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Presquevoix...

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14 janvier 2022

Le logiciel

Chaque jour, au petit déjeuner il lui disait : « Il faut que je change de logiciel ». Elle évitait de lui répondre sachant qu’il ne l’écoutait pas depuis longtemps ; jusqu’au jour où il a modifié légèrement sa phrase et a ajouté : » il faut que je change de logiciel ou je vais disparaître. »

Elle lui a répondu.

-          Eh bien qu’est-ce que tu préfères ?

-          Et toi ?

-          Moi, rien, avec ou sans logiciel ça reviendra au même.

-          Comment ça, au même ?

Elle a respiré profondément, une respiration longue et ventrale qui a  fait entrer en elle bien être et sérénité, puis elle a dit.

-          Présent ou absent ce sera la même chose pour moi, tu comprends ?

-          Non.

-          Je précise : même quand tu es présent tu es absent, alors peu m’importe.

C’est exactement trois heures après avoir entendu cette phrase là, qu’il est parti sur les routes de France avec un bâton et un sac à dos. Le plus étonnant, c’est qu’elle ne l’a toujours pas revu et trois ans ont passé.

 Peut-être marche-t-il encore car il n’a pas encore trouvé le bon logiciel ?

 

PS : prochain texte, mardi.

11 janvier 2022

L’application

Il avait installé sur son smartphone l’application qui donne l’heure de la prière. Aussitôt elle lui avait dit.

-          Tu m’avais assuré que tu avais divorcé avec Dieu

-          Il y a Dieu et Dieu avait-il répliqué en essayant d’être calme, comme lorsqu’il priait.

-          Arrête de te moquer de moi. Il n’y a qu’un seul Dieu et il faut choisir : c’est moi ou lui

Il n’avait pas osé répliquer qu’entre les deux, il préférait Dieu. Lui n’était pas hystérique, ou tout au moins, pas encore. Mais peut-être le deviendrait-il, un jour, le monde ne devenait-il pas fou ?

Certes, leur soirée hebdomadaire de « jambes en l’air » – il était incapable d’utiliser le mot sexe - lui manquerait au début, mais il ne tarderait pas à rencontrer une autre femme. Elles adoraient la barbe, surtout la sienne. Elles lui disaient toujours que sa barbe avait quelque chose de particulier que les autres n’avaient pas. Le prophète avait eu raison de dire « Laissez pousser vos barbes, et taillez-vous les moustaches, différenciez-vous des polythéistes ».

Il observait sa barbe chaque matin et l’entretenait afin qu’elle pousse de façon saine et robuste. Par ailleurs, cette barbe avait un autre avantage, elle lui faisait atteindre une plénitude physique inhabituelle, mais ça, il n’en parlait à personne, c’était un secret entre lui et sa barbe.

 

PS : prochain texte, vendredi.

7 janvier 2022

Les mots

Elle faisait partie de la police de la littérature. Son travail était complexe, mais son salaire était aussi bas que celui d’un professeur en début de carrière, je vous laisse imaginer…

 Elle aurait rêvé d’avoir le double. Mais peut-on rêver hors des mots qui nous font rêver ? La littérature a rarement fait manger à leur faim écrivaines et écrivains, poétesses et poètes, dessinatrices et dessinateurs de BD, libraires etc.

Quand je parle de police de la littérature, je vous entends déjà glousser. Encore une police ? Nous n’en avons déjà pas assez ainsi ? Non, semble-t-il.

Elles n’étaient que trois dans cette police-là, et que des femmes. Son poste dépendait du ministre de la culture qui avait décidé – une initiative très récente et surprenante - de mener des enquêtes « subtiles » sur le monde des mots de nos grandes et grands écrivains du vingt et unième siècle. Seuls les mots intéressaient le ministre qui, lui-même, pourtant, semblait ne rien lire à part deux ou trois journaux, et encore.  De mauvais esprits disaient qu’il cherchait les mots qui lui manquaient. Il faut dire qu’au ministère, les mauvais esprits ne manquaient pas.

Elle passait donc ses journées plongées dans les livres de 42 romancières et romanciers, enfin pas exactement 42, puisque la tâche était divisée par trois. 14 écrivains lui avaient donc été attribués.

Pourquoi 42 écrivains vous demanderez-vous ? Elle n’en savait rien. Pourquoi celles-ci et ceux-ci ? Elle n’en savait rien non plus. La seule consigne du ministre avait été : « Cherchez les mots les plus importants dans les trois dernières parutions de ces 14 écrivains qui vous ont été donnés, notez-les et envoyez-les-moi. Après, nous verrons. » Nous verrons quoi ? Avait-elle eu envie de lui dire, mais qui pose une question à un ministre ?

Elle en était donc au début de son travail. Chaque semaine elle envoyait au ministre les mots qu’il attendait sans jamais avoir aucune réponse de sa part.

Ce qu’elle apprit, en faisant une recherche sur internet, c’est que le ministre avait 42 ans. Est-ce pour cette raison qu’il avait donné une liste de 42 écrivains. Ce qu’elle imaginait aussi, c’est que le ministre souhaitait publier un livre quand il serait limogé, et ça, c’était fort possible, car on limogeait très vite dans ce gouvernement là…

 

PS : prochain texte, mardi.

4 janvier 2022

Le cercueil

En entrant dans le magasin de pompes funèbres, la cliente avait dit.

-          Je veux trouver la lumière après ma mort.

Le pauvre employé, en poste depuis une semaine, n’a pas trop su quoi dire. D’autant plus que la cliente avait tout au plus 65 ans. Son cerveau a repassé en mémoire les leçons de son patron mais rien n’est sorti, si ce n’est.

-          Euh, je vous écoute.

-          Eh bien, le grand jeu.

Mais de quel jeu parlait-elle cette cliente ? Voulait-elle parler des présentations du corps, des habillages, du cercueil, de la mise en bière ? Était-elle folle ?  Il a choisi de commencer simplement.

-          Vous avez une idée du cercueil, madame ?

A ce moment-là, la cliente s’est s’énervée en soulignant que la lumière c’était la musique, d’abord et avant tout, puis elle a ajouté.

-          Vous n’allez tout de même pas parler tout de suite d’argent avec moi ?

Décidément, il fallait qu’il appelle le patron, mais où était-il ? Il a essayé une dernière question.

-          Voulez-vous voir notre catalogue ?

-          Je les connais par cœur les cercueils, pas besoin de catalogue.

C’est à ce moment que le patron est entré en hurlant.

-          Maman, mais qu’est-ce que tu fous ici ? Décidément tu veux me faire chier jusqu’au bout ! Et tout ça pour quoi ? Pour dire que tu étais une excellente patronne, une excellente vendeuse, mais que moi, je ne t’arrive pas à la cheville ? Bravo.

Aussitôt, la dame est tombée en pâmoison dans les bras du vendeur. Enervé, le patron lui a dit.

-          C’est pas grave. Elle est hystérique. Aidez-moi à la mettre dans un cercueil ; tenez, le premier, et elle en ressortira toute seule si elle le veut.

Le vendeur est tout de suite passé à exécution en se demandant s’il allait rester dans ces pompes funèbres de fous…

 

PS : prochain texte, vendredi.

31 décembre 2021

2022, année de quoi, au fait ?

"Je maintiens les écoles ouvertes" a dit moults fois Monsieur Blanquer, le ministre de l’Affichage, depuis le début de la pandémie. Dommage qu'il ne maintienne pas aussi son esprit ouvert, car sa réforme a déshumanisé et déstructuré le lycée.

J’évoque M. Blanquer car je suis enseignante, mais je pourrais aussi évoquer tous les hommes et toutes les femmes politiques d'extrême droite, de droite, de centre droit etc. qui ont l’esprit fermé et n'ont pour seul programme de candidature à la PdR* que le sécuritaire, l'identitaire, la lutte contre l’immigration extra-européenne... voire la haine de l'autre.

Déshumaniser plutôt qu'humaniser, voici donc le seul programme de  deux de nos candidates et de certains de nos candidats.

A quoi pensent ces femmes et ces hommes-là chaque soir, avant de se coucher dans leur lit XL ? Je me le demande. J’adorerais ouvrir la porte de leur cerveau afin de mettre à la poubelle leurs « pensées déshumanisées ». Mais peut-être  ne leur resterait-il aucune pensée ensuite ?

Depuis les années 90 ces thématiques reviennent à chaque élection. M. Sarkozy, d’ailleurs, ne s'est pas privé de "radicaliser" la France.  « Sécuriser » faisait partie de son vocabulaire, et comme son vocabulaire était « restreint » ce mot revenait souvent. Hélas pour lui, maintenant, la justice se met « en marche »  pour " sécuriser " le peuple Français de ces hommes politiques qui ont oublié qu’ils étaient censés travailler pour un pays et non pour eux-mêmes. Ces hommes qui ont utilisé leur longue carrière politique à "sécuriser" leurs comptes en banque ou leurs comptes en suisse ou leurs comptes offshore.

Oui, pour ces hommes, rien ne semble compter, à par leurs comptes. Sans doute devrait-on leur raconter, chaque soir "La mort d'Ivan Ilitch" de Tolstoi, afin qu'un semblant d'humanité glisse dans leur esprit embrumé par leur MOI hypertrophié.

 

Je vous souhaite une très bonne année 2022

 

*Présidence de la République

PS : prochain texte, mardi.

 

 

 

28 décembre 2021

Nouvelle adresse

Depuis que sa femme l'avait quitté, il avait écrit en grande lettre rouge sur la porte du garage : la maison du cocu.
Ses voisins ne lui avaient posé aucune question et les rares piétons souriaient. Certains imaginaient même d'étranges histoires...
Son adresse même avait changé. Il écrivait désormais, derrière les enveloppes qu'il envoyait  :

Gille démensier,
maison du Cocu
4 impasse des collines
46 800 Moncuq

Oui, une nouvelle vie allait commencer pour lui. Quand ? il ne le savait pas, mais ces lettres rouges donnaient à la porte blanche du garage une toute nouvelle apparence...

PS : prochain texte, vendredi 31 décembre

24 décembre 2021

Rencontre

Elle avait rencontré ce type dans un café, par hasard. Assise à une table, elle regardait au loin et il lui avait dit.

-          C’est moi que vous attendez peut-être ?

Elle avait répondu « Non » et avait espéré la suite. Peut-être que celui-ci était différent, plus drôle ou plus cultivé.

-          Quand je vous ai vue, je me suis dit : cette fille adore le vélo. J’ai raison ?

-          J’aime bien, oui.

-          Et je me suis dit aussi pourquoi ne pas faire ensemble Sainte Verge-le Fion à vélo, en plusieurs étapes, forcément, parce que la route est longue.

Elle le fixa, abasourdie, et finit pas répondre.

-          Euh, vous vous trouvez drôle ?

-          Pas vous ? Mais elles existent, ces deux villes : Sainte Verge dans les Deux-Sèvres, et le Fion, en Savoie.

-          Effectivement, c’est hilarant, ajouta-t-elle le regard sévère. 

-          Le vélo mais pas l’humour, donc.

-          Vous voulez aussi faire une étape à Montcuq c’est ça ?

-          Vous voyez que vous avez de l’humour !

Elle se leva, mit son livre dans son sac et se plaça juste en face de lui.

-          Etant catholique, vierge et pratiquante – dit-elle en souriant  – je vous laisse au degré zéro de votre humour de troufion. D’ailleurs, vous êtes dans l’armée, sûrement. Bon, moi je vais chercher mon destrier bleu, garé juste en face du café, destrier sur lequel je me rendrai à l’église afin d’allumer un cierge pour que Notre Sainte Vierge vous donne le courage de pédaler vers Lourdes sur votre beau vélo. Aurevoir, monsieur le troufion.

Elle l’avait laissé pantois et il l’avait regardée partir sur son destrier. Ce garçon ne lâchait jamais prise, jamais, et sur son vélo de course vert, il la rejoignit rapidement et l’obligea à s’arrêter.

-          Au fait, je ne suis pas troufion, juste charpentier, comme Joseph, mais bon, je sais que vous vous en fichez. La prochaine fois j’essaierai d’être plus drôle. Aurevoir Marie.

-          Euh comment vous savez que je m’appelle Marie ? dit-elle surprise.

-          Le hasard. Allez, j’arrête de vous emmerder puisque seule la culture vous intéresse. A une autre fois, peut-être, au royaume de l’humour.

Et il partit en sens inverse sur la route de Montcuq, car c’est là qu’il habitait. C’est aussi là qu’il était charpentier, durant la semaine, et cycliste le week-end.

Il revit Marie, deux mois plus tard, je jour du printemps, sur une petite départementale. Il la doubla en hurlant « Voilà le charpentier troufion ! ». Elle sourit et cria « Marie la vierge vous reconnait ». Mais ce jour-là, il ne s’arrêta pas et préféra grimper le plus vite possible en haut de la colline….

PS : prochain texte, mardi.

21 décembre 2021

Le père Noël est-il une ordure ?

Penché sur le guidon de sa moto, à 170 kms heures, il se répétait « Non le père Noël n’est pas une ordure, non le père Noël n’est pas une ordure, l’ordure c’est elle. » Et ce soir-là, le père Noël, c’était lui car il avait mis ce merveilleux costume qui le faisait briller avec les étoiles de Noël : du rouge et du blanc, ses couleurs préférées. Rouge de la passion et blanc de l’innocence.

 Quand les flics l’avaient arrêté sur la RN14, il fut bien obligé de tout dire.

-          En costume de Noël fin novembre, c’est pas un peu tôt ? lui dit le gendarme qui pensait avoir le sens de l’humour.

-          Et en plus, à cette vitesse ? ajouta l’autre. Alcootest, tout de suite

Mais il n’avait pas bu.

-          Venez donc dans la voiture avec nous - lui dit le premier gendarme. - on va discuter et après, on vous suivra chez vous. Ce sera notre cadeau de Noël.

Comment allait-il commencer son histoire ? Une histoire stupide dont le fond de vérité était essentiel et le fond, n’est-ce pas ce qui importe, dans la vie ? D’ailleurs, enfant, on lui avait toujours dit qu’il avait bon fond.

-          Voilà ce que m’est arrivé, raconta-t-il le visage blême.

-          Elle m’a dit qu’elle me quittait et…

-          Et ? Dirent les deux gendarmes d’une seule voix.

-          Et comme j’étais dans mon costume de père Noël, je ne l’ai pas supporté.

-          Vous l’auriez supporté dans un autre costume ?

-          Je sais pas. Mais là, non. C’était trop dur. Vous faites plaisir à quelqu’un, vous arrivez en costume de père  Noël pour faire sourire, et on vous fout tout en l’air. C’est pas juste.

-          Qu’est-ce qui n’est pas juste ?

-          Qu’elle en aime un autre.

-          Elle est toujours vivante, j’espère, dit le premier gendarme.

-          Vivante, oui. L’autre aussi, mais je lui ai donné deux gros coups de poing et je lui ai enfoncé mon bonnet de Noël sur son crâne.

Les gendarmes se regardèrent et dire d’une seule voix – il faut dire qu’ils étaient jumeaux.

-          Donnez l’adresse. On vous suit pour voir son état.

Arrivée au domicile de l’ex, ils comprirent tout de suite. Elle était vivante, mais allongé sur le divan, ils aperçurent un type à la longue barbe, l’air de Jésus ou presque, avec un bonnet de Noël sur la tête et deux yeux au beurre noir. Le pauvre gars pleurait. Le premier gendarme prit la parole.

-          Parfait, vous êtes vivants. Juste les yeux pour le jeune homme, rien de grave.

-          Mais il est cinglé ce connard en père Noël. Je le connais même pas, dit la fille.

-          Il nous a dit que vous vouliez le quitter.

-          Ce type est un copain de mon frère et un obsédé, par-dessus le marché. Comment pouvait-il croire qu’en arrivant en père Noël, j’allais devenir sa copine ? Un cinglé.

L’affaire aurait pu s’arrêter là. Les policiers partaient avec le père Noël qui sanglotait en hurlant « Personne ne m’aime, personne ne m’aimera jamais. » quand le jeune barbu se leva du divan et dit d’un air sérieux.

-          Laisse-toi pousser la barbe pour de vrai, père Noël, et tu verras, nul ne résistera, même pas celles qui se disent saintes. Marie, ma mère, me l’a dit, et je te le transmets.

Les gendarmes se demandaient s’ils se trouvaient dans une annexe de l’hôpital psychiatrique. Ils préférèrent se taire et, bras dessus bras dessous avec le père Noël, ils l’accompagnèrent vers sa moto pour le conduire sur les sentiers de la gendarmerie…

PS : prochain texte, vendredi.

 

 

17 décembre 2021

Le troll

Il était devenu troll parce qu’il était en rogne contre tout : le boulot, la famille, son poids – il avait grossi de 5 kilos en un mois et ne se supportait plus nu -, ses amis, enfin le peu qu’il lui restait. Cette somme de rognes l’avait fait basculer dans la catégorie des Zemouriens, une nouvelle ethnie politique.

Oui, la haine s’était installée en lui. Quand il se regardait dans le miroir, il se disait : « Je suis devenu le parasite de la rue massacre. Cette rue m’a foutu la poisse. » Quand sa sœur entendait ses « litanies », elle souriait et ajoutait.

- Ouais. Ta xénophobie, c’est la haine de toi, mon vieux. Tiens, quand je te vois toi, Zemourien parmi les Zémouriens, je me dis qu’on devrait obliger chaque candidat à avoir une série de dix séances chez un ou une psychologue. Il y en aurait un ou une en présentiel et trois autres derrière une vitre teinte. A quatre, ils pourraient faire un bilan de la santé mentale du ou de la candidate. Et les psychopathes, les bipolaires, les narcissiques seraient éliminés d’avance ! Tu vois à qui je pense ? Tout ça pour la santé du peuple Français.

Il ne disait rien. Il savait qu’avec son obsession de la psychologie – sa soeur était elle-même thérapeute – elle lui mettrait une migraine du diable qui le plongerait dans un « trollisme » de première grandeur

 

14 décembre 2021

Les murs de la ville

Elle avait tagué tous les murs de la ville avec cette interrogation : « A quand la fin des couteaux en famille ? ».

Lors de son passage en comparution immédiate le juge lui avait dit.

-          Vous ne croyez pas que vous allez un peu loin ?

Et elle lui avait répondu froidement.

-          On voit bien que vous n’êtes pas une femme. Féminicide, ça vous dit quelque chose ?

Etrangement, le juge avait rougi. Avait-il, lui aussi, eu envie de tuer sa femme au couteau ?

 

PS : prochain texte, vendredi.

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