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Presquevoix...

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12 octobre 2019

La poudre à ré-enchanter le monde

 

 

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C’était un dimanche soir, avant de s’endormir, que son fils lui avait parlé de la poudre à ré-enchanter le monde. Certes, à 10 ans, il était aussi rêveur que dans sa petite enfance, mais elle ne put s’empêcher de lui demander.

-          Et où elle se trouve ?

-          Dans une boutique.

-          Et où elle est cette boutique ?

-          Au fond d’une rue où je suis allée pour voir la maison où habite Hugo.

Elle le regarda attentivement. Il avait à côté de lui une bande dessinée de Tintin qui l’accompagnait toujours avant d’entrer dans le monde du sommeil. Tintin était son ami d'enfance.

-          Alors tu es entré ?

-          Oui, et j’ai rencontré d’autres trucs, comme le fil pour rafistoler nos vies, pas mal hein ? Et puis, j’ai trouvé un truc pour l’anniversaire de papa. Une baguette magique qui dit «  Elle réalisera tout ce en quoi tu crois le plus mais il faudra y travailler pour y arriver ».

Elle éclata de rire. Elle aussi en aurait besoin de cette baguette magique, mais en quoi croyait-elle vraiment ? Cela demandait réflexion.

-          Mais dis-moi, et toi, tu l’as acheté la poudre à ré-enchanter le monde ou tu attendras Noël ?

Il resta un instant silencieux puis conclut.

-          Bof, j’attendrai Noël parce que je sais pas encore comment ré-enchanter le monde. Et puis, j’en veux deux, au cas où je ferais une bêtise.

Elle sourit. Un amour d’enfant, enfin, parfois. Elle l’embrassa, lui souhaita une bonne nuit et un bon voyage au pays de Tintin.

 

PS : photo prise dans une très jolie boutique, à Nancy, il y a trois ans et demi.

10 octobre 2019

le café du coin

Au café du coin, Michel discutait au comptoir avec un type assez jeune que personne ne connaissait à part lui ; c’était le fils d’un ami d’un ami  dont il ignorait même le prénom.

- Moi, disait Michel, fier de lui, je suis  anti-immigration et anti-Europe, et je peux te dire que je me gênerai pas pour voter RN s’il le faut !

L’autre lui répondit l'air moqueur.

- Et anti-connerie, non ? Tu devrais essayer, ça ferait du bien à ton cerveau anti-social.

Michel ne répondit pas et but d'un coup le reste de sa bière. L'autre ajouta.

- Et les inégalités, t'en penses quoi ?

- Quoi j'en pense quoi ?

- Et bien les retraites  par exemple ?

- Bon, allez, ta gueule, répondit Michel, tu me fatigues et en plus tu comprends rien à rien.

Le jeune homme se dit que si  ce vieux voulait foncer droit dans le mur, qu’il y aille, lui avait assez à faire avec les mecs anesthésiés au boulot.

-  Allez, je te pais ta bière et je te laisse même le journal l’humanité, un cadeau. C’est beau l’humanité, non ? Et puis ça informe mieux que le Rassemblement National !

Il sortit du café sous le regard des habitués du matin. La journée commençait sous un soleil pâle et il se demandait comment elle se finirait…

 

8 octobre 2019

Le comptable

Il passait ses nuits à pédaler ; l’enfer. Le matin, il se levait exténué, le pyjama à tordre. Il finissait par avoir peur de s’endormir, sûr qu’il aurait encore un ou deux cols à franchir dans la nuit. Mais le pire, ce n’était pas les côtes, c’était les descentes : il avait peur des sorties de route.

La nuit du 13 mars, il s’était réveillé juste au moment où il ratait un virage dans une descente vertigineuse. Il n’avait pu se rendormir qu’à 5 heures et son réveil avait sonné à 6 heures 30.

Quand il était arrivé au travail, ses collègues s’étaient étonnés de son visage défait. Mais le coup de grâce, c’est son chef de service qui le lui avait donné.

-          Dites donc Dormien vous avez une bien mauvaise mine ce matin. Votre femme, par contre, elle a l’air radieuse, je ne sais pas ce que vous lui avez fait…

Dormien répondit abattu.

-          Je ne lui fais plus rien, monsieur, elle m’a quitté. Elle est partie avec un coureur cycliste. A croire que les coureurs cyclistes lui réussissent mieux que les comptables.

Le chef de service, confus, répondit maladroitement.

-          Désolé Dormien, je savais pas que… désolé, vraiment… désolé.

Et il quitta Dormien aussi vite qu’il le put.

 

6 octobre 2019

Le parcours du combattant

Son père était un héros et sa mère  une sainte. Enfin, c’est ce qu’il disait depuis qu’ils étaient morts. Curieusement, il avait oublié que, son père vivant, il l' avait souvent traité de « sale égoïste » ; quant à sa mère, il lui reprochait d'accepter son statut d' esclave et, bien sûr, il ne l'avait jamais aidée.

Maintenant, à 60 ans passés - mais toujours aussi "jeune" -  il attendait sa mort avec impatience pour retrouver sa sainte mère au ciel.

 

4 octobre 2019

Les opposés

Elle l’avait rencontré dans un café près de la gare du Nord, un dimanche. Lui, il lui avait parlé parce qu’elle ressemblait à une ancienne amie, disparue, et ensuite parce qu’elle lui avait souri. Ils avaient discuté de tout et de rien jusqu’à ce qu’elle lui dise.

-          Je suis anti-flic depuis toute petite. Mais bon, je ne sais pas pourquoi je vous dis ça.

Il avait répondu.

-          Moi, il y a un truc que je n’aime pas, c’est la couleur jaune.

Elle avait souri et il lui avait demandé pourquoi.

-          Eh bien je suis gilet jaune, alors…

-          Ah ! Pour ne rien vous cacher je suis flic.

Ils se regardèrent en silence, puis il avait fini par avouer.

-          Vous savez, je ne suis pas d’accord avec ce qu’ils nous demandent de faire au gouvernement.

-          Alors, dites-le-leur ou arrêtez d’être flic !

-          Facile à dire, mais après ?

-          Après est un nouveau jour.

Et après avait été un nouveau jour où le jaune, le bleu, le blanc et le rouge avaient hissé pavillon sur le voilier de la liberté...

 

2 octobre 2019

Le prince

 

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Arrivée devant le restaurant qu’elle avait connu vingt ans plus tôt, elle prit une photo. Le Prince avait fermé ses portes. Elle  avait connu un autre  prince, elle, un vrai, mais il avait disparu de sa vie.

 D’ailleurs, ce restaurant, elle y était entrée avec lui la première fois, et c’est lui qui l’avait invitée. Il lui avait dit en souriant.

-          Pour celle que j’aime, qui n’est pas une vraie princesse mais qui mériterait de l’être.

A l’âge qui était le sien à l’époque –  23 ans – elle avait été touchée de ce compliment qu’aujourd’hui elle trouverait stupide. Être aimée d’un prince, et un si beau prince, n’entrait-elle pas ainsi dans un monde onirique ? Hélas, le rêve avait vite fermé ses portes.

Elle se souvint soudain de cette surprenante remarque qu’il lui avait faite, une fois le menu choisi.

-          Je t’aime et tu n’aimeras que moi, toujours.

Elle en avait été touchée, bien sûr. Mais trois ans plus tard, elle mettait fin au conte de fée qui l’avait épuisée.

Jamais plus elle n’avait eu de ses nouvelles. Peut-être était-il reparti chez lui, dans un pays dont elle avait oublié le nom. Peut-être avait-il disparu ou, peut-être n’avait-il jamais existé. Qui sait ?

 

PS : photo prise à Saint Leu la forêt, dans le Val d’Oise, non loin de la maison des parents d'une amie qui, l'un comme l'autre, ont disparu.

 

30 septembre 2019

le mari

Aujourd'hui, au petit déjeuner, j'ai dit à mon mari qu'il m'était apparu dans un rêve. Il m'a tout de suite demandé.


-    Et je servais à quoi ?

C'est fou comme mon mari veut toujours servir à quelque chose. Je me demande d'où lui vient cette manie, mais lui ne se demande rien. Evidemment, se demander veut dire s'interroger et ça, c'est la porte ouverte vers l'inconscient ; un truc qui n'existe pas, me dirait-il, alors pourquoi ouvrir une porte sur le vide ?

J'ai fini par lui répondre, évasive.


-    Oh, tu avais juste un rôle de figurant.


Il n'a rien rétorqué, mais en voyant sa mine déconfite je me suis sentie coupable. Il faudra vraiment que je surveille mieux mes rêves...

28 septembre 2019

Les lettres

Quand elle avait vu l'affiche, sur le mur de la rue du calvaire, elle l'avait longtemps regardée le visage pensif :

 " Ils ne sont grands que si nous sommes à genoux "

Oui, pourquoi était-elle restée si longtemps à genoux ? Peur de tout ? Peur du monde ? 

C'est ce jour-là qu'elle écrivit sa première lettre à personne, nombreuses furent celles qui suivirent et elle les rangea toutes  dans un même tiroir. Sa dernière lettre fut écrite le jour de ses cinquante ans, et elle la conclut par  une citation de Lewis Caroll :

" Mais alors dit Alice, si le monde n'a absolument aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un ? "

Elle avait passé cinquante longues années a déambuler dans un monde inconnu où elle transpirait à corps perdu. Maintenant, la vie allait commencer, vraiment, et elle inventerait un nouveau monde, le sien.

26 septembre 2019

Confiance

Souvent, Solange allait sur les plages blanches de ce qu’elle appelait « sa confiance » et elle attendait. Quand ses amies s’étonnaient, elle disait qu’elle voyageait au pays de la confiance.

-          Oui, mais pourquoi voyages-tu là ? s’obstinaient-elles.

-          Pour réfléchir.

Solange   refusait d’avouer qu’elle n’avait aucune confiance en elle - sans doute de vieux démons de l’enfance l’en empêchaient – jusqu’au jour où elle rencontra Jean, un musicien qui adoraient les voix qui venaient d’ailleurs. Un jour il lui dit.

-          Pourquoi tu ne chantes pas ? Tu as une merveilleuse voix grave. J’adore quand tu fredonnes « Dream a little dream of me »

-          Manque de confiance, osa-t-elle lui dire.

-          Je ne suis pas un apôtre et je ne fais pas de miracles, mais essayons, moi à la guitare, toi à la voix, et on verra.

Il suffit d’une seule chanson pour que leur duo démarre. Son titre : « les plages blanches de ma confiance ».  Elle en écrivit les paroles, lui la musique...

 

24 septembre 2019

Madame la Mort

Le visage triste, dans la nef de l’église, il lui avait dit.

-           Tu vois, moi, je n’ai pas vraiment peur de la mort mais franchement, je préfére ne pas être là le jour où elle viendra me rendre visite.

Elle n’avait rien répondu et avait attendu la suite qui arriva instantanément.

-          Et toi, tu en penses quoi de la mort ?

Le problème c’est qu’elle n’en pensait rien. Pourquoi en penser quelque chose si tôt ? Evidemment, il avait l'âge de son père, et entre 67 ans et 40 ans, l’écart se creusait durement.

Elle se contenta de lui dire.

-          Bon, Madame la Mort est une femme de haute culture, et je suis sûre qu’elle pourra trouver un moyen fort délicat pour nous faire passer de vie à trépas

Il sourit et continua sa visite de l’église. Quant à elle, elle s’assit dans le choeur et respira calmement.

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