l’IFALC
Depuis peu, elle était devenue membre de l’IFALC* et avait pris sa carte. Hélas, devenir membre n'empêchait nullement les écarts de conduite !
*sigle signifiant : Il Faut Arrêter Les Conneries
Depuis peu, elle était devenue membre de l’IFALC* et avait pris sa carte. Hélas, devenir membre n'empêchait nullement les écarts de conduite !
*sigle signifiant : Il Faut Arrêter Les Conneries
La solitude frappait toujours à 15 h 49 et ne cessait que lorsqu’elle s’échappait dans le monde du sommeil.
Pourquoi cette heure-là ?
Parce que c’était l’heure exacte de sa naissance dans un monde où elle n'avait été désirée ni par son père, ni par sa mère.
PS : composition réalisée par mes bons soins.
De temps en temps, il lui parlait de son « ex », devenue son amie grâce à facebook. Et un beau jour, curieux de voir les effets du temps sur cette femme dont il s’était séparé dix ans plus tôt, il a décidé de la revoir. Ce n’était pas une rencontre que sa femme trouvait très « saine », mais que pouvait-elle dire ?
Quand il est revenu, elle lui a dit.
- Alors ? Tout s’est bien passé ?
Il a répondu, avec une pointe d'admiration.
- Marie n’a pas changé.
Il a même ajouté – la voix rêveuse - et ça, sa femme ne lui a pas pardonné.
- Je me demande même pourquoi je l’ai quittée…
Elle s’amusait à faire des condensés de réalités complexes ; elle en était même arrivée à faire tenir sa vie en une courte phrase. A quoi bon continuer à faire de longues démonstrations quotidiennes une année encore ?
On l’appelle « bonne année », parce que quand il a commencé à travailler il ne savait dire que ça.
Il est posté à la sortie de la boulangerie, tous les dimanches, et Il tend la main, debout, un sourire inaltérable accroché aux lèvres. Chaque client a droit à un bonjour et une bonne journée, avec une intonation propre à celle de sa langue maternelle.
Je me demande combien il gagne. Les gens sont-ils plus généreux à la sortie de la boulangerie qu’à la sortie de la messe ? Un homme qui faisait la manche à la sortie de l'église de la Madeleine, m'avait "avoué" que, si les catholiques étaient polis et souriants, ils étaient loin de desserrer facilement les cordons de leur bourse. Il est vrai que la théorie est toujours plus facile à mettre en place que la pratique...
PS : prochain texte le 2 janvier 2016 et... Bonne Année 2016, comme il se doit.
Après avoir acheté des harengs au marché, elle était revenue sur le parvis de l’église et en avait lancé quelques-uns aux goélands dont les cris déchiraient l’espace. Ceux-ci ne s’étaient pas fait prier et avaient fondu sur les poissons. Un passant l’avait hélée, agacé.
- Plutôt que de donner à bouffer aux goélands, vous feriez mieux de donner votre fric aux restos du cœur.
Elle répliqua.
- Les gens n’ont qu’à aller travailler !
Le type lui fit un bras d’honneur et passa son chemin en bougonnant : Connasse, on voit bien que t'as pas à en chercher du boulot !
PS : prochain texte le 30 décembre
Depuis 10 jours, tout le monde lui demandait ce qu'elle ferait à Noël. Mais qu'est-ce que ça pouvait bien leur faire à tous ? Pourquoi lui demandaient-ils ça alors qu'ils s'en fichaient complètement, que la seule chose dont ils se souciaient, c'était d'eux ?
A la quinzième question identique - avait-elle choisi inconsciemment sa victime ? - elle répondit énervée.
- Ecoute, à Noël, comme tous les ans, je vais rester chez moi. Pas de famille, pas d'amis, pas de sortie, télé et au lit. Tu vois, si c’est ça que tu voulais savoir, tu auras un Noël beaucoup plus heureux que le mien ! Tu veux aussi savoir comment je vais passer le nouvel an ?
Son collègue resta pétrifié. Elle sourit intérieurement, satisfaite de l’effet produit. Elle allait partir quand il articula péniblement, comme sous l’effet d’anxiolytiques.
- Eh bien justement, je voulais te demander si tu voulais passer Noël avec moi ? Ne te crois pas obligée de me répondre tout de suite
- Quoi, dit-elle médusée, tu veux que je vienne dans ta famille ?
- Je n’ai pas de famille.
Elle aurait pu répondre oui, tout de suite, mais sa misanthropie profonde la privait de toute spontanéité. Elle l’observa à la dérobée. Certes, elle le trouvait plutôt agréable dans l'ensemble, mais toute une soirée avec lui, ne serait-ce pas insoutenable ? Et de quoi parleraient-ils ? Parce que ce ne serait pas comme au bureau où elle se contentait d’échanges stéréotypés. Et n’exigerait-il pas d’elle des choses qu’elle ne pourrait donner ?
- Je te préviens, je suis un peu misanthrope, asséna-t-elle.
- Moi aussi, répondit-il.
- Et puis je déteste cuisiner.
- Pas de problème.
- Et surtout, je n’éprouve aucun sentiment particulier pour toi, crut-elle bon d’ajouter.
- Pas grave.
- Tu es sûr ?
- Mais oui. D’abord, tu n’es pas mon genre, si cela peut te rassurer.
Elle accusa le coup et répondit.
- Bon, très bien.
Il lui donna son adresse et l’heure d’arrivée, puis ajouta.
- Tu peux apporter une bouteille de vin, à moins que tu ne sois hostile à toute consommation d’alcool.
Elle sourit.
- Sans vin, je risque d’être limite hostile, il vaut mieux que j’apporte une bouteille, voire deux.
Et elle partit rapidement, de peur de changer d’avis…
PS : Photo prise par GB. La place de la cathédrale, à Rouen, version fêtes de fin d'année. Le prochain texte sera mis en ligne le 26 décembre.
Il expliquait aux élèves les fonctions continues quand il les a tous vus ranger leurs affaires. Il restait pourtant une demi-heure de cours. Jamais une telle chose ne lui était arrivée de toute sa carrière. Affolé, il leur a demandé la voix tremblante : mais qu’est-ce que vous faites ?
Et, en cœur, les élèves lui ont répondu.
- C’est l’alarme incendie M’sieur !
- Hein ? Quoi ? Bredouilla-t-il, honteux que sa surdité ne lui ait pas permis d’entendre l’alarme.
Reprenant la dignité dont il aurait dû faire preuve dès le départ, il leur a dit.
- Bon, dépêchez-vous et laissez vos affaires, c’est peut-être un exercice, mais on n’a pas droit à l’erreur !
Il essayait de faire un rapide calcul : est-ce qu’en sautant de la nacelle il pourrait atteindre la croix pour rejoindre le Sauveur et quitter définitivement la grande roue de la vie ?
S’il en avait parlé à quelqu’un, on lui aurait dit qu’il manquait de perspective et qu’il valait mieux attendre. Mais il ne trouva personne à qui parler…
PS : photo de la grande roue installée sur la place du vieux marché à Rouen.
Elle entre en traînant les pieds, le visage fermé, bougonne, s’assied, sort son cahier parce que j’insiste vraiment et laisse son sac sur les genoux – c’est mieux pour consulter son portable. Quand je lui demande si son travail est fait, elle déclare ostensiblement que non et s’étonne que je m’étonne, puisque je n’ai soit disant rien donné le cours précédent. Elle répond aux questions de façon renfrognée - quand elle daigne répondre - sinon elle bavarde avec son voisin ou regarde par la fenêtre.
« Il faut les faire rêver » – m’étais-je entendu dire il y a plusieurs années lors d’une inspection. Les faire rêver ? Ah oui ? Comment ? L’inspectrice n’avait pas osé me montrer comment faire ce jour-là. Sans doute n'était-elle pas encore tout à fait sûre de l'efficacité de ses "artifices" pédagogiques.
Hélas donc, je ne sais toujours pas les faire rêver. Je ne sais pas les faire rire non plus, mon humour n’est pas le leur. Ce qui me fait rire – je sais, je deviens sadique avec l’âge – ne déclencherait aucune hilarité chez eux, je le crains...