Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
26 juin 2011

L’autoportrait au couteau

Il avait décidé de faire son autoportrait au couteau. Lui-même était né entre deux lancées de couteau ; sa mère avait servi de cible à son père jusqu’au jour où le couteau s’était fiché dans son cœur. Hasard ou accident ? Personne n’avait jamais su et son père avait bénéficié du doute.
Le chevalet était en place, face au miroir, et la palette l’attendait ; le couteau aussi. Soudain, le téléphone sonna. Il hésita à répondre mais décrocha tout de même. C’était son père.
-    Je te déconseille l’autoportrait au couteau
-    Mais comment tu sais ? balbutia le fils.
-    Je sais, c’est tout. Ta mère disait toujours que les couteaux nous porteraient malheur et elle avait raison.
Il raccrocha. Son père n’était qu’un vieux fou. Il revint devant le chevalet, saisit le couteau, regarda le miroir et ce qu’il vit le glaça : sa mère le fixait les yeux exorbités, un couteau à la main, et le sang coulait sur sa robe blanche. Puis le petit filet grossit tant et si bien qu’il traversa le miroir et engloutit l’appartement…

PS : le titre m’a été suggéré par Monique, sur « jedouble », il y a déjà quelque temps.

25 juin 2011

L’artiste

 

C’est son quatrième concert. Peu à peu il prend conscience de la scène, de lui, du public. Les choses deviennent naturelles ou presque. Son trac se dissipe, l’harmonie s’installe, les retours sont plutôt bons dans la presse locale. Pourtant,  lors du dernier concert, ce détail qui n’en est pas un. A la fin, une série de rappels, il revient et comme une offrande, il jette son tee-shirt dans la salle sous les cris du public.

De retour dans sa loge ou ce qui en tient lieu, quelqu’un frappe et lui rend son tee-shirt. Il regarde la fille étonnée et lui dit.

-           C’est pour vous, vous pouvez le garder.

Elle lui répond simplement.

-          Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ?

Il n’a pas réfléchi à ça. Evidemment, que pourrait-elle faire de ce banal tee-shirt, une relique ? Il rétorque.

-          Rien, c’est vrai, ce n’est qu’un tee-shirt. Il la remercie en ajoutant : « Je n’oublierai pas. »

23 juin 2011

L’optimiste

Elle devenait insupportable ; trop positive pour lui. Comment avait-il pu tomber amoureux d’une fille qui, coûte que coûte,  prenait la vie du bon côté ? Un jour, à bout, il lui avait même répondu.
- Ton optimisme va finir par me tuer !*  Il ne croyait pas si bien dire.
Quand il a reçu sa lettre de démission, il lui a montrée, le visage défait.  Elle a répliqué en souriant : « A toute chose malheur est bon ».  Une heure plus tard, le médecin du SAMU diagnostiquait un arrêt cardiaque…

*trouvaille de Patrick Cassagnes.

PS : prochain texte, samedi 25 juin.

22 juin 2011

Enigme

La veille, sur le mur blanc, juste en face de chez elle, quelqu'un avait écrit en lettres grises :
                                Il ne faut jamais dire...
Le lendemain matin, armée d'un pot de peinture, elle recouvrit la phrase jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. La nuit qui suivit son badigeonnage, elle fit un rêve étrange : un oiseau lyre lui assurait qu’elle sortirait de sa cage si elle  lui confiait le secret de sa naissance.
Elle se réveilla avec son rêve et quand elle ouvrit les volets, elle eut la surprise de lire une nouvelle inscription sur le mur repeint la veille :
                                Peut-on tout dire ?
Soudain elle eut peur. On la surveillait, même dans ses rêves…

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

21 juin 2011

Les lunettes

Elodie a changé ses lunettes. Il y a longtemps qu’elle me disait qu’elle voyait flou. Hier, quand je lui ai ouvert la porte et que je l’ai vue avec ses nouvelles lunettes, je lui ai dit immédiatement.
-    Super, elles te vont vraiment bien  !
Elle est restée sur le pas de la porte et  m’a longuement regardé. J’ai eu l’impression qu’elle avait  l’air déçue. Je le lui ai fait remarquer et elle m’a répondu, gênée.
-    Je ne sais pas, mais on dirait qu’il y a quelque chose de changé chez toi. Enfin, c’est peut-être à cause de  mes nouvelles lunettes.
Une semaine plus tard, elle m’a dit que tout était fini entre nous.

20 juin 2011

Le TGV

Le TGV Paris Lyon de 9 h 00, le type à côté de moi s’endort à peine une heure après le départ. Le pauvre a dû avoir une nuit de cauchemar. Je le trouve plutôt sympathique, la bouche ouverte et la veste négligemment ouverte sur une chemise qui masque à grand peine sa petite bedaine. Le problème c’est que moi, j’ai envie d’aller aux toilettes. Je repère rapidement le terrain pour voir comment l’enjamber. Je me lève,  passe délicatement ma première jambe mais au moment où je m’apprête à passer la seconde, une secousse me fait perdre l’équilibre et je me retrouve à califourchon sur lui. A ce moment il ouvre les yeux. L’air faussement dégagée, je lui souris et dis.
-    Désolée, je ne voulais pas vous réveiller.
-    Tout le plaisir est pour moi, répond-il en m’aidant - chevaleresque - à retrouver une position plus normale.

PS : texte écrit à partir d’une brève de deux lignes lue sur le site « une vie de merde ».

19 juin 2011

Les fleurs


-    Les fleurs, les fleurs, les fleurs, tu n’as que ce mot à la bouche, lui avait-elle dit en rage !

Et c’était vrai. Son jardin était sa seule fierté. Il ne le faisait visiter à personne, mais il aurait pu, tant il ressemblait à un tableau impressionniste. De petites touches roses, bleues, jaunes, mauves et rouges dans un océan  vert… Quand il le regardait de son balcon, il se disait avec orgueil : c’est mon œuvre, l’œuvre d’une vie !
Et c’est ce jardin qu’il découvrit saccagé  le lundi 9 mai à 7 heures lorsqu’il se mit au balcon comme il le faisait chaque matin. Il en pleura de désespoir. Il appela sa femme, en vain, elle était sans doute allée chercher du pain. En entrant dans la cuisine, il vit une étrange composition. Sur la table il y avait une lettre et, tout autour, des fleurs agonisaient. Il lut :

Oui, c’est moi qui ai fait ça ! Je pars ! Voilà ce qui arrive aux hommes qui n’aiment que leurs fleurs !
                         Catherine

 

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

18 juin 2011

Le miroir

Depuis qu’il était au chômage et que ses après-midis s’étiraient à n’en plus finir, il allait faire des longueurs à la piscine Doisneau. Il s’était d’ailleurs trouvé une activité stimulante pour pimenter ces fins d’après-midi : le miroir.

Dans les vestiaires mixtes, il passait un minuscule miroir sous la cloison - ni vu ni connu - et il regardait ses voisines se déshabiller. Il pratiquait ce sport depuis une semaine quand son miroir fut découvert par sa voisine de vestiaire.

La victime, une femme entre deux âges, raconta sa surprise et son incompréhension lorsqu’elle découvrit le miroir. L’homme ne nia pas. Il  demanda juste où était le mal ? Il ne faisait que s’imprégner de beauté féminine, comme Courbet ou Renoir. S’il avait su peindre, se justifia-t-il, il aurait peint des nus, mais il ne savait pas…

17 juin 2011

Le bureau du chef

A chaque fois qu’ils s’envoyaient en l’air, c’était sur le bureau du chef. Un petit pied de nez à la hiérarchie...

16 juin 2011

Huambo

billetElle partait pour Huambo, ville inconnue, pays inconnu, langue inconnue ou presque. Tous les ingrédients étaient réunis pour qu’elle se sente étrangère. Quinze jours plus tôt elle avait pointé au hasard son doigt sur la mapemonde et elle avait découvert Huambo.
Dans la file qui donnait accès au guichet d’embarquement, elle eut un  moment de panique. Jamais elle ne reviendrait.
-    Madame, madame ? Votre billet s’il vous plaît.
L’hôtesse au comptoir l’appelait. Déjà le bagage s’enregistrait et partait sur le tapis noir pour Huambo.  Elle n’avait prévenu personne.  Au bout de combien de temps se rendrait-on compte qu’elle était partie ?
Elle tendit sa carte d’identité au douanier qui la lui rendit presque aussitôt puis elle suivit les indications pour se rendre dans la salle d’embarquement. Elle s’assit non loin de la porte A12  et ferma les yeux. Elle les rouvrit en sentant une main qui frôlait son bras. A ses côtés, un homme noir, souriant, une balafre sur la joue gauche lui dit.
-    On se connaît je crois.
-    Je ne pense pas, je ne suis jamais allée en Afrique, répondit-elle sèchement.
Il n’insista pas. Ses yeux s’attardèrent un instant sur son visage puis elle les ferma. L’homme à ses côtés commença à siffloter un air mélancolique qu’elle avait enfermé dans le labyrinthe de sa mémoire. C’était il y a 20 ans, la fac de lettres, le cours de littérature lusophone… Combien de fois s’étaient-ils vus ? Cinq ou six fois peut-être.  Puis l’incompréhension, le silence et l’oubli. Huambo, était-ce lui ? Elle préféra garder les yeux fermés en attendant l’appel des passagers pour le vol de 7 heures.

PS : Billet factice conçu  sur le site : http://omatic.musicairport.com/

Presquevoix...
Newsletter
9 abonnés