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23 décembre 2016

Les éoliennes

On avait installé deux énormes éoliennes derrière chez elle et chaque soir, avant de fermer ses volets, elle se racontait cette même histoire qui perturbait immanquablement  son sommeil : deux monstres gigantesques passeraient leurs bras par la fenêtre pour lui  voler ses économies cachées sous son matelas…

 

15 décembre 2016

Le trombinoscope

Quand elle a vu Madame R sortir de la salle 8, le visage livide, elle lui a dit.

-          Un problème ?

-          Je ne peux plus supporter ce morveux. J’en ai ras le bol de ses provocations.

Elle a hoché la tête, compatissante.

-          Tu sais, j’ai un truc qui te permettra de retrouver ton calme : la technique du trombinoscope.

-          C’est quoi ?

-          Bon, tu agrandis le trombinoscope de la classe, tu  le mets  sur un mur, tu te places à deux mètres avec des fléchettes que tu balances sur la tête de l’élève en question, et le tour est joué !

-          Tu crois que ça marche ? a répondu Madame R.

-          Bien sûr, essaie !

Elle l’a remerciée avec un large sourire et elle est partie d’un pas léger. Elle était sûre que l’après-midi même, Madame R achèterait des fléchettes de toutes les couleurs

 

 

3 décembre 2016

L’ail

Elle lui a dit d’une drôle de voix.

-          Si tu m’aimais vraiment, tu mangerais de l’ail !

Il n’a pas su quoi  répondre. Qu’est-ce que l’ail avait  à voir avec l’amour ? Elle mélangeait tout. Comme il se taisait elle a enchaîné.

-          Si tu laisses l’ail sur le bord de l’assiette c’est bien à cause de l’haleine, non ?

-          Et alors ? Tu crois peut-être que je vais embrasser ma chef de service sur la bouche !

Elle est restée silencieuse mais le soir, quand il est rentré, elle n’était pas là et il a eu droit, commme d'habitude, au mot sur la table de la cuisine : « Je suis partie chez ma mère pour quelques jours. Nous ne nous comprenons plus. »

Il s’est fait réchauffer un plat surgelé et s’est affalé devant la télévision : enfin seul !

 

25 novembre 2016

L’oxygène

Le ministère de l'Education Nationale venait de trouver une nouvelle appellation contrôlée qui suscitait nombre de commentaires humoristiques dans la salle des professeurs du collège où elle travaillait : le dispositif oxygène.

Un collègue a ricané : « Ah bon, parce que maintenant, en plus du reste, il va falloir réanimer les élèves ? », un autre a enchaîné «  Ouais, on va leur mettre des masques à oxygène à haute tension pédagogique », un troisième a renchéri  « Après l’internet haut débit, l’oxygène haut débit, ils vont se ruiner au ministère et on va toujours pas  augmenter nos salaires ! » et, en guise de conclusion un dernier a conclu : « Moi, la réanimation cardio-pédagogique, ça me connaît, je veux bien vous faire un stage le mois prochain ! »

Il faut dire que le projet oxygène succédait à une foultitude d'autres projets - aux labels aussi "originaux" les uns que les autres - qui changeaient assez peu le quotidien de leur collège de ZEP...

 

 

21 novembre 2016

RLDP

Après avoir médit des uns et des autres pendant une demi-heure, elle lui a dit.

-           Je crois que toi et moi on devrait créer une radio locale. On l’appellerait RLDP.

-           Tu sais, je n’ai aucune compétence en matière de radio.

-           En matière de radio peut-être, mais pour le reste…

-           Et à propos, RLDP, ça veut dire quoi ? a-t-elle dit l'air intriguée

-           Radio Langue De Putes, bien sûr !

Elle l’a regardée médusée. Elle ? Une « langue de pute » ?  Elle se foutait d’elle ! Qui avait passé son temps à critiquer tout le monde : elle ou elle ?

17 novembre 2016

Le Fürher

Sa mère exerçait sur lui un pouvoir impitoyable. Elle lui dictait tout, même ses souvenirs. Le jour où, à 15 ans, dans un accès d’humour improbable il lui a répondu  «  Ya vol  mein Führer ! », elle l’a giflé aussitôt.

Il en est resté sidéré.  Etait-elle la seule à ne pas savoir qu’elle se comportait comme un dictateur ?

 

13 novembre 2016

L’association

Leur association culturelle s’était peu à peu éloignée de l’objectif initial. Il est vrai qu’après chaque cours ils terminaient par un apéro ; la convivialité y avait beaucoup gagné, la culture un peu moins.

Au bout de deux ans,  l’hymne de l’association n’était plus « Vive la culture ! », mais : « Vive le pinard ! ». La culture, elle,  n’était plus qu’un prétexte qui permettait d’avoir quelques maigres subventions de la mairie…

 

 

30 octobre 2016

Trop vieille

Elle cherchait du travail depuis six mois et à chaque entretien on lui faisait comprendre, à mots couverts, qu'elle était trop vieille et à mettre au rebut.

Ce jour-là, avant d’aller à Pôle Emploi, elle fit une halte dans un petit restaurant qui donnait sur une rue calme bordée d’arbres. Quand elle demanda au patron si elle pouvait  s’asseoir à côté de la baie vitrée, elle comprit qu' il ne souhaitait pas qu'une personne de son âge se mette "en vitrine", ce n'était pas une bonne pub pour son établissement.

Il ajouta ensuite, comme pour se faire pardonner : «  Mais j’ai une petite table sympathique près des toilettes… ». Elle sortit du restaurant la tête haute. Ce qu'elle n'avait pas accepté de son mari - il avait voulu la reléguer dans les seconds rôles pour placer, dans le premier, sa maîtresse d'à peine 35 ans - elle n'allait pas l'accepter d'un restaurateur !

Devenait-elle  "parano" ou la société rejetait-elle insidieusement  les femmes de plus de 55 ans  ?

17 octobre 2016

Précis de conversation

Il est 10 heures et ils sont appuyés au comptoir, déjà épuisés par la journée qu’ils vont devoir affronter.

-          Il fait chaud, dit l’un.

-          Non, il va faire chaud, rectifie l’autre.

Cinq minutes ont passé et l’un comme l’autre ont avalé leur blanc.

-          Le soleil tape quand même, dit l’un.

-          C’est pas faux, répond l’autre avant de s’essuyer le front avec un mouchoir taché.

A 10.30, l’un se lève, suivi de peu par le second. Le patron leur dit « A plus », et il reprend sa conversation avec deux clients qui continuent la permanence au comptoir.

 

 

5 octobre 2016

La retraite

Depuis quelque temps, on n’arrêtait pas de lui demander : " Alors ? Bientôt la retraite ? "  Ce qu’elle trouvait fort désobligeant. « Vous trouvez  que j’ai une si sale gueule que ça ? » se retenait-elle de leur dire.

D’autant plus que pour elle, la retraite se laisserait désirer.  Elle savait qu’ayant commencé à travailler tardivement, elle devrait attendre jusqu’à 67 ans pour toucher le « pactole ».

Quand cette question émanait de retraités – voulaient-ils la narguer ? – elle avait envie de  leur répondre avec cette vilaine blague lue quelque part : Pour moi, la retraite,  c’est dans longtemps, mais vous, profitez-en bien, parce que la retraite, c’est comme des vacances, sauf qu’à la fin, on meurt !

 

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