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Presquevoix...
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26 août 2011

Le maillot de bain

Quand elle était apparue en maillot de bain islamique sur la plage de Nice,  elle avait éclipsé toutes les autres filles, même les bimbos en string. En l’espace d’un quart d’heure, elle était devenue une star et, le lendemain, elle avait même eu droit à un article dans Nice matin. Quand elle l’avait lu, elle s’était dit qu’elle y était peut-être allée un peu fort et que si son père tombait dessus...
Il faut dire que dans la vraie vie, elle ne s’appelait pas Halima mais Camille, elle n’était pas musulmane mais vaguement catholique, elle n’avait pas six frères et sœurs  mais était fille unique, son père ne tenait pas un kebab à Paris  mais  une imprimerie à Rouen, et sa mère n’était pas mère au foyer mais travaillait comme assistante sociale...


25 août 2011

Lourdes

A 18 h 00,  il  s’est faufilé entre religieux en habit, malades en fauteuil roulant et brancards pour atteindre le centre-ville. Le matin-même, il avait voulu  acheter  la « médaille Bernadette »,  mais elle était trop chère et de toute façon il n’avait plus d’argent. Quand il est entré dans le magasin Sainte Geneviève avec son pistolet  à la main, il a gueulé, la voix mal assurée.


-    Que personne ne bouge ! Je prends une médaille Sainte Bernadette,  une vierge en résine, deux chapelets en argent, un flacon d’eau de la grotte et je me tire, je vous ferai pas de mal si vous bougez pas.


Avant de partir avec son matériel, il leur a expliqué  qu’il était au chômage depuis quatre ans, en fin de droits et qu’il n’en pouvait plus, c’était sa dernière chance ! 
Quand il est parti, la vendeuse a murmuré « Amen » et s’est évanouie.

16 juillet 2011

Liberté

Elle avait été libérée de prison le matin, une sortie « sèche », comme on dit dans le jargon de la Pénitentiaire. Personne ne l'attendait, nulle part où aller, juste s’asseoir et regarder le va et vient des automobiles sur la grande avenue. Une heure plus tard elle se leva et, son barda  à la main, elle marcha droit devant en  titubant. Rien dans sa poche ou si peu. Elle  entra dans une boulangerie, s’acheta un pain au chocolat et continua sa marche, toujours droit devant. Elle trouva un square, s’allongea sur l’herbe et  l’après-midi se passa entre veille et somnolence, comme dans sa cellule. A quatre heures de l’après-midi, elle refit le chemin inverse vers la prison. A cinq heures elle sonnait et suppliait pour qu’on la reprît.
La grille resta fermée.

14 juillet 2011

Les moustiques

 

Tous les soirs, depuis le début des grandes chaleurs,  elle se faisait dévorer par les moustiques. Sa peau plutôt blanche était devenue rouge écrevisse à cause des démangeaisons. Elle n’y comprenait rien. Elle fermait pourtant les volets pendant la journée, n’allumait jamais la lumière lorsque les fenêtres étaient ouvertes le soir, alors comment cela était-il possible ?
Elle finit par comprendre en assistant,  par hasard, au manège de sa  sœur qui la croyait dans le salon : à 19 h 30, juste avant le dîner, celle-ci ouvrit la fenêtre de sa chambre, alluma la lumière et referma la porte discrètement. Elle ne dit rien et resta quelques instants cachée dans la salle de bain dont la porte était légèrement entrouverte. « La salope »,  pensa-t-elle, elle le lui paierait ! Depuis combien de jours s’amusait-elle à ce petit jeu-là, et pourquoi ?
Soudain tout s’éclaira : la piscine, le maillot de bain, le copain de sa petite sœur, qui arrivait dans deux jours, c’était ça, inutile d’aller chercher plus loin, elle ne voulait pas qu’il la regarde. C’est tout au moins ce qu’elle trouva comme explication et cela lui suffit.

PS : texte écrit à partir d’une brève très brève vue sur le site « une vie de merde ».

9 juillet 2011

Le manuscrit

Elle avait volé le livre II du Codex Calixtinus dans la salle de la Cathédrale de St Jacques de Compostelle. Déguisée en nonne, elle avait pu tromper la vigilance des gardiens, sans laisser aucune trace d’effraction.  C’est Calixte lui-même qui  lui avait fixé cette mission, un mois plus tôt. Il lui avait chuchoté à l’oreille : «  Anne, ma sœur Anne, ce livre des miracles a été écrit pour toi, lis-le et inspire-t-en ! »
Avec ses gants blancs transparents, elle avait saisi ce joyau du patrimoine, l’avait prestement glissé sous son vêtement de prière, puis elle s’était glissée dans l’ombre des piliers avant d’atteindre le grand portail.
Maintenant, les miracles pouvaient commencer : quel serait le premier ?


8 juillet 2011

Blonde

A 16 ans, elle voulut se teindre en blonde, sa mère refusa, elle s’entêta et le père dut s’interposer.
-    Mais enfin qu’est-ce que ça peut faire qu’elle se teigne en blonde ?
-    C’est vulgaire, répondit la mère, on n’a pas besoin d’une Marilyn Monroe à la maison.
La fille commença à rugir que sa mère voulait qu’elle reste moche et qu’elle ne trouve personne ; que les cheveux châtains c’était l’horreur et qu’on ne séduisait personne avec cette couleur ringarde !
-    Merci pour moi, lui dit sa mère.
-    Mais qu’est-ce que ça peut te faire ? reprit le père en direction de sa femme.
-    Tu veux aussi qu’elle mette des shorts au ras des fesses et qu’on la traite de pute ?
 La fille monta dans sa chambre en pleurant, la mère partit dans la cuisine en injuriant  sa fille et le père s’assit sur le canapé pour réfléchir : mais qu’est-ce qu’elles avaient toutes les deux ?

7 juillet 2011

Les spermatozoïdes

Lors du premier rendez-vous, au café de la Gare, elle lui a tout de suite dit que ça ne pouvait pas aller entre eux.
-    Mais pourquoi ? a-t-il riposté désolé. Quand vous aviez répondu à mon annonce vous aviez pourtant l’air intéressée
Elle l’a regardé un moment puis a fini par ajouter.
-    Oui, mais vous ne m’aviez pas dit que vous aviez grossi.
Il a eu l’air surpris. Certes il avait grossi de 10 kilos depuis qu’il lui avait envoyé sa photo, mais il n’était pas à ce point métamorphosé. C’est elle qui lui a fourni la clef.
-    Ecoutez, Selon le docteur Cohen « Le surpoids entraîne une modification des paramètres du sperme, du fait probablement de désordres hormonaux, avec des déficits en nombre, en mobilité et en vitalité, ce qui entraîne des pertes de possibilités de conception »*. Je n’ai pas envie de m’y reprendre à cinquante fois pour avoir un enfant, inutile de perdre mon temps !
Et elle l’a planté sans autre explication dans la salle bruyante du café de la Gare.

*explication lue dans l’article suivant paru dans le journal libération d’hier :  «  hommes trop gros, spermatozoïdes ramollos »

6 juillet 2011

Le cœur

coeurDans la baignoire vide, il avait formé un cœur. Mais en le voyant  si lisse, si brun, si doux sur ce blanc inaltéré, la marée l’a submergé et il a fait naufrage. La voisine l’a retrouvé échoué sur son paillasson. Craintive, elle l’a secoué -  au cas où -  et il a murmuré des mots étranges, des mots que les embruns semblaient avoir  creusés de leur ancre marine. Précieusement, elle les a recueillis sur la voile d’un papier blanc qu’elle a glissée dans sa main droite. Elle s’est dit que s’il les lisait un jour, il pourrait peut-être  continuer son voyage…

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Patrick Cassagnes.

4 juillet 2011

Le prix de Diane

Son chapeau allait faire fureur,  elle en était sûre. Qui avait déjà osé porter un chapeau pareil ? Même si son « pedigree » n’était pas  à la hauteur de celui des autres « pouliches », elle aurait sûrement le premier prix, créativité oblige.  Ses parents pouvaient être fiers d’elle. Une De la Marinière entrait dans le gotha du gotha, leurs efforts seraient payants.
C’était son premier prix de Diane et elle était un peu tendue. Elle n’avait fait qu’effleurer le gazon de ses escarpins violets et avait souri à quelques visages connus. Si elle se sentait un peu impressionnée par cette foule qui déclinait tout ce que le Capital comptait de plus brillant,  elle n’en était pas moins persuadée que son charme opérerait et que les pics à plumes de son affolant chapeau mauve pourraient accrocher quelques candidats au mariage. N’était-elle pas une princesse ?

PS : texte écrit après avoir lu l' article « Un dimanche à Chantilly »,  sur le site de Mediapart. Pour voir la vidéo, c'est ici.


3 juillet 2011

La canne blanche

Depuis qu’elle sortait avec une canne blanche – achetée 2 euros à la foire à tout du quartier bel air – et des lunettes noires, elle avait fait deux rencontres émouvantes. La première avec un homme d’âge mur, bibliothécaire au centre Prévert. La deuxième avec un maître-nageur d’une trentaine d’années qui travaillait à la piscine des bleuets. A chacun, elle  avait glissé son numéro de téléphone accompagné d’un sourire. Seulement, une question la tourmentait : quand elle les reverrait, devrait-elle garder sa canne blanche et ses lunettes ?

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