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Presquevoix...
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13 avril 2013

Le coup de foudre

Dès qu’il avait ouvert la bouche, elle était tombée amoureuse de sa dentition ; une petite merveille. Mais comment lui avouer cette passion ? Elle se décida au quatrième rendez-vous, alors qu’il était allongé et qu’elle lui soignait une carie sur une molaire  gauche. Il en fut tellement surpris qu’il sursauta, et la fraise attaqua la gencive…

 

12 avril 2013

Amazon Dream

Pour son anniversaire, il lui avait offert un voyage sur  l’Amazone. Vu la générosité de son geste, elle pouvait difficilement refuser, même si les piranhas et les réducteurs de tête la terrifiaient.

Il était intarissable. A nous les indiens Marituba et les Munduruku. A nous les oiseaux et les  papillons aux mille couleurs, les iguanes, les singes. A nous la forêt tropicale ! A croire que ce voyage, il le faisait plus pour lui que pour elle, sans doute un rêve d’enfant.

Il passa quatre longues semaines à le préparer. Il poussa même le zèle jusqu'à acheter « le portugais sans peine » et chaque soir, avant de se coucher, il ânonnait quelques mots tout en écoutant des danses tribales. Cette fois-ci, s’il leur arrivait quelque chose, elle ne pourrait pas dire qu’il n’avait rien préparé…

 

9 avril 2013

Attache-moi !

bobineAttache-moi, lui avait-elle dit en lui tendant les bobines.


Il la regarda incrédule. Elle n’allait pas remettre ça. Déjà que les choses lui semblaient compliquées sans l’attacher. Et puis combien de temps tout ceci allait-il  prendre ? Elle était folle à lier.


Elle lui lança un nouveau regard implorant. Il ne put y résister. Il commença par attacher ses mains aux montants du lit, puis ses pieds, puis il prit le livre et continua l’histoire là où il l’avait laissée la veille :


Elle fit venir un chasseur et lui dit : « Emmène l'enfant dans la forêt ! je ne veux plus la voir. Tue-la et rapporte-moi pour preuve de sa mort ses poumons et son foie. »Le chasseur obéit et conduisit Blanche-Neige dans le bois. Mais quand il eut dégainé son poignard pour en percer le cœur innocent de la jeune fille, celle-ci se mit à pleurer et dit : « Ô, cher chasseur, laisse-moi la vie ! Je m'enfoncerai au plus profond de la forêt et ne rentrerai jamais à la maison…

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

Et, inévitablement, un lien vers le film d'Almodovar, un rien déjanté :

 

8 avril 2013

Duo

Aujourd’hui, Duo avec Caro du blog « les heures de coton ». Une seule consigne « Génération Goldman » à utiliser comme bon nous semble. Son texte est sur Presquevoix, le mien est sur son blog.

 

Duo – Génération Goldman

« Et dans les prochaines quarante minutes de musique non-stop, vous aurez le plaisir d’écouter notamment le dernier Bruno Mars, Adele bien sûr et en exclu sur 93.3 la radio de tous les tubes, le premier extrait de Génération Goldman ! En attendant, une page de pub… »

Valérie soupira. Génération Goldman. Quel nouvel avatar de ce monde de fric et de recyclage allait-on produire… Dire qu’il lui suffisait de fermer les yeux pour revoir son vieux magnétophone posé sur le lit et la cassette que Christophe lui avait enregistrée et qu’elle écoutait en boucle. Le tressaillement à chaque fois qu’elle entendait « Puisque tu pars » ou « Comme toi ». Et les samedis où ils s’écorchaient les doigts sur une guitare dénichée quelque part avec Catherine, Hélène, Christèle, Damien et Benjamin ! Comme si ce gars au look improbable, marinière, jean et baskets, à qui les filles balançaient fleurs et nounours en concert, avait été, le temps de leur adolescence et même après, leur meilleur pote.

Elle sourit. C’est vrai qu’il savait mettre des mots sur l’air du temps. Comme cette femme qui vivait par procuration et qui ressemblait tant à leur voisine Pauline. Elle vivait seule et parlait peu. Parfois, Valérie saisissait quelques mots dans les conversations entre ses parents. « Elle vit seule. » « Elle travaille aux impôts. » « Un homme marié qui l’a laissée. » Puis vint le jour où le petit frère avait été transporté de nuit aux urgences et où elle avait passé la nuit dans l’appartement de la jeune femme. Des bougies et des pots-pourris, des livres et des porcelaines fines, une douceur rose et sucrée qui s’échappait des murs couverts de toile de Jouy et des coussins et fauteuils en liberty. Un chocolat chaud épais pour la consoler et des tartines de beurre et de miel doré.

Les jumeaux entrèrent en se disputant. Dix minutes qu’elle attendait, en mère dévouée. Inutile de les rabrouer, cela ne servait à rien, leur adolescence tapageuse s’en moquait. Charlotte avait piqué la place de son frère et s’en vantait à haute voix. Valérie démarra la voiture et se dit que les vingt minutes qui les séparaient du collège allaient s’avérer pénibles.

« Ferme-la! Cette chanson, elle est trop bien. » Valérie regarda dans le rétro ; même Julien avait quitté son air renfrogné. Elle écouta comme eux les paroles de cette chanson qui ne l’avait jamais vraiment quittée et se demanda ce qu’eux, si différents de leur génération de parents, pouvaient bien ressentir.

 

 

 

7 avril 2013

La vieille dame

Quand elle en avait assez d’être enfermée entre quatre murs, elle sortait et prenait le bus. Armée de son invariable sac en plastique Marché U et de son béret gris, elle  jouait à ses jeux favoris. L’un d’entre eux avait sa préférence : elle faisait croire à une personne assise que sa carte de bus était tombée par terre et, dès que la personne s’était levée pour la ramasser, elle s’asseyait à sa place.


Par égard pour ses cheveux blancs et  ses rides profondes, personne ne réclamait la place volée. Jusqu’au jour où une jeune fille lui fit remarquer qu’il y avait sans doute des jeux plus drôles que ça et que si elle voulait être assise, elle n’avait qu’à circuler en dehors des heures de pointe.


Elle remit vite la petite peste à sa place d'une phrase cinglante.


- Si tu es obligée d’avoir le cul sur un siège à 20 ans, qu’est-ce que ça sera à 40  !


Et elle resta assise bien droite, son sac en plastique sur ses genoux.

PS : texte inspiré d'une brève très brève lue sur  le site "une vie de merde".

5 avril 2013

Le coq

Tour1On aurait dit une statue, pourtant il était bien vivant, et cette " petite saleté "  avait plus d’un tour dans son sac. Il feignait souvent l’immobilité mais, dès qu’une main s’approchait, il la cisaillait de son bec pointu.
Un matin, on le retrouva mort, d’un coup de hache ; personne ne sut jamais qui l’avait tué.
Le jour de son enterrement – une idée du plus jeune garçon de la famille -  les poules gloussèrent tristement et les enfants pleurèrent un peu. Leur mère, elle, arborait un étrange sourire…

PS : photo prise par C.V. le premier avril 2013

3 avril 2013

Flamenco

Elle faisait partie d’un groupe insurrectionnel : banques et flamenco. Une fois par semaine, ils intervenaient dans l’une des multiples banques de Madrid afin de protester contre le sauvetage des établissements financiers par l’argent public.

Généralement, elle se contentait de chanter et danser afin de réveiller les consciences et les corps. Mais ce jour-là, allez savoir pourquoi, elle avait pris une bombe et elle comptait bien l’utiliser…

30 mars 2013

Les questions

Le poseur de question avait encore frappé. Sur le tableau blanc de la salle 2, une question était inscrite au feutre noire :

                                                     Le passé est-il dépassé ?


Elle vit également, au-dessus du tableau, trois fleurs en plastique fané, identiques à celles que l’on peut trouver sur les tombes abandonnées. Elle se demanda si les fleurs apportaient une réponse à la question posée.
Soudain son visage se rembrunit, elle vit son présent tel qu'il était, un passé figé pour l'éternité. Elle en aurait fondu en larmes si les élèves n'avaient pas frappé à la porte.
Après son cours, avant de quitter la salle, elle écrivit cette citation de Flaubert qui s'imposa à elle avec une évidence fulgurante :

 

L'avenir nous tourmente, le passé nous retient, c'est pour ça que le présent nous échappe.

 

PS : le prochain texte sera mis en ligne le mardi 2 avril. Bon week-end à tous.

 

26 mars 2013

L'indécis

Le client hésitait et le patron semblait perdre patience.

- Alors, vous avez décidé ? Qu’est-ce que je vous sers ?

- Je sais vraiment pas ce que je pourrais prendre ; en fait, j’ai jamais soif !

Au bout de deux longues minutes, le client finit par demander un café. Quand il partit, le patron dit à la cantonade.

- C’est pas les clients exigeants, les plus difficiles. C’est ceux  qui savent pas ce qu’ils veulent.

18 mars 2013

Les volets clos

potsDorénavant les volets resteraient clos. Seules survivantes de la maisonnée, ces deux plantes qui se faneraient au fil des jours mais que plus personne ne retirerait.


Les déménageurs étaient venus. Ils avaient emporté les derniers meubles - ceux qui étaient restés empilés près du perron - et  avaient laissé au jardinet un aspect désolé qu’il n’avait jamais eu. Elle n’entendrait plus de vociférations permanentes, ni la radio qui " gueulait " lorsque la porte de la cuisine était ouverte, elle n'achèterait plus, non plus,  « Télé Star » au supermarché du coin. Désormais sa voisine était en maison de retraite et sa maison serait vendue. Finalement, elle lui manquait un peu…

 

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes.


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