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Presquevoix...

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10 février 2010

La cabine d’essayage

Elle était dans la cabine d’essayage, dos à la glace ; l’effeuillage pouvait commencer. Elle aurait préféré ne pas acheter ce pantalon le jour même – elle se sentait ballonnée - mais c’était une occasion. Elle avait laissé ses chaussures en évidence sous le rideau, la pointe glissée vers l’extérieur, pour que l’on sache bien que la cabine était occupée. Elle avait toujours eu peur qu’un jour, un imbécile ouvre le rideau d’un coup, et qu’on la découvre nue dans la lumière blafarde d’un grand magasin.
Une fois son pantalon enlevé, elle entreprit d’enfiler le nouveau jean. Il semblait un peu serré et le passage des cuisses  se négociait difficilement. Elle força un peu, le jean élastique se laissa difficilement faire et elle serra les dents. Vu le prix, il faudrait qu’elle y entre coûte que coûte. Au moment où le pantalon semblait céder à ses assauts, elle vit, comme dans un mauvais film d’horreur, une main velue se glisser sous le rideau et prendre ses chaussures. Elle resta interdite. Quand elle  sortit en criant, le pantalon à moitié remonté, il était trop tard ; le type était déjà loin et ses chaussures aussi.
Personne ne lui vint en aide. Elle eut juste le temps d’apercevoir, près du rayon lingerie,  l’une de ses élèves de seconde qui la regardait gesticuler l’air incrédule et elle retourna illico s’enfermer dans la cabine.
Elle en était pour ses frais. Le lendemain l’affaire aurait déjà fait le tour du lycée…

9 février 2010

El pueblo unido jamas será vencido

A chaque fois qu’elle entendait ce chant des « Quilapayún », elle bondissait sur ses pieds, prête à empoigner des banderoles et à crier des slogans pour ouvrir des chemins de liberté.  Au fur et à mesure que la clameur enflait, sa passion pour le peuple, la vérité et la justice grandissait. Oui à la lutte, oui au  peuple uni, oui à la révolution  !  Et puis  les voix faiblissaient, la patrie se ternissait, le peuple hésitait, le chant s’achevait et elle remisait  banderoles et  slogans dans le tiroir de ses rêves pour se dédier à ses médiocres tâches de  femme au foyer…

"El pueblo unido jamas sera vencido" : "le peuple uni ne sera jamais vaincu"

8 février 2010

Le plâtre

Trois jours plus tôt, il s’était  fait une entorse sur le terrain de foot et on l’avait plâtré. Un accident bête. Il se morfondait chez lui. Trois jours sans lycée, personne pour l’emmener ; alors il traînait son ennui, il écoutait la radio, il regardait la télé, il glandait. Il aurait pu travailler – on le lui avait conseillé le trimestre passé – mais  non, pas le courage. Pas un coup de fil, pas de SMS, rien ; le désert. Il  décida d’éteindre son portable, à quoi bon ? Même elle l’avait oublié. De toutes façons, il se moquait d’elle, elle lui servait juste à cacher la misère. Il aurait presque déprimé. Il ouvrit le buffet et  prit la bouteille de pineau dans le buffet de la salle à manger, ni vu ni connu, sa mère ne s’apercevrait même pas que le niveau avait baissé quand elle prendrait son apéritif.  C’était fort, mais ça faisait du bien.
Le soir-même sa mère lui annonça, triomphante, qu’il y avait une solution et que dès le lendemain il pourrait retourner au lycée. Quand elle le vit froncer les sourcils, elle s’inquiéta.
- Eh bien, tu n’es pas content ?
Il répondit juste par un grognement. A 22 heures il s’enferma dans sa chambre, prit un stylo et écrivit sur son plâtre en prenant soin de changer son écriture à chaque fois : « Bisous, Mélissa » ; « T’es chou, Alix » puis « A plus, Léa », juste pour faire croire qu’il avait des amies…

PS : texte écrit à partir d’une brève lue sur le blog une vie de merde  : « Aujourd’hui j’ai signé moi-même mon plâtre pour faire croire que j’ai des amis. »

7 février 2010

Phobie

Sur le blog « jedouble », un texte de gballand illustré par un photomontage de Patrick Cassagnes

" J'ai la phobie de mon mari, je  passe ma journée à l’éviter !… »  Pour lire la suite, c’est ici !

6 février 2010

Le premier baiser

P8150008_lightIl  lui avait dit « Tu te souviens ? » et elle lui avait répondu sèchement :
- Non !
Il n’avait pas insisté. En s’éloignant, il avait fait valser quelques feuilles qui jonchaient déjà l’allée centrale et   elle était restée seule devant les grilles, les yeux perdus. Oui elle se souvenait du château et du premier baiser, oui elle se souvenait de tout mais elle le lui refuserait aussi longtemps qu’elle vivrait ; elle se l’était promis.
Le jour où elle l’avait vu faire l’amour avec l’autre, oubliant le serment  qu’il lui avait fait devant ces mêmes grilles, elle avait voulu mourir, l’avait-il oublié ?
Depuis, elle grattait la rouille qui lui rongeait  le cœur…

PS : texte écrit à partir de cette photo de C. V.

5 février 2010

Trio

Elle aimait Jean qui aimait Paul qui l’aimait, mais qu’elle n’aimait pas. Le trio allait à vau-l’eau, mais l’aveuglement ne sied-il pas à la jeunesse comme le noir aux endeuillés ? Elle fredonnait souvent « une petite cantate », celle de Barbara, qui était aussi la sienne, la petite cantate des amours croisés qui se décroisent pour se recroiser au moment les plus inattendus.
Elle vivait ainsi à courir après elle, alors qu’elle pensait courir après l’amour qui n’était qu’amour d’elle-même. Puis un jour Jean disparut et le trio devint duo. En revenant du cimetière, dans le froid piquant que la morsure de la mort rendait encore plus douloureux, Paul lui chuchota « J'en ai vu, comme nous, qui allaient à pas lents et portaient leur amour comme on porte un enfant* ». Elle lui mit son doigt ganté sur ses lèvres mais il  murmura têtu  :
- Parce que je t’aime*.
- Je sais, répondit-elle.
Elle crut sentir la caresse de Jean sous le crêpe noir de sa voilette. Ne lui chuchotait-il pas que l’amour n’était qu’un jeu d’aveugles sur le chemin de la vie  ?

* parole et titre d’une chanson de Barbara. Vous pouvez l'écouter ci-dessus.

PS : texte écrit à partir d’une consigne de l’atelier des « impromptus littéraires »

4 février 2010

Se donner de la peine

Pour réussir dans le bien il faut se donner de la peine.* Et il s’en donnait. Personne ne lui avait encore dit combien il avait changé, combien il se montrait attentionné, combien il était maintenant d’humeur égale. Qu’on ne  remarquât aucun changement lui laissait un goût amer ! Il  en voulait à tous ceux qui avaient su voir ses défauts mais ne notaient guère ses progrès. Ils le regretteraient...
Un jour il a disparu, et du jour où il a disparu, on l’a aimé.

PS : phrase lue dans le pressentiment, d’Emmanuel Bove

3 février 2010

Maigrir

« Moi,  pour que je maigrisse » - lui avait dit son amie Annick un mois plus tôt en guise de confidence - « il y aurait qu’un truc qui marcherait : il faudrait que mon mari me plaque ! »
Elle comprenait  pourquoi elle était toujours aussi grosse ! Non seulement son mari ne l’avait toujours pas plaquée mais, circonstance aggravante,  il faisait une dépression. Il avait bien choisi le moment, les hommes choisissent toujours le bon moment…
Son mari la tuerait, c’était sûr.

2 février 2010

Le chemin du paradis

neigeElle l’avait rencontré  sur le pont qui plongeait sur la voie ferrée. Il lui avait demandé du feu, juste ça. Sa présence l’avait étonnée ; un dimanche neigeux, en fin d’après-midi, rares sont les gens qui regardent passer des trains qui ne passent pas.  Elle lui avait donné du feu et  il était resté immobile à ses côtés, à regarder les voies, en tirant sur sa clope. Ni l’un ni l’autre ne parlaient, à quoi bon quand on n’a rien à se dire ? Le silence remplissait suffisamment l’espace. Soudain il avait dit d’un air grave :
- C’est ça le chemin pour le paradis !
Son ton était tellement solennel qu’elle s’était tournée vers lui, émue.
- Oui, continua-t-il à dire soutenu par son regard brillant – vous allez tout droit, tout droit et vous y arriverez !
L’homme avait repris une bouffée de sa cigarette puis s’était tu. Un train était passé, puis tout était redevenu silencieux dans le paysage lunaire.
- Vous êtes sûr qu’on y va ? S’était-elle enquis.
- Oui. On me l’a dit.
- On ?
- Les voix.
Elle l’avait fixé à nouveau. Ses yeux bleus la regardaient étrangement. Il devait être fou. Elle avait eu la chance de le voir arriver au moment exact où elle avait besoin de lui. N’allait-il pas l’aider à sortir de ce quotidien sans nom ? Soudain, elle lui avait touché le bras prise d’une inspiration :
- Et si vous partiez avec moi ?
- Au paradis ?
- Oui, vous et moi. C’est bien ce chemin-là n’est-ce pas ? Avait-elle dit en pointant la voie ferrée de son doigt.
Le type avait ouvert son sac à dos, fouillé un instant, et il avait sorti  une carte qu’il avait dépliée devant ses yeux étonnés. Après l’avoir étudiée attentivement, il lui avait répondu d’une voix assurée :
- Oui, c’est bien ça !
- Eh bien partons tous les deux, le paradis nous attend.
Ils avaient descendu l’escalier en pierre et longé la voie ferrée l’un derrière l’autre, chacun cherchant le rêve que la vie leur avait ôté…

PS : texte écrit à partir de cette photo de Pierrick, du blog « crocklaphoto »

1 février 2010

La prophétie

Sur le blog « jedouble », un photomontage de Patrick Cassagnes , illustré par un texte de gballand.

« Un jour elle m’avait dit que la mer anéantirait la terre. La prophétie lui avait annoncé quelle  serait la reine des eaux… » Pour lire la suite, c’est ici.

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