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Presquevoix...

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20 avril 2017

Précaution

Sur sa table de nuit, il laissait toujours un papier avec son nom et son prénom : la peur de se réveiller le cerveau aussi vierge que la surface de la terre au premier matin du monde.

 

 

18 avril 2017

Le mug (suite et fin)

20170417_094145Elle regrettait d’être partie de chez lui sur un coup de tête. Si elle s'était raisonnée, peut-être aurait-elle eu matière suffisante à écrire une nouvelle ?

Cette frustration signait la fin de ses illusions. Comment ce type avait-il pu se retenir jusqu’au dessert ?

Elle lui téléphona le lendemain pour tenter d’expliquer son départ.

-          Bonjour Pierre, je tenais à m’excuser.

-          De quoi ?

-          De mon départ précipité, ce n’était pas très sympa de ma part après les efforts que tu as fait.

-          Les efforts ?

-          Oui, pour le repas. Et puis ce mug, ce n’était quand même pas la mer à boire.

-          Ah, tu es partie pour ça ? J’avoue que ce n’est pas de la vaisselle très classe mais je n’avais que ça. C’est un  cadeau d’une vieille copine.

-          …

-          Tu ne dis rien ?

-          A vrai dire, je croyais que le mug voulait me signifier que si j’étais là, c’était pour qu’on s’envoie en l’air ensuite.

Il éclata d’un rire sonore qui lui parut fort déplaisant.

-          Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle là-dedans.

Pierre ne répondit rien et elle reprit.

-          Tu trouves que c’est un peu primaire comme façon de penser ?

-          Non, non, mais à vrai dire cette idée était très loin de moi.

-          Tu veux dire que je ne te fais aucun effet ?

Pierre resta silencieux. Cherchait-il une réponse qui ne la blesserait pas ?

-          Non, pas du tout, mais c’est encore un peu tôt pour moi.

Elle n’osa pas lui demander de précisions mais elle se sentit mortifiée. Il lui vint tout de suite à l’esprit que si elle devait lui préparer un menu, ce serait de « la dinde farcie au con » ! Pourtant elle retint cette saillie déplacée.

-          Tu ne dis rien ?

-          Tu voudrais que je te pose des questions ? J’imagine que non. Alors tu vois, tout est parfait, parce que pour moi non plus ce n’est pas encore le moment. Mais en ce qui me concerne,  je dirais plutôt que c’est un peu tard.

Et elle lui raccrocha au nez.

Le lendemain, elle regrettait déjà sa réplique, mais pouvait-elle à nouveau lui téléphoner ?

Il lui fallait  se rendre à l’évidence : elle devait apprendre à tenir sa langue pour ne plus être le dindon de la farce.

 

PS : dessin humoristique de Reiser

16 avril 2017

Le mug

20170415_105157Tout s’était admirablement passé. Un repas raffiné, des vins délicieux, une conversation  agréable, un humour discret. Aucune allusion déplacée, aucun regard trop soutenu, aucun laisser-aller. Seul point noir, le « mug » où, à la fin du repas, il lui servit une tisane dont le nom – « ce que racontent les étoiles » - rappelait la finesse de certains contes japonais.

Elle ne supporta pas cette rupture et rien de ce qu’il bafouilla ne la fit changer d’avis.

Elle partit, laissant la tisane infuser dans son mug indécent…

 

 

14 avril 2017

Les cheveux

Il avait les cheveux si gras qu’on lui demandait parfois s’il se mettait de la gomina. En désespoir de cause, il avait fini par se déclarer argentin et danseur de tango.  Tout plutôt que d'accepter d'avoir hérité des cheveux de son père.

12 avril 2017

Le livre

20160625_163236Il lui avait acheté ce livre-là pour son anniversaire. La connaissait-il  par cœur ? Elle aurait tout de même préféré autre chose que ce clin d’œil confortant  un « travers ».

 

La question méritait d'être posée : ferait-elle un jour son bonheur ? Finirait-elle par voir la vie comme un jardin d’Eden où elle cueillerait, chaque jour,  une fleur dont elle ornerait sa robe ?

10 avril 2017

Le miel pop

Hier matin, mon fils mangeait ses miel pops avachi sur la table de la cuisine ; je n’ai pu m’empêcher de lui dire.

- Tu en as fait tomber un parterre.

Il m’a répondu taciturne qu’il allait le ramasser. Je dois signaler que mon fils ne fait jamais les choses au moment où on lui demande de les faire, il se laisse toujours un temps – long, très long - pour la réflexion.

15 minutes plus tard, je suis revenue dans la cuisine pour mettre le linge dans la machine à laver et j’ai entendu un craquement. J’ai observé ma semelle : un miel pop pulvérisé s’étalait sur la surface noire.

J’ai failli dire « connard ! », mais je me suis abstenue. A quoi cela servirait de s’énerver contre un miel pop ?

 

8 avril 2017

Esmeralda

20160524_121408Alors ? Elle a mangé la pomme ? Demandèrent les nains réunis autour d’elle. Tous attendaient sa réponse avec une impatience grandissante. Elle dût même réfréner leur désir.

-          Voyons messieurs les nains, du calme, une pomme n’est qu’une pomme.

-          Peut-être, répliqua un nain, mais est-ce qu’elle s’appelait Eve, la dame ?

-          Non, elle s’appelait Esmeralda et elle était souvent mélancolique.

« Esmeralda » murmurèrent les sept nains émerveillés par ce nom aux sonorités si douces.

-          C’était quand même pas une pute Esmeralda ? dit un nain plus désinhibé que les autres.

Elle s’énerva un peu.

-          On ne dit pas « pute », mais péripatéticienne. Maintenant, je vais vous raconter toute l’histoire, mais vous devrez vous taire jusqu’au bout, même si vous n’êtes pas d’accord avec ce que vous entendez.

Elle raconta l’histoire d’une traite. Tous restèrent silencieux, sauf à la fin, quand elle dit qu’Esmeralda perdit la tête pour un Prince qui ne pensait qu’à une chose ! Ils soupirèrent de tristesse, et plutôt deux fois qu’une. L’un d’entre eux, le plus romantique, osa même.

-                 Moi, si je l’avais connue, je l'aurais avertie que le Prince n’était qu’un coquin qui voulait juste coucher avec elle.

Elle sourit et répondit.

-          Je me demande si elle t’aurait écouté. Elle l’aimait tellement ce Prince ! Pauvre Esmeralda, non seulement elle a croqué la pomme et a perdu sa tête, mais elle a été mise à la porte par son père et sa mère qui lui ont dit que quand on avait une tête, il fallait la garder sur ses épaules.

Les nains pleurèrent à chaudes larmes - ils étaient si émotifs. Elle se garda bien de leur dire qu’Esmeralda c’était elle, ou presque. Quelle chance elle avait eu  de rencontrer sept nains qui adoraient écouter ses histoires, écrites avec amour, et  qui lui permettaient presque d’oublier la sienne...

 

PS : photo prise dans le parc du lycée.

6 avril 2017

Le taiseur (2)

A peine entrée en classe, elle crie qu’elle doit sortir pour téléphoner parce que " ça le fait pas là ", on salit sa réputation, « on la traite comme une moins que rien et c'est grave quoi ! ». L’impatience me gagne à mon tour. Je lui demande de sortir et d’arrêter de « gueuler ».  Parfois j'aimerais avoir un "taiseur" spécial prof. D'ailleurs, pourquoi je ne me lancerais pas dans la conception de la "chose". Je pourrais peut-être ensuite recevoir le premier prix de la "cellule d'appui à l'innovation et à l'experimentation du rectorat"...

4 avril 2017

Le banc

20170313_134107Tous les jours il était installé au même endroit, face à la mer. Que faisait-il ? Lisait-il ? Pensait-il ? Peut-être se forçait-il à voir l’éternité ?

Elle attendit un mois avant de lui adresser la parole. Le mieux, s’asseoir à côté de lui.

Ce jeudi après-midi, à 17 heures, elle prit place sur le banc. Il l’ignora superbement. Elle sortit un livre de son sac et se mit à lire ou  faire semblant. Rien. Elle ferma son livre et le bruit sec le fit tressaillir, mais point de visage tourné vers elle. Elle allait s’apprêter à parler quand elle entendit une voix gutturale.

-          Ne perdez pas votre temps, je n’existe pas.

-          Pardon ?

-          Oui, je suis là mais je ne suis pas là. Je suis le vent qui passe, l’embrun qui dépose une larme de sel et disparaît aussitôt.

-          Vous permettez que je note ce que vous venez de dire.

-          Je vous en prie. Rien ne m’appartient.

L’homme ne s’était toujours pas tourné vers elle et elle n’osait regarder son profil. Elle achevait de noter sa phrase quand il continua.

-          Aussi surprenant que cela puisse vous paraître, je sais qui vous êtes. Vous êtes celle qui attend au lieu de marcher.

-          Et d’où me connaissez-vous ?

-          D’ici. Je sens les choses. Ça fait un mois que vous m’observez. Maintenant partez, je dois méditer et vous m’en empêchez. Si j’avais un conseil à vous donner, chose que je fais rarement car cela m’épuise, je vous dirais de rompre.

-          Rompre ?

-          Oui, avec ce quotidien qui vous engloutit.

Elle se tourna vers lui, mais son profil disparut aussitôt, ne laissant qu’un corps aux contours indécis. La promenade était déserte et le ciel immobile semblait avaler la mer. Soudain, elle prit peur et s’envola pour se retrouver sur le port, là où les touristes, étranges oiseaux de passage, donnent à la vie l’allure d’un paysage inachevé.

 

PS : photo prise à Dieppe en 2017

2 avril 2017

La cochonne

Elle lui en faisait voir de toutes les couleurs. Non seulement elle creusait derrière ses clôtures mais elle le narguait de son oeil torve. 9 mois que son petit jeu durait, 9 mois de négociations avec le propriétaire qui ne voulait rien entendre.
-    Si je l’ enferme elle va déprimer, avait-il eu le culot de lui dire.
Pourtant, il avait été très clair.
-    Soit tu l’enfermes, soit elle termine en jambonneaux  !
Un mois plus tard, quand il l'a visée à la carabine de la fenêtre de sa chambre à coucher, il n’en a eu aucun regret. Le POUM  l'a  même fait  hurler de rire. Celle-là, il ne l'avait pas ratée !


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