les lui répéter. Elle fut surprise en découvrant que le neuvième mot était Phallus. Elle hésita à le répéter car, pensa-t-elle, était-il possible qu’un ORL propose un tel mot ? Mais n’écoutant que son courage et son grand âge – 90 ans – elle franchit le pas et lui répéta ce mot-là. L’ORL sourit et lui répondit que non, ce n’était pas du tout ce mot. Sa mère ajouta, souriante.

-          Je m’en doutais un peu, mais bon, j’ai osé. A mon âge, vous savez, on ose tout !

L’ORL conclut l’examen en soulignant qu’elle aurait dû aussi oser voir un ORL beaucoup plus tôt.

 

PS :  prochain texte, jeudi

30 mars 2023

Echanges

Elle avait trouvé sous sa porte le petit mot suivant.

« Merci de ne pas hurler lors de vos relations dites sexuelles ; ça empêche mon mari de dormir, et moi aussi. Votre voisine »

Et elle avait répondu.

« Si vous n’aimez pas les sexophonistes, moi je déteste les saxophonistes, comme votre mari, qui commencent à jouer à 9 h du matin et sont capables de jouer même en soirée ! D’ailleurs, il y a un air que je déteste particulièrement : Don’t leave me now, de Supertramp ! Et  vous savez pourquoi ? Parce que mon mari a mis 9 mois pour partir, et 9 mois, c’est long ! »

Elle n’avait jamais reçu de réponse, mais les rares fois où elles se croisaient dans les escaliers, elles se saluaient poliment et, parfois même, sa voisine souriait. Jusqu’au jour où celle-ci a frappé à sa porte afin de lui demander comment elle avait fait pour se séparer de son mari en neuf mois…

PS : prochain texte, dimanche prochain.

26 mars 2023

L’incroyable boutique

Comme je disais à mon amie que j’avais souvent peur, elle m’avait répondu.

-          Pourquoi ne t’achètes-tu pas un tords-peurs ?

-          C’est quoi ce truc ?

-          Eh bien c’est une ceinture que tu peux serrer à ta taille, et tu essaies de la serrer le plus possible afin que les peurs disparaissent.

-          Et t’achètes ça où ? Je suis prête à tout.

Je n’aurais pas dû lui dire que j’étais prête à tout. Erreur, grave erreur. Quand je suis entrée dans la boutique, un endroit sombre qui avait pour seul éclairage trois petites lanternes, j’ai ressenti des frissons dans le dos. Il n’y avait personne. J’ai donc crié.

-          Il y a quelqu’un ?

Un homme est arrivé, grand, maigre, brun, le visage long et pâle, si pâle que j’ai eu l’impression qu’il revenait d’un long séjour dans les territoires sombres de la terre. Sa voix était excessivement grave.

-          Madame ? Que puis-je pour vous ?

-          Je voudrais un tords-peur s’il vous plaît. Une amie m’a dit que vous en vendiez et que c’était très efficace.

-          Puis-je vous demander de quelles peurs il s’agit ?

-          De peurs nocturnes.

A ce moment-là, il a poussé un tel cri qu’elle a sursauté.

-          Désolé, je vous ai fait peur. Mais je me disais que pour les peurs nocturnes, le tords-peur n’était pas suffisant. Il faut aussi une urne nocturne, c’est plus sûr.

-          Pourriez-vous me montrer le tords-peur et l’urne en me donnant leur prix, bien sûr.

-          Parfait. Attendez un instant. Je descends à la cave car je n’en ai pas en magasin.

Elle s’est demandé s’il allait revenir. Cette cave, était-ça la raison de son extrême pâleur ? Dix minutes plus tard, il a surgi haletant, ses trophées à la main. Cette fois-ci ses joues avaient une autre couleur, un léger rouge pâle. Pourquoi ?

-          Vous allez-voir avec cette urne, vos peurs vont se sentir à leur place. Voici aussi la ceintures aux dix trous, et puis, pour le modique prix de deux cents euros pour les deux objets, je vous offre un sac à mots, sac que vous pouvez fermer avec ce délicat petit cordon rouge.

-          Parfait. Et c’est votre dernier prix ?

-          Oui, vous savez, ma boutique est unique. Inutile d’aller chercher sur internet. Introuvable. D’ailleurs, vous avez remarqué que ma boutique s’appelle « l’incontournable » ?

-          Oui, oui, a-t-elle bafouillé.

-          Et en plus, faites-moi confiance, ici, c’est satisfait ou remboursé de moitié au bout de neuf mois, si problème il y a.

-          Très bien a-t-elle chuchoté.

Elle lui a fait un chèque, puis est partie immédiatement. Depuis qu’elle avait ces objets, son comportement avait changé, et à tel point, qu’on ne la reconnaissait plus. Elle était devenue maigre, très maigre et avait un visage pâle, si pâle que maintenant elle faisait peur à ses enfants…

 

PS : prochain texte, jeudi.

22 mars 2023

Le poste de police

Elle se retrouvait à nouveau en garde à vue au commissariat ; deuxième fois depuis trois mois. Pourtant, elle n’avait rien fait sinon chanter une petite ritournelle des gilets jaunes, avec des paroles légèrement transformées, dans les rues piétonnes du centre-ville.

« On est là, On est là, pour dire non au p’tit despote oui on est là,

Non à ton autocratie, oui à la démocratie, et un bras d’honneur à ton gouvernement ».

Elle avait terminé sa petite chanson en répétant plusieurs fois : « Non, non, non, à l’entubeur précoce !». Hélas, trois policiers circulaient dans cette même rue piétonne et ils lui ont demandé de les suivre. Personne n’est intervenu pour l’aider dans cette rue calme du jeudi matin.

Une fois au poste, l’un des policiers lui a demandé poliment de s’asseoir et l’autre lui a dit.

-          Madame à votre âge, c’est un peu étonnant que vous chantiez à tue-tête ces paroles qui sont une offense à notre président et à notre gouvernement. Par ailleurs, l’alcotest révèle que vous n’aviez pas bu.

-          Vous remarquerez, monsieur le policier, que j’ai dit « entubeur précoce » et non pas « éjaculateur précoce ». Notez que, j’aurais pu le dire, si mon éducation m’y avait autorisée, car que dire d’un président qui ne prend pas le temps d’écouter les députés et les sénateurs  ?

-          Madame, taisez-vous ou c’est 24 heures de garde à vue. Vous le savez ça ?

-          Non, personne ne me l’a dit.

-          Profession ?

-          Retraitée.

-          Bon, je comprends, vous avez du temps et l’ennui vous fait parfois perdre la tête, n’est-ce pas ?

Finalement, elle avait à nouveau échappé au pire, et son fils était venu la chercher au bout de six heures.

-          Deuxième fois maman. Une troisième en vue ?

-          J’y réfléchis, mais pas tout de suite.

-          La troisième fois, tu appelleras papa, hein ? Ça lui fera plaisir !

Cette nuit-là, elle s’est endormie tôt, mais son rêve nocturne l’a troublée ; certes, elle était loin de se considérer comme une pythie, mais tout de même, écouter et voir en une même nuit un conseil constitutionnel à la botte du gouvernement et un chefaillon  qui continuait son escalade vers les sommets de l’aveuglement, cela ne disait rien de bon pour l’avenir…

PS : prochain texte, dimanche.

19 mars 2023

L’enfant

L’enfant, appuyé sur le rebord de la fenêtre, les yeux tournés vers le ciel,  écoutait sa mère parler et parler encore du collège où elle avait été convoquée. « Aucun travail », lui avait on dit.  Le professeur de français, lui, avait ajouté que l’enfant était rêveur et que parfois, le rêve…

A la fin du discours de sa mère, l'enfant avait presque eu envie de se jeter par la fenêtre, mais pour quoi faire s’il ne savait pas voler ? Il avait tout de même dit.

-          Moi, je suis le président des mots !

-          Tu te fiches de moi Rémi ? En tout cas, toi, tu m’en donnes des maux de tête. Je suis même obligée de prendre trois dolipranes alors que d’habitude, quand ça va pas, j’en prends qu’un !

L’enfant n’avait rien répondu. Il savait depuis longtemps, qu’au royaume des mots, ni sa mère, ni son père ne pouvaient entrer.

 

PS : prochain texte, mercredi.

15 mars 2023

L’outil

Son outil de travail, c’était son corps. 30 ans de bons et loyaux services – avait-elle l’habitude d’expliquer à ses copines - au services des frustrés, des handicapés du sexe, de ceux qui ne savaient pas comment faire ou n’avaient jamais su, de ceux qui en demandaient toujours plus sans jamais rien donner, de ceux qui ne demandaient plus grand chose, sinon qu'on les écoute, un peu.

Quand certains types lui disaient en se moquant – « Quand est-ce que tu vas te rhabiller Princesse ? » – elle leur répondait.

-          Demande à ta pouf si elle peut te faire ce que je fais, connard ! 

Sur le marché de la « baisabilité » comme on disait dans la profession, des esprits haineux soulignaient qu’elle était tombée bien bas, que son organe était atrophié, qu’elle avait atteint la limite de la barrière corporelle, mais elle continuait, acharnée, car elle avait un but.

Le cul à l’ancienne, ça la dégoutait depuis longtemps. Dans les cinq ans à venir, avec le petit pécule qui serait le sien, elle mettrait une plaque de psychopraticienne à la porte de la petite maison qu’elle s’achèterait et là, la belle vie, une vie simple, en veste et pantalon bleu foncé, peut-être, et deux grands fauteuils noirs en face à face. Ecouter était un art et cet art, elle le possédait jusqu’au bout des lèvres. Quand elle parlait de ça au boulot, les autres se moquaient d’elle.

-          Les lèvres, ça, tu connais !

Elle se contentait de leur répondre qu’elle n’avait jamais sucer quoi que ce soit, pas même des glaces quand elle était enfant, ce qui était vrai. Les filles se contentaient de dire alors, en clignant de l’oeil.

-          Alors tu nous fileras tes cartes de visite et on t’enverra nos clients pour qu’ils se reposent après l’acte !

 

PS : prochain texte, dimanche

13 mars 2023

Le bras

Le Ministre de la Justice avait fait entrer à l'Assemblée Nationale, le mardi 7 mars, à l'occasion de débats sur l'exemplarité des élus, une nouvelle mode, la mode du geste technique « virile » : la mode du bras d’honneur.

D’ailleurs, maintenant, dans toutes les manifestations, les citoyennes et les citoyens enthousiastes disaient  oui au bras d’honneur.  Ils l’utilisaient sans aucune mesure, à l'exemple de notre Ministre « garde des Sceaux » et non des Sots. Tout un chacun, donc, en début et en fin de manifestation contre la réforme des retraites, faisait un bras d’honneur au Président, un au Ministre du Travail, un à  la Première Ministre etc. Cette mode avait un tel succès que l’on se demandait avec inquiétude - dans les hautes instances de notre pays -  si elle n'allait pas sortir du champ des manifestations pour aller vers d’autres champs, beaucoup moins encadrés… 

PS : prochain texte, mercredi.

8 mars 2023

Duo

La conversation avait débuté une fois la commande passée en terrasse. Soleil de printemps, vestes déposées sur les chaises et ouf - s’était dit Léa - le mari de Pauline n’est pas là.

 Pauline avait dit.

-          Je voudrais changer de vie !

-          Ah ouais, bon… mais pour en changer, il faudrait d’abord que t’en aies vraiment une, non ? 

-          Comment ça ? avait répondu Pauline, agacée.

-          Ben tu es un peu dépendante de ton mari, non ?

-          Dépendante ? comme tu y vas. J’ai un travail.

Léa savait qu’elle s’était engagée sur un chemin dangereux ; afin de ne pas mettre fin à cette amitié de 20 ans, elle botta directement en touche et répondit.

-          Exactement, le travail, merveilleux moyen, d’autant plus que tu as des tiroirs pleins d’idées. Tu te souviens de la liste  des métiers que tu voulais faire quand on était en seconde  ? Plongeuse en eaux profondes, Magicienne, Directrice de Rien,  Voyante en pensées intérieures… Bref, de quoi alimenter ton cerveau en quête d’autre chose !

-          Comment tu te souviens de ça ? On se marrait bien, à l’époque.

-          Et maintenant ?

-          Je baigne dans une sauce dont j’ai du mal à améliorer les ingrédients.

Léa n’ajouta rien et sourit. Elle avait envie de lui dire que l’ingrédient de sa sauce qui ne convenait pas, et qu’il fallait absolument supprimer, c’était son mari. Mais elle n’osa pas. Et Pauline conclut.

-          Ça fait du bien de parler avec toi. Heureusement qu’Olivier n’est pas là, sinon, il aurait ajouté son point de vue, et son point de vue, je dois dire, je m’en tape mais je n’arrive pas à l’ignorer.

Parfait, s’était dit Léa, elle est sur le chemin de l’indépendance, mais quand arrivera-t-elle à la fin du tunnel ?

 

PS : prochain texte, lundi

4 mars 2023

Le tunnel

Il s’était séparé d’elle le premier janvier au soir, sans même le lui avoir dit la veille, il faut dire qu’il avait si peu de courage et d’imagination. Récapitulation des faits, se répétait-elle à longueur de journée depuis un an : le 31 décembre au matin, chez lui, j’ai préparé une dinde avec amour et on l’a mangée ensemble avec quelques amis, dont celle qui a pris ma place. Le premier janvier, je pars à trois heures du matin de chez lui pour dormir chez moi, puis je reviens le soir du premier janvier pour manger, avec lui, le reste de dinde préparée avec amour. Bien sûr, nous devions être en tête à tête. Résultat, le premier janvier au soir, elle est là, avec ses valises, pour s’installer chez lui, dans sa chambre, alors que deux jours plus tôt, elle vivait avec son mari à un kilomètre de là. Et, ce mufle  à eu le culot de me dire « Tu peux manger avec nous, mais peut-être que tu ne seras pas très à l’aise car Christine va venir vivre chez moi. »

Un an que son cerveau s’obstinait à mettre en place ce puzzle, mais il lui manquait deux cases, ces fameuses cases de vide.

Sous les conseils de plusieurs amies, elle avait commencé une thérapie, mais, même à raison de 45 minutes par semaine et de 50 euros par séance, elle avait toujours deux cases de vide et, en plus, elle avançait dans un tunnel noir dont elle voyait difficilement la sortie, loin, très loin, si loin ; et elle se cognait toujours aux murs, étroits, très étroits, si étroits…

 

PS : prochain texte, mercredi.

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