Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
7 juin 2009

Les aiguilles à tricoter (gballand)

pagenas13Jamais je ne l’avais vue sans ses aiguilles à tricoter. Je me suis tout de suite demandé pourquoi elles les transportait toujours dans son sac rouge. N’allez pas croire que je la suivais partout. Non, bien sûr que non, mais souvent je faisais un bout de chemin avec elle, sans qu’elle le sache. J’ai toujours aimé suivre des inconnues. Seulement maintenant, ce n’est plus une inconnue pour moi !

Je l’avais rencontrée par hasard dans un jardin public où elle s’était assise, face au bassin, le regard dans le vide. Ce sont justement ses aiguilles qui m’avaient attiré. A l’époque je cherchais toujours des choses « remarquables » chez les jeunes femmes que je décidais de suivre. Assis sur le même banc, j’avais eu très envie de lui parler, mais je m’étais résolu à attendre un peu, afin de mieux la connaître.

Elle travaillait à mi-temps dans un magasin de chaussures – j’aurais pourtant parié pour un magasin de laine – était mariée sans enfant, mais entretenait une relation avec un homme qu’elle voyait une fois par semaine, chez lui, à l’heure du repas, dans une petite rue non loin de la montagne Ste Geneviève.

Il m’avait fallu cinq mois pour réunir toutes ces informations. Malheureusement, le mois qui avait suivi, j’avais fini par retrouver du travail et, mon emploi du temps s’étant transformé en une suite d’obligations incompressibles ; je ne pouvais plus continuer à vivre dans son ombre. Je ne l’avais donc pas revue pendant presque trois mois, jusqu’au jour où – nostalgique et sans doute abattu par le départ de la femme qui partageait ma vie - je repassai dans ce fameux jardin. C’était un dimanche. Le printemps naissant commençait à essaimer quelques touches vert tendres sur les branches des arbres et les bancs avaient oublié l’humidité de l’hiver. Sans l’avoir prémédité, je me retrouvais près du bassin. La femme aux aiguilles à tricoter était assise sur le même banc où je l’avais rencontrée neuf mois plus tôt, le regard vide. Je m’assis à côté de son sac rouge d’où dépassaient ses aiguilles et la examinai à la dérobée, attendant que quelque chose se passe. C’est elle qui me parla la première, et d’une voix si neutre que j’en fus surpris ; j’avais sans doute espéré autre chose.

-   Je vois que mes aiguilles vous intéressent. Je vous les donne si vous voulez
Interloqué par cette entrée en matière, je ne sus que répondre mais mon silence ne la gêna pas, au contraire.
- Oui, je veux m’en débarrasser, elles m’ont déjà  beaucoup trop fait souffrir !
- …
- Vous vous demandez sans doute comment des aiguilles peuvent faire souffrir ?
- C’est à dire que… enfin oui. Ce n’est pas que je sois curieux, mais ça m’intéresserait de connaître un peu leur histoire.
- Rien que de très banal, vous savez …
- Si vous me trouvez indiscret…
- Mais non, pas du tout ! Je veux vous les donner parce que c’est un cadeau qu’on m’a fait et que je ne peux plus garder. Celui qui me les a données ne mérite plus que je pense à lui.
- Excusez-moi de vous poser cette question idiote, mais comment un homme peut être amené à faire un tel cadeau à une femme  ?

A ce moment là, elle fut secouée d’un fou rire bruyant, ses cheveux tournoyèrent sur ses épaules, puis finirent par se calmer et elle me répondit le plus sérieusement du monde.

- Peut-être parce qu’il voulait que cette femme le tue !

Je ne trouvai rien à lui répondre. Vous penserez peut-être que je n’ai pas l’esprit d’à propos, et vous aurez raison. Elle me donna ses aiguilles, je les acceptai sans mot dire, puis elle se leva et partit. Je restai assis, seul sur mon banc, le regard perdu, jusqu’au moment où le sifflet d’un agent de police me sortit de ma rêverie et que je me décidai à rentrer chez moi par le chemin le plus long.

Ce n’est qu’hier soir que j’ai ressorti ces fameuses aiguilles à tricoter que j’avais acceptées comme je ne sais quel gage… Je les ai tournées et retournées sous la lumière de la lampe jusqu’à ce que je finisse par apercevoir une petite trace rouge, sur chacune des pointes. Je les ai passées sous l’eau, mais les taches ne voulaient pas partir. Je me suis alors décidé à passer un coton imbibé d’alcool sur la pointe de chacune d’entre elles, mais la trace était tenace, comme un souvenir qui résiste au temps.

NB : merci à Pagenas pour l’illustration  de ce texte. Pour visiter son site : www.sucrebleu.com 

6 juin 2009

Les aphtes (gballand)

Mardi, je suis allée chez le dentiste. Quand j’y vais,  je fredonne souvent la chanson « Le Blues du dentiste » de Boris Vian ; pourtant mon dentiste  n’a rien d’un plombier, ni d'un boucher, il a des doigts de fée en latex.

Mardi dernier, quand il m’a enfin libéré les mâchoires et que j’ai pu retrouver l’usage de la parole, je lui ai demandé s’il connaissait une pommade efficace contre les aphtes ; il s’est inquiété de savoir s’il y avait des aliments qui pouvaient m’irriter. Je lui ai répondu spontanément que ce n’étaient pas les aliments qui m’irritaient, mais les gens… Il a  ajouté.


- Alors vous somatisez !

Oui, c’est ça, j’en suis sûre, je somatise. Vu le nombre d’aphtes  qui constellent mes gencives, n’y a t il pas  de quoi s’inquiéter ?

5 juin 2009

Dis, c’est quoi un livre ? (gballand)

Un modèle de dérision, cette vidéo, allez vite la voir…
On pourrait en faire un poème à la Prévert, en pastichant « Pour faire le portrait d’un oiseau »…

Pour faire le portrait d'un livre

Peindre d'abord un livre
avec une couverture
peindre ensuite
des pages blanches
des pages simples
des pages de prose
des pages de mots
pour le livre
placer ensuite le livre sur une table
un bureau
un lit
ou sur une chaise
se placer ensuite devant lui
L’ouvrir
sans trembler...
Parfois le livre parle
mais il peut aussi mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
le lire
Le lire s'il le faut pendant des années.

4 juin 2009

Le père (gballand)

pagenas5Cette poignée, combien de fois ai-je voulu la tourner ! Pourtant je ne l’ai jamais fait.
La dernière fois que j’ai vu mon père, c’était  le jour de mes dix ans, le jour où il a giflé ma mère parce qu’elle lui a dit que c’était  un enculé qui ne pensait qu’à bouffer son fric pour ses tiercés de merde.
Il est parti sans rien dire et  n’est jamais revenu. Quand j’ai demandé à ma mère  si je le reverrais, elle m’a juste répliqué.
- T'occupe pas de lui, on n’a pas besoin de ce salaud ! Et d’abord, c’est même pas ton père !
Seulement, hier, j’ai eu dix huit ans, et la sœur de ma mère m’a appris que ce « salaud », c’était bien mon père !  Quand j’en ai parlé à ma mère,  elle a hurlé que j’étais un connard qui n’avait même pas la reconnaissance du ventre !
Moi aussi je l’ai giflée, j’étais à bout ; j’ai pris mon sac à dos et je suis parti. Elle a crié « Bon débarras ! »

Maintenant, je suis devant la porte de chez lui et je me demande si je vais entrer.

PS : Texte écrit à partir de cette photo, prêtée par Pagenas, et vue sur son site « sucrebleu »

3 juin 2009

L’acteur (gballand)

Il se murmurait, dans les coulisses des théâtres, que cet acteur était mauvais et que s’il jouait, c’était grâce à des « protections » en haut lieu. Certains chuchotaient qu’il décourageait les mots, les uns après les autres, et que nombre d’auteurs avaient été  sacrifiés sur l’autel de son incompétence.
Pourtant, ce soir-là, tout le monde s’accorda à dire – même ses pires ennemis - que sa prestation fut bonne, voire excellente ! En tous cas, le public applaudit à tout rompre et on ne compta pas les rappels.
Que s’était-il donc passé ? Quelques-uns y virent – dans le monde du spectacle, la jalousie est une seconde nature  - un  présage, et ils n’eurent pas tort : la nuit qui suivit son spectacle, il mourut. Personne ne sut dire de quoi.
Il n’avait que 33 ans.

2 juin 2009

Les petites choses de la vie (gballand)

madeleineHier, mon mari me faisait remarquer que les chiens étaient de colossales machines à crottes sur pattes. Il n’a pas tort. A Rouen, leur production nous submerge. Tenez, par exemple, cette immense pelouse - on dirait d’ailleurs une piste d’aérodrome - face à l’église de la Madeleine… eh bien, c’est devenu un véritable « merdodrome », et le mot est faible. Dommage,  c’est là que les bambins s’amusent sous l’œil attendri de leurs parents. Combien de drames quotidiens ne se sont-ils pas joués là ? Combien de mères ou de pères énervés n’ont-ils pas désespérément tenté d’enlever, le cœur au bord des lèvres, ces excréments nauséabonds sous les chaussures de leur tendre progéniture ?
J’ai un ami dont le chien - son éducation est irréprochable - « fait » sur commande. Il suffit de lui dire « A cagar ! » - le chien ne comprend que l’espagnol – et la bête s’exécute aussitôt. Cet ami fait alors disparaître la déjection dans un sac en plastique – Olé !
- et le tour est joué.
Sa méthode devrait certainement être traduite en français et brevetée…

* photo vue sur ce blog

1 juin 2009

Les chaussures (gballand)

Ces chaussures, c’est mon mari qui me les a achetées, c’est pour ça que je ne les mets jamais. Non, ce n’est pas par esprit de contradiction, c’est juste que mon mari m’achète toujours des choses qui ne me plaisent pas, et après, forcément, il se plaint.
- A chaque fois que je t’achète un truc, ça reste dans l’armoire !
Et pour cause ! Aurais-je envie de lui dire. Mais à quoi cela servirait-il ? Mon mari pense que mon goût est le sien, il pense que moi et lui, ça fait un ; mon mari n’a aucune notion de l’arithmétique des goûts.
C’est d’ailleurs pour ça, que je ne me suis jamais mariée. Oui, je vous parle de mon mari, mais en fait, il n’existe pas, c’est une pure fiction. J’en parle par habitude, pour me conforter dans l’idée que j’ai bien fait de ne pas en avoir.
Non seulement je ne me suis jamais mariée, mais je n’ai jamais rencontré un seul homme qui me donne envie de me marier. Souvent, en parlant de moi, ma mère dit à mon père.
- Ça m’étonnerait qu’elle trouve chaussure à son pied. C’est une insatisfaite !  Est-ce que j’ai cherché midi à quatorze heures, moi, quand je me suis mariée avec toi ?
En général, mon père ne répond rien, il se contente de hocher la tête. Je n’ai jamais su ce qu’il voulait dire par là…

PS : texte écrit à partir d’une consigne des « impromptus littéraires ».

31 mai 2009

L’hôpital psychiatrique (gballand)

Installée à une table de la cafétéria de l’hôpital psychiatrique j’observe et j’attends. Après un échange de regards, un homme, assis à une table non loin de la mienne,  m’adresse la parole.
- Et vous ? Vous êtes normale ?
D’abord déconcertée, je  finis par lui dire que j’assure la permanence d’une association. J’en  profite pour la lui présenter et lui donner un dépliant. Il me parle un peu de lui, de ce qui l’a conduit à l’hôpital, puis il part fumer une cigarette dehors.
Je m’aperçois que j’ai botté en touche et que je n’ai pas répondu à sa question : est-ce que je suis normale ou pas ? Mais quelle importance cela a-t-il, au fond ?

30 mai 2009

Envie de nouveauté? (MBBS)

« J’en ai marre de cette routine, envie d’espace et de nouveauté. » Voilà ce que m’a dit ma mère à l’aube de sa retraite. Moi, bonne fille, je lui ai proposé plein d’idées qu’elle a refusé les unes après les autres. Finalement, j’ai laissé tomber, après tout, c’était sa vie et pas la mienne qui était en jeu.

Six mois plus tard, la retraite sonnait le glas de sa vie professionnelle et le choc fut rude. Plus question d’échafauder des « plans sur la comète » l’esprit tranquille car ne disposant pas encore de la liberté convoitée ! La date butoir remettait tout en question et je me demandais comment elle allait planifier la suite de sa vie. Tout d’abord, m’a-t-elle dit, il fallait qu’elle fasse un peu d’ordre dans son appartement, qu’elle trie un certain nombre de choses, des papiers et surtout les photos de ma sœur et moi, de ses petits-enfants, travail qu’elle avait remis à des jours ultérieurs par manque de temps. Alors que je lui faisais remarquer que ce genre de tâches pouvaient se planifier lors de jours de pluie ou en hiver par temps très froid et que le printemps naissant invitait plus à sortir donc à explorer, visiter, découvrir, parcourir, sillonner des lieux, des espaces, elle me rétorqua que sachant ses tâches inachevées, elle ne pourrait jouir pleinement d’endroits nouveaux.

Au début de l’été, je revins à la charge mais des contraintes différentes étaient apparues.

- Maman, je ne comprends plus. Tu en avais marre de ta routine, tu rêvais d’espace et de nouveauté. Tu n’as plus d’horaires à respecter, tu es sans contrainte si ce n’est celle de t’occuper de toi, tu es libre de faire ce que tu veux quand tu veux, pourquoi rester coincée dans ton appartement, pourquoi t’échiner à faire les courses de ta voisine du dessus, à accompagner Mme Dupont chez son médecin et le ménage chez Monsieur Tavut qui pourrait tout aussi bien engager une femme de ménage ?

- Mais tu ne comprends pas, ces personnes comptent sur moi, elles n’ont que moi.

- Tu plaisantes j’espère ! Et leur famille, et les services sociaux, ils sont là pour ça.

- Ce n’est pas la même chose, moi je le fais volontiers et puis, ils ont de la peine à demander aux autres.

- Mais pas à toi, visiblement !

- Ils ne me demandent rien, c’est moi qui me propose.

- Ah ! intéressant, et c’est pour fuir quoi ?

- Pardon, je ne comprends pas.

- Oh ! que si, tu comprends très bien. Tu as la trouille !

- La trouille ? Mais de quoi ?

- De tout, de la nouveauté, de l’espace, des autres, de l’inconnu. Je ne te reconnais plus.

- Tu fais fausse route, j’ai bien le temps pour tout ça, je ne suis pas pressée, j’ai toute ma vie devant moi.

- La vie file maman, tu ne seras pas éternellement en bonne santé, profite, nom de tonnerre !

- Ah ! mais cela commence à bien faire. Occupe-toi de tes affaires, je ne t’ai rien demandé.

Nous étions comme deux mules l’une en face de l’autre, à nous jauger pour savoir qui allait reculer. Je me suis soudain vue de l’extérieur et j’ai trouvé la situation cocasse. J’insistais pour que ma mère mène sa vie autrement alors qu’elle avait toujours respecté ma façon de gérer la mienne et mes choix. Elle avait raison, je n’avais pas à me mêler de ses affaires. Je m’excusais donc et nous nous sommes quittées réconciliées.

Cinq jours plus tard, elle avait laissé un message sur mon répondeur. Elle s’était envolée pour un trek au Népal, cela avait été une décision de dernière minute, elle n’avait pas eu le temps de m’avertir, elle avait été très prise par les préparatifs, elle nous embrassait tous et nous enverrait des nouvelles dès qu’elle pourrait.

30 mai 2009

La boîte à compliments (gballand)

Il y a très, très longtemps, lorsque mon fils était en CP, la maîtresse lui avait fait faire une boîte à compliments pour la fête des mères. C’était une jolie petite boîte jaune pâle dont le tiroir contenait un premier compliment qui disait « Chère maman, je t’aime beaucoup et je t’offre mon premier baiser par ce message. » Ce premier compliment fut aussi le dernier que la boîte ait connu.
Cette boîte, je l’ai encore, non parce que mon fils  l’a faite - j’ai jeté sans état d’âme d’autres cadeaux de fête des mères – mais sans doute parce que je garde un souvenir ému de tous les compliments que je n’ai jamais eus…

Presquevoix...
Newsletter
9 abonnés