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Presquevoix...
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28 mars 2016

« De quoi n’êtes-vous pas conscient ? »

Ce matin, elle a trouvé Hortense effondrée  en train de sangloter devant la machine à café. Elle a attendu quelques instants avant de lui demander.

-          Qu’est-ce qui ne va pas ?

-          Tu vois, j’étais toujours dans la nostalgie d’un paradis perdu.

-          Oui, et alors…

-          Tu sais ce qu’il y a de pire que de perdre un paradis ?

Elle fit non de la tête.

-          C’est de perdre un paradis qui n’a jamais existé. Parce que là, c’est une double perte, et ses pleurs redoublèrent.

Elle lui mit doucement une main sur l’épaule et conclut.

-          Allez, ce soir je t’invite à la maison. Et tu sais ce que je te ferai comme dessert ?

-          Non.

-          Un gâteau du paradis. Tu vois, tu n’auras pas tout perdu.

Hortense fit un pauvre sourire en guise d’assentiment et conclut.

-          Merci, c’est gentil, et elle se dirigea vers le bureau du chef, comme si elle allait à l’abattoir…

24 mars 2016

La leçon

Il y a quelques jours, lors d’une conversation à bâtons rompus avec des élèves qui étaient venus en cours bien qu’elle soit notée absente sur le tableau, elle avait eu droit à une leçon de « pédagogie » bienveillante de la part de l’un d’entre eux.

« Vous savez Madame, quand vous nous mettez à la porte, faut le faire zen, sinon on se dit qu’on a encore gagné ! »

Elle a chaleureusement remercié le psychologue en herbe en lui soulignant qu’elle tiendrait compte de ses conseils. La réponse de l’élève fut immédiate : «  Vous allez quand même pas vous en servir avec moi ? »

« Qui sait ?  lui a-t-elle répondu…

20 mars 2016

La scène

Elle ne connaissait jamais ses répliques, lui donnait toujours la douzième réplique au lieu de la deuxième, et la scène se terminait immanquablement au bout de deux minutes alors qu’elle devait en durer 10.

Un jour, lassé de ce manque de professionnalisme – même chez un amateur – il explosa.

-          Tu te rends compte ?

Elle le regarda ahurie.

-          Mais c’est pas dans la scène «  Tu te rends compte » !

-          Non, c’est pas dans la scène, mais ces répliques que tu oublies tout le temps de me donner, elles, elles sont bien dans la scène.

-          Quelles répliques ? dit-elle en haussant le ton

-          Ces putains de répliques que tu n’as pas apprises, ajouta-t-il en lui mettant le texte sous le nez.

Elle prit la feuille, la relut et lui répondit avec une mauvaise foi évidente.

-          Eh bien nous n’avons pas le même texte !

Il faillit lui demander de lui donner son texte, mais il préféra descendre de l’estrade.

-          Alors, va te faire foutre ! cria-t-il sous le regard médusé des autres acteurs.

Du fond de la salle, il cria à l'adresse du professeur : « Et surtout, je veux plus jouer avec cette cinglée qui est toujours dans le déni ! »

La cinglée voulut se précipiter derrière son partenaire mais elle se prit les pieds dans ce qui devait être une robe de mariée, et s’étala de tout son long sur l’estrade poussiéreuse en sanglotant et en répétant en boucle que les hommes étaient des tous des cons, des cons, des cons, des cons…

 

 

 

 

 

14 mars 2016

La phrase

« On voudrait nous faire croire qu’on fonctionne en ligne droite mais on est dans un vrai labyrinthe ». Nombreux étaient ceux qui l'ignoraient encore, somnolant dans la certitude de leurs préjugés lénifiants.

Elle avait longtemps marché dans les ténèbres  mais  maintenant, à chaque oscillation de son corps, son trapèze aux cordes tressées de fils  d’Ariane conduisait son esprit vers la lumière. 

Parfois, des "amis" bien-pensants lui riaient au nez : « Parce que toi, tu crois qu’on fait ce qu’on veut dans la vie ! ». Elle les laissait dire et préférait détourner son regard quand ils tombaient, victimes de lignes droites qui leur  barraient l’horizon. 

Ces mêmes personnes lui murmuraient aussi que les labyrinthes ne ménagent pas leur peine pour perdre ceux qui les défient. Mais elle n'écoutait pas ces oiseaux de mauvais augure, et les cales qui durcissaient ses mains étaient les gages qu'elle prenait la vie à bras le corps et que jamais ne cesserait sa quête de  liberté…

 

PS : texte inspiré par ce spectacle de Raphaelle Balland :

 

 

11 février 2016

Les citations

« Très tôt dans ma vie, il a été trop tard »*.  Bonne pioche, elle note la citation. Le rayon littérature de la Fnac est un vaste champ d’investigation culturelle. Munie de son carnet de bord - telle une navigatrice au court cours  - elle note les citations de livres ouverts au hasard de ses rencontres. Une fois chez elle, elle  les classe   -  celles à comprendre, celles à apprendre et celles à laisser dormir dans le tiroir de sa table de chevet.

Etranges comme les auteurs ont l’art de voir juste, même pour leurs lecteurs. Pour elle aussi, très tôt, il a été trop tard, et le décalage n’a cessé de se creuser,  jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus voir les côtes de sa propre vie

 

*citation de Marguerite Duras utilisée après l’avoir lue sur le blog d’Espiguette. Qu’elle en soit remerciée !

24 janvier 2016

« Ensaigner »

8 heures, il est affalé sur la table, sa capuche sur la tête. Le cours commence. Premier remarque. Je passe quelques photos sur Lisbonne, il est toujours affalé sur la table, sa capuche sur la tête. Deuxième remarque. Il daigne lever la tête et émettre un borborygme. Je lui redis le plus aimablement du monde d’enlever sa capuche – ce qu’il fait – et de regarder les documents visionnés car nous sommes en cours, non dans sa chambre à coucher où d’ailleurs il aurait avantageusement pu  rester. Il garde sa tête levée une minute et replonge sur la table, mais sans la capuche, non par fatigue, mais par provocation. Un petit sketch qui aurait pu me faire sourire dans un film intitulé « les profs », mais pas lorsque je fais partie du « casting ».

Résultat des courses : un rapport et une colle.

PS : et en bonus, la bande annonce de ce  film que je trouve toujours aussi étonnant : " la journée de la jupe "

 

 

20 janvier 2016

Le zoo

Mais pourquoi tu t’énerves comme ça ? Lui disait-il souvent. Fais  comme si tu étais au  zoo en train d’observer des animaux dans leur élément naturel. Une fois que la visite sera terminée,  tu rentreras chez toi, dans ta petite cage à toi, là où personne ne viendra te déranger, à part peut-être quelques visiteurs…

12 janvier 2016

L’identité

Marilyn travaillait au service accueil de l’hôpital psychiatrique depuis trois ans et son œil aiguisé était capable de détecter en un clin d’œil qui était malade et qui ne l’était pas. L’hôpital étant un lieu ouvert – des esprits malveillants disaient même un moulin à vent – elle devait se montrer vigilante, au cas où.

Ce jour-là, à 16 heures, elle vit sortir un type revêtu d’une drôle de  tunique longue et chaussant des tongs. Après un rapide coup d’œil, elle décida d’intervenir.

-          Monsieur ?

L’homme se retourna. Une barbe mal taillée mangeait son visage éclairé d’un sourire.

-          Mademoiselle ?

-          Vous pensez sortir en ville vêtu de cette façon ?

-          Je rentre chez moi, voyez-vous, et je pensais donc que je pouvais m’habiller comme bon me semblait. Je suis psychiatre.

Elle rougit légèrement mais à elle, on ne la ferait pas, elle avait l’habitude des hurluberlus qui se prenaient pour Jésus, Marx ou le général de Gaulle. Elle continua imperturbable.

-          Vous avez votre carte du service ?

Le sourire de l’homme ne s’altéra pas et il lui montra sa carte de médecin psychiatre. Elle se confondit en excuses et le psychiatre conclut.

-          Vous pourriez me montrer la vôtre, aussi ? Qui me dit que vous êtes bien hôtesse d'accueil ?

Elle ne sut que répondre et s’excusa poliment.

 

 

8 janvier 2016

Le matelas

Ils ont rencontré Pierre par hasard à Conforama, en contemplation devant le rayon matelas. La conversation s’est engagée sur les avantages et les  inconvénients des tailles de matelas. Sa théorie de l’évolution du matelas dans la vie d’un couple les a fait réfléchir, d’autant plus qu’ils ne vivaient ensemble que depuis un an : « Les premières nuits, on couche à deux sur un matelas de 90, sans problème aucun, ensuite, très rapidement, on passe au matelas de 140,  puis à celui de 160, et on finit par opter pour celui de 180, car on ne supporte plus que l’autre  nous gêne ! " Après une courte pause, Pierre a conclu  :  " Ensuite, si nécessaire, on fait chambre  à part ; et quand vraiment il n'y a plus aucun atome crochu, on fait maison séparée ! "

2 janvier 2016

L’autre

De temps en temps, il lui parlait de son « ex », devenue son amie grâce à facebook. Et un beau jour, curieux de voir les effets du temps sur cette femme dont il s’était séparé dix ans plus tôt, il a décidé de la revoir. Ce n’était pas une rencontre que sa femme trouvait très « saine », mais que pouvait-elle dire ?

Quand il est revenu, elle lui a dit.

-          Alors ? Tout s’est bien passé ?

Il a répondu, avec une pointe d'admiration.

-          Marie n’a pas changé.

Il a même ajouté –  la voix rêveuse - et ça, sa femme  ne lui a pas pardonné.

-          Je me demande même pourquoi je l’ai quittée…

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