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Presquevoix...

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19 avril 2021

Le stage

Ça a commencé comme touts les stages. D’abord on s’est présenté, je m’appelle trucmuche, j’ai fait ci et ça, j’aime ci et ça , je n’aime pas ci et ça, mon objectif c’est ci et ça et puis on a enchaîné les cas. Remarque que c’est drôle ces présentations en file indienne. Enfin, c’est moins drôle quand ton tour arrive. Moi, je savais pas trop pourquoi j’étais là, mais je savais que j’étais là contre mon gré alors, au départ, j’ai laissé filé, mais quand j’ai vu que c’était bientôt mon tour d’aller au charbon, ça m’a vite remise sur les rails. J’aime pas parler de moi. Déjà à l’école, je ne levais jamais la main. Question de survie. A chaque fois qu’on m’interrogeait, j’étais en apnée et quand je parlais, j’étais la risée. On a toujours besoin d’un bouc émissaire : c’était moi. A un moment, il y a une fille qui a dérapé, reniflements, mouchoir en papier, rimmel qui coule, pauvre fille, re-mouchoir en papier, gêne et hop, on passe au suivant, et la suivante c’était moi…

PS : prochain texte, jeudi.

 

 

15 avril 2021

Les enterrements

Elle en est à son quatrième enterrement de l'année. Elle n'est pas fâchée de leur survivre, insolente. Combien en a-t-elle déjà enterré depuis deux ans : cinq ? Six ? Sept ? Huit ? Neuf ? Sa mémoire est vacillante. Aujourd'hui, le tour de Léonie a sonné. Elle se sent ragaillardie par ces morts qui s'alignent comment autant de clins d'oeil à sa longévité. Les vieux du village disparaissent les uns après les autres - le coeur, les poumons, les cirrhoses ou pire... le cancer - mais elle, reste. Si elle n'a pas eu de chance dans sa vie, elle a au moins le bénéfice de la ténacité. Elle s'accroche comme une mauvaise herbe et signe le renouvellement de son bail terrestre à chaque mort qu'elle accompagne au cimetière, légère.

 

PS : prochain texte, lundi.

12 avril 2021

Citations

Elle venait d’adhérer – une adhésion de cent euros par an – à une association qui venait de se créer dans sa ville Normande, le CDC : Club des Citations. Selon les mots de la Présidente « Une citation bien chosie chaque mois permet d’ouvrir une porte nouvelle en vous ». Le problème étant, bien sûr, le choix des citations. Pour ce faire, trois formations annuelles étaient organisées. On y « travaillait » sophrologiquement et mélodiquement.

Lors de sa première formation, elle était restée allongée sur un tapis - bleu le matin et vert l’après-midi - et avait écouté deux voix – une masculine et une féminine. Besoins, envies, émotions, tout avait été passés au  « crible » de son corps et de son esprit pour aboutir, en fin de journée, à la citation suivante : « Les remords sans fin empêchent de remordre à la vie »

Passer trente jours au royaume de cette citation lui avait semblé long, mais au bout du trentième jour elle fit le lien avec une nouvelle citation : « C’est quand on a tout lâché qu’une aurore nouvelle peut se lever. » Et elle comprit alors, que le pays des citations était à l’opposé du pays dans lequel elle vivait : chacun pouvait y suivre le chemin qui était le sien…

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

8 avril 2021

Les certitudes

« J’aime les gens qui doutent », disait-il souvent en conseil des ministres, en conseil de défense sanitaire ou lors de ses nombreuses soirées confinées avec son épouse. Celle-ci souvent l’interrogeait.

-          Et toi, tu doutes ?

Question à  laquelle il répondait invariablement : Comment peut-ton identifier le doute avec certitude ?*

La dernière fois, il avait ajouté à cette interrogation rituelle.

-          Oui, tu vois, j’ai des doutes sur la RGPP (Réduction Générale des Politiques Publiques). Je me demande s’il ne faudrait pas la transformer.

-          En quoi ? demanda son épouse.

-          En SGDP, c’est-à-dire une Suppression Générale des Dépenses Publiques.

-          Mais tu es complètement fou, rétorqua-t-elle, si tu fais ça ce sera la fin, la fin de notre vie à l’Elysée, la fin de ta Présidence, la fin de tout !

A ce moment là, elle remarqua qu’il avait eu exactement ce sourire qui l’avait séduite au temps du théâtre de sa jeunesse. Mais aujourd’hui, enfermé dans son théâtre de certitudes, il ne séduisait plus personne à part lui-même.

Saus doute saurait-il – trop tard – que l’absence de doute et d’écoute est parfois mortelle.  Et, d’ailleurs, quand il aurait disparu,  qui dirait en pensant à lui : « Merci d’avoir vécu* » ?

 

*citation de Raymond Devos

* « j’aime les gens qui doutent » et « merci d’avoir vécu », deux citations extraites de cette  belle chanson d’Ane Sylvestre.

 

PS : prochain texte, lundi.

 

5 avril 2021

Le viol

Quand Anne avait vu le titre du journal local « Une église violée », elle avait failli vomir. Et en plus avec un pied de biche ! Non seulement des vases et des bougeoirs avaient disparu mais le Christ, lui-même, avait été eventré sur l’autel et du sang humain couvrait son corps. La commission diocésaine d’art sacré  parlait de réseaux par l’Italie, les Balkans, le Moyen Orient, mais elle, elle savait parfaitement qu’il s’agissait d’un réseau local, où seules deux personnes agissaient. Le Chef, c’était Jérémy – anti-curés – qui pensait qu’en violant les églises il pourrait se venger du curé qui lui avait caressé son corps d’enfant de choeur cinq ans durant ;  quant au deuxième membre c’était Marie – dite la pécheresse – mais dont le seul pêché jusqu’ici connu était de n’avoir jamais rien foutu à l’école, car faire l’amour avec Jérémy, ça, ce n’était pas un péché.

Anne ne dit bien sûr rien à personne, mais elle se demanda si Marie et Jérémy allaient sortir un jour de cette spirale dangereuse qui risquait de les mener non pas au paradis, mais à la prison Bonne Nouvelle.

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

1 avril 2021

Création

Dans le monde du COVID tout était création au sein de notre gouvernement bienveillant, et que d’idées surprenantes !

Les vaccinodromes, créés à la vitesse grand V, étaient devenus de grands centres vaccino-culturels où les intermittents présentaient au public en cours de vaccination un extrait du spectacle qu’ils ne pourraient peut-être jamais présenter au public dans les salles prévues à cet effet.

Cette  idée – d’une grande intelligence – était une « création » de notre Président qui, bien sûr,  avait assuré les intermittents d’obtenir ainsi une continuité de leur statut d’intermittent.

 Prochain texte : lundi.

29 mars 2021

Assistance textuelle

« Nouvelle profession, nouvelle tenue ». C’est ce qu’elle s’était dit avant de devenir « assistante textuelle » et elle avait choisi le bleu et le vert de  tenues longues et seyantes qui lui remettaient sa jeunesse en mémoire.

Fini le monde figé de l’entreprise. Elle se disait assistante textuelle,  mais parfois, le sexe et le corps entraient sur le chemin du texte.

Elle avait quatre clients - tous mariés - qui la rémunéraient généreusement pour lire - souvent des textes érotiques -   et ne lui demandaient que peu de prestations physiques. Il s’agissait d’honorables septuagénaires que leur prostate éloignait de leur mâle position en les conduisant dans le monde du  mal intempestif, car cette prostate troublait leur vie de maux divers.

Celui  qui la faisait  sourire, voire rire, c’était son tout dernier client – le cinquième – qui naviguait entre Dieu, le pape et elle : il était évêque. Souvent il lui disait : « Je ne suis rien et le monde des apparences m’épuise, sans parler de l’emprise de l’Eglise et du Vatican ». Et il concluait souvent par : " Que le sexe soit avec vous, Amen ".

Avec lui, elle lisait souvent des psaumes, les évangiles,  l’apocalypse, ou bien Proust et Pierre Lemaître ; il adorait « Robe de marié »*. Et, parfois, elle lui caressait ce petit membre touchant et vulnérable qu’il cachait sous la tenue liturgique qu’il tenait à mettre quand il l’accueillait.

Sa micro-entreprise - « assistance textuelle »  - lui pemettait de mener une vie calme et presque tranquille où elle voyageait entre littérature, économie, politique et religion - tous avaient une profession dans l'un de ces domaines -  en épargnant son corps et sa bouche, car rares étaient ceux - à part l’évêque - qui lui demandaient à chaque visite hebdomadaire d’entrer dans la crypte de leur nudité…

 *j’ai adoré aussi

PS : prochain texte, jeudi

25 mars 2021

Le patron

Le patron était un harceleur de première. Dès son premier regard, Marion s’en était aperçu ; il faut dire qu’elle avait l’œil, malgré son jeune âge, et que le nombre d’entreprises qu’elle avait connues dépassait les doigts de sa main.

A 10 h, devant la machine à café, le patron avait dit à Marie - la sous-sous-chef, comme ils disaient dans l’entreprise.

 - Au lieu d’embrasser vos collègues, vous feriez mieux de leur tailler une pipe et de les mettre au travail.

Face au regard de haine de Marion, le patron avait ajouté avec un grand sourire.

-          C’est pour l’aider à asseoir son autorité que je dis ça, sachez le.

Marie, elle n’avait rien répondu. Elle a baissé la tête, puis est partie dans son bureau afin de terminer un travail en cours.

Quant à Marion,  elle avait eu envie de  dire au patron : " Si Marie a besoin de faire asseoir son autorité, vous, vous devriez retrouver votre intelligence perdue." Peut-être le lui dirait-elle, d'ailleurs, à la fin de son contrat ; et elle terminerait par la phrase suivante : « Vous savez que de nouvelles études prouvent qu'une intelligence perdue peut mener à la connerie ? Pour le dire autrement, vous n'êtes qu'un connard ! " qui sait si cette phrase ne produirait pas un certain effet...

 

PS : prochain texte, lundi.

22 mars 2021

Fort Knox

Voici un mail écrit par un ami à une mutuelle. Si vous voulez vous en servir parce que vous avez été confronté au même problème, n’hésitez pas 😉

 

 Bonjour,

 L'accès à mon livret, qui doit contenir maintenant une trentaine d'euros, est devenu si compliqué aujourd'hui que j'ai l'impression de faire un casse à Fort Knox, qui abrite la réserve d'or des Etats-Unis. Je pourrais presque être rassuré : personne ne me volera d'argent sur ce compte puisque moi-même, le titulaire, je ne parviens pas à y accéder. Mais est-ce le but d'un compte sur livret signalant que l'argent reste disponible à tout moment ?

La sécurité, c'est une chose importante, certes, si elle va de pair avec une simplicité d'utilisation. Je ne tiens pas à subir pour le moindre virement une espèce d'usine à gaz absolument ingérable. Cela serait cocasse si je n'avais que cela à faire mais mon temps, comme le vôtre, est précieux et je me suis perdu trop longtemps dans votre labyrinthe informatique, en saisissant jusqu'à l'épuisement ma date et mon département de naissance, après avoir tenté de déchiffrer des caractères illisibles.

Je précise que je suis professeur de mathématiques et que je connais un certain nombre de choses en informatique. Je plains le pauvre retraité ignorant en la matière.

Ma banque me rapporte certes un tout petit peu moins, mais quand j'ai besoin de mon argent, j'en dispose facilement sans avoir à entrer dans un délire informatique insupportable.

Bref, en deux mots : je voudrais accéder à ce livret et solder ce compte impossible à utiliser.
Pouvez-vous m'indiquer une procédure simple pour le faire ?

Merci d'agir très vite.

Bien cordialement, et sans rancune

 

PS : prochain texte, jeudi.

18 mars 2021

Halt Kamaraden

Tous les soirs, quand il rentrait chez lui après le travail – un travail dont il appréciait la douceur -   il écoutait Alte Kameraden, une petite marche qui lui permettait de mettre en place les attitudes et mouvements nécessaires afin de répondre aux injonctions de sa chère et tendre épouse.

PS : prochain texte, lundi

 

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