Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
12 mars 2014

Le miroir grossissant

Le jour de son anniversaire – elle portait un âge qu’elle ne disait plus – elle s’était jurée de se regarder sans complaisance. A 10 heures exactement – l’heure de sa naissance -  chaussée de ses lunettes de presbyte, elle s’observa à la lumière du jour dans le miroir grossissant. Fortement éprouvée, elle tomba dans un état cataleptique dont elle ne sortit qu’à l’arrivée de son mari, quand celui-ci lui demanda si le repas d'anniversaire était prêt...

 

 

12 mars 2014

Les photos

Elles étaient toutes les deux assises dans le salon. Une douce fin d’après-midi où le soleil terminait élégamment sa course dans le ciel. Soudain l’une dit à l’autre.

- Tu te souviens quand tu  as dit à la femme de Michel qu’elle était mieux en photo qu’au naturel ? Tu as même ajouté que si elle ne t’avait pas dit que c’était elle sur la photo, tu ne l’aurais même pas reconnue !

L’autre répondit outrée.

- Moi ? J’ai dit ça ? Franchement, ça m'étonnerait, parce que les photos des autres, je les regarde jamais, ça m’intéresse  pas !

10 mars 2014

Le dîner

20 heures, toujours rien ; les doigts du père pianotent sur la toile cirée ; regards, silences. La pintade arrive sur la table.
-    J’ai préféré la pintade à la dinde, la viande est plus fine, dit ma mère pour faire diversion.
Elle, elle n'est toujours pas là. Qu’est-ce qu’elle fait ? Quand elle arrivera, elle dira sans doute que le bus a eu du retard ou qu'elle a rencontré quelqu'un. Moi, je sais que le « quelqu'un », c'est celui qui remplit son vide, celui qui lui dit qu'elle est plus belle que les plus belles ; et elle le croit ! Que les filles sont connes !
Mais la voilà qui arrive et tout le monde fait semblant de rien. Elle s'installe à côté du père ; il ne la regarde même pas. Elle a les lèvres roses un peu fatiguées de celle qui a trop embrassé.
Je suis sûr qu'elle a couché avec lui.

8 mars 2014

Promenade

ciel

 

 

 Promenons-nous dans les jardins du ciel

Avec, pour mémoire,

Des presque-rien

Des exercices d’admiration

Et des mensonges de bonheur…

 

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 mars 2014

C’était elle

-          Pourquoi me regardez-vous comme ça* ?

-          Je ne sais pas moi…  parce que je vous trouve belle !

-          C’est ça, foutez-vous de moi en plus ! Et elle lui tourna le dos ostensiblement.

Il survola le rayon littérature étrangère sans la perdre des yeux.  Belle, elle ne l’était pas au sens classique du terme, mais elle avait touché quelque chose en lui. Elle avait soulevé une petite pierre, là, au creux de l’enfance, et ce qu’il y avait sous la pierre venait de sortir de l’ombre.

Elle alla au rayon BD, il la suivit ; elle se dirigea vers le rayon CD, il lui emboîta le pas, mais elle stoppa net au milieu du rayon DVD.

-          Vous n’avez vraiment rien de mieux à faire que de me suivre ?

-          J’ai décidé de vous consacrer ma journée.

-          Vous m’avez demandé mon avis ?

Il parut surpris, ne répondit rien et elle continua.

-          Il faut toujours demander aux femmes leur avis ! La prochaine fois, vous saurez !

Et elle le planta sur place sans qu’il ait eu le temps de lui dire qu’elle ressemblait à la femme qu’il aurait voulu aimer.

 

* phrase extraite d’une nouvelle de Jacques Sternberg « La Bifurcation »

4 mars 2014

Le lapsus

Il lui avait dit  : « Quand tu seras morte, tu bénéficieras de mon assurance-vie ». Ce lapsus lui avait mis la puce à l'oreille. Etait-ce à cause de la tête d’enterrement qu’elle « arborait » depuis quelques mois ou voulait-il prématurément la glisser dans un linceul ? Elle eut un long silence pour toute réponse car elle ne lui formula aucune des deux hypothèses retenues.

Seulement, depuis ce jour-là, elle se méfiait de lui…

2 mars 2014

Le théâtre

Au théâtre – il prenait des cours en amateur  depuis 10 ans – pour chaque spectacle de fin d’année, on lui choisissait systématiquement des rôles de « vieux con », de père colérique ou de  mari tyrannique. Et à chaque fois, le public s’extasiait en lui demandant : c’est un rôle de composition ?

Il répondait en souriant : Eh oui, dans la vie je ne suis pas comme ça ! Mais il finissait par s'interroger : n’y avait-il  pas chez lui un terrain favorable ? D’ailleurs, sa femme  lui avait souvent dit que le théâtre déteignait sur lui, ou peut-être était-ce l’inverse ?

 

 

28 février 2014

Duo

Nouveau Duo avec Caro du blog " les heures de coton ". Un voyage sur le blog de Pastelle - " les lumières de l'ombre" - nous a fait découvrir la photo qui a inspiré nos textes. Pour la voir, insérée dans le contexte de l'article, c'est ici.

Ci-dessous, vous pouvez lire le texte de Caro, le mien est sur son blog.

 

 

_____________________________________

 

Les amants parfaits ou la rumeur

 

statue« Ils parlent. Je les ai entendus hier en rentrant. Une sorte de murmure, mais les mots étaient aussi distincts que s’ils étaient vivants. »

Je jetai un coup d’œil à Armand. 80 ans, plutôt alerte, silhouette fine, en noir et blanc. Je le connaissais depuis un an exactement depuis que je fréquentais le cours de tai chi. Je n’ai jamais rien eu d’une chercheuse d’équilibre intérieur, mais, à l’époque, j’avais eu besoin d’un prétexte pour me sortir de mes quatre murs. Un mec de perdu, le genre de ceux qui comptent, et plusieurs mois à transformer un appart décati en lieu de vie agréable ; finalement une solitude qui, plus qu’un vide, se révélait pour moi un échec. Luna, amie d’enfance fidèle — cette chère et indispensable Luna — m’avait convaincue de l’accompagner. Le groupe de tai chi s’était révélé correspondre à mon besoin de rencontre en conservant quelques distances. J’étais restée.

 « Ils parlent. Je les ai entendus hier en rentrant. Une sorte de murmure, mais les mots étaient aussi distincts que s’ils étaient vivants. »

Je n’ajoutai rien aux étranges répétitions du vieil homme puisque, d’expérience, une statue ne parle pas. En rentrant chez moi, je décidai de passer sur le pont. En dépit de la nuit, ils étaient là, blancs, étincelants, émouvants. Muets. Parfaits. Oui, des amants parfaits.

Les jours suivants, je surpris à nouveau Armand, puis d’autres, à rapporter des propos identiques. N’importe quand, n’importe où ; le matin en allant au travail ou au moment de payer mon pain, en flânant, à la télé, sur le web. Des mots qui enflaient. Nourrissant la rumeur.

Étaient-ce les propos du vieillard ou simplement l’ennui, mais le tai chi avait fait son temps. Le soir même, Luna, amie d’enfance fidèle — cette chère et indispensable Luna — m’appela. Je lui avouai que, oui, je sortais toujours avec elle samedi soir, que, non, plus de tai chi. Plus de tai chi, répétai-je en silence en raccrochant. Fini.

La vodka exhale toujours ce goût particulier quand on n’y a pas touché depuis un petit temps. Je regardais son reflet de lagon dans la lumière du Moonlight Story. C’est là que Luna, les autres, commencèrent à gloser sur les amants parfaits. Je pris une gorgée brûlante et je sentis en même temps la rumeur enfler. On parlait de séparation, de haine, de dégoût, d’usure. Ils ne s’aimaient plus, et même la mairie parlait de les déplacer dans un parc de l’autre côté de la ville. Ou sur île. Déserte tant qu’à faire !

Je ne sais plus, mais les murmures furent vite avalés par les décibels d’une boîte à la mode et par la nuit rêche qui suivit.

Là, au matin, je les quittai. Il faisait gris, l’appart avait cette sale gueule des lendemains de fête. Je descendis dans le bistrot qui ne semblait jamais devoir fermer. Je commandai un café, un double pour faire passer les deux aspirines. Je saisis quelques bribes de la conversation de la femme et des deux mecs au comptoir : « Lui c’est un salaud. Il fait son faiblard, mais au fond ce n’est qu’un manipulateur ! » Je remarquai une tache sombre sur le bois de la table ; la rumeur lui ressemblait, elle ne partirait jamais, elle ne les quitterait plus, les amants parfaits.

Je suis retournée les voir.

Au bout du quai qui longe le Rhône, je surprends un groupe de hérons efflanqués en équilibre sur une jambe. Dans le parc qui longe la rive, je ne peux discerner ni Armand ni les autres, il fait trop sombre. De toute façon, ce taï truc n’est pas pour moi. Par contre, je leur fais face, je les sonde tous deux, corps d'albâtre emmêlés, lui si fort, lui si faible. Je me demande si toutes ces bouches qui ont embrassé la rumeur, tous ces regards qui les ont détaillés, tous ceux-là qui les ont salis, dénigrés, excusés, rabaissés, admirés. Je me demande, oui, s’ils ont vu que l’un est l’autre, que l’un ne se fond que dans un soi-même que l’on porte, que l’on aime, que l’on trahit ?

 

 

26 février 2014

L’envolée

Raphaelle

Elle resta longtemps devant la corde lisse, le visage impassible, un temps qui parut infini au public. Soudain elle monta ; lentement d’abord, puis de plus en plus vite jusqu’à atteindre le haut du chapiteau, en crever la toile étoilée et  continuer, opiniâtre, droit vers le ciel sur sa corde chimérique. Quand elle ne fut plus qu’un point, les spectateurs baissèrent les yeux et regardèrent la piste dans l’attente du numéro suivant. Soudain, des cris étranges envahirent le chapiteau et l’homme-oiseau fit deux voltes vertigineuses sur son trapèze argenté ; le public oublia aussitôt la jeune femme à la corde lisse pour se concentrer sur les performances de l’étrange volatile…

 PS : photo prêtée par R.B. de la compagnie Wild line

24 février 2014

Le cimetière

Il avait déjà réservé son emplacement au cimetière du Montparnasse et une petite tombe,  toute simple, l’attendait dans l’avenue H. C’est d’ailleurs là qu’il s’asseyait tous les jours avec un livre, histoire de s’habituer…

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés