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Presquevoix...

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10 décembre 2020

Drôle de drame

C’était juste un jour comme les autres et, comme elle était très en avance, elle s’était assise devant la porte d’entrée du lycée avec sa pancarte qui disait :

 

Le chauffeur de l’Education Nationale nous mène droit dans le mur.

Il nous méprise alors méprisons-le, lui et ses réformes bidon.

Stop au massacre

Stop aux mensonges

Résistons !

Elle avait refusé de bouger et un collègue était venu lui donner main forte en s’allongeant dans la largeur de la porte d’entrée. Elle ne le connaissait même pas, mais avec les masques, qui reconnaissait-on ?

La police était arrivée très vite. Il faut dire que les élèves refusaient d’entrer dans l’établissement en disant qu'ils ne passeraient pas sur le corps des professeurs.

Face aux policiers, ni elle – ni lui – n’avaient voulu partir de l’endroit où ils étaient ;  elle leur avait poliment répondu.

-          Je vous en prie, gardez-nous si vous le souhaitez.

Et ils les avaient portés jusqu’à leur véhicule. Quel beau départ, s’était-elle dit, surtout à deux. Tous les élèves – et certainement les siens – regardaient la scène, étonnés.

Ce jour-là, elle avait 4 heures de cours où, en général, par ces temps de COVID, les élèves défilaient les uns derrière les autres avec la même inertie ou la même non-volonté de se mettre au travail.

Dans l’antre de la police – et ça elle ne s’en remettrait peut-être pas - ce qu’elle avait vu dépassait l’entendement. Elle avait essayé un mot d’humour mais elle avait vite compris qu’au royaume de la police l’humour n’était pas de mise. Son collègue, lui, avait continué un ton plus haut et elle se rendit tout de suite compte – mais pas lui - qu’en terrain ennemi, il valait mieux se taire…

 

PS : prochain texte, lundi prochain.

 

7 décembre 2020

Le syndrome des chimères

 

 

couverture_ei

 

Installée au café royal, juste avant le confinement du mois de mars, elle avait vu un homme s’installer à sa table, sans même lui demander son avis. Elle avait posé le livre de l’intranquillité sur ses genoux et n’avait rien dit – une habitude qui datait de son enfance. Il n’avait pas tardé à parler.

-          Je suis bipolaire et vous ?

-          Française et vous ? avait-elle répondu. Elle avait toujours adoré répondre à côté des questions posées.

-          Français, et iranien, peut-être.

-          Peut-être ?

L’homme se tut. Il avait un visage long et émacié. Peut-être était-il iranien, mais peut-être était-ce une chimère. C’est exactement à ce moment-là qu’il lui dit.

-          Vous ne seriez pas une chimère ?

-          Moi ?

-          Oui, vous. En vous regardant de profil tout à l’heure, j’ai pensé qu’avec vos cheveux vous aviez une tête de lionne. C’est quoi votre pouvoir ?

-          Mon pouvoir ?

Sa voix peu à peu glaçait sa peau ; il lui semblait qu’il voulait tracer un chemin en elle pour s’éloigner du sien, trop douloureux.

-          Oui, vous avez un pouvoir, ça se voit dans vos yeux si bleus, si profonds. Dites-moi lequel ?

Pourquoi lui avait-elle confié qu’elle lisait l’avenir ? Et, le plus surprenant, c’est que non seulement, elle lui avait lu son avenir dans les lignes de sa main longue, si longue que la mer y étalait d’étranges vagues  sombres, mais qu’ elle était entrée dans l’antre de l’homme inconnu tout en sachant parfaitement qu’elle n'en sortirait pas à moins de faire disparaître le croque-mitaines caché en lui qui mangeait son âme…

 

PS : prochain texte, jeudi 10/12.

Visitez les éditions irrégulières...

3 décembre 2020

Son truc

Son truc à lui, c’était le harcèlement textuel. Jusqu’à présent, aucune des femmes qu’il avait choisies n’avait été « séduites » par sa prose, mais le grand soir viendrait, il le savait.

Le week-end, après ses longues pages d’écriture, il regardait ses DVD préférés, le chapelet à la main, non parce qu’il se sentait déprimé mais pour que  le Christ l’aide sur son chemin de croix textuel. Cette prière répétitive l’apaisait à tel point qu’il se disait que pour Noël il demanderait à sa sœur – qui, elle, ne croyait qu’en la Finance - de lui acheter un chapelet en argent.

Tous deux passaient Noël ensemble depuis le décès de leurs parents, il y a sept ans. Ni l’un ni l’autre n’avaient d’enfants ni de conjoint et, ce repas familial à deux, le soir de Noël, n’était suivi d’aucun autre repas le reste de l’année. Il faut dire que leurs professions – elle dirigeait une grande banque et lui était lecteur chez un éditeur parisien – les éloignaient, de même que leurs souvenirs d’enfance, si différents.

En général, il pensait à ce repas de Noël une semaine à l’avance afin d’éviter que leur conversation de Noël ne sombre dans le silence. Il imaginait en boucle les sujets à aborder : ceux du travail, des loisirs et des vacances. Sauf qu’en cette période de COVID, les vacances et les loisirs il n’y en avait point eu.  

Et s’il lui parlait de ses lettres aux femmes aimées en lui disant qu’il s’agissait de son premier roman ? Bien sûr, il lui faudrait ajouter que le personnage lui avait été inspiré par l’un de ses amis. Oui, une très bonne idée, et le chapelet l’aiderait dans cette conversation « spirituelle » avec sa soeur …

 

PS : prochain texte, lundi prochain.

 

30 novembre 2020

Le masque rouge

Dans l’immeuble, tout le monde en parlait et, confinement ou pas, tout le monde l’avait immédiatement su : elle s’était pendue avec un masque rouge.

« Un masque rouge ? » avait hurlé la voisine du deuxième étage en faisant vertige sur vertige et croyant que le COVID était entré en elle. Quant à la voisine du troisième, elle, elle se contentait de répéter en boucle « Ah mon Dieu » en enlevant son masque de son nez. Celles du premier et du cinquième, le masque sous le menton, pleuraient à chaudes larmes alors qu’elles lui disaient à peine bonjour de son vivant. Il faut dire qu’elle avait une drôle de vie. Tout le monde racontait qu’elle recevait des hommes ; nettement moins depuis le confinement, car certains s’étaient chargés d’avertir les autorités.

Oui, l’immeuble entrait dans une période dépressive – si l’on peut dire - et, seuls les enfants continuaient leur vie d’enfants comme si de rien n’était, car les enfants savent très bien vivre dans un autre monde …

 

PS : prochain texte jeudi prochain.

28 novembre 2020

Le Messie

Son amie lui avait posé une question étrange entre la poire et le fromage, et soudain, sa gorge s’était coincée.

-          Et si le virus profitait à un nouveau Messie ?

Après son café, elle avait prétexté des cours à préparer pour partir vite. Elle regrettait d’avoir rempli deux « fausses » attestations, à la main, pour aller chez elle. Ne devenait-elle pas folle ?

Le Messie, diantre, il ne manquerait plus que ça. Enfin, avec la police qui est la nôtre, il ne marcherait pas longtemps…

25 novembre 2020

Le CSF

Il était devenu membre d’honneur du CSF* pour avoir été l’un des plus célèbres utilisateurs de l’expression « Casse-toi pauv’ con ». Au CSF sont entrés un certain nombre de personnes de « haut vol ».

Cette « ONG » a plusieurs cordes à son arc et, comme le disait l’un de ses premiers membres, il n’y a pas de fatalité pour celui qui veut oser ; donc ses membres osent. L’un des derniers projets de cette ONG, presque confidentielle, est l’arc mondial des cons de bonne volonté, un arc qui rapportera gros, car ses membres osent voler très haut…

*cons sans frontières

 

PS : prochain texte samedi prochain

23 novembre 2020

La messe

En ce dimanche brumeux, les fidèles s’étaient réunis, gentiment vêtus de couleurs foncés, et manifestaient pacifiquement, la croix – discrète ou non - autour du cou, pour la reprise des messes en présentiel.

J’avais oublié que les familles catholiques pouvaient avoir autant d’enfants !

L’Avent arrivant, la soif de communion était encore plus vive, et cela se sentait dans cette petite foule.

Certains avaient des pancartes : « Il me manque un guide » ou « Nous voulons l’eucharistie » ou « prier chez soi ne suffit pas ». D’autres chantaient et d’autres encore avaient des slogans divers et variés, tous aussi catholiques les uns que les autres. Je me suis demandée, à un moment donné, si Dieu adhérait aux gilets jaunes car l’un des chants était celui-ci : « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas nous on est là, pour l’honneur des catholiques et pour un monde christique, on est là pour toi mon Dieu nous on est là ». Certains n’ont pu s’empêcher de s’agenouiller, malgré le bitume humide et là, la police est intervenue…

 

20 novembre 2020

L’enterrement

Il était mort d’avoir eu peur. Triste destin. D’autant plus que ses funérailles eurent lieu dans la grisaille du Covid. Grand fut le vide ce jour-là, car ses amis ne se déplacèrent pas. Seuls sa femme et son fils étaient présents, mais l’un et l’autre ne se parlaient plus depuis longtemps.

Dans l’église, lorsque le curé eut fini son homélie, les pleurs de la mère entonnèrent un chant violent. Le curé trembla, sans parler du Christ qui tomba de sa croix.

Le fils, lui, avait l’habitude de ces débordements et il ne dit rien. Mais au cimetière, debout près de sa mère, il lui dit à l’oreille.

-          Je crois que père sera heureux, la mort parfois libère.

Sa mère le gifla et le curé fit semblant de ne rien voir, comme il l’avait fait tant et tant de fois avec tant de paroissiens, pardon oblige…

 

PS : prochain texte lundi prochain

 

18 novembre 2020

L’élève et le professeur

Il avait dit à son professeur, à la fin du cours.

-          J’ai trop de problèmes dans ma tête, même un prof de maths ne pourrait pas les résoudre

Et le professeur avait répondu.

-          Essaie d’abord de résoudre les équations, c’est beaucoup plus facile que de résoudre ses problèmes personnels. Moi, les miens, je t’avoue que je ne les ai pas encore tous résolus, et tu imagines l’âge que j’ai avec mes cheveux blancs, alors…

L’élève sourit, mais aussitôt il eut dans sa tête la maison familiale, son père, sa mère, son frère, les disputes, la peur, les silences. Il conclut tout de même.

-          Oui, vous avez raison, je vais essayer de résoudre les équations.

-          Voilà, parfait, répondit le professeur. Résoudre une équation du second degré, ça remet les neurones en place. C’est le professionnel qui te le dit.

Une fois l’élève parti, le professeur repensa avec émotion que oui, les mathématiques pouvaient sauver la vie, ou presque. Que serait-il devenu sans elles ?

 

PS : prochain texte, vendredi prochain.

16 novembre 2020

On line

Depuis qu’ils faisaient l’amour ensemble « on line », par ordinateurs interposés - lui dans sa chambre, elle dans la sienne - tout allait pour le mieux. Mais cela allait-il durer ?

 PS : prochain texte, mercredi prochain

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