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Presquevoix...
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21 mars 2015

Le deal

Par des milieux peu orthodoxes, elle avait fini par trouver quelqu’un capable de tuer. Quand elle rencontra le type - il s’appelait Jeff - elle lui dit tout de suite qu’elle ne supportait pas son divorce et que les choses allaient de mal en pis. Jeff pensa aussitôt qu’elle voulait envoyer son mari ad patres. Mais non, cette folle voulait qu’il la tue, elle, et elle lui proposait 10 000 euros pour le faire.

C’était encore une belle femme qui ne méritait certes pas cette fin tragique. Mais après tout, son éthique ne le lui interdisait pas.

Rendez-vous fut pris une semaine plus tard, dans le parking souterrain des trois fontaines, à 22 heures, niveau – 4.

Il se procura une arme et le jour J, il se présenta à l’heure dite. Elle était là, seulement elle n’avait que 1000 euros à lui proposer. Il refusa. Elle lui jura que s’il refusait, elle lui pourrirait la vie et raconterait tout à la police.

Il lui tira deux balles dans la tête et partit.

15 mars 2015

La question

A la fin du cours, trois élèves étaient restées pour lui poser une question. Elle avait bien vu, à leur mine, que la question semblait difficile, de celle qui relève certainement de l’intimité. Bienveillante, elle les avait encouragées à s’ouvrir. L’une d’entre elle prit alors la parole au nom des autres.

-          Madame, on se demandait si vous étiez enceinte.

Ce fut comme si le ciel lui tombait sur la tête. Elle ? Enceinte ? Certes, elle n’avait que 35 ans mais comment avaient-elles pu en arriver à cette conclusion ? Etait-elle aussi grosse que ça, de face ou de profil ?

Elle déglutit difficilement et leur dit que non. Les élèves en furent gênées et partirent sans lui dire au revoir.

Dès le lendemain, elle s’inscrivait dans une salle de gym…

1 mars 2015

Retrouvailles

Ils se retrouvèrent par hasard lors d’un enterrement, quarante ans jour pour jour après leur premier rencontre, celle où ils avaient failli…

Elle était avec son mari, il était avec sa femme. Ils échappèrent un instant à leurs obligations familiales pour se saluer.

-  Tu n’as pas changé, lui dit-il.

-  Toi si, rétorqua-t-elle peu soucieuse des convenances.

Puis la conversation se poursuivit aimablement sans que ni l’un ni l’autre n’aborde « le sujet ». Dix minutes plus tard, ils furent rejoints par leurs conjoints respectifs qui  s’étonnaient de leur absence.

Les présentations furent faites, sans enthousiasme, et chacun se jaugea poliment.

Quinze minutes plus tard, ils se séparèrent, se promettant bien sûr de se revoir, mais ils n’avaient surtout pas échangé leurs numéros de téléphone.

 

17 février 2015

La robe de mariée

Elle allait fêter ses noces d’or ; 50 ans de bonheur mitigé avec un mari qu’elle avait pour habitude d’appeler « ma cellule de dégrisement ».

En regardant sa robe de mariée sagement remisée sous une housse avec un soupçon d’antimite, elle n’avait pu que se rendre à l’évidence : loin était le temps où elle pouvait se targuer d' une taille de guêpe. Depuis 30 ans elle mangeait trop. Sa taille enflait et elle arborait trois bourrelets que le bonhomme Michelin n’aurait pas reniés.

Lors de la fête organisée par sa fille pour fêter une union dont chacun connaissait les hauts, mais surtout les bas, elle prit sa famille à témoin pour dire le plus sérieusement du monde : « Quand je mourrai, enterrez-moi dans ma robe de mariée. Pas grave si on peut pas la fermer, de toutes façons, personne verra rien, je serai sur le dos, comme une baleine échouée, et je bougerai plus pour des siècles et des siècles ! »

 

 

5 février 2015

Le dentiste

Cette heure passée à l'horizontal sur le siège du dentiste l’avait  achevée. Elle sortit du cabinet, une moitié du visage paralysée ou presque – piqûre oblige ; elle avait l’impression de relever d’un AVC. Une fois dehors, saisie par le froid piquant, elle décida de prendre un verre. Au comptoir, elle demanda un Pastis. Le patron lui fit répéter sa commande, sans doute étonné qu’une  dame « bien mise » demande un pastis au comptoir, surtout à 17 heures.

Elle se sentit obligée de se justifier.

-  Je sors d'une séance de torture chez le dentiste, un petit remontant ne me fera pas de mal.

Le patron sourit et lui apporta le breuvage. Elle le sirota difficilement, à cause de sa mâchoire endormie, et de petites gouttes tombèrent lamentablement le long de son menton.

Un type entra et prit place à sa droite. Sa posture et son regard fatigué semblaient indiquer qu’il n’en était pas à son premier verre. Il articula deux ou trois propos incohérents à son adresse et lui proposa un autre pastis. Elle refusa poliment. Par contre, en payant son verre,  elle insista pour régler le sien.

-  Je vous en prie, acceptez, ce n’est pas tous les jours qu’on survit à un boucher !

 

30 janvier 2015

Les photos du bonheur

Lui avait un compte snapchat, elle un profil facebook,  et ils passaient la moitié de leur temps à exposer les photos de leur félicité. Lui se consacrait essentiellement à son autopromotion – lui à la musculation, lui à la piscine, lui au golf,  lui avec ses copains … - quant à elle, elle exhibait sa famille que tous considéraient comme idéale. Ses « amis » labellisaient ses photos d’un « j’aime » quasi-systématique : une si belle femme – il faut dire qu’elle choisissait ses photos avec  soin - de si beaux enfants, un si beau mari, une si belle maison, un si bon goût, une si belle entente, de si belles vacances !

Deux ans après l’ouverture de son compte, elle ne mit plus de photos d’elle, ni de son mari, ni des vacances, ni de la maison, ni des enfants. Il ne resta plus que des photos de plantes et de couvertures de livres.

Elle avait divorcé…

 

24 janvier 2015

Le pays du Vice

Nouvellement élu à la tête du pays, il avait promis au peuple une politique qui trancherait avec les précédents présidents, et ce fut fait.

Neuf mois après son élection, il fut créé une police chargée de la promotion du vice et de la prévention de la vertu. Si  les médias s’en inquiétèrent, ce ne fut que pure forme, car les financiers à la tête des principaux journaux étaient liés aux narcotrafiquants.

La population fut rapidement mise au pas grâce à une police dont les effectifs furent triplés. Les policiers patrouillaient jours et nuits dans les quartiers sensibles – c’est ainsi que l’on appelait les ilots de résistance de la vertu – où des tagueurs s’obstinaient à barioler de chastes inscriptions sur les devantures des cabarets et des tripots en tout genre.

Alcool, cannabis, sexshops, films pornographiques, maisons de jeu et de passe, magasins d'armes et champs de tir menaient la danse du PNB. Lors de ses premiers voeux au pays, le Président - revêtu d'un  costume bardé de décorations fantaisistes qui lui donnait un vague air d'Amin Dada - se  félicita  du bond de 10 % du taux de croissance  et de l'explosion de l'indice de la PNB -  Pulsion Nationale Brute. Il termina son discours d'un " Que le Vice soit pour nous un art de vivre !" et la garde républicaine entonna le nouvel hymne républicain sans aucune fausse note.

20 janvier 2015

Le coup de pied

luneLe jour où il avait donné un coup de pied dans la lune, il n’avait pas imaginé un seul instant les conséquences de son acte.

Certains l’avaient applaudi, d’autres l’avait critiqué ; parfois même, on l’avait haï. On parla d’impertinence,  d’irrévérence,  et même de blasphème ; il aurait pu en rire, si les choses n’avaient pris une telle tournure.

Une fois la machine médiatique en marche, rien ne put l’arrêter. Les interprétations allaient bon train : était-il fou ? Courageux ? Irresponsable ? Orgueilleux ? Ou peut-être se prenait-il pour Dieu ? Voulait-il l’égaler  ou se moquer  de lui ? D’autres pensèrent à un complot mais qui voulait prendre le pouvoir sur qui et pourquoi ?

Lui-même ne savait plus qui il était ni pourquoi il avait eu cette idée que maintenant, peut-être, il jugeait absurde.

Que pouvait-il faire, sinon fuir… ?

 

PS : histoire écrite à partir d’une photo de Patrick Cassagnes

 

18 janvier 2015

Le contrôle

Les notes du contrôle de mathématiques de sa terminale S étaient catastrophiques et les élèves, unanimes, demandèrent un contrôle de rattrapage. Il accéda à leur désir.

Il prépara donc un deuxième contrôle qui ressemblait à s'y méprendre au premier. Quand il eut fini de corriger le deuxième contrôle, il avala deux dolipranes coup sur coup : les notes étaient encore plus basses qu’au premier !

En leur remettant leurs copies il annonça.

-  De quelque manière qu'on s'y prenne on s'y prend toujours mal, disait Freud. Avec vous, j'en ai eu la triste révélation. Ce sera donc mon dernier cours.

Et il quitta la classe sous leurs regards médusés.

 

 

31 décembre 2014

L’infirmier

Quand elle allait au laboratoire – une fois par mois – elle était  piquée par le même infirmier qui lui disait systématiquement.

-          Avec vous, j’ai de la veine, vos vaisseaux sont superbes !

Elle acquiesçait gentiment en hochant la tête. Sauf que la dernière fois, il ne s’était pas contenté de cette phrase, il avait aussi parlé de l’indescriptible beauté  de son sang. Là, elle s’était inquiétée : et s’il la prenait en otage  pour faire des transfusions dont le sang servirait à dieu sait quelle odieuse combine ?

Elle n’en parla pas à son mari car celui-ci,  immanquablement, lui aurait dit qu’il était dommage que son imagination ne soit pas aussi fertile dans le domaine sexuel. Certes, elle savait que lui répondre, mais en ces temps de trêve de Noël, était-il sage de provoquer des orages ?

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