L’empathie
Il n’avait jamais voulu être assassin mais on lui avait forcé la main. La première fois qu’il avait tué, sa chemise était à tordre, comme s’il avait perdu toute l’eau de son corps. La fois suivante, il avait mis du coton pour absorber la sueur.
Il avait une qualité peu commune pour un assassin : l’empathie. Il n’était pas rare qu’il se laissât aller à quelques attentions touchantes avec certaines victimes toujours choisies avec le plus grand soin. Les annonces passées dans Paris Normandie à la rubrique « emplois » précisaient toujours que les candidates devaient avoir entre 25 et 30 ans, être blondes ou châtains clairs, mesurer environ 1 m 65 - la même taille que sa mère - se montrer enthousiastes, disponibles, et le tout pour une rémunération largement supérieure au SMIC. Quant au travail demandé, l’annonce ne le stipulait pas.
La première femme qu’il avait tuée - et son père l’en avait presque supplié - c’était sa propre mère. Comment aurait-il pu le lui refuser ? Elle avait fait de son père une épave. Une fois le pied à l’étrier, il lui avait fallu monter en selle plus vite qu’il ne l’aurait sans doute voulu et il était très vite devenu un cavalier émérite.
Depuis un an, après chaque meurtre, un rituel s’était imposé : il enfermait dans du papier de soie les cheveux de ses victimes dans l’éventualité d’une greffe. Qui sait si ce simple geste n’était pas aussi un ultime geste de tendresse ?