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Presquevoix...

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9 janvier 2021

Le charcutier

M Grodoigt était charcutier- traiteur. Une vocation, chez cet homme qui avait récemment perdu trois de ses doigts avec son hachoir. C’est sans doute pour cette raison que des plaisantins avait écrit sur les murs de sa boutique :  « Fais gaffe, il faut du doigté pour être charcutier !  »

M. Grodoigt, pendant une semaine, avait dit à tous ses clients qu’il les retrouverait ces « connards ».

Il les avait trouvés, et le premier « connard », c’était son fils…

 

7 janvier 2021

Voyager

« (…) Les étrangers ont souvent la malchance de n’observer dans le pays qu’ils visitent que ce qu’ils veulent bien voir et la raison pour laquelle tant de gens se déplacent est tout simplement qu’ils désirent obtenir la confirmation de leurs idées fausses et la multiplication par deux de leurs préjugés (…)*

Dans le monde du Covid nous ne voyageons plus à l’étranger - ou si peu - mais ne voyageons-nous pas au pays des préjugés, ce pays ou la vie est si simple ?

 

*Stig Dagerman, la dictature du chagrin

PS : prochain texte : dimanche.

 

4 janvier 2021

Croire

Elle lui avait demandé pourquoi il était croyant et il lui avait répondu simplement : « Parce que je suis croyant. »

Agacée, elle avait ajouté.

-          Très bien, mais pourquoi Dieu ?

Il avait hésité et avait finalement fini par ajouter.

-          Sans doute à cause de la Bible, c’est mon livre de chevet. Et puis, j’aime les rituels. Et toi, Dieu, ça ne te tente pas ?

C’était bien la première fois qu’il lui posait une question personnelle. Elle en fut étonnée et cela la sortit de ses « croyances » habituelles sur ses semblables. Elle fut obligée de réfléchir un tantinet avant de conclure.

-          Dieu, certainement pas. Je préfère le voyage intérieur, tu vois ? Comprendre pourquoi je suis comme je suis.

-          Ah, il est vrai que Dieu occupe beaucoup d’espace.

-          De toute façon, j’ai tellement de livres à lire, alors la Bible chaque soir …

Il sourit. Elle aussi. Il en profita pour lui demander.

-          Tu ferais l’amour avec moi ?

-          L’amour avec une non croyante ?

-          Eh bien oui. Dieu ne l’interdit pas. Montons ensemble sur le Mont Sinaï, ajouta-t-il en souriant

-          Nus dans la lumière ou nus dans l’obscurité ?

-          Nus dans la lumière, décida-t-il

C’est ainsi qu’ils firent l’amour pour la première fois. Cet homme – il s’appelait Adam et elle Anna - était un être subtil et, son art du don n’avait d’égal que son art de la musique du corps de la femme.

Était-ce ça, la main de Dieu, pensa Ana après voir atteint le mont Plaisir ?

 

PS : prochain texte jeudi 6 janvier.

 

2 janvier 2021

Le souverain

Ils vivaient dans un pays où l’exception devenait la règle et où le déclin accélérait le chemin vers l’abîme. L’histoire n’avait plus de sens.

Celui qu’ils appelaient le Roi communiquait en envoyant des remèdes amers dans les foyers de cet étrange pays.

Dans les jardins fermés, les cerveaux s’épuisaient et les esprits cherchaient un chemin au pays de l’oubli.

Le Roi, lui, n’avait jamais cultivé de jardin, mais il cultivait l’amour de lui, confiné dans un palais où il ne regardait que son image dans la grande Gallerie des glaces ; se mirer était devenu sa principale activité dans ce palais où il avait ses rituels et ses serviteurs.

Son ministre, la semaine passée, avait osé prononcer la phrase suivante : « L’amour de la démocratie est celui de l’égalité*. De quoi avez-vous donc peur pour ainsi régner ? »

Le Roi n’apprécia nullement cette "non-pensée" et il le fit aussitôt disparaître.

 

*Montesquieu

PS : prochain texte, lundi prochain.

 

29 décembre 2020

L’année du diaphragme

Depuis une semaine, elle passait une grande partie de son temps à toucher son diaphragme, ce qui rendait toute conversation difficile. Inspiration, expiration étaient les deux mots qu’elle prononçait en boucle. Son compagnon finit par lui dire.

-          Bon, mais à part le diaphragme ?

-          Comment ça « à part le diaphragme ? dit-elle énervée.

-          Eh bien tu ne parles que de ça depuis une semaine, comme si le monde n’existait pas en dehors de lui.

Elle continua à lire son livre « Respir-actions » et ne répondit rien.

Un an avec lui, seulement, et l’angoisse, le stress, les entraves, les nœuds, les crispations l’envahissaient. Quant allait-elle l’expulser ?

Au bout d’un quart d’heure de lecture, elle finit par lui dire.

-          C’est ce qu’on appelle « l’annus horribilis », non ?

-          C’est-à-dire ?

-          Eh bien une année douloureuse, tu vois ?

-          Douloureuse à cause du diaphragme ?

-          Pour te dire la vérité, je crois que si tu n’étais pas là, mon diaphragme irait bien mieux.

Il la regarda, étonné et finalement, il décida que l'heure était venue.

-          Eh bien, je te laisse en couple avec ton diaphragme et moi je pars sur la route de mon pénis. La vie sera ainsi plus tranquille pour toi. Quant à moi, peut-être que je deviendrai un « penispliquateur ».

Elle se sentit obligée d’ajouter.

-          C’est-à-dire ?

-          Tu sais, ces prophètes qui sont persuadés que les femmes ne pensent pas, ou mal, très mal.

-          Tu te trouves drôle ?

Il alla faire sa valise en vingt minutes exactement et constata qu’une fois dehors, à l’air libre, il inspirait et expirait bien mieux.

 

PS : prochain texte le samedi deux janvier 2021

26 décembre 2020

La famille est-elle une navigation au long cours ?

Ces deux sœurs étaient aux « antipodes », mais habitaient dans le même quartier. L’une appartenait au groupe « Libérez les tétons », et l’autre était membre de l’« association pour le port du voile ». L’une accusait l’autre d’overdose de vulgarité, tandis que l’autre, adepte de la lucidité, accusait sa sœur d’aveuglement.

Comment avaient-elles pu ainsi s’éloigner ? Sans doute parce que l’une avait opté pour le père, et l’autre pour la mère. Un couple de parents qui vivait ensemble, dans la même maison, mais à deux étages différents. Jamais ils ne se parlaient ou ne mangeaient ensemble. Quand la communication était indispensable, ils s’écrivaient ou passaient par leur fils qui lui, jouait un rôle de médiateur, non seulement entre ses parents, mais entre ses sœurs.

Certains amis disaient qu’il y avait en lui quelque chose d’un Christ. Lui, bien sûr, ne se voyait nullement ainsi et disait parfois, à ceux qui parlaient de famille avec lui, notamment à l’approche des fêtes de Noël.

-          La famille, c’est des chemins qui bifurquent et une telle bifurcation peut conduire à la séparation. Pour ma part, je pratique la navigation, j’ai commencé à l’âge de dix ans et, comme le disait quelqu'un dont j'ai oublié le nom : "Toute navigation est incertaine ; prends pitié du malheureux qui a fait naufrage." C'est ce que je fais sur mon bateau et dans ma famille ; et cela ne me pose aucun problème. Naviguez, et vous verrez qu’ainsi la mer familiale vous semblera différente…

 

PS : prochain texte mardi 29 novembre.

 

23 décembre 2020

Esprit es-tu là ?

Cet homme était fade, si fade que je l’ai mangé. Etrange me direz-vous, mais bien m’en a pris. Aussitôt après, un fruit est né dans mon ventre, un fruit qui a grossi, grossi, grossi et m’a ouvert l’esprit ; contrairement à ce que les gens pensent, court est le chemin qui mène du ventre à l’esprit.

PS : prochain texte, samedi 26 décembre.

 

21 décembre 2020

La foi

Marianne m'avait dit derechef, à la fin de notre conversation sur nos familles respectives.

- Toi, tu es de mauvaise foi.

Ce à quoi j'avais rétorqué.

- Quoi, nous n'avons pas la même foi ?

- Drôle, a-t-elle répondu le regard aigre-doux. Puis elle est partie.

Le lendemain, elle m'appelait pour que nous nous retrouvions l‘après-midi au café « La Panthère Ose », et dès mon arrivée, elle a précisé.

- Au fait, c'est toi qui payes parce qu'avec ce que tu m'as asséné hier, je le mérite.

- Ah bon, mais qu’est-ce qui t’a offusquée ?

- Tu es vraiment de mauvaise foi, Léa.

Et j'ai répondu.

- La foi est un bien étrange pays Marianne. D’ailleurs, la foi, qu'elle soit bonne ou mauvaise, elle nous conduit tous au même endroit.

- Où ?

J'ai hésité à lui répondre mais devant son insistance, j'ai précisé en souriant.

- Au ciel, bien sûr, puisque la foi est en toi.

Depuis, elle ne m'a plus jamais téléphoné ; pourtant, je lui avais offert l’énorme glace à la crème chantilly qu'elle avait dévorée en toute bonne foi...

 

17 décembre 2020

Les mots d’Ariane

Ariane était accoucheuse de mots, une profession rare, mais belle, si belle, disait-elle. A une femme qui ne croyait pas aux bienfaits de son métier, elle avait dit en souriant.

-          Vous savez, accoucher des mots, c’est comme accoucher d’un enfant, douloureux, parfois, mais si beau.

Au cours de l’entretien que nous avons eu, j’ai essayé de tisser ce fil d’Ariane. Au début, elle m’a dit.

-          Il est plus facile d’être sage pour les autres que pour soi, mais les mots peuvent nous aider sur ce chemin, et moi, ces mots, je les accouche, en trois ou quatre séances. Tous, quels qu’ils soient : les petits et les grands, les subtils et les bruts, les purs et les impurs, les sombres et les lumineux, les vrais et les faux, les mystérieux et les ostentatoires, les démunis et les puissants. Tous, vraiment tous.

Je n’ai pu m’empêcher, ensuite, de lui poser cette autre question, car qui peut croire que les mots sont accouchés en trois séances et qu’après, la vie s’ouvre en nous.

-          Et comment sortent-ils, ces mots ?

-          D’une façon simple. D’abord, je ne travaille qu’avec des femmes et à chaque accouchement elle se placent dans la position qui leur semble la plus simple pour mettre au monde. Certaines s’allongent, d’autres se mettent accroupies, d’autres assises, comme elles veulent. Et elles le font naturellement, même si elles n’ont pas eu d’enfant. Mais leurs yeux sont entourés d’un bandeau, les miens aussi, car les mots veulent naître sans que la vue ne les juge ; les prononcer suffit.

Il me manquait alors une dernière question pour que cette méthode, dite naturelle, me semble pouvoir ouvrir une autre route, au cas où.

-          Et que fais-tu si les mots ne suffisent pas à changer la vie ?

-          Nous passons alors au corps, mais le corps, c’est encore un autre voyage ou une autre histoire.

 

PS : prochain texte, lundi prochain.

 

14 décembre 2020

Attention aux contacts…

Il lui avait dit qu’il était con-contacts et qu’il ne pourrait pas la voir ce soir-là au risque de la contaminer. Et, avait-il ajouté, sache qu’être con-contact peut très mal se terminer, en précisant.

-          Les cons sont une espèce en voie de propagation. Un con, un seul, peut – comme le COVID – contaminer trois autres personnes. Bien évidemment, aucun masque possible et surtout, aucun vaccin anti-cons ne pourra diminuer l’épidémie, et c’est là que le problème devient extrêmement grave. Tu imagines ce que cela donnera à l’échelle de la planète ?

Habituée à ses petites folies passagères, elle avait tout de même fini par lui poser une question importante.

-          Et comment reconnaît-on un con ?

-          Eh bien, je peux te donner un exemple. J’en connais un qui crée des Grenelles – ou des dispositifs si tu préfères – à toutes les sauces. Il a même créé un site « pisserdansunviolon.com » pour mettre en place ses projets. Eh bien, assister à un Grenelle peut-être une cause de contamination ! Mais il y a d’autres exemples, bien sûr.

Elle le remercia de son explication et réfléchit à ce problème toute l’après-midi. Grand bien lui fit, parce que dès que son supérieur hiérarchique lui parla d’un nouveau « dispositif » à mettre en place dans l’entreprise. Elle se méfia.

-          Un genre Grenelle, quoi ?

Il la regarda d’un œil noir et ne répondit rien. Là, elle comprit immédiatement qu’il cherchait à la contaminer pour qu’elle-même contamine le personnel…

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

 

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