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Presquevoix...

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8 octobre 2017

Duo d'octobre

En ce mois d'octobre fleurit notre nouveau Duo. Caro propose comme inducteur le "le gondola no uta" qu'elle a connu en lisant ce livre.

Voici son texte, le mien sera posté mardi prochain.

 

Gondola no uta

 

Il était sorti du cinéma en chantonnant une mélodie japonaise. Je me souvenais d’elle car je l’avais entendu en découvrant Vivre de Kurosawa dans une de ces salles. Oui, l’affiche aurait pu se trouver là, aujourd’hui, coincée entre le documentaire sur le réchauffement de la planète et l’annonce alléchante de la rediffusion d’un Visconti. L’homme s’éloigna et prit le chemin du Vieux Lille, je lui emboîtais le pas. Il marchait tranquillement ; j’entendais les notes qui résonnaient doucement dans la nuit. Il portait un vieux cuir usé et un jean.

En passant sous un lampadaire, je ressentis avoir déjà traversé cette scène. Mais quand, où ? Avais-je vraiment vu ce film ? Avais-je déjà suivi un homme, avais-je déjà poursuivi cet homme ? Est-ce que je vivais dans cette ville ou y étais-je de passage ? Est-ce que je ne cheminais pas dans une nuit tissée de mes rêves ? Je regardais mes mains, elles semblaient si jeunes. Mon regard se dérobait dans les reflets nocturnes ; je ne trouvais pas de réponse dans mon visage troublé par la nuit : avais-je dix-neuf ou cinquante ans ?

Alors que l’homme ralentissait jusqu’à s’immobiliser, une voix murmura au creux de mes pensées quelques phrases du gondola no uta. L’inconnu se retourna et me dit C’est bien toi ! et il me prit dans ses bras.

Ni lui, ni moi n’évoquons l’instant, songe ou réalité, où nous nous étions rencontrés, pas plus que ce détail qui nous avait fait nous reconnaître. Parfois nous murmurions notre chanson comme un credo. Après tout, alors que nos temps avaient déjà été comptés, il nous avait été donné de pouvoir saisir une seconde fois notre âme de jeunesse.

La vie est courte aimez jeunes filles

Tant que le rouge de vos lèvres est encore vif

Tant que votre sang chaud n'a pas tiédi

Comme s'il ne devait pas y avoir de lendemain

 

La vie est courte aimez jeunes filles

Au besoin prenez les choses en main et embarquez-vous

Au besoin tendez vos joues vers des joues brûlantes

Comme s'il ne devait plus y avoir personne après

 

La vie est courte aimez jeunes filles

Comme un bateau flottant sur les vagues

Posez votre main doucement sur mon épaule

Comme si personne ne pouvait plus nous voir

 

La vie est courte aimez jeunes filles

Tant que le noir de vos cheveux est encore sombre

Tant que la flamme dans votre cœur n'est pas éteinte

Comme si ce jour ne devait plus se reproduire

 

                                               gondola no uta

6 octobre 2017

L’élève

Mercredi. Cours de 8 h à 9 h, les têtes ont tendance à piquer du nez et le regard est vague. 10 élèves présents, 10 fantômes. Une question est posée et un élève tire au sort l'étiquette Bryan dans le petit sac à prénoms. Bryan lève des yeux ensommeillés et dit.

-          Madame il est trop tôt,  je suis fatigué.

Elle en reste muette de surprise. Une fois remise, elle enchaîne.

-          Le problème Bryan c’est que lorsque je vous interroge de 8 à 9 vous êtes fatigué et  quand c’est de 16 à 17 vous avez mal à la tête. Etant donné que nous avons deux heures de cours ensemble, et toujours à ces heures-là, que faut-il que je fasse pour vous entendre parler anglais ?

-          Les cours sont mal placés madame. Et puis l'anglais c'est trop dur le matin, ça sort pas.

Le « diable » a réponse à tout. Elle prend un air accablé et conclut.

-          Eh bien le jour de l’oral du baccalauréat, vous expliquerez tout ça à  l’examinateur, et en anglais, bien sûr.

Elle se retient mais elle n’a qu’une envie : lui hurler qu’elle en a marre des « glandeurs » qui se couchent à pas d'heures !

4 octobre 2017

Ophélie

20170820_190735Souvent elle se rêvait en Ophélie, sa longue chevelure blonde balayant les eaux où se reflétait le visage des fées qui s’étaient penchées sur son berceau à la naissance.

Maintenant, elle n’était plus une enfant, à 20 ans passés elle était en âge de se marier, comme toute jeune fille de bonne famille. Vierge et pure, elle attendait son prince, confiante, le cœur empli de toutes les légendes contés dans son enfance. Quelle ne fut pas sa surprise, par une belle journée d’été, de voir un jeune homme arriver dans leur propriété sur son percheron.

-          Qui êtes-vous ? lui demanda-t-elle.

-          Le prince de Montagne au Perche

-          Ce cheval est à vous ?

-          Oui, c’est mon fidèle percheron. Me feriez-vous l’honneur d’une promenade en barque ? Mon percheron nous emmènera jusqu'au fleuve.

-          Moi ? Me promener avec vous ?

-          Oui, pourquoi pas ?

-          Mais je ne vous connais pas.

-          Le fait que je sois prince ne vous suffit-il pas ?

-          Que nenni, monsieur. Mes parents n’y consentiront pas.

-          Vous n’êtes pas assez grande pour prendre votre décision seule ?

Elle le regarda étonnée. Ce prince avait des idées bizarres et, si son cheval n’avait point de grâce, lui en avait pour deux.

-          Soit, répondit-elle, allons-y.

Et ils partirent.

Personne ne sut jamais ce qui advint à la princesse. On ne la revit pas, le prince et le percheron non plus. La barque, elle, est encore amarrée à la rive. Certains disent avoir vu, par nuits de pleine lune, la princesse et le prince faire l’amour dans une barque tirée par un percheron. Mais ce ne sont que discours d’hommes avinés, ancrés au comptoir de chez Ginette

 

PS : photo prise à Tours

 

2 octobre 2017

La consultation

Souvent, il se consultait lui-même. Il fermait alors la porte de son bureau et déclarait qu’il était en rendez-vous en mettant sa pancarte " Ne pas déranger ! ". Ses proches craignaient pour sa santé mentale, mais n’était-ce pas eux – qui jamais ne se consultaient  – qui auraient dû craindre pour la leur ?

30 septembre 2017

La pancarte

20170811_124642Quand elle vit la pancarte  "toilettes sèches", ni une ni deux, elle changea de direction et pédala aussi vite qu’elle le put afin d’éviter la catastrophe ; cette omelette aux cèpes prise dans ce restaurant routier lui avait retourné les intestins.

En forçant sur les pédales, lui revinrent en mémoire les rires tonitruants de ses voisins de table, et leurs propos graveleux qui avaient redoublé au moment où elle avait mis sa bible sur la table. " Merde, quels cons ! " se dit-elle, en  regrettant aussitôt  la grossiereté de ses propos. Mais si Dieu était intelligent, il comprendrait...

 

 

PS : photo prise dans le Perche.

28 septembre 2017

Le nom

Il ne donnait jamais son vrai nom. Il en choisissait toujours un différent, de peur qu’on ne l’ensorcelle et qu’on installe en lui – à son insu – une caméra vidéo  qui pourrait donner à tout un chacun les moindres informations sur sa vie intérieure.

Il savait confusément que cela arriverait un jour où l'autre car le pouvoir néfaste de l’humanité était arrivé à son comble.

Sans doute était-ce la raison de sa présence dans l'unité 3 du Centre Hospitalier de Sainte Anne où un psychiatre, à bout d'arguments devant ses jérémiades,  avait fini par lui dire que le service de maintenance de sa caméra interne ne pourrait pas venir avant quinze jours...

 

26 septembre 2017

Le signe

20170830_095537C’est dans le sixième tiroir qu’elle l’avait trouvé. Un mot jauni, oublié de tous, peut-être même de celle qui l’avait reçu. L’homme lui donnait rendez-vous derrière le court de tennis, dans la remise où le bois attendait les grands feux qui brûlaient dans l’âtre dès le mois de novembre.

Mais qui était cet homme ? Son mari ? Un amant ?

Le soir-même, alors que sa grand-mère tricotait et qu’elle-même lisait un livre dont l’histoire lui échappait, elle lui avait glissé l’air de rien.

-          J’ai trouvé un mot dans le petit meuble à tiroirs du salon.

-          Ah bon ? Répondit sa grand-mère sans lever les yeux.

-          Oui, un mot pour toi. Mais il date et il est tout jauni !

-          Ah, ce mot-là !

-          Tu te souviens ?

-          Oui.

-          C’est de papy ?

-          Ton grand-père n’aurait jamais écrit ça.

-          Alors de qui ?

-          Tu es bien curieuse.

-          Mais pourquoi tu l’as gardé à cet endroit depuis tout ce temps ?

-          Va savoir pourquoi on garde les choses, lui avait répondu sa grand-mère, soudain triste.

Elle n’avait pas insisté.

Une partie de la  réponse était venue dix ans plus tard, à l’enterrement de sa grand-mère.  

Elle n’en sut jamais plus que le peu qu’on avait bien voulu lui dire, mais cette béance fut le motif de son premier roman qui s’intitula : « le silence »

 

PS : photo prise à Bonnemare.

 

24 septembre 2017

Déchéance programmée

Pour ses 50 ans on lui avait offert un soin  visage et des massages, pour ses soixante ans une cure thermale, pour ses 70 ans un déambulateur connecté avec freins à disques, et pour ses quatre-vingts ans une convention obsèques.

22 septembre 2017

les chaises-longues

20170830_090415C’est là qu’ils s’asseyaient il y a bien longtemps. Les chaises longues sont restées, témoignages de leur présence. Aurait-on pu appeler amour ce qui les unissait ? Sans doute pas, mais peu importe le nom que l’on donne aux sentiments qui unissent les êtres, le plus important n’est-il pas que quelque chose les unisse ?

 

PS : photo prise à Bonnemare, en Seine Maritime.

20 septembre 2017

Adolescence

Ils étaient assis devant elle dans l’attente de quelque chose, ou de rien. Des visages étaient fermés, d’autres ouverts.  A ceux qui étaient enfermés en eux-mêmes, elle avait envie de dire : « Entrouvrez une fenêtre, sinon jamais nous ne pourrons échanger quoi que ce soit ! ». Sans doute leur dirait-elle, lorsque le moment serait venu…

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