Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
9 septembre 2013

Duo

Une rentrée  en duo, avec caro-carito du blog les heures de coton. Nos textes se croisent  : son texte est sur Presquevoix, quant au mien, il  est sur son blog.

La consigne était la suivante : Une musique de John cage « Dream »  et cette citation extraite «  des mots »  de Jean Paul Sartre : « J’étais un enfant, un monstre qu’ils fabriquaient avec leurs regrets »

 

L’héritage

Ma mère m’a quitté juste avant mon cinquième anniversaire. J’avais été jusque-là un enfant. J’allais devenir un monstre qu’ils allaient fabriquer avec leurs regrets, mais je ne le savais pas encore.

Je suis devenu quelqu’un. Estampillé, diplômé, inséré. Propre sur lui, poli, lisse. Pas un cheveu ne dépassait de ma tête, pas plus qu’une idée d’ailleurs. Quelqu’un de fréquentable, de fréquenté et de rassurant, quelqu’un qui avait réussi, répondant, dépassant leurs secrètes espérances. Marié, enfants, maisons, vacances salutaires en bord de mer. Je leur dissimulais l’envers de leur rêve, ma part d’ombre soigneusement soustraite à leurs regards.

J’ai assisté à ma première séance d’hypnose par hasard. Une lubie dans laquelle un ami qui déraillait m’a entraîné. La déferlante d’émotions qui jaillit m’asphyxia littéralement. Je rentrai chez moi, abasourdi. Le sommeil me devint étranger. Je retournai à l’adresse que j’avais notée sur mon agenda. Je sortis de la séance dans le même état de choc que la fois précédente.

Je les revoyais, eux tous, eux trois. Mon père, ses regrets de ne pas avoir pu su réussir, d’avoir été quitté, trompé par sa première femme. D’être laid ; plus, de se savoir médiocre. Ma belle-mère, de s’être jeté au cou de mon père par compassion, par pitié, par solitude et s’être rendu compte très vite, qu’on ne se déprend jamais de sa solitude. Regrets conjoints que je ne sois pas parti avec l’absente. Regrets que, malgré ma réussite, je n’ai pas éclaboussé d’un destin exceptionnel leurs existences minables. Tout ce que j’avais si bien raté pendant mes quinze ans avec eux. Tout ce qu’ils avaient laissé sous silence. Quant à ma mère, ma vraie mère, les seuls mots d’elle me parvinrent pour mes 18 ans sous forme d’une lettre sans adresse. Des mots bouffis de remords, imprégnés de bons sentiments, gonflés d’absence.

J’ai envoyé tout valdingué, démarré l’hypnose, laissé entrer le présent. Devenu thérapeute, j’ai tenu à distance la nostalgie qui rend la vie pâteuse et enchaîne si bien actes et pensées. Je crois avoir divorcé à ce passage-là de ma vie, sans plus de déception que n’éprouvent ceux qui savent leurs gestes entrecoupés d’erreurs.

A posteriori, je n’attribue plus ce bouleversement à cette première séance hypnotique. Il m’a fallu attendre de décrocher mon téléphone pour prendre à nouveau rendez-vous et entendre la musique d’attente qui retentit pendant de longues minutes. Dream de John Cage que ma mère avait écouté en boucle avant de s’enfuir et dont, plus tard, l’écho  adoucirait mes nuits orphelines. Cette musique dont j’avais perdu le nom. Ce jour-là, quand j’osais demander à M. Erik P, thérapeute, qui en était le compositeur, je sus qu’il me fallait agir.

Depuis, j’ai endormi le monstre, tenu en joue les fantômes amers. Les yeux ouverts, j’ai emboité le pas au rêve.

Caro Mennesson

7 septembre 2013

Le tag

Il laissait un tag « SMK » sur tous les murs du quartier Ouest de la ville.  Un beau matin, elle découvrit le même tag sur la porte blanche de son garage. SMK, réfléchit-elle… ce type devait marquer son territoire selon une bonne vieille technique canine et SMK ne pouvait signifier que Super Méga Konnard.

5 septembre 2013

Destin

Ils s’étaient mariés dans l’intimité : un mariage à l’église avec la famille proche et un repas dans une salle de restaurant banale, sans fleurs, où la nappe blanche préfigurait la page qu'il leur restait à écrire.

Quand elle avait regardé les photos du mariage de ses parents, vingt ans plus tard, elle avait eu l’impression qu’il s’agissait d’un enterrement ; le visage compassé de sa tante, celui, fermé, de sa grand-mère, les traits assombris de son père et le sourire contraint de sa mère laissaient  présager le pire.

Un an après le mariage - dans une partition tragique que le destin semblait avoir tracé au moment où leurs vies furent scellées sur l’autel du mariage - son père mourut dans un accident de voiture, sa mère lui survécut et, en elle, continua à vivre le fruit de leur union qui n’avait  que trois mois : elle.

 

3 septembre 2013

Famille

Il n’y a qu’un bruit que je ne supporte pas  - avait-elle déclaré à table en plantant ses yeux dans ceux de son gendre – celui de la mastication ! Lui continuait de mâcher,  imperturbable, mais  il finit par dire comme à regret. 

- Excusez-moi belle-maman, mais on n’a pas tous été élevé dans le même milieu !

Sa belle-mère ne répondit pas, mais elle continua de le regarder, comme si elle attendait que quelque chose se produise…

 

1 septembre 2013

La grosse dame

La grosse dame d’un mètre cinquante était entrée dans le métro avec ses deux enfants  de quatre et huit ans. Un monsieur, très maigre, s’était levé pour lui laisser sa place. Contre toute attente, la grosse dame y installa sa fille et resta elle-même debout. La voyageuse assise à côté de la petite fille ne put retenir une grimace qui enlaidit davantage son visage. Sans doute blâmait-elle la grosse dame de ne pas s’être assise elle-même. La même idée m’a traversé l’esprit puis, mon regard a été attiré par un homme au visage sévère qui, les deux mains accrochées à la barre verticale, ressemblait à un capitaine de vaisseau. Vers quel port naviguait-il ?

29 août 2013

Pause

20130728_141402Nouvelle pause !

 

Retour le dimanche premier septembre avec, afin de préserver ce qu'il me reste d'inspiration, une publication tous les deux jours.

 

 

PS : photo prise par C. V. à Strasbourg en juillet 2013.

28 août 2013

La belle-sœur

Planté devant son rosé comme devant un gouvernail, avec le comptoir comme ligne d’horizon, il racontait l’histoire suivante :

A l’enterrement de ma belle-sœur, on a passé trois heures au restau. On a tellement picolé qu’on n’était pas loin d’être bourré. Quand on est sorti, on a pris nos voitures ; pas de chance, mon beau-frère a eu un accident. Un mois plus tard, on se retrouvait dans le même restau pour son enterrement. Je peux dire que ce jour-là, on a moins picolé… personne voulait être le suivant !

27 août 2013

Bord de mer

20130817_091756Depuis cinq ans, elle avait élu domicile en bordure de mer, dans une station balnéaire battue par les vents. Son rythme s’était calqué sur celui des  marées. Elle marchait sur des chemins d’embruns sans penser à ce qui l’attendait, bercée par le ressac et le vacarme des goélands argentés.  Elle avait parfois songé à s’installer ailleurs, en vain. Comment se résigner à abandonner la grève où les coquilles brisées de ses souvenirs secrétaient le goût d’un sel oublié ?

 

PS : photo de C. V. prise à Saint Valéry en Caux en aout 2013.

25 août 2013

L’inconnu

« Je suis un homme vague »*, lui avait-il dit alors qu’ils conversaient agréablement dans un compartiment de première classe d’un train qui les menait vers Toulouse. Elle avait simplement hoché de la tête, comme elle savait si bien le faire depuis son enfance. Avant que le train n’arrive en gare, il lui avait demandé son numéro de téléphone et son adresse. Elle les lui avaient donnés, sûre de ne jamais le voir.

Deux semaines après son retour de Paris, on sonna à l’interphone. Elle entendit distinctement une voix qui disait « Bonjour, c’est moi, l’homme vague. » Elle se souvint de ses yeux clairs et de son visage carré aux traits presque durs. Elle hocha de la tête, comme elle le faisait depuis son enfance, et appuya sur le bouton de l’interphone.

Aujourd’hui encore, elle se souvient, c’était il y a trois ans. La veille, il lui avait dit qu’il partait. Je ne reste jamais plus de trois ans, lui avait-il expliqué le plus sérieusement du monde…

 

 * phrase tirée d’un roman de Fred Vargas

23 août 2013

La transformiste

La première fois qu’elle l’avait rencontrée, dans une obscure salle de spectacle, elle lui avait dit qu’elle avait été danseuse pendant dix ans. Lors de leur deuxième rencontre – dans un bar éloigné du centre-ville - elle s’était déclarée postière, en reconversion, car elle en avait marre de pédaler depuis vingt ans. La troisième et la toute dernière fois où elle l’avait vue, elle lui avait assuré être magicienne mais, ayant fait le tour de ses tours, elle deviendrait peut-être romancière…

 

Presquevoix...
Newsletter
9 abonnés