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Presquevoix...

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25 mai 2022

Le gilet jaune

Il allait faire des courses tous les samedis et tous les dimanches avec son habit de cycliste, un habit de lumière disait-il. Mais, il avait ajouté un nouvel accessoire à son équipement : un gilet jaune.

Dimanche dernier, au marché, un type lui avait demandé ce qu’il faisait avec ce gilet alors que le temps était ensoleillé. Et lui avait répondu.

-          Le temps oui, peut-être, mais pas la démocratie. Alors maintenant c’est vélo et gilet jaune tous les jours, qu’il fasse beau ou mauvais, et ce, jusqu’aux élections législatives. Je pédale pour que la France ne reste pas dans le marasme. Peut-être qu’avec ce gilet jaune les gens vont ouvrir les yeux !

Le type n’avait rien répondu, et lui avait continué ses courses.

Il se demandait tout de même, combien de temps les gens allaient rester dans cette caverne où ils avaient été enfermés…

 

PS : prochain texte, mardi 31 mai.

 

20 mai 2022

La piscine

La nouvelle mairesse de la commune de Trifouille, commune de 10 000 habitants, du centre de la France avait fait le discours suivant pour essayer de calmer la population locale sur « les tenues autorisées à la piscine ». Effectivement, en cette période caniculaire du mois de mai, il fallait mettre les choses au point.

Voici ce qu’elle a dit, de sa voix haute et claire.

« Chères concitoyennes, chers concitoyens, nous autorisons désormais à la piscine, pour les femmes, les quatre tenues suivantes : burkini, bikini, topless et nudité, mais juste dans l’eau. Pourquoi ? me direz-vous. Si nous souhaitons vivre les uns avec les autres, ne faut-il pas aussi que nous puissions nous regarder les uns les autres quel que soit la tenue ou demi-tenue ou non-tenue que nous portons. Et, l’eau n’est-elle pas le meilleur royaume où vivre heureux, un royaume où nos corps – avec tenue ou sans – peuvent acquérir bien être et apaisement.

Oui, chères concitoyennes et chers concitoyens, certaines préfèrent le voile aquatique, d’autres les seins nus, d’autres la nudité complète et d’autres encore ne mettront jamais les pieds dans l’eau, et pourquoi pas ? Vous penserez peut-être que je mets les pieds dans le plat et qu’une telle ouverture pourrait nous séparer, mais sachez que c’est l’inverse et j’espère, de tout mon cœur, que vous pourrez sortir de cet aveuglement qui tant de fois nous sépare.

Burkini, bikini, topless, nudité, un seul combat, celui de l’accès collectif à la piscine publique. »

Bien sûr, personne n’avait applaudi, mais la mairesse s’en moquait. De cet « emploi  temporaire », comme elle l’appelait, elle n’attendait rien, sinon le plaisir d’ouvrir ses yeux et ceux de ses concitoyens.

Souvent, lorsqu’elle rentrait chez elle, elle disait à son mari et à ses chats : « J’ai opté pour l’ouverture et si on me ferme la porte au nez un jour, je m’en moque complètement. Je garde et garderai toujours les yeux ouverts. » Les chats ne disaient rien mais ronronnaient. Quant à. son mari, il applaudissait et souriait car il savait que c’était grâce à sa femme qu’il avait pu ouvrir ses yeux longtemps fermés par des années de purgatoire au sein d’une famille vendéenne dont je ne citerai pas le nom.

PS : prochain texte, mercredi prochain.

17 mai 2022

Le plaisir du rien

A leur troisième rendez-vous, elle lui avait dit, étonnée qu’il soit au RSA depuis cinq ans.

-  Tu fais rien, mais tu le fais bien.

-  Merci.

Après un silence qui n’en finissait pas de durer, il finit par ajouter.

-          Toi aussi tu as un certain don, parce que c’est pas simple de ne rien dire.

Elle se demanda quoi lui répondre, d’ailleurs devait-elle lui répondre ? Pensait-il qu’elle avait l’air de rien ? Le doute entra en elle, comme dans ces moments de l’enfance où sa mère – son père lui était un taiseux – lui posait question sur question afin de sonder l’intérieur de cette petite fille si introvertie. Elle regarda l’homme assis en face d’elle en souriant puis, gentiment, elle lui répondit.

-          Merci, c’est gentil. Ne rien dire et parfois parler de rien, ça m’apaise. Le regard en dit bien plus long que les mots.

-          Tu as raison. Continuons de ne rien dire, alors. Parce que je préfère ne rien dire que de parler de rien.

Pendant les multiples rendez-vous qui se succédèrent, le rien occupa une place importante ; et, même si parfois le rien ne rime à rien, ce chemin du rien ne leur coûtait rien, ce qui ne gâtait rien…

 

PS : prochain texte, vendredi prochain.

13 mai 2022

Le sens de la mémoire

Comme elle perdait le fil de sa mémoire, son fils lui avait acheté un cadran où étaient notés le jour, la date et les activités de la journée. Le problème c’est que maintenant elle oubliait de regarder son cadran et elle s’en désolait.

-          Un si joli cadran, disait-elle, c’est  mon ami, mais je le néglige.

Et elle ajoutait ensuite.

-          Quand je pense que j’ai même perdu le sens du calendrier !

Et là, il n’y avait plus rien à dire sinon l’aider à retrouver les fils disparus, ceux de l’heure et ceux du temps. Parfois elle s’attristait et répétait, comme s’il s’agissait d’un monologue intérieur.

-          Tout ça est bien étrange car normalement, le temps est toujours à l’heure, toujours, et il ne déroge pas à cette loi antérieure à Jésus Christ.

Quand elle voyait la vie en rose et que le soleil brillait, elle disait en souriant, aux personnes qui venaient lui rendre visite.

-          C’est gentil de venir me voir. Et si vous me donniez des mots pour combler mes trous ?

Certains s’attelaient à la tâche avec plaisir et le drap brodé de l’écriture s’étalait sur la table, entouré de rires et sourires. Les mots n’étaient pas avares. Elle non plus. L’écheveau de son humour donnait à la vie de nouvelles couleurs -  celles de l’espoir et de la joie - et,  temporairement, la mémoire restait en coulisse et ne commettait aucun crime…

PS : prochain texte, mardi.

10 mai 2022

Le lycée Portes Ouvertes

Comme l’éducation nationale laissait à désirer le proviseur du lycée – dans une foulée dangereuse peut-être - avait décidé de mettre en place le lycée Portes Ouvertes. Ce qui signifiait que les élèves venaient quand ils le souhaitaient et entraient et sortaient des cours quand ils en avaient envie, en silence, de préférence. Seulement, le silence qui auparavant était peu respecté, l’était encore moins avec ce nouveau système.

Les professeurs de l’établissement avaient eu du mal à accepter ce règlement « innovant » - comme l’avait souligné le proviseur - mais les parents, eux, étaient satisfaits. Ils ne supportaient plus ces SMS envoyés chaque jour en raison des absences de leurs enfants.

Le lycée Portes Ouvertes était aussi connu sous le nom de lycée des Droits. Point d’obligations traumatisantes pour les adolescents ou les parents. Seuls les professeurs souffraient, mais leur salaire « mirifique » les autorisait-ils à faire grève ? Certes non.

L’année suivait donc son cours. Une seule « loi » dans l’établissement : une seule note était obligatoire chaque trimestre, et de cette note – quel que soit le type d’exercice ou de devoir demandé, en présentiel ou en distanciel - suffisait à obtenir une moyenne.

Hélas, le lycée Portes Ouvertes fut le lieu d’une agression. Oh, une petite agression puisque mort ne s’en suivit pas – trois coups de poignards, qu’est-ce donc ? Un professeur avait été poignardé par trois élèves qui, malgré la somme des droits dont ils pouvaient bénéficier, n’avait pas supporté que leur seule note du trimestre ne dépassât pas le 10/20. Oui, le professeur avait eu l’effronterie de refuser de passer de 10/20 à 12/20 comme le demandaient ces trois élèves.  Comment une telle injustice pouvait-elle être supportée ?

C’est à partir de ce jour que commença la grève des élèves. De nuit, ceux-ci dormaient dans l’établissement - des tentes s’étaient aussi dressées dans le parc – et de jour, quand ils le souhaitaient, les élèves mettaient en place des cours en "autonomie". Tout au long de ces quatre longues semaines, l’entrée des adultes avaient été interdites, et aucun professeur ne s’en était plaint…

PS : prochain texte, vendredi.

6 mai 2022

Méditations

En relisant « cinq méditations sur la mort / Autrement dit sur la vie » de François Cheng, j’ai repensé à Patricia, amie de blog, puis amie sur le chemin de la vie, avant qu’elle ne sorte de ce chemin-là, et parte dans un  monde qui sera le mien aussi, un jour. Son blog s’appelait « Un autre reg’art »

Ce poème de François Cheng, je le lui dédie d’ici-bas, en espérant que « les cieux » - s’ils existent – ouvrent leurs nuits étoilées et que son âme ainsi, puisse lire ce que la poésie seule peut dire.

 

Parfois les absents sont là

Plus intensément là

Mêlant au dire humain

Au rire humain

Ce fond de gravité

Que seuls

Ils sauront conserver

Que seuls

Ils sauront dissiper

Trop intensément là

Ils gardent silence encore.

 

PS : prochain texte, mardi.

3 mai 2022

Les tatouages

En attendant son tour, elle écoutait les conversations. L’homme devant elle avait un nombre faramineux de feuilles à faire photocopier et, visiblement, il connaissait la patronne. La discussion tournait autour des tatouages. Intéressante illustration d’un aspect de la personnalité.

L’homme, d’une quarantaine d’années, disait que ses tatouages lui couvraient non seulement les jambes et les bras, mais aussi le dos. Et il annonçait qu’il allait continuer, bien qu’il en fût arrivé à la somme de 8000 euros. Elle a décidé de se glisser dans la conversation, plutôt que de se taire, et lui a dit.

-          Eh bien, monsieur, vous êtes un homme d’extrême valeur. Attention à ne pas être enlevé !

Il a souri et a ajouté qu’il ne craignait rien, et que le tatouage c’était sa vie ! Surprise, elle a continué.

-          Et vous n’avez pas peur, dans vingt ans, de ne plus avoir les mêmes goûts que maintenant.

-          Mes goûts ne changeront jamais, je le sais.

Bien sûr, elle n’a rien ajouté malgré son désir de dire – vu son grand âge - que les goûts de quarante ans, esthétiques ou autres, ne sont pas toujours ceux de soixante, et quand la peau ramollit… A ce moment-là, la propriétaire du magasin a dit.

-          Tu vois, madame t’envie, elle aussi veut des tatouages.

-          J’en ai déjà – a-t-elle répondu - mais personne ne les voit, pas même mon mari, ce sont des tatouages très particuliers.

-          Bravo, dit le tatoué, parce qu’à votre âge...

-          Enfin, particuliers, parce qu’ils sont intérieurs, a-t-elle conclu.

La conversation s’est arrêtée là. Une employée est arrivée et ses photocopies ont été faites rapidement. Elle a quitté le magasin en pensant qu’elle avait échappé au pire : un corps envahi par des étrangers aux traces visibles jusqu’à la mort…

 

PS : prochain texte, vendredi.

29 avril 2022

L’atrabilaire

Il disait toujours « J’ai pas de bol ». Sa femme souriait – c’était devenu un tic chez elle – et répondait immanquablement : « Je te plains ! »

Le problème c’est qu’à force d’être plaint, il ne plaignait plus personne. Elle aurait dû s’en douter dès le départ car, le premier jour de leur rencontre, il avait dit : « J’ai pas de bol ». D’ailleurs pourquoi l’avait-il dit ? Oui, elle s’en souvenait - pourtant c’était il y a des siècles et des siècles -, c’était parce qu’il avait reçu une amende pour excès de vitesse.

La vitesse, il adorait ça. En voiture, surtout, pas dans d’autres domaines, mais ça, au début, elle ne le savait pas. Elle aurait aimé qu’ils voyagent loin, mais le loin ne l’intéressait pas, il préférait le rien. Un jour, alors qu’elle lui avait parlé de son désir d’aller au Pérou, il lui avait même répondu, renfrogné.

-          Moi, je préfère le rien au loin. Et je mets un écrou sur le Pérou. Pourquoi pas Tahiti aussi ?

Elle s’était donc résignée au rien plutôt que de voyager loin. Et, à force de se résigner, elle avait failli tomber dans l’abîme. Seul le rire l’avait sauvée et maintenant, quand elle voulait sortir et qu’il lui répondait, acariâtre.

-          Sortir, pourquoi ? Ne me dis pas que tu vas encore sortir ?

Elle ne manquait pas de lui répondre en souriant, prudente.

-          Je suis une fille de l’air, moi. Ouvrir ses poumons et son esprit ne fait de mal à personne, non ?

-          Ah, parce que tu penses maintenant ? Eh bien moi,  je pense tout en collectionnant les riens du quotidien, et je peux te dire que ça demande beaucoup d’attention. Moi, c’est ça qui m’épanouit.

En général, après avoir écouté sa longue tirade, elle fermait la porte et partait en ville s’asseoir à la terrasse d’un café où là, au moins, les gens, s’ils cultivaient aussi le rien du quotidien, avaient la politesse de parler et de s’entendre.

PS : prochain texte, mardi.

26 avril 2022

La sirène

 

Mado

Elle regardait la sirène, lui parlait, allait de droite et de gauche. Le tout avait duré 5 minutes. Ce fut si long que son mari est revenu sur place et lui a dit.

-          Bon, alors, c’est fini ?

-          Non, je fais un repérage.

-          Elle te fait penser à quelqu’un ? Pas à Marine Lepen quand même ?

Comment pouvait-elle vivre avec un homme si bas de plafond ? Aucune réflexion, un désert de la pensée à lui tout seul. Elle a fini par ajouter.

-          C’est une sirène au long cours, de celle qui ne s’en laisse pas compter. Elle me fait penser à Brigitte.

-          Laquelle ?

-          Brigitte Macron bien sûr, pas ta mère !

Il a éclaté d’un rire tonitruant, comme d’habitude, mais il a tout de même fait l’effort de l’observer, cette sirène.

-          Ton esprit s’évade souvent ma chérie,  mais je reconnais qu’il y a matière à penser, c’est vrai.

-          Ah, tu vois ! Ça pourrait être elle, non ? Une créature avenante qui se glisse comme un poisson dans la vie politique et économique française et qui observe la nation d’en haut.

-          Tu ne vas tout de même pas me dire que Macron, c’est Ulysse ?

-          Eh bien non, crétin, si c’était Ulysse, il aurait résisté à son pouvoir de séduction !  Ou alors, c’est un Ulysse raté parce qu’il est resté avec elle.

-          Bon, s’il te plaît, on y va, parce que moi j’en ai marre de cette sirène. Dommage que tu n’en sois pas une toi, et que tu ne connaisses pas les oligarques qu’elle connait. Comme ça, moi aussi je pourrais être président plutôt que d’avoir un poste de petit cadre à la Métropole.

Elle n’a rien répondu et a laissé la sirène suivre son cours sur son promontoire maritime. Quant à elle, loin du royaume des sirènes, elle a préféré ne pas lui dire qu’elle n’aurait pas voulu l’avoir comme président de la République, déjà comme conjoint ; mais ça, c’était une autre histoire…

 

PS : photo de Mado. La « sirène des St Marcouf » m’a-t-elle dit. Prochain texte, vendredi.

 

22 avril 2022

Peut-on faire durer les choses ?

Hier, j’ai passé une petite heure à chercher une housse pour mon téléphone portable, un Samsung 2 m’a-t-on dit. Je suis allée dans une petite boutique près du palais de justice. Le vendeur a regardé « la chose ».

-          Ouf, il a au moins 10 ans celui-là. Trop vieux, mais je vais tout de même téléphoner à ma femme pour qu’elle voie si à la cave…- ce qu’il a fait et deux minutes plus tard il a dit - elle cherche et elle remontera avec la bête, si elle la trouve.

J’ai attendu donc dans sa petite boutique en observant les milles housses merveilleuses que les vitrines proposaient. Je lui ai demandé.

-          Ce sont des housses pour des portables récents ?

-          Oui, trois mois, quatre mois, 9 mois parfois…

Quel monde étrange que celui où l’on vit, ai-je pensé. Le COVID n’a rien changé au royaume des consommateurs. Soudain, une femme d’une quarantaine année est apparue avec une housse noire et m’a dit.

-          Voilà. Donnez-moi votre portable. Cette housse va marcher.

Dieu, dans sa grande bonté, était avec moi. La housse lui allait comme un gant, non pas à Dieu, mais au Samsung. Et – étrange - le prix était aussi cher que celui des housses des portables en vitrine. J’ai précisé.

-          J’espère que je pourrai la garder longtemps et même, si j’ose dire, jusque dans ma tombe.

La dame a souri et a ajouté.

-          Il y aura juste à changer la batterie, c’est tout.

Je l’ai remerciée et je suis sortie. Je me suis tout de même demandée ensuite, en marchant jusqu’à ma fidèle bicyclette, si elle ne pensait pas que j’étais sur le chemin des quatre-vingts ans alors que…

Dès demain je m’achèterai une  crème anti-rides, anti âge et haute nutrition ; peut-être que ce « trois en un » existe pour les crèmes ? Mais j’y pense, peut-on annuler ce qui est déjà « en marche »* ?

 

* "en marche", allusion à LREM

PS : prochain texte, mardi.

 

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