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Presquevoix...
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25 juin 2016

L'acte

Un jour où elle avait bu plus que de coutume, Marie avait confié à son amie qu’à chaque fois qu’elle faisait l’amour avec Samuel, elle mettait des boules Quiès. Son amie n’avait pas osé lui poser la question  qui lui brûlait la langue, et bien lui en avait pris. Marie avait aussitôt ajouté.

-          Tu te demandes certainement pourquoi ? C’est simple, quand Samuel commence à prendre son pied, il hurle tellement qu’on dirait que toutes les bêtes  de la forêt vierge se sont données rendez-vous dans notre chambre. Et ça, tu ne peux pas t’imaginer comme ça me déconcentre ! 

Elle resta silencieuse mais une question lui trottait dans la tête : comment faisaient-ils avec les enfants ?

5 juin 2016

L’oral facultatif

Les candidats attendent devant la salle 210 pour passer l’oral de portugais facultatif du bac professionnel. Elle fait entrer le premier élève qui arrive mains dans les poches et, comme souvent, sans savoir en quoi consistent les épreuves. Elle lui fournit quelques explications, lui donne un document  à préparer pendant cinq minutes, une feuille, et un stylo car il n’en a pas.  Durant ce temps de préparation elle vaque à différentes tâches.

Au bout de cinq minutes, elle demande au candidat de s’asseoir en face d’elle et de lui présenter le document en portugais. Elle remarque que la feuille rose qu’elle lui a donnée est immaculée. Le jeune homme reste un temps  muet, puis se lance dans une phrase où tous les mots sont français à l’exception de l’un d’entre eux auquel il a rajouté un o, pour faire portugais.

Après cette phrase, il s’arrête. Elle lui précise qu’il a encore plus de quatre minutes devant lui, mais il n’a plus rien à dire. Elle tente de lui poser quelques questions en portugais, mais son degré de compréhension de la langue est aussi catastrophique que sa capacité à communiquer. En désespoir de cause, elle passe à l’épreuve suivante, la partie compréhension écrite. Hélas, le document, très simple, est largement interprété en fonction du titre qui lui-même n’a pas été compris.

A la fin de l’épreuve, elle ne peut s’empêcher de demander au candidat pourquoi il s’est inscrit à cette épreuve sans la préparer. Il lui répond avec un large sourire qu’il est d’origine portugaise et qu’il voulait tenter sa chance.

Après cette explication, il lui sourit à nouveau, lui offre une large poignée de main et part les mains dans les poches…

 

31 mai 2016

Le DRH

Son  travail de DRH* avait fini par créer chez lui un syndrome de culpabilité.

Au tout début de sa carrière, il avait commencé par mettre à la porte quelques salariés, 5, 10 ou 20 dans les cas les pires ; mais le nombre était allé crescendo jusqu’à atteindre, depuis qu’il était en free-lance, les 500 personnes en une seule fournée.

Nuit après nuit,  il rêvait de charrettes emplies d’hommes qu’un bourreau au visage masqué conduisait au four crématoire. Lorsque le bourreau enlevait son masque, il se rendait compte que c’était lui, et il se réveillait en sursaut, le corps trempé de sueur.

Il avait parfois essayé de se mettre à la place de ces gens, mais il avait dû arrêter ; l’empathie était le plus sûr moyen d’arriver à la case dépression.

Seulement, depuis quelques temps, le chômage n’était plus une chose lointaine, réservée aux autres. Il avait remarqué qu’une nouvelle tendance surgissait dans le monde de l’entreprise : certaines boîtes préféraient  passer par les prud’hommes plutôt que de licencier : cela leur revenait moins cher.

Allait-il lui-aussi se retrouver au chômage ?

 

*Directeur des ressources humaines

 

23 mai 2016

Le miracle

Il se murmurait, dans les coulisses des théâtres, que cet acteur était mauvais et que s’il jouait, c’était grâce à des « protections » en haut lieu. Certains chuchotaient qu’il décourageait les mots et que nombre d’auteurs avaient été sacrifiés sur l’autel de son incompétence.
Pourtant, ce soir-là, tout le monde s’accorda à dire – même ses pires ennemis - que sa prestation fut bonne, voire excellente ! En tous cas, le public applaudit à tout rompre et on ne compta pas les rappels.
Que s’était-il donc passé ? Quelques-uns y virent – dans le monde du spectacle, la jalousie est une seconde nature  - un présage, et ils n’eurent pas tort : la nuit qui suivit son spectacle, il mourut.
Il n’avait que 33 ans.

5 mai 2016

La fiche

En début d’année, elle donnait toujours une fiche à remplir à ses élèves. Elle demandait notamment le numéro de téléphone des parents, toujours utile en cas de problèmes répétés.

Cette année-là, à la question « formation souhaitée après le bac », un élève avait écrit « monastère », et à métier envisagé, il avait indiqué « évêque, voire pape ». Elle s’était dit que celui-ci, il faudrait qu’elle le tienne à l’œil et qu’elle prépare les cilices, au cas où…

 

27 avril 2016

Performances

La vie de Grégoire était conçue sur le mode de la rivalité et de la compétition. Chaque « performance » donnait lieu à une exhibition des résultats obtenus avec force détails. J’en donne pour preuve le jour où Grégoire nous a montré ses « parfaites » analyses de sang, celui où il a énuméré ses performances sexuelles, celui où il a repassé un concours externe de la fonction publique car il n’avait eu que le concours interne, celui où il nous a annoncé que ses tests de QI – les dixièmes au moins – avaient été réussis avec succès, etc.

Grégoire fatiguait ses proches et ses collègues. Il était le masque vivant d’une société qui se regarde le nombril avant sa mort annoncée. Quant à sa femme, lorsqu’ elle a quitté le domicile conjugal, elle lui a juste dit :

« Tes performances me font chier, je pars avec un looser. »

21 avril 2016

La ressemblance

Souvent on lui disait qu’elle ressemblait à quelqu’un de célèbre, mais avec 10 ans de moins. Et jamais on ne lui donnait  le nom de la personne en question. La semaine passée, un ami lui a fait la même réflexion.

-          Tu sais que tu ressembles à quelqu’un de célèbre, mais en plus jeune.

-          Qui ? Demanda-t-elle intéressée.

-          Je ne sais pas si je dois te le dire.

-          Pourquoi ?

-          Tu n’apprécieras peut-être pas.

-          Dis toujours !

-          Marine Le Pen.

Elle est restée bouche bée, puis l’ami a enchaîné.

-          Je savais que j’aurais mieux fait de me taire…

 

17 avril 2016

Le protocole

Maud est une grande et belle femme d’un formalisme étonnant. La terminologie qu’elle utilise dans ses relations quotidiennes la fait ressembler à un agent du corps diplomatique ou à un médecin cancérologue. Elle affectionne particulièrement le mot « protocole ».

Je l’imagine, dans sa camisole verbale, évoquer le protocole numéro un, deux ou trois au moment de « l’acte sexuel » avec Georges, son mari. Cela pourrait donner :

-          Bon Georges, aujourd’hui quel protocole mettons nous en place ?

-          Commençons par le protocole numéro deux et nous le respecterons jusqu’au bout, pas comme la dernière fois.

-          Très bien Georges. Et s’il y a un accroc au protocole, je le transcrirai sans faute dans le procès-verbal de nos actes sexuels. Par ailleurs, je pensais que le numéro quatre, variante du protocole numéro trois, en un peu plus hardi, pourrait nous faire sortir des sentiers battus. Etc.

La dernière fois que j’ai rencontré Maud, c’était  dans le salon de thé des écrivains. Quand elle m’a parlé de Georges, j’ai failli pouffer de rire car m’est immédiatement revenu en mémoire la fameuse scène des protocoles. Heureusement que je me suis contenue, car la pauvre Maud était en but à un problème qui l’obsédait jour et nuit : « le protocole de divorce avec son mari. » …

13 avril 2016

Les tampons

Quand ils se disputent – ce qui arrive au moins une fois par jour  -  ils s’insultent en silence, à coup de tampons rageurs imprimés sur des feuilles qu’ils s’échangent. Lorsque les répliques sont vraiment fleuries, on peut lire.

-          Ennemi du genre humain !

-          Parasite !

-          Ringard !

-          Charogne !

-          Branleur !

-          Face de vulve !

-          Va t’acheter des couilles !

-          Connasse géante !

-          Mange merde !

-          Fais-toi stériliser !

Certains pourront s’étonner de leur stratégie mais tous deux ont des valeurs et tiennent absolument à élever leurs enfants dans la plus pure tradition de la haute bourgeoisie catholique dont ils sont issus.

 

PS : texte écrit après avoir visionné  cette vidéo qui présente Vincent Sardon, créateur de tampons.

 

11 avril 2016

Lundi noir

C’est un lundi noir qui fait suite à un dimanche noir, sans parler de la semaine précédente, elle-même d’une noirceur sans nom. Elle n’a plus  le choix qu’entre trois solutions :

1)      Se suicider en se jetant sous un train

2)      Se suicider en se jetant dans la Seine

3)      Se suicider en avalant trois boîtes de médicaments

Que choisir ? Elle marche dans la ville, au hasard. L’air est frais, le ciel bleu pâle et les visages fermés. Ses pas la conduisent vers la seule vraie librairie de la ville  et elle traîne son mal être entre les rayons. C’est au deuxième étage qu’elle découvre la perle rare : « Petits exercices d’art Thérapie ».

Elle s’installe dans l’un des fauteuils, feuillette le livre un moment puis décide de l’acheter.

Finalement, non, elle ne se tuera pas – à quoi bon ? -  mais elle transformera sa souffrance en une multitude d’œuvres qu’elle installera partout, dans les jardins et les rues, et jamais elle ne s’arrêtera, jamais…

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