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Presquevoix...
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12 juin 2012

Les cours de théâtre

Il faisait du théâtre depuis 10 ans et il commençait à se lasser. Les débutants succédaient aux débutants et jouer de nouvelles scènes avec eux devenait un supplice.


Dans sa dernière scène, il jouait le rôle d’un policier et sa nouvelle partenaire, une débutante plus débutante que les autres, jouait celui d’une prostituée. L’entendre débiter son texte comme une fable de La Fontaine récitée par une élève de CP le déprimait. Elle était aussi vivante qu’une morte et disait « il faut se vaseliner la chatte » -  une réplique d’une profondeur abyssale, il est vrai -  comme elle aurait dit « il faut aller chercher une baguette ».


A la dernière répétition, quand il avait voulu lui saisir le poignet pour voir si elle se droguait, scène oblige, elle avait fait un tel saut de cabri qu’elle lui avait donné un magistral coup de coude dans la figure.


Non, le théâtre devenait trop dangereux, il devait arrêter…

10 juin 2012

Les rotules

Le médecin lui avait  dit qu’elle devrait faire un régime. Pour la convaincre, il lui avait même imité le gémissement de ses rotules à chaque fois qu’elle marchait.
- Un régime, moi ? – avait-elle répondu -  mais vous n’y pensez pas ! Manger, c’est tout ce qu’il me reste !
Impitoyable le médecin avait rétorqué.
- Alors ce sera la chaise roulante !
Elle l’avait regardé longuement avant de conclure.
- Eh bien ce sera la chaise roulante.

8 juin 2012

Les chaussures

Il avait fait son cours, comme d’habitude, et les élèves s’étaient envolés aussitôt, comme d’habitude. Mais deux minutes plus tard, il a vu revenir deux filles, hésitantes.

- Monsieur, il faut qu’on vous dise quelque chose…

- Oui… a-t-il dit.

- Ben vous avez deux chaussures différentes !

Il a regardé ses pieds immédiatement et a constaté, sidéré, qu’elles disaient la vérité. Il avait bien deux chaussures à bout pointu, mais l’une était noire et l’autre marron. Il les a regardées embarrassé en murmurant un merci.

- On préférait vous le dire, hein monsieur, au cas où…

Et elles sont parties. Lui est resté dans sa salle, atterré. Comment avait-il pu faire ça ? De quelle maladie était-il atteint ? Qu’est-ce que ce serait la prochaine fois ? Allait-il laisser sa braguette ouverte ? Juste à ce moment-là, il tâta sa braguette et  il se rendit compte, qu’effectivement, elle était ouverte…

6 juin 2012

Un xanax sinon rien

Depuis qu’elle était au xanax, plus d’inquiétudes. L’effet apaisant était quasi immédiat : encore mieux qu’une caresse, qu’un massage ou qu’une séance d’acuponcture. Elle en prenait de façon préventive et enfilait parfois comprimé sur comprimé, à tel point qu’elle ne savait plus compter sur ses propres ressources. Le jour où elle avait dû affronter son patron sans comprimés, elle avait éclaté en sanglots. Ce détraqué l’avait traitée d’hystérique et  lui avait conseillé de prendre du xanax ! Depuis, elle avait toujours une boîte d’avance dans son sac…



4 juin 2012

La télé pour chiens

Quand elle partait, même pour une heure, elle lui mettait la télé : Caligula ne supportait pas la solitude. Cette simple présence évitait les aboiements à répétitions et les moquettes lacérées. Bien sûr, l’abonnement était cher, mais que ne ferait-on  pas pour un compagnon aussi précieux ?
Il y a deux semaines, une nouvelle chaîne de télé avait produit le premier feuilleton pour chien et Caligula, qui avait suivi le premier épisode avec plaisir, ne voulait en rater aucun. D’ailleurs, si elle n’allumait pas la télévision à 14 h 30 précises - heure du feuilleton « Un chien presque parfait »   - Caligula montrait les dents…

2 juin 2012

La rose inaccessible

Tu es cette rose inaccessible, lui avait-il murmuré.  Moi ? Une rose ? avait-elle répondu, et des grappes de notes  s’étaient échappées de son rire lumineux. Il l’avait regardée, comme seuls savent regarder ceux qui n’aiment qu’une fois.

Un mois plus tard, la rose avait commencé à se faner, et il lui retirait  un à un ses pétales flétries par la mort.

PS : texte suggéré par une musique d’Anthony Girard : « la rose inaccessible » ( Dans la rubrique "écouter" colonne de gauche)

 

31 mai 2012

La majordome

Grâce à sa connaissance du chinois – appris à l’Institut des langues orientales – et aux cours reçus à l’International Butler Academy, elle était devenue « majordome » chez un riche chinois aux goûts étranges. Elle l’accompagnait du matin au soir, du moment où il mettait le pied sur sa descente de lit à 5000 euros, au soir où elle lui servait son doigt de porto sur un plateau en argent massif à 4900 euros.


Elle avait droit à une pause de deux heures dans la journée, au moment de sa sieste qu’il jugeait capitale. Le reste de la journée se passait en activités aussi diverses que : dresser des tables de 20 convives ou plus, acheter un polo rayé rose et blanc – et pas une autre couleur – ou trouver une compagne de jeux à cet « honorable » milliardaire qui avait un goût des plus exécrables.


Bien que le travail fût fatigant, elle restait. Il faut dire qu’il la payait 5000 euros par mois, nourrie et logée. Où aurait-elle pu espérer trouver un salaire aussi avantageux à 28 ans ? Certes pas dans l’enseignement.

25 mai 2012

La caisse

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai remarqué qu’à ma caisse, il y a toujours moins de clients qu’à la caisse de Cindy. Jusqu’alors, je croyais au hasard, mais la remarque d’un client, hier, a remis les pendules à l’heure. Comme je disais à un vieux monsieur qui attendait à la caisse d’à côté qu’il pouvait passer à ma caisse, celui-ci m’a répondu poliment.


-    Non merci, je préfère passer chez votre collègue. Elle est plus jolie.


J’aurais pu tout simplement accepter sa réponse, après tout, pourquoi pas, ils ont bien le droit de préférer Cindy !  Mais non, ça a été plus fort que moi, je n’ai pas pu m’empêcher de le traiter de « connard ».
Ce matin, le Directeur m’a fait appeler. Cindy m’a tout de suite dit, souriante, que c’était à cause d’hier…

24 mai 2012

Le baccalauréat

La veille, elle avait croisé dans les couloirs du lycée un élève de terminale STG  qui ne venait plus en cours depuis les vacances de Pâques. Elle aurait pu faire semblant de ne pas le voir mais elle lui a dit, ironique.


-  Alors Kevin, vous êtes déjà prêt en anglais, c’est pour ça que vous ne venez plus en cours ? Pourtant… et elle a laissé sa phrase en suspens. Etait-il bien nécessaire de rappeler à Kevin que sa moyenne avoisinait les 7/20 ?


Et Kevin lui a répondu le plus sérieusement du monde.


-  Ben vous savez, m’dame, avec toutes les révisions, là, j’suis surbooké. Et pis Y faut que j’finisse mon projet.

Elle l’a contemplé, l’air incrédule, puis elle lui a souhaité bonne chance, pour la forme. Elle s'est retenue de ne pas lui conseiller un pélerinage à Lisieux, laicité oblige. Cela faisait tout de même deux ans et demi que Kevin se montrait hostile à toute forme de travail quelle qu'elle soit...

22 mai 2012

L’agence

Il venait de créer sa petite entreprise de pompes funèbres. Son slogan : mourrez, nous ferons le reste !  Maintenant, il attendait le client de pied ferme. Le premier qui passa le seuil de sa porte, ce fut un homme, plutôt jeune. Il l’accueillit avec un visage de circonstance mais l’homme, enjoué, lui dit.

- Je voudrais un bouquet.

- Un bouquet ? Répondit-il étonné.

- Oui, pour l’anniversaire de ma femme. N’importe quoi. Si je ne lui achète rien, elle me tuera. N’importe quelle gerbe fera l’affaire.

Il essaya de lui trouver le bouquet le moins funèbre possible. L’homme le remercia chaleureusement en ajoutant.

-  Si on meurt chez moi, je viendrai chez vous.

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