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Presquevoix...

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25 août 2013

L’inconnu

« Je suis un homme vague »*, lui avait-il dit alors qu’ils conversaient agréablement dans un compartiment de première classe d’un train qui les menait vers Toulouse. Elle avait simplement hoché de la tête, comme elle savait si bien le faire depuis son enfance. Avant que le train n’arrive en gare, il lui avait demandé son numéro de téléphone et son adresse. Elle les lui avaient donnés, sûre de ne jamais le voir.

Deux semaines après son retour de Paris, on sonna à l’interphone. Elle entendit distinctement une voix qui disait « Bonjour, c’est moi, l’homme vague. » Elle se souvint de ses yeux clairs et de son visage carré aux traits presque durs. Elle hocha de la tête, comme elle le faisait depuis son enfance, et appuya sur le bouton de l’interphone.

Aujourd’hui encore, elle se souvient, c’était il y a trois ans. La veille, il lui avait dit qu’il partait. Je ne reste jamais plus de trois ans, lui avait-il expliqué le plus sérieusement du monde…

 

 * phrase tirée d’un roman de Fred Vargas

23 août 2013

La transformiste

La première fois qu’elle l’avait rencontrée, dans une obscure salle de spectacle, elle lui avait dit qu’elle avait été danseuse pendant dix ans. Lors de leur deuxième rencontre – dans un bar éloigné du centre-ville - elle s’était déclarée postière, en reconversion, car elle en avait marre de pédaler depuis vingt ans. La troisième et la toute dernière fois où elle l’avait vue, elle lui avait assuré être magicienne mais, ayant fait le tour de ses tours, elle deviendrait peut-être romancière…

 

21 août 2013

La Christothèque

Il avait créé la première Christothèque de France et il espérait bien faire remonter en flèche la température de la foi catholique. En lieu et place de cocktails alcoolisés, il servait des « christodrinks » sans alcool, aromatisés à de mystérieux parfums.
L’évangélisation nocturne faisait des merveilles et, depuis l’ouverture de la Christothèque, les mariages succédaient aux mariages…




19 août 2013

L’art

Cet entrepreneur, ému par la place insuffisante accordée à l’art dans notre société, avait décidé de faire quelque chose susceptible de promouvoir les nouveaux artistes : reproduire sur chaque boîte de camembert l’œuvre d’un jeune artiste contemporain inconnu du public.

Il se demandait même s’il ne pourrait pas appeler son nouveau camembert le « Vach’art »…

 

14 août 2013

Le retour

Aussi loin qu’il se souvenait, il avait toujours aimé faire souffrir. Il se rappelait le regard apeuré de sa cousine lorsqu'il avait achevé, de ses mains, l’oiseau visé avec le petit lance pierre qu'il s'était fabriqué. Quand elle avait hurlé, il lui avait plaqué la main sur la bouche en jurant qu'il lui ferait subir le même sort si elle continuait à crier. En sentant sa chair chaude palpiter contre lui, quelque chose s'était passée et ce quelque chose là, il avait fallu qu'il le retrouve, encore et encore.


Il n'avait jamais eu ni honte, ni remords ; il était le plus fort. Torturer le faisait jouir. La première fois qu’il avait tué, c'était arrivé par hasard, et puis il y avait pris goût. Il se souvenait de la robe jaune de la première fille, le jaune l'excitait. Elle avait voulu s’enfuir, sa robe s'était accrochée aux ronces et il avait vu, sous le bustier déchiré, sa poitrine qui se soulevait par saccades. Il aurait juste pu la violer, mais elle l'avait regardé jusqu'au bout, ses yeux bleus plantés dans les siens et il savait qu’elle l’aurait dénoncé.


Jamais la police ne l’avait soupçonné. La seule erreur qu’il avait commise, c’était de retourner sur les lieux de son enfance. Après sept ans d’absence, sa mère l’avait vu revenir sans plaisir ; il ressemblait trop à son père. Dès son arrivée, elle lui avait demandé quand il repartait, et il était sorti en claquant la porte. « Le retour du prédateur, tu t'en souviendras », pensa-t-il méchamment. Il fit un tour dans le village, l’air désœuvré, pour s’arrêter enfin devant la boulangerie, il avait faim. C’est là qu’il la vit, à côté de la caisse. Elle le reconnut tout de suite. Elle avait juste dit « C’est toi ? », et sa voix avait tremblé. Il avait répondu quelque chose de banal et avait soupesé ses deux seins du regard. Il s’était rappelé sa chair chaude comme le pain et la sève était montée d’un seul coup.


Le soir, il avait attendu la fermeture du rideau de fer, tapi derrière un mur et puis il l’avait suivie. Elle semblait ne pas l’avoir remarqué et avançait en balançant ses hanches. Elle prit la route du cimetière, les maisons s’espaçaient et c’est au bout de la rue qu’il lui attrapa le bras en l’attirant à lui. Il lui mit une main sur la bouche, puis il la força à le suivre vers le bois. Elle lui opposa moins de résistance qu’il ne l’aurait imaginé. Ce qu’il se passa après, il ne voulut jamais en parler, même à son avocat…

PS : nouvelle petite pause estivale de quelques jours

 

12 août 2013

le cobaye

En parlant d’une de ses connaissances, en soins intensifs au Centre hospitalier, elle avait dit.
-   C’est quand même pas normal qu’on la prenne comme « cowboy »  dans l’état où elle se trouve !
Elle n’avait pas compris pourquoi ses interlocuteurs avaient souri, et personne n’avait eu le courage de le lui expliquer.


10 août 2013

L’échange

Je suis coiffeur, c’est une chose qui peut arriver à tout le monde*. Elle, elle est hôtesse d’accueil dans un funérarium, c’est aussi une chose qui peut arriver à tout le monde. Samedi dernier, elle a voulu que je la coiffe pour un enterrement. Je ne l’ai pas fait payer, c’est une amie. Soucieuse de réciprocité, elle m’a  proposé des tarifs promotionnels sur une gamme de cercueils.

 

* phrase extraite du livre de Max Aub : crimes exemplaires.

 

8 août 2013

L’arbre

On se promenait depuis une heure dans ce parc quand elle s’est arrêtée près d’un arbre qu’elle a entouré de ses bras en déclarant qu’il était à elle et qu’elle ne partirait pas. J’ai voulu la raisonner, je lui ai dit que bientôt la nuit tomberait et qu’on ne pouvait pas dormir dans ce parc. Elle n’a pas voulu  en démordre, non elle resterait là coûte que coûte, et elle a conclu de son air têtu.

- Si tu veux, tu peux partir !

Je dois avouer que je n’ai jamais compris les femmes.

- Tu ne vas quand même pas passer la nuit ici ? ai-je insisté.

- Tu ne comprends pas ou quoi ? Cet arbre c’est moi, le laisser là, tout seul, ça serait comme m’abandonner.

Elle était devenue folle. J’ai fait, malgré tout, une dernière tentative.

- Comment peux-tu imaginer un seul instant que cet arbre c’est toi ?

Elle me répondit par un lapidaire « Tais-toi, tu ne comprends rien ! » qui m’a fait perdre l’envie de lui poser une nouvelle question. Je suis parti sans me retourner.

La nuit que j’ai passée a été  abominable, entrecoupée de cauchemars où je la voyais aux prises avec  une meute de loups qui voulaient la dévorer…

Le lendemain, quand j’ai ouvert la porte de chez moi pour aller travailler, je l’ai trouvée assise sur le paillasson, la tête dans les mains. Quand elle m’a vu, elle s’est levée d’un bond et m’a dit le visage baigné de larmes.

- Quand je pense que tu m’as laissée là-bas, toute seule, alors que la nuit tombait, c’est vraiment dégueulasse !

Je l’ai  prise dans mes bras sans rien dire. Décidément, je ne comprends pas les femmes.

6 août 2013

L’apparition

rua7Quand il l’avait vue  surgir devant sa voiture, au feu rouge, il avait sursauté. Sans doute l’avait-il prise pour un ange descendu du ciel, mais un ange met-il des collants noirs avec une jupette ? Une minute plus tard, elle frappa à sa vitre.
-    Pour la danse, lui fit-elle
 Il chercha rapidement quelques pièces dans son vide-poche afin de les lui donner. Peut-être qu’on  se reverra au paradis, murmura-t-il en son for intérieur…  

PS : Photo prêtée par R. B. et prise à Santiago du Chili en 2013

4 août 2013

Ecrire

On écrit tous les jours, on remplit des pages et des pages sur le disque dur, on fait de la navigation côtière - au fil de soi - les personnages s’emmêlent, on plonge au cœur de l’inconscient, on se lit, on se relit, on pose des questions au narrateur, il nous répond, on lui répond…   parfois des proches croient se reconnaître, on en sourit -  comme si notre imaginaire se limitait à eux ! -, on se plie à une mise en ligne quotidienne, on attend quelque chose – quoi exactement ? – mais ce qui  vient n’est jamais ce qu’on attendait -  bien que l’on n’ait jamais  vraiment su ce que l’on attendait -  et on continue à écrire, sept jours sur sept, en déroulant la ligne de crête de son imaginaire qui, on l’espère, ne s’éteindra pas avant que l’on ne s’éteigne soi-même...

 

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