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Presquevoix...
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15 juin 2011

La dispute

Sa fille était infernale. A six ans, elle faisait des colères pour un oui ou pour un non. La veille, exaspérée, elle lui avait même mis une tape sur la cuisse et la petite était partie en pleurant. Evidemment elle n’aurait pas dû.
Quand elle entra dans sa chambre, elle vit l’enfant absorbée dans son nouveau jeu. Elle montrait un plaisir indicible à tirer dans une cible bleu avec son arc et ses flèches rouges. Sa mère lui dit gentiment.
-    Bon, tu sais, j’étais un peu énervée tout à l’heure…
Comme sa fille ne répondait rien elle ajouta.
-     On dirait que tu  t’amuses bien.
-    Oui, je m’entraîne pour te tuer. Bientôt je serai prête, lui rétorqua-t-elle fièrement.
La mère sortit silencieusement de la chambre. Comment devait-elle le prendre ?

PS : texte écrit à partir d’une brève très brève lue sur le site « une vie de merde »

13 juin 2011

La végésexuelle

Elle était végétalienne et ne concevaient ses amants que végétaliens. L’idée de faire l’amour avec quelqu’un qui digérerait  un animal putréfié lui était insupportable.
Quand elle rencontra Loïc, elle l’interrogea de long en large sur ses habitudes alimentaires.  Il lui certifia qu’il était végétalien depuis trois ans et que son seul vice était la marijuana. Au premier baiser qu’il lui donna – le plus long qu’elle ait jamais connu -  son sixième sens ne l’avertit de rien,  mais au deuxième, elle ne put se retenir de vomir : Loïc sentait la mort !
Jamais elle ne lui pardonna son mensonge et  sa petite vengeance – elle lui avait versé sur son paillasson l’intégralité de deux poubelles pleines –  ne lui ôta pas le goût de mort dans sa bouche…

PS : brève écrite à partir d’un article de Libération lu avant-hier.

12 juin 2011

Les marches

LE TREPORT 10-06-11 (1)Elle lui avait dit  Non, n’y va pas, je t’assure que tu le regretteras,  mais il ne l’avait pas écoutée et avait grimpé les marches quatre à quatre, comme s’il avait un rendez-vous important. Elle ne l’avait plus jamais revu. Quand les parents d’Eric l’avait interrogée, elle n’avait rien pu dire.
Elle évita l’escalier pendant une semaine, d’autant plus que la police rodait dans les parages à la recherche d’indices. Le dimanche 12 juin, à 7 heures, elle revint à l’endroit  même où il avait disparu. La marée était haute et la mer léchait presque  les marches. Elle entendit distinctement quelqu’un crier son prénom mais quand elle se retourna, elle ne vit rien.
Cinquante ans ont passé. La volée de marches est toujours là où elle était. Il lui arrive souvent de s’arrêter devant l’escalier et d’attendre que le vent crie son prénom : Catherine ! Une fois qu’elle l’a entendu, elle rentre dans  son deux pièces qui donne sur la mer. Souvent, l’après-midi, après le thé, elle reprend ce puzzle qu’elle fait et défait depuis des années…

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Patrick Cassagnes

11 juin 2011

Pas de veine ?

L'infirmière, la seringue à la main, m'a dit énervée.
– Ecoutez, je ne peux rien pour vous, vous n'avez pas de veine.
Effondrée, presque en larmes, je suis sortie du laboratoire - le troisième en une semaine - et j'ai erré dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'un type à vélo, sorti de nulle part, avec plein de sacs en plastiques accrochés au guidon me  hurle «  Connasse, va te faire enculer ! » parce que j’étais au milieu de la rue.
Je n'ai pas réfléchi, j'ai couru derrière son vélo comme une dératée et je l'ai attrapé par le porte-bagage.
– Répète ce que tu m'as dit, si tu oses.
Le type m'a regardée interloqué.
– T'es dingue ou quoi, je t’ai rien dit !
– Si, tu m’as dit " Connasse, va te faire enculer ! ".
Et là, contre toute attente, il m'a répondu.
– Ecoute, moi je dois tracer ma route, hein, je dois maintenir le cap, c’est une question de vie ou de mort ! La vie, c’est pas faire le tour de son nombril. Il y en a qui ont vraiment pas de veine et ils se racontent pas d’histoires ! Quand t’auras compris ça, t’auras fait un grand pas.
Et d’un coup de pédales il a disparu avec son vélo et ses sacs en plastique. Epuisée, je me suis assise sur le trottoir. Comment savait-il tout ça ?

10 juin 2011

Le métro

Elle s’était accrochée à la barre verticale et respirait le moins possible, coincée entre une femme  au parfum bon marché et un homme au corps trop présent. Soudain elle eut la ferme conviction qu’il se frottait à elle. Elle se retourna et lui lança.
-    Je trouve que vous en prenez bien à votre aise !
Le type lui répondit aussitôt.
-    Vous prenez vos désirs pour des réalités !
Excédée, elle ajouta.
-    Je crois plutôt que vous prenez votre réalité pour mon désir !
Dans le wagon, personne ne réagit, comme si leur dialogue se déroulait dans une bulle que les autres n’habitaient pas…

6 juin 2011

Les trous de mémoire

Cela faisait un an qu’il prenait des cours de théâtre dans ce club et le spectacle de fin d’année approchait à grands pas. Il s’en réjouissait mais il avait des problèmes avec l’une de ses partenaires: elle était quasi-amnésique et  oubliait les répliques au fur et à mesure qu’elle les apprenait.
Le professeur lui avait suggéré la chose suivante.
–     Ecoute, si elle oublie sa réplique, tu commences à la dire toi-même et elle se raccrochera  à un mot ou à une phrase…
Très vite, il dut se rendre à l’évidence  :  elle ne se raccrochait à rien du tout et leur dialogue prenait des airs de monologue...

4 juin 2011

Culturisme

 Il lui avait dit qu’il voulait faire du culturisme et elle s’était exclamée.

– Quoi, à 50 ans ? Tu ne crois pas que tu ferais mieux de rester comme tu es !

Il répondit que non. Il ajouta que le régime était draconien et qu’il devrait descendre à 76 kilos. Elle fut cruelle en lui faisant remarquer qu’il avait 86 kilos au compteur !

Une semaine plus tard il se rendit à son premier cours. Il en revint les traits tirés et les épaules rentrées. Elle n’osa pas lui poser de questions, mais elle se doutait que le choc avait dû être terrible ! Avant de s’endormir, alors qu’il reposait son polar sur la table de nuit, il lui dit.

– Tu avais raison, je pars de trop loin ! Et il sombra dans un profond sommeil.

2 juin 2011

Les cours de tango

En face de chez moi, ils ont ouvert un cours de tango. Les corps virevoltent dès 19 heures. Moi je ne sais pas danser, pas le sens du rythme, ni celui de la vie. Tous les soirs je regarde les couples sur la piste, posté derrière mes rideaux, et je rêve. Je me demande ce qu’on ressent quand une partenaire se serre contre vous au son du bandonéon.

Hier, en entendant la musique, j’ai failli entrer dans l’école. Sur le pas de la porte, une jeune fille m’a bousculé. Elle ne s’est même pas excusée ; je dois être transparent. En tout cas, à cause d’elle j’ai rebroussé chemin. Une fois chez moi, j’ai enlevé mon manteau, mes chaussures et je me suis à nouveau placé derrière les rideaux pour regarder les corps virevolter. La vie est toujours plus belle de l’autre côté.

30 mai 2011

Le « chair life style »

Il était assis devant l’ordinateur et elle était debout, non loin de lui, en train de feuilleter un journal.
-    Tu le savais ça ? lui dit-elle en brandissant le journal l’air satisfait.
Il ne répondit rien mais elle  était habituée. Elle enchaîna immédiatement.
-    Le taux de mortalité des hommes qui restent assis plus de six heures par jour est 20 % supérieur à ceux qui ne passent que trois heures assis. Ouah, tu as intérêt à faire gaffe ! Ils appellent ça le « chairlife style » !
Il resta muet mais le discours de sa femme faisait déjà son effet. Et s’il venait à disparaître avant elle ?
-    Au fait chéri, tu pourrais nettoyer la salle de bain aujourd’hui ? Depuis le temps que tu aurais dû le faire… 
Et elle partit à la cave pour étendre le linge.

27 mai 2011

L’analyse d’urine

J’allais au labo, mon sac en plastique à la main, contente d’en finir ; il ne s’agissait après tout que d’une petite prise de sang qui serait expédiée en deux minutes. Je n’aurais qu’à ne pas regarder la seringue !
Je sortais du métro quand un type venu de nulle part m’a violemment arraché mon sac en plastique. J’ai eu beau crier - Putain, mes urines, mes urines !!! – il a continué sa course comme si de rien n’était.
Autour de moi, des sourires amusés. Je me suis assise découragée sur le premier banc venu. 24 heures passées à recueillir mes urines et rien, plus rien ! Connard de connard !  Ai-je hurlé dans un dernier sursaut. C’est à ce moment-là que j’ai vu mon sac en plastique qui se balançait devant mes yeux.
-    Donne  cinq euros au connard et il te rendra ton sac.
Je n’ai pas réfléchi 107 ans. J’ai sorti un billet de cinq euros  que j'ai donné au type. Je n’ai même pas eu le réflexe de le regarder. En partant il m’a dit.
-    Merci m’dame !
Oui, cette voix je la connaissais de quelque part, mais d’où…

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