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12 août 2008

Sois raisonnable! (suite)

Emma marche sur la plage, elle a eu besoin de sortir prendre l’air et remettre de l’ordre dans ses pensées. Olivier a raison, il serait temps qu’elle grandisse et qu’elle arrête de se comporter comme une gamine face à Sophie, il ne faudrait pas renverser les rôles ! Olivier et elle, c’est une belle histoire et ses hésitations sont en train de tout détruire. Ils se sont connus au lycée puis perdus de vue comme beaucoup de jeunes, chacun allant son chemin, puis il y a eu ce fameux jour…elle revit ses souvenirs comme un film qui défilerait devant ses yeux.

 Au volant de son bolide, Emma fonçait à travers la ville. Elle aimait la sensation de puissance de sa MG et aspirait goulûment le vent qui lui fouettait le visage et s’engouffrait dans ses cheveux. Cette voiture, c’était son cadeau pour son cinquantième anniversaire, une belle carrosserie aux lignes arrondies, tout comme elle avait plaisanté son époux. Elle sourit à cette pensée et rit aux éclats en repensant à la tête de ses enfants quand la voiture avait été amenée devant le perron de leur maison…Cette journée était splendide et elle en profitait pleinement. Voyant une vieille dame attendre au bord d’un passage piéton, elle avait ralenti dans le but de la laisser traverser. Alors qu’elle s’arrêtait, de violents coups de klaxons avaient retentis derrière elle. Un homme semblait énervé par sa courtoisie et lui lançait des signes injurieux qui montraient son agacement. Elle avait décidé d’ignorer cette agressivité latente, avait redémarré et soudain manqué de se planter dans le décor, surprise par la queue de poisson du conducteur impatient. La moutarde lui était montée au nez et elle s’était mise à le poursuivre pour piler derrière lui au prochain feu rouge. Elle avait klaxonné à son tour en lui criant qu’il était un fou dangereux, ce à quoi il avait répondu en lui faisant un geste obscène. De rage, elle avait enclenché sa première et foncé dans la voiture! Le pare-choc de sa MG avait provoqué un désastre à l’autre voiture. L’homme était sorti comme un diable de sa cage et lui avait hurlé dessus. Calme et imperturbable, elle n’avait pas bronché. A ce moment, la vieille dame qu’elle avait laissée passer était arrivée et avait brandi sa canne face à ce malotru.
- C’est vous qui êtes dangereux, des types comme vous, il faudrait leur retirer le permis, la petite dame a eu raison, j’aurais fait de même et pire si je ne me retenais pas.
L’homme, étonnamment, était remonté dans sa voiture et était parti laissant Emma éberluée de s’en tirer à si bon compte. Une place se libérant, elle avait parqué sa voiture et s’était affalée sur une chaise de la terrasse d’un café, les jambes encore flageolantes
- Tu n’as pas changé, toujours la même, fougueuse et impétueuse !
Elle s’était tournée vers la personne qui avait prononcé ces paroles.
- Olivier, toi !
Et c’est ainsi que leur histoire avait débuté, par une rencontre fortuite. Ils s’étaient revus pour des lunchs, avaient partagé idées et lectures et leur amitié, mise en veilleuse pendant 30 ans, s’était ravivée. Insidieusement, des sentiments différents s’étaient glissés dans sa tête et son cœur. Elle avait commencé à attendre des signes, à guetter son nom dans la messagerie, à vouloir entendre sa voix, à se demander le matin s’il aimerait sa tenue, bref, elle tombait amoureuse. Honteuse d’un tel sentiment à son âge et dans sa situation, elle le cachait à tout le monde et surtout à lui jusqu’au jour où elle ne sait pourquoi, elle le lui avait dit. Crac d’un coup, elle avait prononcé les paroles qui l’étouffaient ! Ouf, quel bien cela lui avait fait mais vu la tête qu’il avait tiré, elle s’en mordait déjà les doigts se traitant de folle, de midinette sur le tard et de veille croûte qui fantasmait.

11 août 2008

Sois raisonnable!

- Je te remercie ma chérie mais je dois refuser.
Sophie se lève d’un bond et explose.
- Mais sois raisonnable, tu ne peux rester ici toute seule, ta santé est fragile, la maison est trop grande pour toi et isolée du village, chez nous tu y seras bien, au chaud et sans soucis.
- Oui mais je serais chez vous et je ne veux pas m’imposer.
- Mais tu ne t’imposes pas maman, c’est moi qui aimerais t’avoir à mes côtés, j’ai peur de te laisser.
Sophie revient s’assoir vers sa mère, entoure ses épaules et pose sa tête contre son cou.
- Tu sais, depuis que papa est mort, je pense souvent à toi, tu ne t’ennuies pas ici, sans personne ?
Emma prend la main de sa fille et la serre en un geste apaisant mais ses pensées volent ailleurs. Non, elle ne s’ennuie pas mais comment lui dire, elle ne comprendrait pas. Elle peut à loisir vivre ce présent qu’elle n’était pas en mesure de vivre avant, ce qui ne serait plus le cas chez Sophie. Elle se tourne vers sa fille.
- Nous verrons à Noël, vous viendrez le fêter ici comme toutes les années et nous en discuterons à nouveau.
Sophie sait qu’il ne sert à rien de discuter avec sa mère mais au moins il y a une lueur d’espoir avec une date butoir, c’est mieux que rien. Avec un soupir, elle rassemble ses affaires et se prépare à partir. Elles s’embrassent sur le pas de porte et Emma lui fait signe de la main jusqu’à ce qu’elle disparaisse au volant de sa voiture.  Elle referme la porte et se dirige vers le bureau.
- C’est bon, je peux à nouveau vivre au grand jour ? questionne une voix dont le courroux est perceptible.
Elle soupire et enveloppe de ses bras les épaules de cet homme qu’elle aime tant, depuis si longtemps.
- Ne soit pas amère, ne m’en veut pas, je ne sais comment aborder le sujet avec elle, j’ai peur de son jugement.
- Est-ce si difficile de lui dire que nous nous aimons, que même à nos âges, l’amour peut être présent, que nous avons attendu si longtemps avant de pouvoir le faire au grand jour et pourtant tu me caches, comme si j’étais un pestiféré…
- Dire à sa fille qu’on a un amant n’est pas facile. Pour elle je ne pouvais aimer qu’un homme, son père. Savoir qu’il a un remplaçant à peine quelques mois après son décès serait pour elle indécent.
- Justement, nous avons attendu toute une vie, il ne nous reste que peu de temps Emma, vivons-le sans nous préoccuper des autres, pour une fois pensons à nous, rien qu’à nous !

8 août 2008

Bégonias et babas au rhum (fin)

Le 31 juillet, elle ne vint pas, il l’avait attendue tout l’après-midi mais elle ne s’était pas montrée. Il avait bien essayé de lorgner par le jardin, cherchant à détecter sa silhouette à travers les fenêtres de la maison, mais rien. Bien sûr, elle n’était pas obligée de venir, elle pouvait avoir autre chose à faire ou elle avait peut-être dû retourner chez elle mais elle le lui aurait dit…Il trouvait bizarre qu’elle le quitte sans explications. Il réalisait qu’il s’était attaché à ce petit rayon de soleil et qu’elle lui manquait.

Alors qu’il revenait de ses courses, il croisa Madame Martin. Il mourrait d’envie de lui poser la question mais une sorte de pudeur l’en empêchait. Ce fut elle qui s’arrêta à sa hauteur.
- Monsieur Marcel, je ne vous ai jamais remerciée pour le magnifique bégonia, il est de toute beauté.
- Oh ! ce n’est rien, la petite avait l’air d’être tellement ravie.
A ces mots, Madame Martin pâlit.
- La petite dites-vous, quelle petite ?
- Mais…Maude, votre petite-fille…car c’est bien votre petite-fille.
« Mon Dieu ! » s’exclama la dame, puis après un moment de silence « Monsieur Marcel, puis-je vous parler ? ».
Sentant que quelque chose de grave se préparait, Monsieur Marcel, mal à l’aide acquiesça. Elle proposa d’aller chez elle et le reçut dans un salon où photos et souvenirs prenaient toute la place. Alors qu’elle s’était absentée pour chercher des rafraichissements, il étudia les photos et en trouva plusieurs de Maude. Il en choisit une, celle où l’enfant posait au milieu d’un champ de fleurs.
- Vous avez raison, c’est la plus jolie, la plus tendre, celle qui met en valeur ce si beau sourire qu’elle avait.
Marcel se retourna.
- Avait ?
- Ma petite-fille est morte il y a de cela 10 ans exactement aujourd’hui, je revenais du cimetière quand je vous ai rencontré.
Marcel tombe littéralement dans le fauteuil, effondré et pâle, sous le coup de ce qu’il vient d’entendre. Dans un murmure il demande.
- Mais alors, j’aurais rencontré…
Il n’ose poursuivre.
- Son fantôme ? Oui, mais vous n’êtes pas le seul à avoir le privilège de sa visite.
- Pardon, que me dites-vous là ?
- Maude vient me visiter de temps en temps, quand je suis trop triste et repart quand je vais mieux. Elle a dû faire la même chose pour vous …mais vous êtes bien le premier à avoir eu ce privilège.
A ces mots, Marcel manque de s’étouffer. Madame Martin pose une main sur son épaule et poursuit.
- Nous avons des anges avec nous, des petits êtres qui nous protègent mais il faut le croire et nous ne sommes pas dans un monde où ce genre de croyance passe. Moi j’y crois et j’en ai eu souvent la preuve. Vous n’êtes pas obligé de faire comme moi mais je pense que si Maude vous a pris sous sa protection, c’est que vous en aviez besoin. Ne vous a-t-elle pas apporté du bonheur, quelque chose que vous n’aviez pas avant, vous a-t-elle empêché de commettre une bêtise ?

Des larmes coulent sur les joues de Marcel, il pense à lui, à sa vie et à ce qu’il allait en faire…Ils restent tous deux silencieux et finalement, Marcel pose sa main sur celle de Mme Martin, lève les yeux et son regard plonge dans le sien. Ils se sourient.


Remarque: Lidia, cette fin m'a été inspirée par un de tes derniers textes: L'ange. Merci.
http://effondrement.canalblog.com/


7 août 2008

Bégonias et babas au rhum (suite)

Maude, toujours derrière son mur, n’osait tendre ses petits bras pour recevoir le présent, elle regardait cet homme avec ses grands yeux.
- C’est cadeau, renchérit l’homme.
Timidement, elle accepta et précautionneusement descendit de son perchoir bancal pour déposer le bégonia sur la table du jardin. Elle se retourna et offrit un très beau sourire à Monsieur Marcel qui le lui rendit. « Bon, et maintenant, qu’est-ce que je vais faire », se demanda-t-il ? Il lui fit un petit signe de la main et retourna à ses plantations, non sans regarder du coin de l’œil Maude qui avait réapparu derrière le mur. Ses rempotages terminés, son dos lui faisait mal à force d’être courbé. Une bonne limonade maison avec une tranche de son dernier-né, le baba aux cerises et tout devrait être oublié. Et s’il invitait sa petite voisine ? Il connaissait sa grand-mère, elle devrait n’y voir aucune malice mais fallait être prudent avec tout ce qu’on entendait dans les journaux. Quand il invita la petite, elle battit des mains. Il insista pour qu’elle avertisse sa grand-mère ce qu’elle fit en disparaissant dans la maison pour réapparaître quelques instants plus tard. Elle fit le tour du jardin et se trouva bientôt assise à la table avec Marcel sous la tonnelle recouverte d’une vigne dont les raisins verts opaques ne tarderaient pas à mûrir. Elle fit honneur au baba et sa petite bouche se trouva bientôt auréolée d’une teinte rouge foncée que Marcel essuya avec tendresse. Il n’avait jamais eu d’enfant et il découvrait avec délice ce petit bout de chou qui aurait pu être la petite-fille qu’il n’aurait pas non plus. Il lui fit découvrir sa serre, il commenta, expliqua, elle mit en pot avec lui de nouvelles pousses et ce fut le début d’une amitié qui dura tout le mois de juillet.

Quand il rencontrait Mme Martin, la grand-maman de Maude, il trouvait étrange qu’elle ne soit jamais accompagnée de sa petite-fille mais bon, peut-être qu’elle faisait la sieste et que la grand-mère en profitait pour faire les courses plus rapidement ? Ou que Maude préférait regarder la TV ? Ou…bon ce n’était pas son problème, il avait du plaisir avec la petite et visiblement elle aussi et c’est ce qui comptait. Depuis qu’elle venait passer ses après-midi avec lui, il se sentait plus heureux, il souriait plus souvent, il s’arrêtait même pour discuter un brin avec le boucher, ses voisins, ce qu’il ne faisait jamais avant. Monsieur Marcel s’ouvrait au monde…Il parlait même baba au rhum avec la boulangère ! Il en avait inventé un exprès pour Maude, le baba au coulis de framboise. Elle en avait tellement mangé qu’il avait eu peur qu’elle ne soit malade. Il l’avait guettée le lendemain mais elle était revenue fraîche comme une petite rose qu’elle était. Ils vécurent des journées joyeuses et chaque note du rire de la petite rajeunissait Marcel. Il était heureux, oubliant sa solitude.

6 août 2008

Bégonias et babas au rhum

Monsieur Marcel était un homme tranquille, il n’embêtait personne, il vivait sa petite vie routinière sans s’occuper trop des autres et les autres ne s’occupaient pas trop de lui quoique.... Cela faisait maintenant 15 ans qu’il était veuf, il n’avait jamais songé à se remarier car l’occasion ne s’était pas présentée tout simplement. Il avait deux passions très différentes: les bégonias et les babas au rhum. Drôle d’idée non ?

Dans le petit bout de jardin qui jouxtait sa maison, une serre abritait ses trésors sensibles au froid, trésors qu’il portait au grand jour la saison venue pour le plaisir de ses voisins qui se délectaient les yeux de toutes ces fleurs blanches, roses, orangées ou rouges à l’aspect de porcelaine . Parsemés ici et là dans des petits pots, ces bégonias, belles touches de couleurs mettaient du bonheur dans sa vie tels des petits clins d’œil qu’il n’osait faire lui-même. C’était sa façon à lui de procurer de la joie à ceux qui l’entouraient car Monsieur Marcel était un homme certes discret mais au cœur bon et sensible.  

Quant aux babas au rhum, sa gourmandise avait souffert toute son enfance de ne pouvoir en manger à cause du rhum justement. Il avait tant d’années à rattraper…et il ne s’en privait pas ! Il avait mis au point des recettes diverses, mélangeant la composition de base avec des idées parfois farfelues mais toujours aussi délicieuses et là encore ses voisins en profitaient. Dès qu’une recette avait reçu son approbation, il confectionnait toute une série de ces gâteaux juteux à souhait et les déposait incognito derrière la porte des voisins. Personne n’était dupe et tout le monde savait d’où venaient ces pâtisseries mais la règle était ainsi faite et le restait jusqu’à ce fameux jour de juillet.

Maude s’ennuyait chez sa grand-mère. Elle était en vacances pour un mois mais après avoir passé son temps à fureter dans la maison et le jardin, courir derrière le chat, faire peur aux oiseaux et arroser les salades, épuiser ses livres et ceux de sa grand-mère, elle tournait en rond comme une petite oursonne en cage. Mami était gentille mais ce jour-là, elle ne voulait pas d’aide pour les confitures et avait demandé à Maude de s’occuper toute seule. Celle-ci s’était donc retrouvée dans le jardin et avait commencé à cueillir et manger les framboises près d’un mur. La framboise qu’elle voulait était hors de portée de ses petites mains. Elle prit donc un gros pot de terre qu’elle renversa, grimpa dessus et ainsi pu voir par-dessus le mur. Elle aperçut Monsieur Marcel qui chantonnait les mains dans la terre, des pots et des belles fleurs rouges autour de lui. Elle l’observa sans mot dire et quand il releva la tête, leurs yeux se croisèrent. Il lui sourit, elle fit de même. Ils s’observèrent ainsi pendant plusieurs minutes. La petite fille ne bougeait pas et Monsieur Marcel poursuivait sa tâche. Ses rempotages terminés, il prit le plus joli pot, celui aux dessins cuivrés que mariait si bien le bégonia orangé et le tendit à Maude.

- Tiens, c’est pour toi.

4 août 2008

Tendresse

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Ce petit bonhomme, croisé sur le coin d’un trottoir, me sourit. Je pense aux petites mains qui ont tracé ses traits et je cherche en ma tête d’adulte, pourquoi, malgré le fait qu’il n’ait pas de bras et de très grosses oreilles, il me plait et m’attire. Mon esprit cherche trop loin un sens caché qui n’existe pas car soudain : bingo, la lumière se fait dans ma petite tête !

 

Si ce petit bonhomme a attiré mon regard, c’est parce qu’il souriait, coquin et tendre, présentant un  air de douceur et d'affection, tel un témoignage touchant offert à qui voulait bien le prendre.

Je l'ai pris.

http://www.paperblog.fr

31 juillet 2008

nous sommes uniques

Quand j’ai regardé ce champ, j’ai pensé : « de loin, toutes les fleurs semblent identiques mais à y regarder de près, elles sont toutes uniques ! »

 Comme chacun de nous ?            


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30 juillet 2008

La solitude du marcheur

Vérone ayant épuisé temporairement mon imagination, je suis partie sur les chemins de montagne de ma belle Suisse !

Paysages bien différents, soleil, solitude du marcheur qui permet l’introspection, qui encourage les pensées diverses au fur et à mesure que les pas avancent sur les petits chemins.

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Je réfléchis, je médite, je pense à tout et à rien et parfois ces petits riens apportent la solution qui me manquait et que je cherchais désespérément…j’adore marcher dans la nature et je m’y ressource.

29 juillet 2008

Le cloître (fin)

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- Notre belle ville de Vérone vous plait ?
- Oui.
- Son histoire vous subjugue-t-elle ?
- C'est-à-dire ?
- L’histoire qui fait d’elle une des villes les plus célèbres du monde entier, du moins pour tous les amoureux ?
- Vous parlez de Juliette et Roméo ?
Il acquiesce.
- Euh ! vous savez moi, les histoires d’amour qui finissent mal, ce n’est pas ma tasse de thé. La vie est déjà assez déprimante alors si en plus il faut se tuer pour aimer…
- Pourtant c’est bien ce que vous aviez l’intention de faire, non ?
Elle sursaute et rougit. Evitant ses yeux, elle demande
- Comment le savez-vous ?
- J’ai été comme vous, j’ai aimé et j’ai souffert. Depuis, je suis attiré par les personnes qui ont vécu ce que j’ai vécu. Une sorte de solidarité entre âmes sensibles.
- Et quand vous avez trouvé « l’âme sensible » du moment, vous faites quoi ? Vous offrez votre mouchoir, votre épaule bienveillante ?
- Je lui offre ce qui lui manque, je l’aide à ne pas faire la même bêtise que j’ai faite, je la sauve.
Elle rit, mais son rire sonne un peu faux. Elle grimace.
- Vous la sauvez et comment ?
Il lui prend la main et la pose sur son front, sur la cicatrice qui lui barre le front.
- Je lui raconte ma vie et ma mort.
- Votre mort ?
- Oui, comment j’ai été tué par celle que j’aimais.
- Mais vous n’êtes pas mort puisque vous me parlez ?
- En êtes-vous sûre ?
Cette conversation qui ne mène à nulle part commence à l’agacer, ces énigmes aussi.
- Alors dites-moi comment vous êtes mort, comment elle vous a tué ! Au fait, votre aimée, comment s’appelait-elle ?
-Juliette.
Elle éclate de rire.
- Et vous, c’est Roméo, c’est ça ?
- Oui.
- Et votre fantôme erre depuis des siècles à la recherche d’autres « Juliette » ?
- Si on veut…toutes les amoureuses se ressemblent, quel que soit leur nom.
- Je ne comprends pas, vous voulez quoi ?
- Vous !
- Pourquoi ?
- Pour vous aimer.
- Et comment ?
Il s’approche d’elle, ses lèvres effleurent sa chevelure, puis descendent le long de sa joue. Un frisson la parcourt, elle semble tout oublier mais un éclair de lucidité la traverse. Ces italiens, quels dragueurs, prêts à tout pour tomber une femme, mais est-ce si désagréable. Des bras l’enveloppent, elle renverse sa tête et voit les lèvres de Roméo s’approcher des siennes, elle ferme les yeux…
- Signorina, Signorina.
Quelqu’un la secoue, un peu rudement. Elle ouvre les yeux, un vieil homme est penché au-dessus d’elle.
- Ce n’est pas permis de s’allonger sur la pelouse, vous n’avez-vous pas vu le panneau ? Vous devez partir ou utiliser les bancs.
Elle regarde autour d’elle, elle est seule, son Roméo a de nouveau disparu.
- Je m’étais assoupie, désolée. Et l’homme qui était avec moi ?
- Quel homme, il n’y a que vous. Cela fait un moment que je vous observe depuis ma fenêtre, il n’y a jamais eu que vous.
- Je parlais avec quelqu’un, cette personne était allongée avec moi, vous avez dû la voir ?
- Le soleil tape dur Mademoiselle, vous devriez faire attention.
Un peu énervée par cette situation qu’elle ne s’explique pas, elle se met debout et enlève des brindilles d’herbes de son pantalon. Alors qu’elle se penche pour ramasser son sac, elle voit une marguerite à la tige coupée qui git à côté. Elle la prend, l’examine, l’extrémité de la tige est mâchouillée… son rêve était donc réel ? Elle ne sait pourquoi mais cette constatation, au lieu de l’inquiéter, lui procure un bonheur fou et c’est d’un pas léger qu’elle quitte le jardin. Elle sait qu’il va la rejoindre où qu’elle se trouve. Le vieux monsieur la regarde partir, il enlève sa casquette et se gratte la tête, songeur.

28 juillet 2008

Le cloître

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Assise, elle essaie de s’imprégner des lieux. Qui lui a donc dit que les églises, les couvents et les cloîtres sont des endroits de méditation ? Laisser la paix descendre en elle, trouver la solution qui lui échappe, résoudre ses problèmes par essence divine, la bonne blague ! Elle a déjà essayé trois églises ce matin et à part le fait qu’il lui fallait recouvrir ses jambes et ses épaules nues et qu’il y faisait froid, elle n’a rien senti. Quand elle a découvert ce cloître, elle a pensé que c’était l’endroit idéal. Alors qu’elle s’apprêtait à emprunter les petits chemins de pierres pour aller en son centre, elle s’est fait remettre à l’ordre par la gardienne. On regarde mais on ne foule pas de son pied impur ce sol bien arrangé. Désillusion ! Elle se contente donc de s’asseoir sur le muret qui entoure ce jardinet et attend. Le temps s’écoule au gré des grains de sable qui s’accumulent dans le sablier de sa mémoire, elle est en vacances, elle a tout son temps et elle cherche quelque chose mais elle ne sait pas quoi !
- C’est beau n’est-ce pas ?
Elle ne sursaute pas, elle tourne lentement la tête et son regard accroche celui d’un homme.
- Oui, c’est beau.
Il a des cheveux longs bruns tirés en catogan, des yeux d’un marron très foncé et une cicatrice qui lui barre le front. Elle ne voit que son visage. Il sourit, il a un sourire très doux mais un peu triste, elle poursuit.
- C’est beau mais inaccessible. On peut regarder mais on ne peut pas en profiter. J’aurais voulu tirer un hamac entre deux colonnes et me bercer en laissant venir à moi la sagesse que ces lieux ne manqueraient pas de m’inspirer.
Il rit.
- Un hamac, quelle idée…mais pourquoi pas en fait ? J’ai l’impression que vous attendez quelque chose mais que cela peine à venir, est-ce exact ?
- Vous êtes devin ?
- Qui sait ? répond-il énigmatique.
Elle hausse les épaules. Son cellulaire sonne. Elle le cherche dans son sac et son attention est prise par l’appel. Quand elle termine sa communication, elle est seule, son interlocuteur a disparu. Elle saute du muret et se met à le chercher. Le cloître est vide, elle pénètre alors dans l’église. Il y a peu de visiteurs, elle fait rapidement le tour mais elle n’aperçoit toujours pas l’homme avec qui elle a parlé. Pensive, elle se dirige vers la sortie et se retrouve sur la place. Il fait très chaud, il est bientôt 14h et le soleil tape fort en ce mois de juillet. Un joli jardin accolé à l’église l’accueille à l’ombre de ses arbres centenaires. La pelouse lui tend les bras et elle s’y allonge, n’est-ce pas l’heure de la sieste ? Les yeux clos derrière ses lunettes de soleil, son sac à dos comme oreiller, elle écoute les bruits environnants, le crissement des pas d’autres promeneurs sur le gravier, le chant des oiseaux, l’accélération d’une moto au loin et…

Elle sent une présence. L’homme du cloître est allongé à côté d’elle. Elle ne dit rien, ne demande rien, ne voit que son visage, captivée par les yeux qui sondent son âme. Il a une marguerite qui dépasse de sa bouche aux lèvres fines. Elle se souvient avoir lu un jour que des lèvres fines signifiaient « exigence en amour ».

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