Les délateurs
Au boulot, les journées succédaient aux journées. J’avoue que ça me faisait « grave chier » d’être technicienne de surface trois jours par semaine, tout ça parce que la collocation où nous étions quatre devenait une collocation à trois, et que mes parents ne voulaient pas me donner les 150 euros qui manquaient chaque mois. Ils avaient l’impression, disaient-ils, que mes études ne s’arrêteraient jamais.
Au boulot, dans notre « équipe de techniciens de surface », je ne connaissais personne. On n’avait pas tout à fait les mêmes centres d’intérêt : moi j’étais en doctorat de sociologie et eux avaient terminé leurs études il y a bien longtemps. Ce qui m’a étonnée, au bout de deux semaines de travail, c’est la délation dont certains faisaient preuve et, pour ça, ils se servaient du téléphone « intelligent ».
Un téléphone « intelligent », donc, pouvait être très « con » quand il était dans les mains de cons. Je vous donne un petit exemple. Pendant deux jours, Cynthia n’avait pas vidé les poubelles du deuxième étage. Résultat : des photos des poubelles non vidées avaient été envoyées au responsable du service poubelles.
J’avoue que moi, je n’ai pas l’habitude de la délation. A la fac, il n’y a jamais eu de délateurs, même pour les tricheurs ou les glandeurs. Alors, quand j’ai vu ça, j’ai essayé de tracer les délateurs afin de comprendre ; un réflexe de future sociologue, peut-être. J’ai fini par les trouver ; ils étaient deux et formaient un joli couple ! Je leur ai clairement dit ce que je pensais de leur duo. Je n’aurais pas dû. Sonia m’a asséné.
- Les bourgeoises à la con, comme toi, moi je les emmerde. Si tu fais une connerie, photo au chef. T’as compris connasse ?
La « connasse » avait compris. Je suis allée voir l’agence intérim et j’ai donné ma démission. Ensuite, je me suis payée le luxe de laisser au duo de délateurs une petite lettre sous enveloppe rouge qui disait :
« Adieu les cons », je vous conseille d’aller voir ce film de Dupontel. Vous vous y retrouverez à coup sûr, cherchez bien !
Sophie
Et je suis partie le sourire aux lèvres, chercher un nouveau travail de technicienne de surface...
PS : prochain texte, mardi.