Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
5 septembre 2008

Le repas de famille

Alors qu’ils mangeaient le petit salé aux lentilles, elle avait asséné.
- J’ai toujours été contre les héros. Quand on est un héros, c’est qu’on a été un assassin, suivez mon regard… !
Ils étaient habitués à ses provocations, mais là, quand même, elle y allait un peu fort ! Certains voulurent le lui dire et ils en furent pour leurs frais. Elle persistait, signait et même… les emmerdait. Ce fut en tout cas ce qu’elle leur dit tout cru.
La tablée se tut mais les fourchettes continuèrent leur va-et-vient de l’assiette à la bouche. Manger, mâcher et avaler. Après… ils digèreraient.

4 septembre 2008

Le voleur de rêve

La première fois que je l’ai vu, c’était au pied de mon lit. Il était là, agenouillé, les mains jointes, comme s’il attendait quelque chose que moi seule pouvait lui donner…  Quand je l’ai aperçu, le visage recouvert d’un tulle noir, transparent,  je suis restée sans voix. Il m’a juste dit « Je suis le voleur de rêve » puis il a ajouté d’un ton ferme.
- Que voulez-vous exactement de moi ?
La façon dont il s’exprimait laissait à penser que je le connaissais ou que nous avions passé un accord, mais j’ai eu beau chercher dans mes souvenirs, je ne me rappelais nullement avoir fait appel à lui. Il a poursuivi, comme s’il lisait dans mes pensées.
- Mais oui, c’est vous m’avez demandé de venir ! Vous voudriez que je vous débarrasse d’un rêve qui vous encombre depuis longtemps, seulement vous ne voulez pas l’admettre !
- Ça m’étonnerait, d’ailleurs je ne rêve plus !
- Cherchez bien !
- C’est tout vu !
- Le déni n’a jamais guéri personne… a-t-il conclu.
A ce moment précis, mon mari s’est à moitié réveillé en me demandant avec qui je parlais et le voleur s’est éclipsé immédiatement.
C’est une semaine plus tard, en épluchant des carottes dans la cuisine,  que je me suis souvenue du rêve dont l’homme voulait certainement parler. Il avait raison, c’était un rêve gênant - odieux même - qui m’avait bouleversée et qui parfois me faisait craindre de m’endormir. Ce rêve avait ses périodes, mais depuis 2 ans, ses apparitions épisodiques m'inquiétaient. J’aurais bien sûr préféré l’oublier mais ce jour là, alors que j’étais penchée au-dessus de l’évier, l’épluche légumes à la main, il s’est imposé dans toute sa brutalité... il y avait moi et mon père... mais raconter la suite me terrifie, c’est comme le faire exister.
La nuit suivante, je me suis réveillée en sueur, et le voleur de rêve a fait une nouvelle apparition, pour la dernière fois. Il avait relevé son voile de tulle, mais je n’arrivais toujours pas à distinguer les traits de son visage dans la pénombre. Avait-il seulement un visage ?
- Aujourd’hui – chuchota-t-il - je suis venu pour emporter définitivement votre rêve, je vais le mettre dans ce livre – il ouvrit un énorme ouvrage qu’il avait posé par terre – et vous n’entendrez plus jamais parler de lui, je vous le promets !
J’ai certainement dû le remercier, mais je ne me souviens plus des détails ; c’était il y a exactement deux ans, juste avant le décès de mon père.

3 septembre 2008

De l'Art de représenter

Somerset Maugham, dans l’Art de la Nouvelle nous dit : « Un jour Matisse montra à une dame une de ses toiles, qui était un nu et la dame s’écria : « Mais les femmes ne sont pas comme ça ! » ; sur quoi il répliqua : « Ce n’est pas une femme, madame, c’est un tableau ». Je pense que, de la même manière, si quelqu’un s’était aventuré à suggérer qu’une nouvelle d’Henri James était différente de l’existence, celui-ci aurait répondu : « Ce n’est pas l’existence, c’est une nouvelle. » »

Toutes ces précautions pour dire que si demain, dans une nouvelle, par le plus pur des hasards, je parle de ma belle-mère, il ne s’agira pas de ma belle-mère - qu’elle le sache bien ! -  il s’agira tout au plus d’une simple représentation -  infidèle bien évidemment - de l’image que je peux avoir d’elle, mise en texte par de multiples artifices littéraires et linguistiques qui feront d’elle un Personnage. Représentation qui d’ailleurs, elle-même, sera interprétée par le lecteur – ma belle-mère, peut-être ? – avide de projections !
« Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé serait fortuite et indépendante de la volonté de l'auteur » !!!

2 septembre 2008

Il reviendra

Je m’étais trompée, ce n’était pas lui. En fait je le savais et pourtant, comme chaque fois, j’espérais…

Dans ce jardin de Vérone, couchée dans l’herbe et endormie, sa présence à mes côtés avait été le début d’une aventure folle et irréelle. J’avais toujours espéré vivre une histoire intense et passionnée mais jamais je n’aurais espéré la vivre avec Roméo. Il avait surgi de nulle part après ma visite à son tombeau, avait murmuré qu’il m’attendait depuis des siècles et que mon amour l’avait ressuscité après tant d’années vides et mortes. Il m’avait suivie à mon retour, s’installant chez moi et dans ma vie en transformant mon univers. Personne ne savait ce que nous vivions et cela m’était égal du moment qu’il venait à moi, régulièrement, tous les soirs, afin que je puisse dormir dans ses bras. Au réveil, la bouche encore pleine de ses baisers et le corps marqué par nos étreintes, j’avais de la peine à reprendre pied et à retourner dans une vie qui ne collait plus avec ma réalité. Je ne voyais plus mes amis, je ne téléphonais plus à mes parents, mes collègues disaient de moi que je devenais asociale, que je ne tournais pas rond mais je m’en fichais. Que pouvaient m’apporter leurs sorties en boites alors que mon amour n’attendait que mon retour pour reprendre possession de mon corps et de mon âme ? Comment leur expliquer que leurs bavardages et leurs petites histoires ne m’intéressaient pas parce que ce que je vivais, personne d’autre ne pouvait le vivre ? Ma vie était devenue si exceptionnelle que je ne mangeais plus, je ne faisais plus mes courses ni mon ménage, choses bassement primaires dont je n’avais plus envie. Le seul but qui régissait mon existence consistait à trouver le sommeil pour qu’il vienne enfin à moi, me permettant ainsi de me fondre en lui.

Notre aventure a pris fin par mon internement. Pour mon bien ont dit mes parents avertis par des collègues compatissants. Les pilules et les calmants m’ont enlevée à lui, il n’est plus revenu et j’ai pleuré toutes les larmes possibles. Mon corps a perdu ses marques, ma peau a progressivement oublié la chaleur de ses mains et ma bouche a perdu le goût de ses baisers. Au bout de plusieurs semaines, j’étais redevenue comme avant, c'est-à-dire, froide, sèche, rugueuse, sans goût et sans émotions ni sensations. Le soleil qui inondait ma vie s’était éteint !

Après tant de semaines, on m’a dit « guérie », mais peut-on guérir de l’amour de Roméo ? Depuis ma sortie, sans rien dire à personne, je le cherche et crois parfois l’apercevoir. Déçue jusqu’à maintenant, je ne baisse pourtant pas les bras et persiste car je sais tout au fond de moi qu’un jour, il reviendra…

2 septembre 2008

La déchetterie

La veille elle avait réussi à sortir de sa torpeur habituelle au retour des vacances. Il fallait qu’elle jette les déchets verts qui avaient tellement macéré dans leurs sacs en plastique, pendant 20 jours, que le garage en était empuanti. Elle allait enfin pouvoir goûter à la satisfaction du devoir accompli et éprouver le soulagement de se débarrasser de choses encombrantes.
Une fois à la déchetterie, les dix sacs en plastique à ces pieds, elle fut prise de panique - toujours ces souvenirs qui la tourmentaient - et sa tête commença à tourner. Mais quel crime avait-elle donc commis pour être ainsi poursuivie depuis tant d’année ? Elle  traînait ses problèmes comme des âmes en peine qui se seraient agrippées à ses cheveux pour l’empêcher d’avancer.  Elle commença malgré tout à  vider ses sacs,  un à un, et puis elle se prit à rêver : si seulement elle pouvait jeter ses problèmes dans les quatre containers alignés devant elle ! Qui sait, peut-être pourraient-ils ensuite être recyclés ?
Soudain elle revint à elle parce qu’un homme hurlait.
- Attention, écartez-vous ! Ecartez-vous nom de dieu !!!
Elle essaya de se retourner, mais  trop tard, son corps bascula vers l’avant sans qu’elle ne pût s’accrocher nulle part.
Quand elle reprit connaissance, elle vit un brouillard de têtes penchées au-dessus d’elle. Des bouches  parlaient, mais elle ne comprenait rien. Puis, petit à petit, les sons devinrent des mots et elle entendit distinctement un homme qui disait.
- Elle a eu de la chance, le dernier qui a basculé dans la benne, il  s’est jamais réveillé !
Oui, elle avait de la chance, elle était  toujours vivante.

1 septembre 2008

Plaidoyer pour la semaine de un jour !

volemrrien_foutreLundi ! Penser qu’on est déjà lundi m’épuise et  me fait immanquablement penser au mardi, mais heureusement, le mardi… je ne fais rien. Je ne fais jamais rien le mardi, par conviction ; il est beaucoup trop fatigant de penser à faire quelque chose le mardi alors que vous n’avez rien fait le lundi. Le travail est une chose trop sérieuse pour la prendre à la légère.
Deux choses sont nécessaires pour pouvoir travailler efficacement  :  la constance et  la rigueur. Alors le mercredi et le jeudi, de toute la force de mon âme raisonnable, je rassemble mes idées pour les classer et planifier le travail du vendredi. Je ne vous parlerai pas de la journée du vendredi, c’est beaucoup trop éprouvant.
Le week end, je ne chôme pas ! Le samedi matin, je fais un bilan du travail du vendredi afin d’être plus « performante » le vendredi suivant. Quant à  l’après-midi, je la passe à regarder un documentaire en boucle, toujours le même, « Volem rien foutre al païs »*, afin de me conforter dans ma théorie de « la semaine de un jour » très à contre-courant des dogmes économiques en vigueur dans nos sociétés libérales non avancées. Il est difficile, voire déstabilisant, de penser à contre-courant de la pensée des autres, je dois donc fourbir mes arguments !
Et pour finir, le dimanche. Comme vous le savez, le Seigneur s’est accordé le repos le dimanche, eh bien  moi aussi, bien que non croyante et non pratiquante. Mais  les bonnes idées ne doivent-elles pas toujours être adoptées, qu’elles soient de droite, de gauche, catholiques, protestantes, musulmanes ou bouddhistes… ?
Il me semble pouvoir dire, sans me tromper, que ce mode de vie – ou cette « ascèse » si vous préférez – pratiqué par tous, conduirait certainement le monde vers une décroissance telle, que la planète en serait soulagée. Vous ne croyez pas ?

* Si vous voulez voir la bande annonce de « Volem rien foutre al pais », c’est ici

PS : texte écrit sur une consigne du site : les impromptus littéraires

31 août 2008

L’uniforme

L’uniforme m’efface*, c’est pour ça que je le garde, même le soir ! Enfin, le soir, c’est ma femme qui me  demande de le garder, juste les soirs où elle a envie, parce que mon uniforme l’excite. Alors je lui fais l’amour en « pilote de ligne », elle préfère mon uniforme à ma peau. Je pourrais refuser… mais non, je le garde.
Quand je le porte, on me remarque, les femmes surtout, même les plus belles. On me traite avec déférence, on me sert le premier et pourtant, comme le dirait ma femme quand je suis en civil : « Tu es d’un fade ! ».
L’uniforme me transforme, avec lui je suis plus vivant, plus intelligent, plus drôle, plus spirituel. Je fais même preuve d’initiative ! Toutes choses qui s’envolent quand je le retire. Comme le dirait ma femme quand elle perd patience : « Tu es d’un terne ! »
Parfois je me demande comment j’ai pu vivre sans uniforme. Enfant je n’existais pas. Ma mère se plaignait de mes longs silences, mais quand je me décidais à parler, elle me faisait taire. Etudiant, j’étais discret, timide, toujours prêt à m’effacer devant l’autre.
Ma femme dit comme ma mère : « On ne sait jamais ce que tu penses ! ».
Un jour, quand je n’aurai plus d’uniforme, je  disparaîtrai. Où ? je ne sais pas, mais un pilote n’a plus besoin de carte après tant d’années d’expérience.

* phrase extraite du livre d’Edouard LevéSuicide

30 août 2008

Pourquoi écrire ?

clarice_lispector"Enquanto tiver perguntas e não houver respostas, continuarei a escrever. "

ou, traduit par mes bons soins :

"Tant que j’aurai des questions et qu'il n'y aura pas de réponses, je continuerai à écrire. "

Clarisse Lispector, écrivain brésilien, (1920 – 1977), tiré du livre «  Felicidade Clandestina », écrit en 1971

* photo vue ici

29 août 2008

Les autres…

Elle disait souvent.
- De toutes façons, les gens n’ont jamais rien à dire.
Mais elle oubliait qu’elle parlait tellement et qu’elle écoutait si peu, que ses interlocuteurs préféraient rester silencieux.
Elle ajoutait parfois.
- Que les gens sont médiocres !
Elle oubliait que la conscience qu’elle avait de sa supposée supériorité rendait tout un chacun terne et neutre, presque voué à la transparence.
De temps en temps, elle complétait.
- Les Français sont minables, ils devraient être mis sous tutelle !
Si elle avait été anglaise, les anglais  auraient été tout aussi minables, mais elle  était française, et ne participait bien sûr pas de cette médiocrité qui frappait la France.
Apparemment, elle semblait heureuse, parlait avec bonhomie à ceux qu’elle croisait - parce qu’on a toujours besoin des autres, au fond, et elle le savait - mais jamais trop longtemps ; trop connaître l’autre ne pouvait apporter que déconvenue et ennui. La rapidité des échanges, pensait-elle, leur donnait une  couche de vernis que la longueur leur retirait aussitôt.

28 août 2008

Travailler ! Hein ? Quoi ?

Rentrer, c’est mourir un peu, en toute heure et en tout lieu… et c’est souvent – sauf pour les chômeurs, les rentiers ou ceux qui ont fait un autre choix – travailler ! En d’autres temps, certains égrenaient : travailler, c’est trop dur et voler c’est pas beau, d’mander la charité…. 
Dans la chanson Kouté moué moué, le groupe Vin’s and the Zoufris maracas, à  complet contre-courant des dogmes économiques en vigueur, nous susurre  sa subversive sagesse, loin de la croissance, du pouvoir d’achat et des retraites :

Je suis content d’avoir compris
qu’avec tout le pognon du monde
On ne rachète pas les années
que le travail nous a volées
On ne rachète pas les années
qui nous sont passées sous le nez.

Ecoutez leur disque, il y a chez eux de la subversion, de l’humour, un zeste de Salvador… et des mélodies qu’on continue de fredonner pour le plaisir…

PS : Comme le disait Alphone Allais « Quand on ne travaillera plus les lendemains des jours de repos, la fatigue sera vaincue. » CQFD !

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés