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Presquevoix...

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26 mai 2008

Aimer

J’ai lu, dans le Magazine littéraire, cette dédicace D’André Gorz à sa femme, dite Kay, sur son exemplaire de « Traitre ». Je ne sais  pourquoi - ou plutôt je crois le savoir - en lisant ces quelques mots, les larmes me sont montées aux yeux, larmes vite réprimées puisque je surveillais un devoir commun de français dans une classe de seconde.

« A Toi dite Kay
parce qu’en étant
Toi tu m’as donné
Tout, y compris
Je. »

25 mai 2008

Le voyage en stop

Je l’ai laissé réciter son catéchisme*, rien de tel pour mieux comprendre un type, mais quand même, pour qui il se prenait ce vieux con… 30 ans de plus que moi, une bedaine confortable, des joues qui s’affaissaient, un look de presque retraité et il se mettait à me susurrer des choses bizarres  et à me mettre sa main sur les genoux alors que j’étais dans sa voiture depuis à peine une demi-heure. « Connard ! » Ça c’est ce que j’ai pensé, mais je ne le lui ai pas dit …
- Vous êtes mariée ? Je lui ai demandé, l’air de rien, en lui enlevant sa main qui se faisait insistante.
- Oui… mais …
- Mais quoi… ?
Là j’étais sûre qu’il allait me débiter le chapelet habituel, que sa femme et lui faisaient chambre à part,  qu’il ne couchait plus avec elle qu’une fois par an, qu’elle ne l’attirait plus, qu’elle était frigide…
- Ma femme… a d’autres chats à fouetter  !
Si j’avais été franche, je lui aurai répondu que ça ne m’étonnait pas, mais je n’ai pas pu. Il avait l’air un peu perdu dans son costume sombre et, après tout, en deux ans de stop, c’était la première fois que j’entendais cet argument. Je pouvais lui accorder une petite grâce…
- Qu’est-ce qu’elle vous reproche  ?
- Ce que je suis.
Là il marquait un autre point. Sa main était revenue sur le volant et il regardait attentivement la route, perdu dans ce que j’imaginais être la grisaille de ses pensées. J’avais bien une question qui me titillait le bout de la langue, mais est-ce que j’allais pouvoir…
- Et vous ?
- Quoi, moi ?
- Vous l’aimez ?
- Je la hais !
Et au moment où il prononçait ces mots, il s’est tourné vers moi en ajoutant.
- Je hais toutes les femmes !
A ce moment, les choses auraient dû  me sembler claires, mais il a fallu que j’ajoute
- Pourquoi m’avoir pris en stop alors, puisque je  suis une femme ?
- Pour me donner une raison supplémentaire de les haïr, a-t-il dit bizarrement.
Ce type était barge, c’était certain, et son costume sombre servait à cacher sa folie. J’ai compris que je devais me tirer de sa voiture le plus vite possible ou alors il pourrait m’arriver un gros problème…
- Vous avez peur ? Vous croyez peut-être que je vais vous violer ?
Je suis restée silencieuse.
- Et puis vous tuer ensuite ?
Je ne pouvais pas le laisser raconter de telles conneries sans rien dire. Dans un souffle, je lui ai répondu.
- Vous me faites pas peur, c’est pas la première fois qu’on me raconte des salades quand je fais du stop !
- Je vais vous faire une confidence, me dit-il tout de go, j’allais me tuer !
Silence. J’ai eu dû mal à déglutir mais je n’ai rien trouvé à lui répondre.
- Alors ? A-t-il repris presque provocateur.
- C’est votre vie après tout ! Et ça, je l'ai dit sans réfléchir ; maintenant, je regrette.
Il a fait le reste du voyage sans rien dire, les deux mains sur le volant. Il avait mis la radio qui gueulait des vieux tubes des années 70, et moi je regardais fixement le paysage qui défilait, afin d’éviter de croiser ses yeux dans le rétro. Avant l’entrée de la ville, il a freiné brusquement et m’a dit.
- Sortez !
- Vous voulez que je descende ici ?
- Oui, j’ai à faire.
Je suis descendue en articulant un « merci » et rien d’autre. Le lendemain j’ai acheté le journal local, une intuition, et il y était. Il ne faisait pas la une, mais la deuxième page. J’ai appris qu’il avait un garage, une femme et une fille de 22 ans. Le même âge que moi, ça m’a fait drôle. Je ne peux pas l’oublier.

* citation extraite de l’été meurtrier  de Sébastien Japrisot

24 mai 2008

Wellness

Ce matin, elle a pris une bonne résolution, l’été approche, les jambes, les bras vont se découvrir, les petites robes vont remplacer les manteaux, les tongs les bottes, il est donc nécessaire de préparer ce corps endormi par un long hiver.

Elle a donc décidé de s’offrir un forfait wellness avec soins de la peau, massage, hydro massage aux huiles essentielles et tous ces trucs qui semblent être le summum du bien-être et de la préparation à un teint et un corps de rêve.

Elle commence donc ses recherches pour savoir où aller, le coût, les forfaits, les choix et se perd un peu dans tout ce charabia. Elle tombe sur des noms inconnus et étonnants lui ouvrant des horizons un peu en dehors de ses bêtes idées sur la chose : tantra, wellness-flow, vinothérapies (avec du Bordeaux ou du Beaujolais ?). Elle découvre même des bains au chocolat !

Une question s’impose tout de suite : est-ce mieux de se déguster en léchant ses bras au goût chocolaté ou de boire le vin de son bain et sortir, comment dirons-nous, un peu euphorique de sa vinothérapie ?

24 mai 2008

Le fanfaron, de retour du Maroc…

J’adore ce retour du Maroc du fanfaron de la République, avec ses « cadeaux » en toc et ses tics en stock... Je dois dire que M. Canteloup est assez doué ! A noter, son imitation de Bernard Laporte - le texte qu’il lui prête est génial - et celle de Mme Royale, dont la gestuelle est bien observée !

23 mai 2008

Adam et Eve : l’invitation au restaurant

Adam  connaissait à peine Eve, mais il avait tenu à l’inviter au restaurant. Un repas partagé crée parfois des liens que nulle autre conversation ne saurait créer. Ils se faisaient face dans la salle silencieuse où ils étaient les deux seuls clients. Ils attendirent longtemps leurs plats, mais la jouissance n’est-elle pas proportionnelle à la longueur de l’attente ?
Lorsque le serveur déposa son plat devant lui, Adam fut presque tenté de lui faire une remarque, mais à la vue des tripes il en oublia son agacement ; coupées en fines lanières, elles étaient disposées dans le fond d’une assiette en terre cuite brune et formaient un petit mont de Vénus adroitement érigé ; elles étaient presque belles, entourées de carottes et d’oignons en rondelles, nappées d’une sauce que le bouquet garni, l'ail écrasé, les clous de girofle et une pincée de poivre devaient merveilleusement relever. Pour qu’un pareil fumet se dégage, elles avaient certainement dû être mouillées à l’Armagnac.
Il avait hâte de goûter la première bouchée, mais sa compagne lui intima un « Adam, attends-moi ! », qui l’obligea à tempérer le désir qui brûlait déjà son palais. Eve sourit en découvrant de jolies perles nacrées et lui dit « Il suffit de penser au plaisir de l’autre… », mais elle ne termina pas sa phrase car  le serveur déposait devant elle les rognons sauce madère qu’elle avait commandés. Ils étaient recouverts d’un délicat coulis de poivrons rouges qui donnait au plat un parfum étrange ; l’odeur de la moutarde excitait déjà ses papilles. Elle se réjouissait que ce repas eût  la couleur des vergers interdits.
Adam dégusta la première bouchée avant elle, mais Eve ne lui en voulut pas. Il grignotait délicatement la chair des tripes et en quelques minutes, il ne resta rien du petit mont de Vénus que sa jeune bouche, légèrement brillante de salive, avait fini par engloutir. Quant à la sauce des rognons, elle était exquise, Eve fut juste surprise par la fermeté de leur chair et  dût les garder longuement en bouche, avant de pouvoir les avaler.
Adam, abîmée dans l’admiration de sa compagne, attendit patiemment qu’elle eût terminé son plat avant de lui faire une proposition qu’Eve interpréta immédiatement comme une invitation aux plaisirs de l’amour...

22 mai 2008

Mike Tyson , Aragon et « le temps » qui passe et ne repassera pas

Le boxeur Mike Tyson aurait dit «  je suis devenu intelligent trop tard et vieux trop tôt »…
Il n’est pas le seul à le penser… Aragon déjà en faisait un vers de son poème « Il n’y a pas d’amour heureux » : « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard. »
Et moi qui ne suis ni Aragon, ni Tyson - quoique parfois j’aie envie de boxer la terre entière – je me dis qu’après avoir passé un tiers de ma vie à tuer le temps, je dois arrêter de donner du temps au temps car, comme le disait Jules Renard, « Il n’y a que le temps qui ne perde pas son temps. ».

21 mai 2008

Les escarpins rouges

Il y a des jours où il aurait peut-être fallu ne pas se lever… un jour comme aujourd’hui par exemple. La matinée avait pourtant bien commencé et c’était d’un pas léger qu’elle s’était rendue à son travail. Sur le chemin, elle avait pris son talon dans un pavé et s’était retrouvée avec un pied nu sur la chaussée. Elle avait essayé de reprendre sa chaussure mais celle-ci résistait et ne voulait pas bouger de sa place. Finalement, elle avait eu gain de cause mais le talon était resté là où il voulait ! Merde avait-elle dit fort provoquant les foudres du monsieur qui passait à côté d’elle, son chien en laisse. Sa chaussure dans la main, elle avait hésité soit à retourner chez elle, soit à passer dans un magasin en acheter une nouvelle paire vite fait.  Se décidant pour la deuxième solution, elle avait marché clopin-clopant jusqu’au au coin de la rue mais le magasin en question n’ouvrait qu’à 9h. « Merde » sortit à nouveau de sa bouche sans provoquer de réactions cette fois de quiconque vu qu’elle était seule sur le trottoir en ce début de matinée. Elle avait regardé sa montre et réalisé qu’elle serait en retard à son travail ça c’était sûr et son boss allait encore faire une remarque. Pris d’une soudaine inspiration, elle avait attrapé son soulier intact et d’un mouvement de rage, avait coincé le talon dans la fente d’un mur et « crac » l’avait cassé. Bien entendu, la démarche n’était pas confortable mais au moins elle était à la même hauteur !

Rendue à son bureau, elle avait allumé son ordinateur pour consulter son courrier, pris des notes et commencé sa rédaction. Elle finissait son article assez contente d’elle quand son patron l’avait appelée. Elle devait aller interviewer une starlette qui faisait la promotion du film dans lequel elle avait eu le premier rôle, le rendez-vous était pris pour 10h. En regardant l’heure, elle avait calculé qu’elle pouvait passer s’acheter des chaussures, il n’était pas question d’y aller avec ce qu’elle avait aux pieds. Dans le magasin, elle avait opté elle ne sait toujours pas pourquoi pour une paire d’escarpins rouges à talons aiguilles. En sortant du magasin, que sa démarche était autre, elle ne savait pas en quoi exactement, mais…différente. En entrant dans l’hôtel où l’attendait son rendez-vous elle avait remarqué le regard des hommes assis dans le hall, des regards qui s’attardaient sur ses jambes…et c’est accompagnée de ces regards qu’elle s’était avancée vers la femme qui l’attendait au bar, qui visiblement avait remarqué l’attention dont elle était l’objet et pris un air pincé à son approche. Le début de l‘interview avait été un peu pénible mais s’était franchement détérioré quand le réalisateur les avait rejointes. Elles étaient juchées sur les tabourets du bar, il s’était avancé en lorgnant ses jambes croisées et lui avait fait ouvertement des avances, peu courtois envers l’actrice. Celle-ci avait mis fin à l’entrevue en lançant un « je vais vous laisser seuls vu que je vous dérange ! » et la tête haute mais les yeux lançant des flammes, s’était retirée. Mal à l’aise, le feu aux joues, elle avait voulu elle aussi se retirer et dans sa précipitation, en descendant de son tabouret de bar, s’était mal réceptionné, avait perdu l’équilibre et se tordant la cheville, s’était étalée de tout son long.

Bon, finalement ce n’est pas si mal, elle est en congé pour deux semaines, sa cheville est bloquée par un plâtre mais elle a pris conscience du pouvoir des escarpins rouges. Qui sait, elle va peut-être utiliser ce pouvoir plus souvent…

21 mai 2008

Fille de…

Marie19- Tu sais, moi aussi, j’aurais aimé que tu sois belle * ! Lui avait-elle lancé, à bout d’arguments, le soir où leur dispute s’était fait plus violente, sans doute à cause de l’enfant qui s’était encore une fois réfugiée sur les genoux de sa grand-mère pour ne pas obéir à sa mère.
- Enfin, il y a tout de même un homme qui s’est intéressé à toi, avait crié sa mère, avant d’ ajouter sournoisement, Dommage qu’il soit parti !
Voilà ce que sa mère lui avait dit ce soir-là, et c’était ça qui l’avait mise au monde, ça qui l’avait élevée, ça qui l’avait conduite à ce qu’elle était maintenant : rien ! Elle lui en voulait, elle aurait voulu lui dire combien elle lui en voulait à mort mais elle ne s’en sentait pas capable, de peur de déchirer le dernier cordon d’illusion qui la reliait à ses parents. Et puis, que deviendrait-elle, seule, puisque le père de l’enfant était parti ?
Ce même soir son propre père, sourd à leurs disputes, avait continué la lecture de son journal, l’air absent, et il n’avait pas même dit « J’en ai marre de vos cris », comme à son habitude, avant de se murer dans le silence. Sans doute espérait-il que leur scène se terminerait au plus vite avant que le match de foot ne commence sur Canal  +.
Les hommes se taisent souvent, mais ils oublient que le silence est la trace de leur fuite. Que pouvait-elle attendre de la vie, elle qui n’était qu’un bout de chiffon entre les mains de sa mère ?
Le lendemain, après une nuit qui avait laissé de larges cernes noirs sous ses yeux, elle était partie de la maison familiale, juste avant que les brumes matinales ne se lèvent. Elle tenait la petite d’une main, sa valise de l’autre et essayait de retenir ses larmes pour ne pas faire peur à l’enfant qui n’arrêtait pas de répéter « Mais pourquoi on part sans dire au revoir à mamie, maman ? »
Quand elle avait vu que, derrière la fenêtre de sa chambre, sa mère faisait signe à l’enfant, elle avait accéléré le pas. La petite s’en était plainte.

* phrase lue sur le site : www.psychologie.com

* photo gentiment prêtée par Mariesondêtre

20 mai 2008

Une belle sorcière

Clara Magouille n’était pas une sorcière ordinaire et cela la navrait. C’est parfois difficile d’être différente des autres et depuis son enfance, cette différence lui causait quelques petits problèmes.

Quand on parle d’une sorcière, on imagine un nez crochu, des cheveux en bataille et une laideur à faire peur, or Clara était tout le contraire. Elle avait de magnifiques cheveux roux ondulés, des yeux de couleur vert tendre, une bouche pulpeuse que n’importe quel homme aurait aimé embrasser et un corps aux formes parfaites, le rêve de presque toutes les femmes ! Cette beauté lui était reprochée par l’association de son clan et, que ce soit par pure jalousie ou pas, elle était mise de côté et n’était jamais invitée aux réunions informelles ou aux sorties entre copines. Elle restait souvent seule le soir, chez elle à lire des grimoires ou à regarder la TV, son beau matou noir aux petites pattes blanches installés sur ses genoux. Parfois elle surfait sur internet pour chercher la fameuse potion qui rend laide mais ce qu’elle trouvait c’était toujours le contraire, les crèmes et autres articles pour rendre belle.

Quand les gens sonnaient à sa porte pour demander les services que l’on demande aux sorcières (envoutements, mauvais sorts et potions diverses), ils repartaient illico presto en bafouillant qu’ils s’étaient trompés et elle n’avait même pas le temps de leur expliquer qu’elle était bien une sorcière diplômée de la plus prestigieuse académie des sorcières, qu’ils étaient déjà loin. Elle aurait pu les faire revenir par un maléfice quelconque mais bon, elle avait essayé maintes fois sans avoir pu convaincre les personnes de son statut de sorcière.

Alors qu’elle lisait distraitement la gazette de la forêt hantée, elle tomba sur l’article d’une fameuse personnalité dans le monde des sorcières, Mme Tuemouche. Dans cet article, il était expliqué que pour changer son look, la chirurgie esthétique du Dr Frankensteiner faisait des miracles, que Mme Tuemouche avait expérimenté la chose et que sa laideur était devenue aussi légendaire que sa notoriété.

Clara fit un bond et sauta sur le téléphone pour obtenir un rendez-vous avec ce docteur miracle. Le délai d’attente était de plusieurs mois mais un petit temps de réflexion n’est jamais de trop pour changer son apparence et donc inévitablement sa personnalité et son image, n’est-ce pas ? Clara prit son mal en patience et attendit sagement la rencontre programmée. Quand elle entra dans le bureau du Dr. Frankensteiner, leurs regards s’accrochèrent et restèrent coincés. Il ne vit qu’elle, elle ne vit que lui. Il refusa de toucher à sa beauté, elle voulut continuer à être belle pour lui, c’est parfois aussi simple que ça !

20 mai 2008

Mais où sont les valeurs d’antan ?

Dimanche, mon père nous racontait quelques anecdotes de son passage à l’école religieuse de St Nicolas* à Issy les Moulineaux entre 1942 et 1944. Elève considéré comme indiscipliné, il lui arrivait souvent d’être puni, et l’une des punitions consistait à rester à genoux sur une règle en bois, les bras en croix, chaque main portant un dictionnaire. Il restait ainsi 10 minutes près du bureau du maître, face aux autres élèves…
Ces bras en croix ne sont pas sans rappeler le supplice du Christ ; il est certain qu’un enfant apprend vite, ainsi, mais qu’apprend-il ?
Frères des Ecoles Chrétiennes, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de votre mort, Amen !

* St Nicolas à Issy les Moulineaux ( appartient à l’œuvre des Frères des Ecoles Chrétiennes)

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