Ariane était accoucheuse de mots, une profession rare, mais belle, si belle, disait-elle. A une femme qui ne croyait pas aux bienfaits de son métier, elle avait dit en souriant.
- Vous savez, accoucher des mots, c’est comme accoucher d’un enfant, douloureux, parfois, mais si beau.
Au cours de l’entretien que nous avons eu, j’ai essayé de tisser ce fil d’Ariane. Au début, elle m’a dit.
- Il est plus facile d’être sage pour les autres que pour soi, mais les mots peuvent nous aider sur ce chemin, et moi, ces mots, je les accouche, en trois ou quatre séances. Tous, quels qu’ils soient : les petits et les grands, les subtils et les bruts, les purs et les impurs, les sombres et les lumineux, les vrais et les faux, les mystérieux et les ostentatoires, les démunis et les puissants. Tous, vraiment tous.
Je n’ai pu m’empêcher, ensuite, de lui poser cette autre question, car qui peut croire que les mots sont accouchés en trois séances et qu’après, la vie s’ouvre en nous.
- Et comment sortent-ils, ces mots ?
- D’une façon simple. D’abord, je ne travaille qu’avec des femmes et à chaque accouchement elle se placent dans la position qui leur semble la plus simple pour mettre au monde. Certaines s’allongent, d’autres se mettent accroupies, d’autres assises, comme elles veulent. Et elles le font naturellement, même si elles n’ont pas eu d’enfant. Mais leurs yeux sont entourés d’un bandeau, les miens aussi, car les mots veulent naître sans que la vue ne les juge ; les prononcer suffit.
Il me manquait alors une dernière question pour que cette méthode, dite naturelle, me semble pouvoir ouvrir une autre route, au cas où.
- Et que fais-tu si les mots ne suffisent pas à changer la vie ?
- Nous passons alors au corps, mais le corps, c’est encore un autre voyage ou une autre histoire.
PS : prochain texte, lundi prochain.