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Presquevoix...

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7 février 2012

Les huiles essentielles

Elle venait de voir, chez Nature et Découverte, ce petit coffret magique : les huiles essentielles de la bonne humeur.
Et si elle essayait de diffuser ces huiles en cours, à leur insu ? Sans doute tout se passerait-il mieux ? Peut-être qu’une fois assis, les élèves desserreraient leurs mâchoires et souriraient ? Peut-être  oublieraient-ils toute agressivité ?  Et si les huiles avaient vraiment le pouvoir qu’on leur conférait, peut-être  qu’elle aussi se détendrait…


6 février 2012

La lettre

Pourquoi avais-tu décidé de vivre dans cette tour exiguë ? Je ne l'ai jamais su. De toute façon, maintenant  tu es mort et c’est mieux ainsi. Amen !

Si tu lis cette lettre, tu pourras croire que je t’en veux. Mais non. Je dois dire que je n’ai jamais été aussi soulagée par la mort de quelqu’un. Tu vois, tu m’as presque fait plaisir.  Juste un bémol,  tu aurais pu éviter de te mettre en scène de cette façon. Tout le monde t’en a voulu. Sans parler de maman qui n’arrête pas de répéter : « Il n’y avait que lui pour se passer la corde au cou. Personne d’autre n’a jamais su le retenir. »

Ah, au fait, il y a une semaine  nous avons eu la visite d’une certaine Lydie. Elle voulait te voir. Nous lui avons dit que tu étais mort et elle a fondu en larmes. Quarante ans qu’elle ne t’avait pas vu et elle a fondu en larmes !  Maman m’a alors appris que tu avais été le « Casanova » de La Ferté Macé, ce que j’ignorais totalement.

Je glisse ce papier dans le pot de jacinthes que je mets au pied de la tour, côté pré, peut-être viendras-tu errer dans ce lieu…

Ta fille,

Céline

PS : je crois que c’est la première lettre que je t’écris. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.


5 février 2012

La mémoire

La dernière fois qu’elle était allée voir sa mère en maison de retraite, celle-ci ne l’avait pas reconnue et  l’avait appelée Maurice à plusieurs reprises. Elle en avait été fort troublée. Maurice ! Se masculinisait-elle à ce point ?

4 février 2012

Laisse-moi t’aimer…

Juste au moment où elle était passée à côté de lui, il  avait chanté « Laisse-moi t’aimer toute une nuit… ». Ce type ne doutait de rien. Non seulement il chantait faux, mais il était moche et il avait l’air bête. Elle lui a souri et lui a répondu, malicieuse.
-    Quand tu auras musclé  ton cerveau, on pourra peut-être y penser !
Et elle s’est éloignée d’un air digne, perchée sur ses hauts  talons,  laissant le type sans voix.

3 février 2012

Duo

Caro-carito a joué la sobriété pour les consignes de ce nouveau duo : sur un meuble au choix, une carte postale, un mot manuscrit et une pièce de monnaie

Son texte est ci-dessous. Le mien se trouve sur son blog, les heures de coton.

 



Le désordre des choses


Je pose les clefs sur le meuble de l’entrée et je crie à la cantonade que je suis arrivée. Seule la chatte fait mine de s’intéresser à ma présence.


Je marche pieds nus sur la pierre blanche, sur le parquet ensuite. Le velours usé de ce plancher de bateau me manquera. Demain, j’installerai un béton ciré pour faire écho aux chromes de la cuisine, ou dans un mois. La pièce n’a pas bougé d’un iota depuis ce matin, peut-être ne sont-ils pas rentrés. Je m’avance encore quand... Tétanisée, je découvre sur le plan de travail, une carte postale, une liste de courses et une livre sterling. Une impression oppressante de déjà-vu. En rêve peut-être…


Le soir, Claude me retrouvera assise près de la grande baie qui donne sur le jardin. Je regarderai les étoiles de la ville s’allumer et s’éteindre, comme si la vie battait, luttait sans jamais mourir. Depuis mes vingt ans, je n’ai jamais habité que dans des cités qui s’étendaient de toute part, hautes, pauvres, grises, pressées, modernes, débordant la nuit, étirant l’aube, suspendues à un zénith brûlant. Claude ne m’a fait découvrir que des villes aux arêtes saillantes où l’enchevêtrement du passé et du présent, du futur aussi, me rassurait.


Je fais un pas vers la cuisine. J’entends comme un déclic et le souvenir est à nouveau là : le silence, la note écrite à la main, la photo de montagne et une pièce de monnaie. Où ? Quand ? Un deuxième déclic et le martèlement familier de l’angoisse s’agrippe à  moi. « Le désordre des choses ». Je balaie d’un geste violent la pièce de métal qui tombe sur le sol, bientôt rejointe par la carte déchirée et la liste.


Avant mes études et Claude, régnait le désordre des choses. Une campagne boueuse, des arbres qui semblaient toujours en hiver. Ma mère qui ne parlait qu’aux bêtes. Des mains qui passaient sur des corps gémissants, chassant le mal. Une odeur de plantes et de suie tenace qui me poursuivait à l’école et dans mes nuits. Un père, des frères, des oncles taillés dans une glaise épaisse. J’ai bûché comme une folle et je suis partie à Lyon pour cette école d’archi où j’ai rencontré Claude. Lui a choisi l’ameublement intérieur, les tissus que l’on brode et que l’on drape ; je voulais des traits, des plans et des ouvertures saturées de lumière. Nous avons eu trois enfants, nous ne nous sommes pas mariés.


Tout alla mieux dans les villes domestiquées que nous avons traversées et parfois appréciées. Je me levais tôt, je m’alignais sur le battement saturé de leurs pouls, je me faufilais dans leurs obliques et leurs courbes bruyantes. Le désordre des choses n’arrivait que par des signes épars que je conjurais aisément : une graine rouge et noire glissée dans mon sac, la carte d’un Saint bienveillant, une formule en langue inconnue, deux doigts croisés. Jusqu’au jour où cette femme me fixa, brisant net le cercle de ma vie. Mauvaise…. Happée par mes collègues, je demeurai nue sous l’œil malfaisant, sans mantra, sans médaille miraculeuse. Dans l’après-midi, un coup de fil ; Thomas notre plus jeune était à l’hôpital. Je brûlai mille cierges. Il ne mourut pas. Il s’en fallut de peu.
Dès lors, s’en fut finie de ma tranquillité. Je traçais des lignes et des immeubles, mais la peur ne me quittait plus. Claude m’emmenait à Vienne, Saint-Pétersbourg, Rio. Londres, il y a deux semaines. Thomas avait quinze ans, les deux autres allaient bien. Mais.


Il me fallait veiller, mettre bout à bout les coïncidences, déjouer le hasard, ne plus me laisser distraire. Repérer les indices du malheur comme ce triangle annonciateur de quelque chose, posé par une main maligne et invisible sur la table dans la cuisine. Un signe. J’ai brûlé les morceaux déchirés de la carte et la liste, j’ai jeté la pièce de monnaie par la fenêtre, un homme l’a ramassée et a disparu. Un bâton d’encens brûle près d’une statue cubaine.


Un bip sur le répondeur, Claude revient ce soir vers 21 heures. Il passe prendre Pierre au basket. Il ne dira rien, même si l’appartement se noie dans l’obscurité et que rien n’est prêt. Pierre ira prendre une douche tandis que lui s’approchera de moi. Il me prendra la main et nous regarderons ensemble le souffle lumineux de la ville, accrochés ensemble à cette respiration saturée de CO2 et de poussières, ce souffle qui ne s’éteint jamais. Il me faudra un peu de temps avant de poser ma tête sur son épaule. Et encore plus de temps encore pour savoir qu’il est là et que je suis sauve.


2 février 2012

La coupe

La semaine dernière, je suis allée chez la coiffeuse.
- Coupez très court, lui ai-je demandé et j’ai fermé les yeux.
Je n’aurais pas dû. Quand je les ai ouverts, j’ai poussé un cri. Le même que celui que mon fils a poussé quand je suis rentrée à la maison.
- C’est trop court ? Lui ai-je demandé.
- C’était mieux plus long, a-t-il nuancé.
Deux minutes plus tard il a ajouté.
- Quand même, on dirait que tu viens de faire une chimiothérapie.
J’ai accusé le coup.
Quand ma fille est rentrée, deux heures plus tard, elle a eu l’air surprise.
-    Alors, lui ai-je dit ?
Elle n’y est pas allée par quatre chemins.
-    On dirait une lesbienne intégriste !
J’ai presque eu envie de retourner chez le coiffeur, mais pour me faire faire quoi ?

1 février 2012

Les phrases

C’était un collectionneur de phrases, des plus belles aux plus étranges. Il les accumulait dans des carnets qui garnissaient ses étagères. Voilà 40 ans qu’il s’adonnait à cette passion. Il ne voulait pas qu'elles tombent dans l’oubli. Bien sûr, quand il mourrait – parce que la mort ne l’oublierait pas, elle avait une excellente mémoire – il était sûr que d’autres prendraient soin de ses phrases.

La dernière phrase qu’il avait notée dans son carnet vert, juste avant de mourir,  c’était une pensée personnelle :

«  La mort est suspicieuse. La nuit dernière, elle m’a demandé si j’étais en règle avec la vie. »

PS : texte écrit à partir de quelques éléments piochés dans cet article de Libé sur Franquin « Sautes d’humour ». Un article que Patrick appréciera sûrement… ;.)  

31 janvier 2012

L’actrice

Cette actrice américaine, que les agences de notation avaient longtemps cotée AAA,  n’avait eu d’autre plaisir dans sa vie que celui d’être admirée. Maintenant que les années avaient sérieusement entamé son « capital », une simple caresse sur sa  main tachetée de fleurs de cimetières lui aurait suffi…

30 janvier 2012

Je veux plus tes vœux

voeuxTous les ans, il lui envoyait une carte de vœux le 30 janvier ; non parce qu’il voulait lui faire plaisir, non, juste pour l’empoisonner, une petite vengeance de l’enfance.
Il savait qu’elle serait obligée  de sortir sa règle et son crayon à papier, qu’elle tracerait des traits avec application sur la carte achetée à contrecœur,  et surtout – surtout -  qu’il lui faudrait trouver des mots pour remplir les lignes vides.
D’ailleurs, d’année en année, il remarquait que  les lignes s’étaient réduites. La dernière carte n’avait que quatre misérables lignes :

Merci de tes voeux
Reçois les miens et surtout la santé
Une  bonne année,
Simone. »

29 janvier 2012

Le trapèze

raphCe n’était pas difficile, il fallait juste qu’elle tienne. Faire attention aux bras,  aux mains,  sans oublier la tête qui parfois se laissait distraire et  pouvait   lâcher sans prévenir.  La dernière fois, elle avait juste pensé à lui et la bobine s’était dévidée à toute allure.
Quand elle avait rouvert les yeux, une série de visages était penchés au-dessus d’elle. Elle leur avait assuré que tout allait bien, qu’elle allait se reposer, rentrer chez elle et que dès le lendemain, tout rentrerait dans l’ordre. Seulement, la nuit qui avait suivi sa chute, elle avait fait un cauchemar. Elle voltigeait, faisait une figure, puis deux, mais le porteur  ne la  rattrapait pas, exprès, et le porteur : c’était lui.
Elle s’était réveillée en hurlant. Il avait essayé de la calmer, en vain. Elle l’avait même traité de « salaud », il n’avait pas compris…

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par R. B.

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