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Presquevoix...

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7 mars 2011

Le rendez-vous

Q101_0134Voilà une heure qu’il observait sa femme. Que faisait-elle dans ce restaurant avec ce bellâtre de gondolier ?  A les voir rire tous les deux, on aurait presque dit qu’ils se connaissaient depuis des siècles. Quand il pensait qu’avec lui elle n’esquissait que des sourires de convenance. Pourtant, n’avait-il pas de l’esprit ? N’était-ce pas ce que tout le monde disait ?  De quoi pouvaient-ils donc  parler ? Elle ne connaissait rien à l’italien et le gondolier n’était sûrement pas un amoureux de la langue française. Il devait avouer qu’elle n’avait pas pris le plus moche, c’est tout au moins ce qu’il lui semblait de loin.

 Et si c’était un gigolo ? Quand il se rendit compte qu’il allait contribuer à leur folle journée avec leur compte commun il ne se contint plus. Il sortit de sa cachette, traversa le canal, entra comme un fou dans le restaurant et il se planta devant leur table tel un torero prêt à planter ses banderilles.

 

- Maintenant ça suffit ! tonna-t-il.
Elle le regarda surprise.
- Mais Michel, qu’est-ce que tu fais là ?
- Et toi ? Hurla-t-il, et avec un jeune con en plus !
Elle fit un signe au gondolier qui se leva immédiatement.
- Ah non, tu ne vas pas le faire sortir ce gigolo, ce serait trop facile !
La salle de restaurant n’avait d’yeux que pour eux. Elle finit par dire, le visage empourpré.
- Mais tu ne reconnais pas Tomaso, mon filleul ? Le fils de Catherine et  Luigi. Tomaso a trouvé un job de gondolier pendant l’été.

Terrassé, il s’assit sur la première chaise venue et se servit un verre de vin. Au quatrième verre il buvait à la santé de Tomaso et au cinquième, sa femme et son filleul le prenaient par la taille pour le faire sortir du restaurant...

PS : Texte écrit à partir de cette photo prise par C.V.  à Venise en 2007

 

6 mars 2011

Le style

Il y a style et style… si vous voulez en savoir plus, c’est ici.
Le texte est de gballand et le montage de Patrick Cassagnes

5 mars 2011

Textes croisés


Avec Caro-carito, du blog "les heures de coton", nous avons décidé d'écrire un texte à partir des deux contraintes suivantes : la chanson "Comme un étranger dans la ville", chantée par Eddy Mitchell et l'existence d'une "Association de fous et de rêveurs"

 Ci-dessous, vous pouvez lire le texte de Caro-carito , quant au mien, il se trouve sur son blog.

Saint Malo, 2 mars 2011

L’écume et l’asphalte.

Je suis né dans un hôpital des quartiers nord de la ville. J’y ai grandi, joué au foot, accumulé les bêtises de tout gamin jusqu’à ce que mes parents emménagent dans une loge de concierge en centre ville, chic. Trois pièces sur arrière-cour et du marbre qui s’arrêtaient devant notre loge. De fines veines rouges et brunes qui envahissaient la pierre brillante et dorée et qui se plissaient au contact des colonnettes et du miroir vénitien du large hall d’entrée.

Le premier matin, je scrutai les rectangles de pierre à la recherche d’un fossile et ses volutes fragiles, emprisonnés par un, deux, trois millénaires. Une main me saisit au collet. Une moustache me cracha au visage quelques mots bien sentis, accompagnés d’un coup de pied aux fesses. Je venais de faire connaissance avec le propriétaire du troisième, le Colonel. Dès lors, il me fit la vie dure.

 Le lendemain, je pris le tram 19 pour retrouver les terrains vagues et les copains. Cela dura le temps de l’été. Un après-midi, je restai seul sur le banc de touche, les regardant rire et s’éloigner. Je me levai et fis un geste à Medhi ; jusque-là, nous partagions le même anniversaire.

 La rentrée scolaire m’enferma encore plus sûrement dans notre séjour trop étroit. Mon père bricolait à droite à gauche. Il disait qu’il arrondissait les fins de mois ; mais, en l’embrassant, je sentais le parfum de ses gauloises, du verre de vin d’après le taf et les conversations partagées avec les ouvriers du quartier limitrophe.

 Ma mère passait chaque matin sa main fatiguée dans mes boucles blondes. Elle redressait mon col, mais cela n’arrangeait rien. Nous étions seuls. Sans destination d’été pour nous évader dès juillet dans une voiture poussive et surchargée. Elle revint un jour du presbytère un livre dans son sac. Elle avait voulu s’inscrire à une réunion de femmes du quartier. Sur le seuil du presbytère, une femme lui avait dit qu’elle s’était sans doute trompée de date et elle lui avait indiqué une bibliothèque. La lumière naquit de nos lectures sous l’abat-jour.

 Jusqu’à Lauréliane. Ce n’était pas une nouvelle arrivée, ni une étrangère, nous avions toujours fréquenté les mêmes classes. C’était une bonne élève, banale. À 16 ans, elle devint laide. Pas repoussante, car elle aurait pu avoir un genre : de jolis mollets, des lèvres prometteuses, une poitrine qui attisait l’imagination d’adolescents en mal de première expérience. Non, Lauréliane était juste laide. Dès lors, elle me rejoignit sur le banc de touche.

 J’enlevai ses lunettes, juste avant de l’embrasser à pleine bouche, à deux jours des épreuves de mathématiques du bac. L’année suivante, nous révisions ensemble médecine dans son appart qui donnait sur la fac et les cafés de carabins. Et quand je vis affiché que nous avions réussi brillamment notre première année, je pensai à l’enveloppe pliée dans ma poche qui contenait nos deux billets pour Ostende. Le vent sur la digue et l’écume. Nous promener sur le sable clair, en imaginant les prochains cours magistraux et d’éventuelles spécialisations chirurgicales. Ma main sur sa taille et ses cheveux bruns et raides comme des baguettes s’amusant d’une bourrasque.

 Je me retournai, elle était là, souriante. Elle passa devant moi comme si j’étais un étranger. Elle rejoignit quelques étudiants de deuxième année qui l’accueillirent à bras ouverts. Elle ne portait plus de lunettes. J’appris plus tard qu’il s’agissait d’un groupe, une association d’anciens qui soi-disant rassemblait des fous et des rêveurs et qui avait pignon sur rue. Ils organisaient des fêtes huppées où l’on parlait de défis impossibles. De leurs rêves, je ne sus jamais rien, car quand je postulai, à l’évidence les miens étaient trop ternes. Je pris une chambre dans une résidence universitaire pourrie ; je tapissai les murs de listes de maladies et de symptômes, de schémas, je bâtissais des murets de livres de médecine. Dès que je pus, je gagnai les campus californiens.

 A mes pieds, la baie de Rio. Ma mère est là pour quelques semaines. J’ai voulu lui offrir un iPad pour qu’elle ne transporte plus sa cargaison de romans, mais elle m’a dit que chez moi elle n’en avait pas besoin. Il lui suffisait de regarder la piscine et les palmiers. Mon père a sans doute récupéré la boîte à outils dans le garage et bricole à droite à gauche même si la maison ne souffre sans doute que d’une ampoule grillée. Ma femme s’affaire avec les enfants. Je l’ai rencontrée alors que je n’étais que chef de service dans cette clinique de chirurgie esthétique. Je la dirige et la possède aujourd’hui. Elle accompagnait ses parents et dans son sang coulent sans doute toutes les nations qui ont abordé les rives brésiliennes. Ma fille a des boucles dorées par le soleil, mon fils a la peau mate.

Hier, ils m’ont demandé « Là onde cresceste, há alguma praia ? » * J’ai repensé au bac à sable devant l’immeuble des Fauvettes qu’une invasion de junkies et de seringues avait condamné à deux coups de tractopelle.

 Quand le matin se lève, avant que de quitter la maison, je crois parfois que l’écume envahit le sable des plages jusqu’à l’asphalte. Je pense alors à elle, à Lauréliane. Si je renouais avec ce pays gris et lointain, la reverrais-je seulement, même en rêve ?

 * Là où tu as grandi, il y a une plage?

4 mars 2011

Le tableau

5 ans que ce tableau lui avait été promis pour service rendu,  mais son amie ne s'était toujours pas donnée la peine de le lui apporter. Chaque année elle se rappelait à son bon souvenir.
- Passe quand tu veux et  choisis un tableau, répondait invariablement  son amie.
Elle  lui précisait alors qu'elle avait déjà choisi ce tableau cinq ans plus tôt et que c'était à elle de le lui apporter. Son amie concluait toujours de la même façon.
- Bien sûr, bien sûr,  alors passe pour en choisir un deuxième, ce sera un dédommagement.
Et puis la vie reprenait son cours, comme si de rien n'était. Elle ne passait pas chez son amie, celle-ci ne lui apportait pas le tableau, et la place qui lui était réservée sur le mur de sa chambre restait toujours inoccupée. Leur  relation  n'existait que par le leitmotiv de ce tableau virtuel. Elle se demandait parfois si son amie ne l'avait pas vendu ? Peut-être était-ce même le seul tableau qu'elle avait vendu ?
D'ailleurs, et c'était sans doute le plus cocasse, elle ne se souvenait même plus du tableau qu'elle avait choisi chez son amie cinq ans plus tôt...

3 mars 2011

Comment faire disparaître un homme ?

Chaque jour elle déposait un mot – ou deux -  dans sa poubelle ; les mots des lettres qu’il lui avait envoyées et qu’elle dépiautait consciencieusement. En désossant ses phrases, elle désossait son souvenir. Comme il ne lui avait écrit que 4  courtes lettres, elle en aurait  assez vite fini avec lui. Le précédent, par contre, il lui avait fallu  douze longs mois pour le faire mourir, c’était un amoureux des mots. Il l’avait aimée un mois, à raison d’une lettre tous les deux  jours, et pas n’importe quelles lettres, des lettres longues et romantiques qu’elle avait  eu le tort de  croire. Quant à l’avant avant dernier - un rustre - la seule missive qu’il lui avait écrite, c’était ces trois  phrases griffonnées à la hâte sur une enveloppe : « Marre de ta névrose. Je pars. Tout est fini entre nous. ». Elle l’avait achevé en une semaine.

2 mars 2011

Somnolence

A chaque fois qu’elle s’asseyait, elle s’endormait. Les autres prenaient ça pour de l’ennui mais ils se trompaient. Ce n'était qu’un symptôme comme un autre, pas de quoi fouetter un chat. Pour ne plus avoir d’histoires, elle préférait rester debout. Quand on la sommait de s’asseoir elle obéissait et se pinçait, parfois jusqu’au sang, pour déjouer le sommeil. A force, ses bras étaient devenus bleus et elle ne mettait plus que des manches longues pour éviter les regards pleins de sous entendus et les questions gênantes...

 

1 mars 2011

Le coq

Hier matin, j’ai entendu le cri d’un coq. Un coq ? Ici ? En centre ville ? Incroyable ! Mais comment il est arrivé ce coq ? J’ai demandé à mon mari s’il l’entendait, mais peine perdue ! Mon mari dit qu’il devient sourd. Alors, j’ai ouvert la fenêtre en grand et je lui ai dit.
-  Et maintenant, tu l’entends, le coq ? Et il l’a entendu.
- Tu crois que c’est un vrai ? lui ai-je fait
- Pourquoi voudrais-tu que ce soit un faux ?
Je n’ai pas aimé le ton léger avec lequel il a dit cette dernière phrase. Comme si ce coq n’avait aucune importance !
Son cocorico a, hélas, la régularité d’un métronome. Il semblerait tout de même qu’il s’arrête à 8 heures…
C’est quoi, l’espérance de vie d’un coq ?

28 février 2011

A la recherche de l’ombre perdue

cygneElle ne photographiait que ce qui la troublait, pour le plaisir de s’adonner ensuite à l’obsession de l’analyse. Postée devant l’écran de son ordinateur, elle contempla longuement les cygnes noirs. Pourquoi son ombre l’avait-elle abandonnée ? Elle se dit qu'elle pourrait peut-être passer une annonce dans Le journal local : 
« Cherche ombre disparue prématurément. Qui pourra me donner de ses nouvelles ?  ombreperdue@hotmail.fr  "

Deux jours plus tard l’annonce paraissait et elle recevait dix mails. Seul l’un d’entre eux retint son attention. Il disait :
 « Je suis l’ombre, êtes-vous le jour ? Pour notre analyse, louons un divan afin de nous y retrouver une fois par semaine ou plus, si affinités. Ombre-ment vôtre »
Après deux échanges de mails, une rencontre fut prévue à 16 heures, le 28 février, au Vieux Carré. L’ombre avait précisé qu’elle serait en noir.

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Alienor du blog "éclat de mots"

 

27 février 2011

La piscine

Peut-on se sentir humilié à la piscine juste parce qu’on est chauve ?
Pour lire le texte, c'est ici. Le texte est de gballand et le montage de Patrick Cassagnes 
 

26 février 2011

l'infirmière

Elle s’était déguisée en infirmière pour entrer dans le bureau du médecin chef des Urgences psychiatriques. Il ne l’avait même pas reconnue !
- Vous désirez ? Avait-il dit l’air distrait quand elle était entrée dans son bureau.
Elle l’avait poignardé, puis elle était sortie aussi vite qu’elle était entrée. Maintenant elle était libre. Il ne serait pas dit que son médecin de fils la garderait internée pendant 72 heures.

 

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