Je voyais bien que je gênais et
pourtant je n’osais partir, je restais même pétrifiée me demandant quelle
attitude adopter. Pourtant cela avait bien commencé.
Avec Marilyne, nous avions décidé
une petite « bouffe » entre copines, histoire de nous raconter les
derniers événements de nos vies si intenses ! Un texto me demandant si
elle pouvait venir avec son nouvel amoureux, histoire de me le présenter pour
avoir mon avis ne m’avait pas alertée outre mesure. Ce n’était pas la première
fois que nous nous présentions nos copains et, curieuse de voir la tête du
nouvel amoureux, j’avais accepté. Rendez-vous fut pris à la
« Locanda », notre restaurant préféré situé dans les hauts de la
ville. J’étais un peu en retard, les embouteillages empêchant le bus d’avancer,
ce qui confirme que des bus sans voies prioritaires, cela ne marche pas, mais
ceci est une autre histoire. En entrant à la « Locanda », Gino, un
des serveurs qui à force de nous servir, commençait à nous connaître, me
désigna une table au fond de la pizzeria, un sourire aux lèvres, ce qui aurait
dû m’alerter. L’amas de deux corps soudés l’un à l’autre par la bouche aurait
également dû m’alerter mais bon, parfois on ignore tous les feux rouges
clignotants par manque de volonté ou paresse…Les présentations faites, nous
avons commandé et les petits bisous que ce couple tout neuf échangeait entre
deux pages de la carte me semblaient bien mignons. Le fait d’avoir cet inconnu
à notre table ne me motivait pas vraiment à raconter les derniers épisodes de
ma vie à ma copine et la conversation stagnait dans des banalités qui
n’intéressaient personne. Les amoureux mirent donc ce temps libre à
contribution pour tester encore et toujours la meilleure façon d’embrasser
l’autre. Se retrouver à « tenir la chandelle » comme on dit chez nous
fut désagréable mais la rapidité du service fit que je n’eus pas à regarder le
plafond et les décorations environnantes trop longtemps…Sauvée par les
pizzas…du moins c’est ce que je croyais !
N’avez-vous jamais mangé en face
d’un couple échangeant entre chaque bouchée des baisers de plus en plus
longs ? N’avez-vous jamais essayé de déguster ce qu’il y avait dans votre
assiette sans oser lever les yeux de ladite assiette pour ne pas tomber sur
deux personnes pratiquant le bouche à bouche de façon si intensive qu’on
pourrait se demander comment ils trouvaient le moyen de respirer ? Et la
pizza terminée, le décor ambiant scanné plusieurs fois, la
« chandelle » toujours entre vos mains, vous demander ce qui vous
fait rester face à cette copine qui se fiche de votre bien-être et qui vous
joue un sale tour ?
Finalement la moutarde m’est
montée au nez et je décidais moi aussi de leur jouer un sale tour. Je profitais
donc d’un baiser particulièrement long pour ramasser mes affaires et partir. En
passant, je fis signe à Gino que la facture était pour ma copine. Après tout,
une pizza contre 2 heures à tenir la chandelle, c’était pas cher payé !
Accoudée à la balustrade,
étrangère au tumulte de la rue qui borde la plage, Tonia laisse vagabonder ses
pensées. En cette fin de journée, le soleil déclinant peine à maintenir la
chaleur de l’après-midi et elle frisonne. Elle ajuste le châle qui recouvre ses
épaules et scrute encore une fois l’horizon, comme tous les jours à pareille
heure. Elle attend.
Au loin les cloches de l’église
sonnent, invitant les rares fidèles à se rassembler pour prier à un monde
meilleur. Une mouette se pose non loin d’elle, en équilibre sur la rampe,
lorgnant un possible bout de pain. Les bateaux rentrent au port, déversant
leurs flots de touristes ivres d’air marin, à la démarche un peu incertaine,
leur corps se balançant dans le souvenir du roulis et du tangage.
Des enfants courent en riant, des
mamans crient, des papas grondent en un joyeux tumulte, heureux qu’ils sont de
profiter pleinement de ces journées de fin d’été. Les nuages qui approchent
humidifieront la soirée, apportant la fraîcheur pour une nuit régénératrice. Ces
gens semblent heureux mais elle n’est pas envieuse. Elle sait que son chagrin
fait dorénavant partie intégrante de sa vie, telle une nouvelle peau qu’elle a
endossée malgré elle. C’est ainsi, elle ne se lamente pas, elle assume et
attend que le destin ou la vie lui redonne un autre manteau, plus joyeux, moins
pesant, moins difficile à porter.
Une main se pose sur ses épaules,
elle ne réagit pas, elle ne regarde même pas à qui appartient cette douce
pression qu’elle sent.
- Maman, tu es à nouveau partie sans
m’avertir, tu n’es pas raisonnable, je t’ai cherchée partout.
Elle ne dit rien, mais en fait,
qui est cette femme, de quoi lui parle-t-elle ?
- Viens, on va rentrer, tu dois
avoir froid, tu es à peine habillée.
Elle s’accroche à la balustrade,
elle ne veut pas partir, elle attend, elle ne sait quoi ni qui, mais elle sait
qu’elle doit attendre. Sa fille insiste.
- Allez viens ! Et
délicatement, elle desserre les doigts accrochés, enveloppe de son bras les
épaules fragiles et conduit Tonia vers la voiture garée en double file.
Tonia essaie de résister mais
elle n’a pas la force pour s’opposer. Elle finit par s’asseoir docilement dans
le siège, elle sait que demain elle va revenir déjouant à nouveau la vigilance
de ceux qui l’enferment.
Elle n’avait qu’une envie,
s’enfuir et pourtant elle restait là, immobile, la tête basse, les bras sans
vie le long du corps, les épaules voutées en une attitude qui donnait, elle le
savait, elle le sentait au plus profond d’elle, toute puissance à son adversaire.
Pourtant elle ne faisait rien pour se défendre contre cette rafale de reproches
injustifiés et négatifs.
Alors que les mots pleuvaient
comme des pierres qui font mal à chaque impact, son esprit a fini par s’envoler
dans un monde où les autres auraient été gentils avec elle, un monde où sa
laideur serait reconnue sans rejet, un monde où sa timidité maladive serait une
ouverture à plus de compassion et d’aide, un monde où elle aurait sa place. A
ce rêve d’une vie meilleure, son visage s’éclaire et un sourire fleurit, telle
une rose s’ouvrant au soleil qui la réchauffe. Elle ferme les yeux et se voit
vêtue d’une belle robe en soie verte, chaussée d’escarpins à talons aiguilles
mettant en valeur ses jambes qu’elle sait belles, son seul atout avait dit son
père. Légère, elle descend l’escalier qui conduit à la cafétéria, faisant ainsi
danser le tissu dans un ballet cadencé attirant tous les regards des mâles
présents. Les autres femmes ne seraient pas jalouses car elles seraient amies,
partageant confidences, espoirs, rêves en se soutenant lors des moments difficiles.
Oui, ce serait bien…
- Bon, vous pouvez sortir mais
que cela ne se reproduise plus, je ne veux pas avoir d’autres critiques vous concernant.
D’un coup de bâton symbolique,
elle reprend douloureusement pied dans la réalité, son beau rêve éclaté comme
un ballon que son chef aurait percé d’une aiguille . Elle peut sortir de ce
bureau où elle n’a pas sa place, c’est le plus important. Alors qu’elle tourne
les talons, son supérieur hiérarchique la rappelle.
- Encore une chose. Vous ne
souriez jamais, vous êtes toujours dans votre coin, faites un effort que diable,
vos collègues se plaignent de votre manque de collaboration, nous sommes une
grande famille !
Elle ne dit toujours rien, se
contente d’opiner du chef. Il en a de bonnes, faire un effort…comment peut-on
sourire dans une...famille pareille ?
Les nuages filent à toute allure
et j’aimerais parfois être un ange pour, de mon nuage, observer ce qui se passe
alentour, aider dans la mesure du possible mais aussi prendre le temps de vivre.
Si j’étais un ange, je pourrais surfer
sur les vagues du cumulonimbus et m’adonner ainsi à ce sport de glisse sans risque de me retrouver à terre, les
fesses en l’air, les genoux et les poignets endoloris par la chute qui ne
manquerait pas de survenir…
Je pourrais paresser sur mon blanc
hamac ouaté en toute quiétude, sans me dire que j’ai plein de choses
importantes à faire…
Je pourrais voyager de Suisse en
Afrique, d’Afrique en Asie, d’Asie en Australie, d’Australie en Amérique sans
devoir montrer patte blanche aux frontières et sans polluer la planète…
Je pourrais chanter à tue-tête,
faux bien sûr mais avec tout mon cœur, sans me soucier des voisins et de mes
enfants qui se boucheraient les oreilles en me faisant comprendre que je
devrais me taire…
Je pourrais faire coucou aux
baleines et aux dauphins et les prévenir de l’arrivée des chalutiers permettant ainsi à ces espèces menacées de
fuir…
Je pourrais surveiller la
banquise qui se fracture et avertir les ours polaires de changer de territoire…
Je pourrais dénoncer les bateaux
qui purgent leurs réservoirs en mer provoquant ainsi des nappes polluantes et
désastreuses pour le faune et la flore marine…
Oui, je pourrais tout cela si
j’étais un ange…mais…je n’en suis pas un et je vais continuer à regarder les
surfeurs avec envie, tracer sur ma longue liste les tâches effectuées, voyager
dans ma tête, siffler au lieu de chanter et pester contre l’incohérence des
hommes face à notre belle nature !
Quant au hamac, j’en ai un beau
mais je ne sais pas où l’accrocher, c’est bête hein !
Voici une question qui ne peut laisser personne indifférent. Déjà penser à sa mort ce n’est pas drôle, mais penser à ce qu’on voudrait faire avant de mourir et qu’on ne fera sans doute pas, c’est encore moins drôle. Certains répondront sérieusement, d’autres exécuteront une pirouette et retomberont sur leurs pieds de vivants alors que d’autres encore sombreront dans la dépression…
Mais tout ça ne me dit toujours pas ce que je voudrais faire avant de mourir … Zut, je ne trouve rien. Ah si, avant de mourir j’aimerais bien pouvoir toucher ma retraite ! Pas la peine de demander autre chose, je suis la reine de la procrastination ! Quant à ma retraite, je me demande même si je la toucherai un jour parce que, s’il m’est difficile de compter sur moi-même, je crois qu’il est encore plus difficile de compter sur l’Etat, surtout en ce moment, où l’Etat est dans tous ses états !
En tous cas, si vous n’avez pas d’idées sur ce que vous voulez faire avant de mourir, regardez ce que veulent faire les autres, c’est ici.
Vous prenez une jolie salle
boisée, poêle en pierre ollaire pour réchauffer l’atmosphère de départ, une
longue table pour les convives et une exposition d’épices de toutes sortes, de
toutes provenances et aux parfums enivrants.
Puis, vous mélangez les convives
au fur et à mesure de leur arrivée, vous les mettez dans l’ambiance en leur
servant un apéritif composé d’un sirop de fleurs de sureau, gin et Schweppes
dans de jolies flûtes à champagne.
Quand les conversations vont bon
train, vous conviez vos hôtes à s’asseoir et vous leur servez une petite salade
tomates, concombres et oignons saupoudrée de coriandre fraîche.
Alors que les papilles sont en
alerte, un petit voyage imaginaire à travers le monde des épices est offert.
L’Inde, Madagascar, la Tasmanie, l’Egypte, La Réunion sont les étapes de cette
épopée sans oublier le Maroc qui sera l’ultime escale de ce circuit épicé.
Comme vous ne désirez pas
forcément que vos hôtes s’ennuient, vous accompagnez ce périple par des travaux
pratiques. Vous leur fournissez un bol et une cuillère et vous faites passez
dix-huit épices moulues qui entrent dans la composition du RAS EL HANOUT.
A savoir :
Coriandre – piments doux – piment
Jamaïque – cardamome – macis – gingembre – cumin oriental – cannelle – poivre
noir – nigelle – girofle – poivre long – maniguette – curcuma – ail poudre –
sel et à volonté des boutons de rose et du piment fort.
Encouragez ces préparateurs
occasionnels à humer les senteurs après chaque ajout, lesquelles senteurs vont
évoluer au fil des minutes qui passent et emporter chacun dans un monde
imaginaire.
Puis quand les nez seront pleins de
sensations épicées, leurs servir un couscous marocain au mouton et au poulet relevé
comme il se soit par un Ras El Hanout maison et accompagné d’Harissa pour les
amateurs de sensations fortes.
Les ventres repus ne manqueront
pas de clore ce repas par le traditionnel thé à la menthe servis dans des
petits verres décorés.
Le poêle n’a plus que des cendres
qui rougeoient et l’atmosphère est suffisamment chaude et conviviale pour que
les timidités, les inhibitions fassent place aux rires et aux échanges d’un
bout à l’autre de la table. Les conversations fusent, les thèmes de toutes
sortes sont évoqués, défendus, travaillés tant et si bien que la soirée
fortement avancée n’inspire aucunement l’envie de rentrer.
Vos hôtes sont bien mais vous,
vous désirez clore. Vous leur fournissez alors des sachets joliment décorés
pour qu’ils y mettent leur propre préparation épicée et c’est avec un petit souvenir
qu’ils finiront par repartir dans leurs pénates, les habits tous imprégnés de
parfums divers et le ventre plein et satisfait mais point trop lourd.
Satisfait de votre prestation,
vous pouvez à votre tour aller vous coucher, la conscience en paix même sachant
vos hôtes sur les routes, car la soirée si elle fut gustative n’a pas, à part
l’apéritif de départ, eu besoin de (trop) boissons alcoolisées pour être
réussie.
Recette tirée de l’expérience vécue
lors de la semaine du goût, au Monde des Epices, à Seigneux dans le canton de
Vaud en Suisse.
Vendredi soir, journal de la 2 à 20 heures, un journaliste demande à une femme, après une explosion qui a ravagé un café, au sein d’une cité : Est-ce que vous vous attendiez à ça ? Le type même de la question parfaitement imbécile, qu’on entend à tout bout de champ dans les médias.
On pourrait d’ailleurs, par pur plaisir, imaginer le même type de questions dans d’autres contextes, par exemple :
Votre voisin était zoophile, vous vous attendiez à ça ? Votre boucher a tué sa femme avec son couteau à désosser, vous vous attendiez à ça ? Votre banquier s’engraisse sur votre dos, vous vous attendiez à ça ? Le ministre de l’Education Nationale ne sait toujours pas faire une règle de trois alors qu’il a spécifié que cette opération devait être acquise par les élèves en fin de primaire, vous vous attendiez à ça ? Le président de la République a été conduit, en état de crise, à l’hôpital psychiatrique, vous vous attendiez à ça ? etc.
Il est vrai que souvent… on ne s’attend pas à grand chose, et surtout pas à « ça » !!!!
PS : notez bien que parfois, le journaliste donne même la réponse aux questions qu’il pose… c’est plus sûr.
Journée magnifique. Enfin du
soleil après la grisaille du stratus qui recouvre immanquablement le plateau de
Bâle à Lausanne une grande partie de l’hiver. Quand nous avons de la chance, ce
stratus disparait dans la matinée, parfois il persiste des jours entiers
recouvrant ainsi nos têtes de grisaille et de pollution.
En ce jour radieux, disais-je,
nous avons fêté dans notre rue l’obtention du permis B d’une figure
emblématique : un hommedéraciné,
requérant d’asile débouté, vivant dans la crainte d’un renvoi par une justice
( !) implacable !
Notre rue n’est pas une rue
ordinaire. Les voisins se connaissent, s’apprécient, se parlent, s’entraident,
organisent des rencontres pizzas autour du four à bois communautaire et y
boivent des vins locaux tout en refaisant le monde. Parmi ces voisins, deux
familles ont hébergé et caché cet homme afin de le soustraire à une décision de
renvoi ….après des péripéties administratives que seuls des fonctionnaires sans
cœur peuvent apprécier, le permis permettant un travail régulier et une
autorisation à vivre dans ce pays réputé pour ses montagnes, ses banques et son
chocolat mais pas forcément pour son ouverture et sa convivialité, a été
accordé.
Hourrah avons-nous chanté, les
miracles existent parfois !
Cet homme, de taciturne et replié
sur lui-même m’est apparu souriant, soulagé et enfin heureux de pouvoir poser
son baluchon et prendre racine après tant d’errances et de peurs.
J’ai rencontré lors de cet apéro
un couple âgé, bon chic bon genre, inconnu dans la sphère habituelle de ces
rencontres. Curieuse que je suis, je les ai approchés et nous avons bavardé.
Leur grande maison vidée de leurs quatre enfants, ils ont ouverts leur porte et
leur cœur à des pauvres hères laissés sans toits par des jugements faciles. Un
soir, c’est trois réfugiés mis à la rue par la fermeture du centre où ils
étaient hébergés, qu’ils ont accueillis chez eux pour des durées variables. Ce
couple n’est plus capable de faire le compte exact des personnes qui ont
séjourné chez eux, il y en a eu tellement. L’homme du jour avait été une de ces
personnes et reconnaissant, il voulait que ses autres amis les rencontrent.
Je me suis sentie toute petite
face à ce couple serein, souriant, modeste et au cœur aussi grand que leur maison.
Petite mais pas désespérée car de « petite » au contact de
« grands », il y a toujours un apprentissage qui permet un jour ou
l’autre de prendre de la hauteur, non ?
Elle lui dit, l’air abattue. - Tu vois, je me demande si je suis heureuse... Fatigué de ses états d’âme permanents, il lui répondit - Ecoute, arrête de penser, tu vieilliras moins vite !