Pourquoi ?
D’une voix douce, dans la chambre où ils se retrouvaient depuis un mois, elle avait dit à l’inconnu.
- Je voudrais tuer les gens pour les protéger.
Calme et non dénoué d’humour, celui-ci lui avait conseillé d’aller « rue du pourquoi-pas »
- Pourquoi ? avait-elle dit.
- Pourquoi pas ? avait-il répondu
Rue du pourquoi-pas, l’air était raréfié et elle sentit immédiatement des maux de ventre qui l’obligèrent à s’arrêter. Elle observa une suite de maisons toutes aussi sombres les unes que les autres pourtant, des fleurs rouges décoraient les balcons. Etaient-ce elles qui avalaient l’air et le gardaient dans leur pistil ?
Soudain un homme vêtu de noir s’approcha d’elle. Elle le salua poliment. Il lui adressa la parole.
- Pourquoi avez-vous choisi cette rue ?
- Désolé monsieur, Je ne peux pas vous répondre car je ne vous connais pas.
- Vous ne me connaissez pas, mais moi je vous connais depuis longtemps.
- D’où ?
- Toutes les vérités ne peuvent être dites. Elles sont si nombreuses !
- Que risque-t-on à dire une vérité ?
- On risque de perdre l’autre, répondit-il, et il plongea ses yeux dans les siens, comme s’il était à la recherche d’un paysage oublié.
- Pourquoi m’observez-vous ?
- Je suis de ceux qui observent et parlent peu. Dites-moi, jeune demoiselle, pourquoi ne pas vouloir vous tuer vous-même, plutôt que de tuer les autres ? Moi c’est ce que j’ai fait et voyez le résultat.
Elle le dévisagea attentivement. Ce type était-il fou ou était-ce elle ?
- Dites-moi quelle vie serait la mienne si moi aussi je me tuais ?
- Vous auriez une vie sans rêve aucun et vous rentreriez au cœur de l’angoisse de ceux qui sont restés vivants. Certains acceptent qu’on les aide, mais ils sont rares.
- Et comment les aide-t-on ?
- En désenvoutant la maison aux volets clos où ils survivent.
- Croyez-vous que moi aussi je vis dans ce lieu-là ?
- Bien sûr.
- Comment vivre ailleurs ?
- Commencez à voir la plainte qui hante votre cœur et surtout, ne demandez jamais réparation, ce n’est pas possible. Vous devrez accepter ce qui a été et avancer, c’est à cette seule condition que vous pourrez entrer au pays de vos rêves.
Avant de partir, l’homme lui avait dit en souriant.
- Essayez, que risquez-vous ?
- Pourquoi pas ? fut sa seule réponse.
Jamais il ne lui reparla mais de temps à autre il l’observait. Quand il comprit qu’elle ne vivait plus dans un écran de fumée et ouvrait ses yeux à la vie, il eut presque eu envie de pleurer, mais lui ne pouvait plus pleurer, il n’était plus vivant.
PS : prochain texte, lundi 26.