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Presquevoix...

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22 mai 2009

Comment faire disparaître un homme ? (gballand)

Chaque jour elle déposait un mot – ou deux -  dans sa poubelle ; les mots des lettres qu’il lui avait envoyées et qu’elle dépiautait consciencieusement. En désossant ses phrases, elle désossait son souvenir. Comme il ne lui avait écrit que 4  courtes lettres, elle en aurait  assez vite fini avec lui. Le précédent, par contre, il lui avait fallu  douze longs mois pour le faire mourir, c’était un amoureux des mots. Il l’avait aimée un mois, à raison d’une lettre tous les deux  jours, et pas n’importe quelles lettres, des lettres longues et romantiques qu’elle avait  eu le tort de  croire. Quant à l’avant avant dernier - un rustre - la seule missive qu’il lui avait écrite, c’était ces trois  phrases griffonnées à la hâte sur une enveloppe : « Marre de ta névrose. Je pars. Tout est fini entre nous. ». Elle l’avait achevé en une semaine.

21 mai 2009

Le cadeau de vacances (gballand)

Quand il était en vacances, il achetait toujours un cadeau à sa mère, souvent laid, exprès ; il ne pouvait  s’en empêcher. Non pas que sa mère ait été plus mauvaise mère qu’une autre, mais  il voulait l'encombrer, la gêner, et peut-être même l’obliger, une fois au moins, à lui dire le fond de sa pensée.

Après 10 ans de vacances dans les endroits les plus divers, il  se souvenait de presque tous les cadeaux qu’il lui avait faits. Elle les avait acceptés sans se plaindre, et même l’avait, à chaque fois, gentiment remercié. Certains étaient d’ailleurs exposés, comme des trophées,  dans les différentes pièces de la maison. Les sortait-elle de la cave lorsqu’il lui rendait visite trois fois par an ?

Le premier cadeau de la série, il l’avait acheté  en Espagne, à Malaga, ville hideuse s’il en est, hérissée d’immeubles, qui déroulait sa disgrâce le long de la côte sud. En se promenant dans la vieille ville,  il s’était  arrêté dans une boutique de souvenirs rafraîchie par un ventilateur qui tournait avec un bruit abominable. La ventilation aidant – il faisait 40 degrés à l’extérieur – il était resté 15 minutes dans la boutique et s’était presque cru obligé d’acheter un souvenir pour justifier une présence aussi longue : il opta pour une bouteille en forme de toréador que sa mère avait toujours dans son buffet depuis 10 ans.

Puis vinrent le phare bleu pétrole de Concarneau, les trois sets de table avec le coq de Barcelos, La petite lampe de chevet  en  coquillages de Noirmoutier, l’assiette avec le pont d’Avignon , le bol de Paimpol avec son prénom – Jacqueline – peint en noir, le rond de serviette – dont elle n’avait nul besoin puisqu’elle mangeait la plupart du temps en tête-à-tête avec elle-même – avec trois cigales roses du Lavandou, le plateau à fromages avec les vaches normandes, et il y en avait eu bien d’autres…


Son dernier cadeau – et c’était bien le seul qui ait eu cet effet-là – l’avait légèrement indisposée, il l’avait remarqué à la petite crispation de sa mâchoire. Il s’agissait de la statue d’un bouddha rieur qu’il lui avait rapportée d’Indonésie.
Sa mère avait juste dit.

- Merci Bertrand, c’est gentil de ta part, mais tu sais que je n’ai plus de place pour mettre tous tes cadeaux.


Il avait souri en concluant.

- Tu sais maman, ça me fait plaisir de te faire plaisir.

20 mai 2009

L’Evangile selon Saint Lui (gballand)

Avocat, 40ans, grand, plutôt bel homme, sportif, doux, prévenant, cultivé, cherche  femme pour partager… ça, c’était le texte de l’annonce parue dans le Nouvel Observateur.
Quand elle était entrée dans le café, il l’avait reconnue tout de suite. Trop tard pour s’enfuir.
- Déçue ? Lui dit-il.
Elle resta sans voix.
- Vous imaginiez quelqu’un d’autre ?
Elle était dépitée.
Il avait la quarantaine enrobée, il devait mesurer à peine 1 m 70  et il était très laid.
- Je suis bien avocat, ajouta-t-il.
- Au moins ça… s’entendit-elle répondre.
- Et je cherche une femme.
Elle répondit agacée.
- Et ça justifie tout, même le mensonge ?
- Trois mensonges pour six vérités, dit-il, je n’ai pas droit à une chance ?
Elle se surprit à penser qu’il n’avait pas tort. Un an plus tard, ils vivaient ensemble.

PS :  le titre est emprunté à Pagenas. Pour voir son blog, c’est ici.

19 mai 2009

Déconnectée (MBBS)

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Elle jette une pierre dans l’eau, celle-ci fait « plouf », éclabousse de quelques gouttelettes le bas de son pantalon alors que les ondes provoquées par l’intrusion de cet objet dans l’eau s’élargissent en s’éloignant du point d’impact. L’étang retrouve son calme et sa surface se lisse à nouveau. Elle a chaud mais l’eau opaque ne l’attire pas, l’idée même que des algues, voire des grenouilles, charmantes petites bêtes au demeurant, effleurent sa peau nue la révulse. Qui sait, peut-être que tout au fond, bien caché dans la vase, un monstre marin est tapit, prêt à l’attirer pour toujours dans ses ténèbres…Elle hausse les épaules, se trouvant bête d’imaginer de telles choses à son âge et retourne s’asseoir sur l’herbe. Elle chausse ses lunettes, rajuste son chapeau de paille, plie les jambes en tailleur et reprend sa lecture. Le chant des oiseaux l’accompagne, une légère brise chatouille les arbres et joue à cache-cache dans les feuilles, elle se sent délicieusement bien en cette journée printanière. Une après-midi de congé rien que pour elle, loin de tout, à ne rien faire si ce n’est lire et se laisser vivre, quel beau cadeau à se faire. Elle ne veut pas penser aux tâches absolument nécessaire qui l’attendent à son retour, ni aux messages en attente, ni au courrier accumulé.

Elle est déconnectée comme la touche escape du clavier...

19 mai 2009

Sa mère (gballand)

- Si je redevenais enfant, je ferais tout le temps des fugues.
C’est ce que mon mari m’a dit hier, je ne sais plus à quelle occasion.
Il est vrai que sachant tout ce qu’il sait, aujourd’hui, sur sa mère – un précieux savoir accumulé depuis 50 longues années - comment pourrait-il rester chez elle sans faire de fugues ?
L’instinct de survie, en somme…

18 mai 2009

l'apprentie conductrice (MBBS)

- Es-tu prête ?

Avec un hochement de tête, Joséphine acquiesce en me souriant. Je lui souris aussi, mais mon sourire manque d’entrain, je dois me forcer pour étirer mes lèvres car la tension est là. J’attache ma ceinture et lui dit.

- Alors, allons-y.

Elle démarre l’auto, met la marche arrière, recule sans problèmes, met la première et nous voilà parties le long des chemins de traverses, dans la campagne, sur des routes censées être plus accessibles aux apprentis conducteurs. J’essaie de montrer un calme apparent, je lui signale quelques petites erreurs qui ne portent pas à conséquences et je commence, au fur et à mesure que les km sont avalés, à me détendre et même à admirer le paysage. Les champs de colza sont en fleurs et le jaune vif de ces étendues illumine et contraste avec le vert tendre de la campagne que nous sillonnons en ce dimanche matin. Un « cédez le passage » s’annonce au milieu de nulle part, ma fille ralentit mais oublie de rétrograder. La voiture ne bronche pas mais peine à repartir ce qui fait que nous nous retrouvons à traverser une route principale au pas d’un escargot qui patinerait sur une plaque de glace. Je scrute l’horizon mais ouf, aucun engin motorisé en vue. Je fais une remarque, m’obligeant à parler calmement alors que j’ai mon cœur qui cogne encore dans la poitrine. Elle s’excuse et nous repartons de plus belle. Une jolie côte puis des virages serrés sont annoncés et la petite voiture, vaillante s’élance. Au sommet, nous empruntons une ligne droite qui se termine par le rétrécissement de la route, du passage d’un pont de pierre à voie unique suivi d’un virage en « épingle à cheveux » sans visibilité comme on dit chez nous. Lancée, la voiture arrive à toute allure vers ces obstacles qu’une main effrontée a placé les uns derrière les autres pour tester le sens de la conduite des usagers. Deux pensées s’affrontent alors en moi, laisser ma fille gérer cette série d’obstacles ou jouer au copilote de rallye et lui dire comment faire, point après point. Cette réflexion utilise les rares secondes nécessaires à l’approche du pont de pierre et je réalise soudain que si une voiture s’était présentée en sens inverse, nous n’aurions pas eu le temps de freiner, car nous arrivions trop vite. Le virage est pris mais la voiture est déportée et nous nous retrouvons en plein milieu de la chaussée. Je hurle « garde ta droite, garde ta droite ! », Joséphine donne un coup de volant et nous voilà dirigées vers le bon côté d’une route bordée de champs et de prairies. Je réalise soudain que les apprentis conducteurs doivent avoir un ange gardien qui les suit tout au long de leur apprentissage, car sinon, comment expliquer cette chance miraculeuse qui a fait déserter de tout véhicule ces tronçons de route.

Le dimanche matin, me direz-vous, les conducteurs restent chez eux à apprécier une grasse matinée en famille, c’est pour cela que les routes campagnardes sont désertes, cela n’a rien à voir avec des anges. Je veux bien mais que faites-vous de ceux qui partent chercher baguettes et croissants frais ?

Finalement nous arrivons à destination, Joséphine parque le véhicule, arrête le moteur et me regarde, hilare.

- C’était chaud, hein maman, mais finalement, pas si mal, non ?

18 mai 2009

Les urgences (gballand)

Samedi, j’étais aux urgences du CHU, une entorse ; non, pas  moi,  mon fils. Moi, les seules entorses que  fais, c’est au régime. En trois heures, j’ai eu le temps d’assouvir ma curiosité : défilé de blouses blanches, ballets de brancards, pompiers en uniforme, policiers, SDF etc. Et puis une femme est arrivée, la main enveloppée dans un mouchoir. Questions traditionnelles à l’Accueil, on lui demande ce qui lui est arrivé. Elle dit qu’elle s’est fait mordre par son mari. On lui fait répéter. Elle répète. On la regarde d’un drôle d’air. On lui demande si elle est vaccinée contre la rage ? Non répond-elle.
- Votre mari est-il atteint d’une maladie contagieuse ?
- Non, rétorque-t-elle, à moins que… et puis elle se ravise.
Elle vient s’asseoir à côté de moi, c’est la dernière place qui reste. Je m’ennuie tellement – deux heures d’attente - que je ne peux résister à la curiosité.
- Bonjour, j’espère que vous excuserez mon indiscrétion, mais j’ai entendu que vous vous étiez fait mordre par votre mari, alors je me demandais…
La femme me regarde ahurie, comme si j’étais atteinte de folie, et finit par me dire
- Non madame, je ne me suis fait mordre par mon mari, mais par le chien de mon mari. Mon mari ne mord pas. Quelle drôle d’idée !
Et c’est là que je me suis souvenue du rêve que j’avais fait  la nuit précédente : je me faisais mordre jusqu’au sang par mon mari qui se transformait en berger allemand, et quand j’essayais de dégager ma main, le molosse la secouait dans tous les sens et ne voulait pas la lâcher…

17 mai 2009

L’oiseau blessé (gballand)

pagenas3Pourquoi lui avait-il offert ce collage enveloppé dans un papier cadeau ? Matin et  soir, elle le croisait dans l’escalier, bonjour, au revoir, rien de plus. Elle ne l’avait jamais vraiment regardé, avant ; maintenant, c’était différent. Quel âge pouvait-il avoir ? Le même âge qu’elle, vingt cinq ans ou un peu plus ? Il lui avait juste écrit, sous enveloppe, ces quelques mots :

«  Un cadeau pour vous souvenir, et oublier. Votre voisin du dessus. ».

Elle ne devait pas se mettre martel en tête. Pourquoi systématiquement considérer chaque homme avec méfiance ?

Le collage était placé juste en face de son lit et tous les soirs elle le contemplait avant de s’endormir. Elle aimait  ce bleu qui éclaboussait le paysage, et cet oiseau blessé, au vol immobile, qui la faisait pleurer : où partirait-il quand il serait guéri ? Seulement, il y avait aussi ce monstre qui voulait manger l’oiseau, en bas, à droite, et de délicates  pointes mauves qui lui rappelaient les jacinthes des bois qu’elle  ramassait avec son père quand elle était enfant.


Le monstre était parti, l’année de ses douze ans, le jour où sa mère l’avait vu faire ce geste dont elle n’avait jamais pu parler à personne… n’allait-il pas revenir, un jour ?

* collage gentiment prêté par Pagenas. Pour visiter son site, c’est ici.

16 mai 2009

Le coq (gballand)

Hier matin, j’ai entendu le cri d'un coq. Un coq ? Ici ? En centre ville ? Incroyable ! Mais comment il est arrivé ce coq ? J’ai demandé à mon mari s’il l’entendait, mais peine perdue ! Mon mari dit qu’il devient sourd. Alors, j’ai ouvert la fenêtre en grand et je lui ai dit.
-  Et maintenant, tu l’entends, le coq ? Et il l’a entendu.
- Tu crois que c’est un vrai ? lui ai-je fait
- Pourquoi voudrais-tu que ce soit un faux ?
Je n’ai pas aimé le ton léger avec lequel il a dit cette dernière phrase. Comme si ce coq n’avait aucune importance !
Son cocorico a, hélas, la régularité d’un métronome, il semblerait tout de même qu’il s’arrête à 8 heures.
C’est quoi, l’espérance de vie d’un coq ?

15 mai 2009

C’est « chiant » ! (gballand)

Hier, révolution en classe de terminale. Une élève se plaint du travail « chiant » que j’ai donné, suivie par deux autres qui n’ont qu’une envie, ne rien faire. Je m’échauffe avant d’ entrer en scène. Une autre bougonne parce qu’elle doit corriger son bac blanc, c’est aussi très « chiant » et « à quoi ça sert ? ». J’avance un argument, mais je m’aperçois bien vite que de 16 h à 17 h, en fin d’année scolaire ( en terminale, dès la fin du mois d’avril, les élèves se considèrent déjà « en fin d’année scolaire » ) ce type d’argument ne sert à rien. Je leur dis juste, un peu énervée, que l’école a dû être créée pour être « chiante », exprès, et que maintenant il n’y a rien d’autre à faire sinon travailler ! Une élève se met la tête dans les bras – un message du genre « et surtout qu’on ne me dérange plus ! » – et les autres se remettent peu à peu, avec une mauvaise volonté évidente, à leurs tâches diverses.
Je dois dire que parfois, j’aurais très envie de me mettre debout sur le bureau –  je bénéficierais peut-être ainsi d’un séjour en hôpital psychiatrique, celui du Rouvray a un parc magnifique, et le mois de mai n’est-il pas le meilleur mois pour admirer la nature ?  - et de leur « gueuler » combien je les trouve « chiants », eux, tout particulièrement, combien ils « m’emmerdent » avec leur poil dans la main et leur mauvaise foi évidente qui ébranlerait la plus sainte d’entre toutes les saintes. Je ne leur ai encore rien dit, sans doute par  courtoisie. S’ils me lisent un jour – c’est assez peu probable -  ils connaîtront le fond de ma pensée.

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