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Presquevoix...
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3 juin 2010

Le lycée ou la fabrique du désarroi

Il n’a rien fait pendant l’année, mais cette absence de travail date de plus loin encore... En fin de troisième on l’a orienté en seconde, pas de projet, on ne voulait pas le garder au collège : la politique des quotas est implacable ! Alors  il est arrivé au lycée avec son paquetage d’élève presque mauvais à tout. Le professeur lui demande de rester à la fin du cours pour une petite mise au point :
- Qu’est-ce que tu veux faire plus tard Kevin ?
- Je veux être gendarme.
- Oui, mais pour être gendarme il faut étudier, avoir son bac.
- Alors je serai chômeur.
- Oui, mais pour être chômeur il faut déjà avoir travaillé.
- Alors je me suiciderai.
Le professeur le regarde ahuri et rien ne lui vient à l’esprit.
Oui, le lycée fabrique  du désespoir et de l’impuissance – tant du côté des élèves que du côté des professeurs -  et la réforme à venir va contribuer à le transformer en une usine à gaz beaucoup plus puissante encore.

31 mai 2010

Le bulletin de notes

Il était entré sans faire de bruit, mais son père l’avait entendu. Il allait devoir lui parler du bulletin. Son père lui demanda tout de suite :
- Le bulletin, tu l’as ?
- Tiens, dit-il simplement, puis il  recula immédiatement ; l’instinct de survie.
Après avoir parcouru le bulletin, son père manqua de s’étouffer. Il inspira à grand peine puis  lui demanda s’il se foutait de la gueule du monde. Le fils préféra se taire. Soudain, son père froissa le bulletin, se rua sur son fils, lui ouvrit la bouche et lui fourra le bulletin à l’intérieur en hurlant :
- Et maintenant tu vas me le bouffer ton putain de bulletin de merde, tu vas voir ce que c’est de digérer tes notes à la con, depuis le temps que je te dis de bosser et que tu fous rien !
L’enfant se débattait, mais la main de fer du père l’enserrait. Il continua à hurler :
- Tu veux être manutentionnaire comme moi, c’est ça ! Tu veux en chier toute ta vie pauvre con !
L’enfant était au bord de l’apoplexie. Il finit par le relâcher, lui mit un coup de pied aux fesses et lui dit d’aller dans sa chambre avant qu’il ne le massacre.
Une fois l’enfant parti, le père sanglota sur le canapé. Pourquoi la vie ne l’épargnait-elle pas, n’en avait-il pas assez bavé comme ça ?

PS : brève écrite à partir d’un fait divers lu dans Libération.

28 mai 2010

Putain !

Elle entendait souvent son fils de 8 ans dire “putain” à tort et à travers. Ça ne pouvait plus durer. Comment avait-il pu prendre d’aussi tristes habitudes ? Certainement pas avec elle qui prenait un soin particulier à  s’adresser à lui avec un vocabulaire choisi. Hélas, cet enfant ne tenait pas d’elle. Même physiquement il ne lui ressemblait pas.
Le père de l’enfant aussi s’étonnait de ce langage de charretier. D’ailleurs, lorsque sa femme lui exprima son inquiétude, il réagit violemment :
«  Putain, on ce demande par qui il a été élevé ce gamin ! »

PS : texte écrit à partir d’une brève lue sur le site « une vie de merde ».

25 mai 2010

L’échalote

Elle lui dit d’une drôle de voix  :
- Si tu m’aimais vraiment tu mangerais de l’échalote !
Il ne sut que  répondre. Qu’est-ce que l’échalote avait  à voir avec l’amour ? Décidément elle mélangeait tout. Il se demandait même si elle ne devenait pas un peu folle. Comme il se taisait elle enchaîna :
- Si tu laisses l’échalote sur le bord de l’assiette c’est bien à cause de l’haleine, non ?
- Et alors ? Tu crois peut-être que je vais embrasser mon chef de service à pleine bouche ?
Elle resta silencieuse mais le soir, quand il rentra, elle n’était pas là et il eut droit au mot sur la table de la cuisine, comme d’habitude :
« Je suis partie chez ma mère pour quelques jours. Nous ne nous comprenons plus. »
Il se fit réchauffer un plat et s’affala devant la télévision : le bonheur. Il faudrait qu’il pense à arrêter définitivement l’échalote.

24 mai 2010

Le blog de l’autre

Paul s’était inventé un personnage qu’il mettait en scène sur un nouveau  blog. Au début ce n’était que le jeu d’un autre JE. Dépressif, solitaire, désinséré, boulimique et en manque d’amour, son nouveau personnage égrenait son intimité désespérée au fil des textes et les visiteuses affluaient ; la noirceur n’excite-t-elle pas la compassion des femmes ?
Mais au gré de ses réponses aux nombreux messages de sympathie de ses lectrices, Paul s’était pris au jeu et la dépression pointait  à l’horizon. Déjà, la veille, il s’était surpris à ne pas vouloir sortir de chez lui, comme l’autre...

21 mai 2010

Landru et la voisine

Hier, la voisine l’a entrepris dès qu’il est sorti de chez lui. Il a bien fait semblant de ne pas la voir mais elle, l’avait vu. Comme à son habitude elle a ressorti sa litanie de griefs contre la société d’aujourd’hui. Et plus elle parlait, plus elle s’exaltait ; jusqu’au moment où elle lui a dit :
- Avant, au moins, les gens étaient polis !
Agacé, il lui a répondu :
- Et Landru ? Il était poli, Landru ?
Elle s’est immobilisée un instant puis a rétorqué en bougonnant :
- Landru c’était un cas particulier.

20 mai 2010

Comment tu vas ?

A chaque fois qu’il me demandait  de mes nouvelles, il n’attendait jamais ma réponse et  me donnait des siennes. Souvent elles étaient mauvaises, forcément.  Un jour, je n’ai pu m’empêcher de le lui faire remarquer. Il m’a regardée étonné et m’a répondu :
- Tu veux dire que je ne sais toujours pas comment tu vas depuis deux ans qu’on se connait ?
- Eh oui, ai-je soupiré fataliste.
Il m’a observé longuement, a hoché la tête et m’a dit tristement :
- Ma foi, tu as l’air d’aller plutôt bien.

17 mai 2010

Le danseur de tango

Il s’était mis au tango à 50 ans. Troublé par le corps de ses partenaires, il en oubliait souvent les pas les plus simples. Son professeur crut bon de l’avertir :
- Si tu continues comme ça, jamais tu ne pourras faire de compétition !
Lui se moquait de la compétition ; ce qu’il voulait c’était sentir le corps des femmes pressé contre le sien...

16 mai 2010

Quelques notes de musique

Il lui avait juste dit :
- Si tu siffles les premières notes de notre chanson  ça voudra dire que tu m'aimes.
Elle n'avait pas sifflé et il était parti, aussi vite qu’il était venu. Longtemps elle l’avait attendu, flottant au gré d’une partition inachevée.
Quand elle le revit par hasard, quinze ans plus tard, le pas énervé et la voix tranchante, elle remercia le ciel  de ne lui avoir jamais appris à siffler…

PS : Texte écrit dans le cadres des « impromptus littéraires »

13 mai 2010

La statue

Dès le mois de mai, elle venait tricoter devant la statue d’Antinous . Elle avait pris ce pli depuis qu’elle était à la retraite. Tout en  tricotant, une maille à l’endroit une maille à l’envers, elle se prenait à rêver devant ce corps parfait. La veille, elle avait même passé sa main noueuse sur la pierre lisse. Heureusement, personne ne l’avait vue…

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