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Presquevoix...

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26 mai 2009

La salle des pleurs (gballand)

Elle était entrée sans frapper et s’était assise dans l’un des nombreux fauteuils disposés dans la salle dont les murs étaient peints en bleu ciel et en vert très pâle. Elle savait qu’à cette heure-là, il n’y aurait personne, les gens arrivaient plutôt en fin d’après midi. Des mouchoirs en papier étaient disposés sur la table basse, prêts à accueillir les larmes des visiteurs. Dans un coin gauche de la salle, baignée d’une  lumière douce, une plante à larges feuilles  déployait son opulent feuillage vert sombre ; l’arrosait-on avec les larmes des visiteurs ?
Il y avait aussi deux autres petites pièces, attenantes à la salle principale.  Sur la première porte était inscrit « Si vous voulez parler » et sur la deuxième « Si vous voulez qu’on vous étreigne ». Aujourd’hui, elle avait décidé qu’elle parlerait…

25 mai 2009

Le kayak (gballand)

- Je me demande comment on peut avoir envie de faire du kayak ! a constaté mon mari en regardant par la fenêtre le voisin qui fixait son kayak sur le toit de sa voiture. Moi, ça me ferait bien chier !
Je ne lui ai rien dit, jusqu’à ce qu’il me pose la question suivante.
- T’aurais envie de faire du kayak, toi ?
- Oui, mais pas avec toi !
- Ah bon, pourquoi ?
Je n’ai pas jugé utile de lui répondre. Je préfère le laisser mariner. Ça lui fait du bien.

24 mai 2009

L’impasse (gballand)

vachesIls avaient roulé  pendant quatre heures puis s’étaient arrêtés sur une petite route départementale pour se dégourdir les jambes.

- Oh regarde, avait-elle dit mi-émerveillée, mi-amusée, en lui montrant le pré.

Et il avait vu le cul des vaches. Vision d’horreur, ça lui rappelait ses grands-parents et ses séjours longue durée à la ferme. Lui, on l’avait toujours laissé à la ferme avec les grands-parents. Pour s’en débarrasser, sûrement. Il ne put s’empêcher de faire un geste d’impatience.

- J’ai toujours détesté les vaches !

Il avait opté pour une réponse courte, par lassitude, mais il était sûr qu’elle ne s’en satisferait pas. Elle ne pouvait s’empêcher de lui poser sans arrêt des questions, comme les enfants. Il lui avait pourtant dit qu’il n’avait jamais voulu avoir d’enfants justement à cause de ces questions imbéciles qu’ils égrenaient comme des chapelets.


- Et pourquoi ? Ne manqua-t-elle pas d’ajouter.

Comme elle l’exaspérait quand elle lui demandait « Pourquoi » ! Dans ces moments-là, il la détestait autant que le cul des vaches. Cette fois-ci, sa réponse couperait court à toute conversation ; elle l’avait bien cherché. Ne lui avait-il pas déjà dit cent fois en six mois de ne pas lui poser ces questions qui ne rimaient à rien sinon à l’énerver ? Il jugea que le moment était venu de lui faire sentir que la limite était atteinte. Et si elle ne s’en remettait pas ? Elle partirait comme les autres, et alors ? N’avait-il pas toujours trouvé des femmes – et même de toutes jeunes femmes -  quand le désir le tiraillait ? Peut-être avait-il besoin d’un moment de solitude, sans questions, sans plaintes et complaintes, un moment où il se consacrerait entièrement à lui.


Il la regarda une dernière fois. Elle était jolie dans sa petite robe décolletée dont les couleurs mettaient en valeur sa peau brunie par le soleil. Presque une enfant. Qu’est-ce qu’il faisait avec cette toute jeune fille à peine sevrée ? La minute de tendresse passée, il  conclut.

- Tu veux savoir pourquoi ? Parce que j’ai passé ma putain d’enfance à la ferme ! Tout ça parce que mes parents ne supportaient pas le mouflet ! Alors la campagne, j’en ai ma claque ! Et quand je vois des culs de vaches alignés devant une mangeoire, j’ai l’impression de voir autant de culs de connards, qu’on gave pour les faire crever plus vite. Tu comprends pas que cette putain de vie ne vaut vraiment pas la peine d’être vécue ? Tu comprends pas que tu me fais chier avec ton sourire béat comme si la vie n’attendait que toi alors que merde, elle a déjà mis sa machine à broyer en route pour te faire disparaître !

Elle le regarda interloquée et des larmes commencèrent à rouler sur ses joues. Puis elle entra dans la voiture sans un mot et le voyage se déroula, comme il l’avait prévu, dans un silence de mort. Comme les autres, elle lui demanderait de s’excuser ; il ne s’exécuterait pas, et elle partirait. Il eut presque envie de siffloter en pensant au scénario à venir mais il se retint, par égard pour elle qui, mutique, continuait à fixer le paysage en essuyant ses larmes avec un mouchoir en papier qu’il lui avait donné.

PS : photo vue sur le blog photos de Coumarine et publiée avec son autorisation (qui date d’il y a un an)
   

23 mai 2009

Souvenir... (gballand)

En regardant la  bande annonce du film Mary Poppins, j’avoue ressentir  le même émerveillement qu’enfant : j’adorais Mary Poppins. Dans la cour de l’école, les jours de grand vent, nous ouvrions nos parapluies pour essayer de nous envoler, en vain.
J’ai attendu des années que Mary Poppins vienne me sauver du mortel ennui de mes dimanches d’enfant unique et je me demande même si je n’ai pas attendu  qu’elle me sauve de ma mère… mais ça, c’est un secret que j’ai découvert bien plus tard…

22 mai 2009

Comment faire disparaître un homme ? (gballand)

Chaque jour elle déposait un mot – ou deux -  dans sa poubelle ; les mots des lettres qu’il lui avait envoyées et qu’elle dépiautait consciencieusement. En désossant ses phrases, elle désossait son souvenir. Comme il ne lui avait écrit que 4  courtes lettres, elle en aurait  assez vite fini avec lui. Le précédent, par contre, il lui avait fallu  douze longs mois pour le faire mourir, c’était un amoureux des mots. Il l’avait aimée un mois, à raison d’une lettre tous les deux  jours, et pas n’importe quelles lettres, des lettres longues et romantiques qu’elle avait  eu le tort de  croire. Quant à l’avant avant dernier - un rustre - la seule missive qu’il lui avait écrite, c’était ces trois  phrases griffonnées à la hâte sur une enveloppe : « Marre de ta névrose. Je pars. Tout est fini entre nous. ». Elle l’avait achevé en une semaine.

21 mai 2009

Le cadeau de vacances (gballand)

Quand il était en vacances, il achetait toujours un cadeau à sa mère, souvent laid, exprès ; il ne pouvait  s’en empêcher. Non pas que sa mère ait été plus mauvaise mère qu’une autre, mais  il voulait l'encombrer, la gêner, et peut-être même l’obliger, une fois au moins, à lui dire le fond de sa pensée.

Après 10 ans de vacances dans les endroits les plus divers, il  se souvenait de presque tous les cadeaux qu’il lui avait faits. Elle les avait acceptés sans se plaindre, et même l’avait, à chaque fois, gentiment remercié. Certains étaient d’ailleurs exposés, comme des trophées,  dans les différentes pièces de la maison. Les sortait-elle de la cave lorsqu’il lui rendait visite trois fois par an ?

Le premier cadeau de la série, il l’avait acheté  en Espagne, à Malaga, ville hideuse s’il en est, hérissée d’immeubles, qui déroulait sa disgrâce le long de la côte sud. En se promenant dans la vieille ville,  il s’était  arrêté dans une boutique de souvenirs rafraîchie par un ventilateur qui tournait avec un bruit abominable. La ventilation aidant – il faisait 40 degrés à l’extérieur – il était resté 15 minutes dans la boutique et s’était presque cru obligé d’acheter un souvenir pour justifier une présence aussi longue : il opta pour une bouteille en forme de toréador que sa mère avait toujours dans son buffet depuis 10 ans.

Puis vinrent le phare bleu pétrole de Concarneau, les trois sets de table avec le coq de Barcelos, La petite lampe de chevet  en  coquillages de Noirmoutier, l’assiette avec le pont d’Avignon , le bol de Paimpol avec son prénom – Jacqueline – peint en noir, le rond de serviette – dont elle n’avait nul besoin puisqu’elle mangeait la plupart du temps en tête-à-tête avec elle-même – avec trois cigales roses du Lavandou, le plateau à fromages avec les vaches normandes, et il y en avait eu bien d’autres…


Son dernier cadeau – et c’était bien le seul qui ait eu cet effet-là – l’avait légèrement indisposée, il l’avait remarqué à la petite crispation de sa mâchoire. Il s’agissait de la statue d’un bouddha rieur qu’il lui avait rapportée d’Indonésie.
Sa mère avait juste dit.

- Merci Bertrand, c’est gentil de ta part, mais tu sais que je n’ai plus de place pour mettre tous tes cadeaux.


Il avait souri en concluant.

- Tu sais maman, ça me fait plaisir de te faire plaisir.

20 mai 2009

L’Evangile selon Saint Lui (gballand)

Avocat, 40ans, grand, plutôt bel homme, sportif, doux, prévenant, cultivé, cherche  femme pour partager… ça, c’était le texte de l’annonce parue dans le Nouvel Observateur.
Quand elle était entrée dans le café, il l’avait reconnue tout de suite. Trop tard pour s’enfuir.
- Déçue ? Lui dit-il.
Elle resta sans voix.
- Vous imaginiez quelqu’un d’autre ?
Elle était dépitée.
Il avait la quarantaine enrobée, il devait mesurer à peine 1 m 70  et il était très laid.
- Je suis bien avocat, ajouta-t-il.
- Au moins ça… s’entendit-elle répondre.
- Et je cherche une femme.
Elle répondit agacée.
- Et ça justifie tout, même le mensonge ?
- Trois mensonges pour six vérités, dit-il, je n’ai pas droit à une chance ?
Elle se surprit à penser qu’il n’avait pas tort. Un an plus tard, ils vivaient ensemble.

PS :  le titre est emprunté à Pagenas. Pour voir son blog, c’est ici.

19 mai 2009

Déconnectée (MBBS)

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Elle jette une pierre dans l’eau, celle-ci fait « plouf », éclabousse de quelques gouttelettes le bas de son pantalon alors que les ondes provoquées par l’intrusion de cet objet dans l’eau s’élargissent en s’éloignant du point d’impact. L’étang retrouve son calme et sa surface se lisse à nouveau. Elle a chaud mais l’eau opaque ne l’attire pas, l’idée même que des algues, voire des grenouilles, charmantes petites bêtes au demeurant, effleurent sa peau nue la révulse. Qui sait, peut-être que tout au fond, bien caché dans la vase, un monstre marin est tapit, prêt à l’attirer pour toujours dans ses ténèbres…Elle hausse les épaules, se trouvant bête d’imaginer de telles choses à son âge et retourne s’asseoir sur l’herbe. Elle chausse ses lunettes, rajuste son chapeau de paille, plie les jambes en tailleur et reprend sa lecture. Le chant des oiseaux l’accompagne, une légère brise chatouille les arbres et joue à cache-cache dans les feuilles, elle se sent délicieusement bien en cette journée printanière. Une après-midi de congé rien que pour elle, loin de tout, à ne rien faire si ce n’est lire et se laisser vivre, quel beau cadeau à se faire. Elle ne veut pas penser aux tâches absolument nécessaire qui l’attendent à son retour, ni aux messages en attente, ni au courrier accumulé.

Elle est déconnectée comme la touche escape du clavier...

19 mai 2009

Sa mère (gballand)

- Si je redevenais enfant, je ferais tout le temps des fugues.
C’est ce que mon mari m’a dit hier, je ne sais plus à quelle occasion.
Il est vrai que sachant tout ce qu’il sait, aujourd’hui, sur sa mère – un précieux savoir accumulé depuis 50 longues années - comment pourrait-il rester chez elle sans faire de fugues ?
L’instinct de survie, en somme…

18 mai 2009

l'apprentie conductrice (MBBS)

- Es-tu prête ?

Avec un hochement de tête, Joséphine acquiesce en me souriant. Je lui souris aussi, mais mon sourire manque d’entrain, je dois me forcer pour étirer mes lèvres car la tension est là. J’attache ma ceinture et lui dit.

- Alors, allons-y.

Elle démarre l’auto, met la marche arrière, recule sans problèmes, met la première et nous voilà parties le long des chemins de traverses, dans la campagne, sur des routes censées être plus accessibles aux apprentis conducteurs. J’essaie de montrer un calme apparent, je lui signale quelques petites erreurs qui ne portent pas à conséquences et je commence, au fur et à mesure que les km sont avalés, à me détendre et même à admirer le paysage. Les champs de colza sont en fleurs et le jaune vif de ces étendues illumine et contraste avec le vert tendre de la campagne que nous sillonnons en ce dimanche matin. Un « cédez le passage » s’annonce au milieu de nulle part, ma fille ralentit mais oublie de rétrograder. La voiture ne bronche pas mais peine à repartir ce qui fait que nous nous retrouvons à traverser une route principale au pas d’un escargot qui patinerait sur une plaque de glace. Je scrute l’horizon mais ouf, aucun engin motorisé en vue. Je fais une remarque, m’obligeant à parler calmement alors que j’ai mon cœur qui cogne encore dans la poitrine. Elle s’excuse et nous repartons de plus belle. Une jolie côte puis des virages serrés sont annoncés et la petite voiture, vaillante s’élance. Au sommet, nous empruntons une ligne droite qui se termine par le rétrécissement de la route, du passage d’un pont de pierre à voie unique suivi d’un virage en « épingle à cheveux » sans visibilité comme on dit chez nous. Lancée, la voiture arrive à toute allure vers ces obstacles qu’une main effrontée a placé les uns derrière les autres pour tester le sens de la conduite des usagers. Deux pensées s’affrontent alors en moi, laisser ma fille gérer cette série d’obstacles ou jouer au copilote de rallye et lui dire comment faire, point après point. Cette réflexion utilise les rares secondes nécessaires à l’approche du pont de pierre et je réalise soudain que si une voiture s’était présentée en sens inverse, nous n’aurions pas eu le temps de freiner, car nous arrivions trop vite. Le virage est pris mais la voiture est déportée et nous nous retrouvons en plein milieu de la chaussée. Je hurle « garde ta droite, garde ta droite ! », Joséphine donne un coup de volant et nous voilà dirigées vers le bon côté d’une route bordée de champs et de prairies. Je réalise soudain que les apprentis conducteurs doivent avoir un ange gardien qui les suit tout au long de leur apprentissage, car sinon, comment expliquer cette chance miraculeuse qui a fait déserter de tout véhicule ces tronçons de route.

Le dimanche matin, me direz-vous, les conducteurs restent chez eux à apprécier une grasse matinée en famille, c’est pour cela que les routes campagnardes sont désertes, cela n’a rien à voir avec des anges. Je veux bien mais que faites-vous de ceux qui partent chercher baguettes et croissants frais ?

Finalement nous arrivons à destination, Joséphine parque le véhicule, arrête le moteur et me regarde, hilare.

- C’était chaud, hein maman, mais finalement, pas si mal, non ?

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