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Presquevoix...
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14 juillet 2010

Le cygne

Le cygne blanc du square Verdrel la narguait. Son long cou gracile ondulait en glissant sur l’eau vert-sombre, il passait et repassait devant elle et à chaque passage elle avait l’impression qu’il riait de son cou en agitant ses plumes.  En rentrant dans son studio, au quatrième étage du numéro 11 de la rue massacre, elle se posta immédiatement devant le miroir de sa chambre et observa son cou gras et court, engoncé dans un col qu’elle ne pouvait même plus boutonner. C’est à ce moment-là qu’elle prit sa décision.
Deux jours plus tard,  Paris Normandie titrait à la une : "On a tordu le cou du cygne du square Verdrel".

13 juillet 2010

Patron et ouvrier

Quand il vit son employé qui l’attendait près du chantier, crotté des pieds à la tête, le patron fit une grimace. Pour l’occasion il avait pris sa voiture personnelle qui venait d’être astiquée et il n’était pas question de la salir. Il sortit de la voiture, salua Mouloud sans lui tendre la main et attaqua :
- Je peux pas te faire entrer Mouloud, j’ai nettoyé la voiture.
Mouloud resta silencieux.
- Il y aurait bien une solution : le coffre !
Mouloud ne disait toujours rien.
- Seulement on le fermera pas !
Mouloud hocha la tête.
- Tu montes dans le coffre, je le laisse ouvert et tu te cales comme tu peux. De toutes façons on n'a que trois kilomètres à faire.
Mouloud se glissa dans le coffre. Il n’était pas grand, mais ses jambes pendaient misérablement à l’extérieur. Le patron sourit d’un air satisfait, puis il monta dans la voiture et démarra en sifflotant.

12 juillet 2010

Les slips usagés

Aucun slip ne lui convenait. Il avait essayé toutes les textures – coton, soie, lycra... –  toutes les formes, et toutes les tailles du 2 au 4, et rien, jamais rien ne lui allait. Il désespérait et, sous son pantalon taillé sur mesure – un ministre doit avoir l’habit de sa fonction - il était obligé de mettre de vieux slips usagés  ; mais si un jour il avait un accident, s’il était inconscient, si on le déshabillait, on verrait ses slips et sa réputation n’en sortirait pas grandie...

8 juillet 2010

le p’tit bal perdu

A 65 ans, elle avait décidé de remonter sur les planches, en souvenir du temps où elle faisait des radios-crochets. Elle avait un peu forci – il faut dire qu’elle ne se privait de rien et surtout pas de charcuterie - et sa tenue de scène n’avait pas été facile à trouver. Elle se souvenait encore de sa robe rose en lamée ; quand elle la mettait, ils étaient tous à ses pieds ! Sa voix frôlait l’abîme dans les aigus, mais  chanter était sa passion ; d’ailleurs à l’anniversaire de Patrick, ils l’avaient tous encouragée à l’unisson :
- « Arlette t’es toujours la meilleure ! »
Mais étaient-ils sincères ?
L’heure n’était plus aux doutes, c’était son tour. Toute tremblante elle s’avança sur la scène  que les spots balayaient. Elle sourit au public. La chaleur avait fait gonfler ses pieds et ses chaussures à bouts pointus la faisaient terriblement souffrir. Quant à sa jupe noire moulante, elle rendait chaque mouvement difficile. Elle réussit pourtant à s’avancer jusqu’au micro à petits pas. Après une profonde inspiration, elle fit un signe de tête timide au pianiste qui attaqua les premiers accords du « p’tit bal perdu »*...

* chanson écoutée chez Pagenas
Voici aussi un lien, trouvé par Pagenas, alias Patrick Cassagnes : le clip de la chanson par Philippe Decouflé.

5 juillet 2010

La plante verte

Comme tous les étés, ils partaient en voiture au Portugal. Un voyage que Paulo abominait : 24 heures de route si tout se passait normalement, mais jamais rien ne se passait normalement avec ses parents. La voiture était gonflée à bloc, le coffre fermait à peine et à l’arrière, avec son frère, ils tenaient difficilement entre les sacs de provisions et les deux bonbonnes de vin. Une fois que tout fut à peu près chargé  sa mère s’approcha de la portière,  essoufflée ; elle tenait dans ses bras une plante verte dont les feuilles ressemblaient à des papillons géants. Elle lui dit :
- Tiens Paulo, mets-la entre tes jambes, elle peut pas aller ailleurs.
- Pourquoi moi ? Pleurnicha-t-il.
- Parce que t’es le plus petit. Et arrête de pleurer ou je t’en mets une !
On lui plaça la plante entre les jambes et il passa son voyage la tête dans les feuilles.

PS : pour voir ce que ce qu’est un départ en vacances au Portugal, cliquer ici !

3 juillet 2010

Le joggeur

Tous les soirs, il faisait  son jogging habillé de noir et il portait un bonnet gris enfoncé sur les oreilles. Parfois même il transportait une mystérieuse mallette mais personne ne s’en  étonnait ; personne ne s’étonnait de rien dans cette petite ville propre et lisse.
Et puis un jour, il laissa une bombe dans un gros quatre quatre noir au coin de la rue du Park et de la rue Lincoln. BOUM !!! Quand on sut que c’était lui, on s’étonna : comment un jeune homme aussi  propre et lisse avait-il pu semer la mort ?

2 juillet 2010

Le curé

Il ne payait pas de mine dans sa soutane noire mais il inspirait confiance. Tant de femmes s’étaient épanchées à l’ombre du confessionnal ! Il leur disait qu’il pouvait tout entendre et elles ne se faisaient pas prier. Que n’avaient-elles pas confessé, combien de petits péchés de chair n’avaient-elles pas contés ! Et lui écoutait,   patient, paternel – malgré ses trente cinq ans  - bienveillant. Ce qu’elles ne savaient pas c’est que sous la soutane, la chair tourmentée du jeune curé elle aussi s’épanchait à l’ombre du confessionnal.

30 juin 2010

Peinture

- Tu connais Gasiorowski ?
- Non, pourquoi ?
Il ne lui répondit pas et il l’abandonna à la terrasse du café. Jamais elle ne le revit. Après son départ elle s’était mise à la peinture, elle avait étudié l’oeuvre de Gasiorowski de long en large, elle avait même peint à la manière de Gasiorowski  mais elle n’avait trouvé aucune réponse. Dix ans avaient passé et elle ne savait toujours pas pourquoi  il l’avait quittée parce qu’elle ne connaissait pas Gasiorowski.

28 juin 2010

Les deux manuscrits

Il avait écrit un roman et l’avait envoyé à 30 éditeurs. Un seul lui avait laissé un petit espoir tout en lui  conseillant de  revoir son manuscrit de fond en comble. Cette nouvelle le terrassa : comment pouvait-on entièrement retravailler la chair de sa chair ? Il enferma jalousement son « oeuvre » dans un tiroir. Elle y sommeilla  deux ans. Quand il  relut le manuscrit, sa déception fut telle qu’il le détruisit immédiatement.
Un an plus tard, il écrivit un deuxième roman qui  plut à un petit éditeur normand prêt à passer contrat avec lui. Un mois avant la publication, l’éditeur faisait faillite.  Sa déception fut à la hauteur de son désir de reconnaissance.
Depuis cet échec, il n’écrivait plus, il  attendait un signe du destin...

PS : fragment écrit suite à une conversation tenue vendredi dernier dans le train Caen-Rouen.

24 juin 2010

Les voisins

Les voisins me mettent le bourdon. La folle du quatrième continue de jeter ses croûtons de pain aux oiseaux du haut de sa fenêtre en visant systématiquement les gens qui passent dans la cour intérieure,  le vieux du rez-de-chaussée a recueilli un quatrième chien, il est vrai que les trois autres n’aboyaient pas assez fort, le pachyderme du deuxième a remplacé les poteaux de l'étendage collectif par des perches gratuites en fer rouge qui n’ont  pas plu au parano du deuxième qui a voulu lui casser la figure en l’accusant de choisir le rouge justement parce qu’il détestait cette couleur. Quant au voisin du troisième, celui qui fait hurler sa télé du matin au soir, il a donné du fil bleu pétrole au pachyderme des « étendages » qui a déclaré satisfait :
- Le bleu et le rouge, c’est beau  !
Demain, c’est dit, je m’achète une vuvuzela. Ensuite je m'installerai dans la cour intérieure sur mon siège pliant en toile bleue et moi aussi je leur mettrai le bourdon...

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