Le manteau neigeux recouvre le
jardin, les oiseaux passent d’un arbre à l’autre découvrant ici et là les
petites boules de graines suspendues à leur intention. Elle observe à travers
la vitre de son bureau leur ballet de branche en branche et se demande si elle
ne va pas déplacer cette boule que les merles n’arrivent pas à atteindre…elle a
eu de la peine à se lever ce matin, le silence que la neige a induit a motivé
ses paupières à rester closes, la chaleur du lit étant encore plus douce que
d’habitude. Ne manquaient plus que les bras de son amour, chauds et
enveloppants, pour une douce étreinte câline. Hélas, les aléas de la vie font
que tout le monde n’a pas le choix de pouvoir rester au lit un jour de semaine…
On a pris notre café sur la
galerie et on est restées là, sans rien dire, à regarder le paysage. Elle ne
voulait pas parler, moi non plus, alors l’horloge du temps s’est mise à
tourner, minute après minute. J’ai pensé, je ne sais pourquoi, à la tortue qui avance
lentement mais avance tout de même pour enfin atteindre son but. Donc j’ai
attendu, j’avais tout mon temps, du moins j’avais décidé de le prendre, je me
suis calée sur mon fauteuil et j’ai siroté ce café qui refroidissait. Elle
avait entouré ses épaules d’un châle gris, était habillée d’une robe de chambre
grise elle aussi et la seule touche de couleur décorait ses pieds, petites
mules d’un rouge vif agrémentées d’une fleur en feutre. Ses cheveux peignés en
arrière dégageaient son front et montraient d’elle un visage que je ne
connaissais pas ; à la fois serein et dur, dépendant des images et des
pensées qui s’agitaient et se cognaient dans sa tête. Sa bouche restait
crispée, comme si elle cherchait à retenir les mots qui voulaient franchir ses
lèvres desséchées, comme si elle voulait les empêcher de formuler les phrases
qui auraient pu expliquer son mal-être. Elle nous en voulait, c’était ce que je
pensais, mais je n’arrivais pas à trouver ni comprendre ses reproches
potentiels, je ne pouvais qu’imaginer, chercher, inventer, supposer et cela
m’agaçait. Finalement, de guerre lasse, j’avais décidé d’attendre que ce flot de
griefs passe enfin le barrage de sa retenue et se déverse dans le lit de sa
délivrance et de la mienne.
Au loin, je voyais les montagnes
enneigées à la blancheur éternelle renouvelée. Etonnamment, je me sentais bien,
ce paysage m’apaisait, je ne cherchais plus à rentrer ma tête dans ma carapace,
j’étais prête à recevoir, ne manquait plus que son désir à elle de s’exprimer…
Connaissez-vous l’histoire des chaudoudoux* ? Je l’ai entendue ce
week-end et j’ai trouvé qu’en période de blues, de tristesse, de doute, de
mal-être, de besoin de chaleur, tendresse et affection, c’était une façon de se
faire du bien. Pour résumer, un chaudoudou
est quelque chose qui nous fait du bien, quelque chose qui nous apporte un
certain réconfort et qui par sa douceur, nous enveloppe dans un sentiment de
bien-être. Chacun peut avoir son propre chaudoudou,
j’ai testé le jeu « cadavre exquis façon chaudoudou » et j’ai envie de continuer cette expérimentation
avec vous.
Je vous propose donc de m’aider à
faire mon propre chaudoudou-presquevoix,
que je pourrais lire à volonté pour me sentir bien avec l’idée que je veux bien
aussi participer au vôtre si vous êtes tenté d’en avoir un à vous. Comment
faire ?
Vous ne me connaissez que par mes
écrits, je ne vous connais que par les vôtres mais les écrits parlent…un peu,
beaucoup…Vous qui me lisez, ce serait chouette si vous pouviez m’envoyer dans
les commentaires de ce message un signe de reconnaissance positif, une petite
phrase positive sur moi, mon écriture, mes idées, ma façon de paraître à
travers les mots, chaque phrase étant une parcelle de ce cadavre exquis tout
doux et tout chaud qu’il me plaira de lire quand je serais en panne, en doute,
en déprime passagère.
Mais attention, je ne suis pas
preneuse du Froidpiquant, le
contraire négatif que je ne crois pas utile de vous présenter, son appellation
étant bien assez explicite…
Alors, cela vous dit ?
* le conte chaud et doux des
chaudoudoux. Claude Steiner, inter Editons 1984
Les nouvelles en trois lignes sont tirées de faits divers réels notés avec précision et cruauté. Par exemple :
« Danielle L, 53 ans, empoisonna son jeune amant. Puis, trop fatiguée pour le traîner jusqu’à la cave avec les autres, elle alluma une cigarette. »
A la manière de Felix Fénéon, voici ma nouvelle en trois lignes :
Emile B, 60 ans, boucher, assomma sa femme avec un rouleau à pâtisserie puis la découpa en morceaux au couteau de boucher. « Elle m’a roulé dans la farine pendant 40 ans ! » se justifia-t-il calmement quand la police vint le chercher.
Et si on jeûnait pour les fêtes ? C’est la question que je me pose à chaque repas de fête, lorsque je sors de table ballonnée, le rot au bord des lèvres, la bouche prête à vomir la bûche, le foie gras et la dinde. Il m’arrive même parfois de manger plus que je ne peux, juste par solidarité avec la maîtresse de maison désemparée, qui se lamente de tous les restes qu’elle devra jeter si on ne l'aide pas un peu ! Quand la solidarité en est là, on a du souci à se faire, je vous le dis…
Et si je créais le MJFFA (Mouvement pour le Jeûne pendant les Fêtes de Fin d’Année) ? Je crois que je me ferais assassiner parce qu’il faut consommer ! Sans consommation, pas de croissance, sans croissance, pas d’emploi, et sans emploi, on marche droit vers le suicide économique de la France… enfin, c’est ce que je comprends quand j’écoute « not’ président », les médias, et les économistes de tous poils ; sauf ceux qui prônent la décroissance, bien sûr, mais ceux-là on ne les entend pas !
Le « Bonjour, ça va ? » appelle souvent un « oui, et toi ? » ; ça ne peut qu’aller bien, de toutes les façons, même si ça va mal ! D’ailleurs si vous allez mal et que vous le dites, vous ennuyez l’autre qui va peut-être plus mal que vous mais ne le dit pas parce que tout doit aller bien, forcément ! On n’a pas le temps pour autre chose dans ce monde qui use. Parce que le problème du « ça va ? » c’est qu’il est presque toujours dit d’un ton enjoué, alors on se met à la place de l’autre – qui pourrait être nous ! – et on n’a pas envie de le pousser dans ses retranchements, l’autre, en répondant : « Non, ça ne va pas et toi ? »
Elle marche lentement, les bras
le long du corps, deux membres devenus presque inutiles qui pendent
lamentablement alors que, penchée en avant, elle avance à petits pas, sans
vraiment savoir où elle va ni ce qu’elle fait. Elle est déjà dans un autre
monde, un monde d’où elle émerge parfois, petits moments de lucidité qui ne
durent que l’espace d’un instant de révolte sur cet avenir qui n’est plus le
sien. Dans son sillage, les autres pleurent sur un état qui ne sera plus, sur
une femme qui disparait petit à petit dans la brume, solitaire, sans partage,
sans possibilité de retour sous un ciel clair et limpide. Sur son visage,
aucune larme, sur ceux des autres, des torrents !
Le silence s’installe. Les
regards s’évitent, des moues se dessinent et le tic-tac de la pendule égrène
les secondes au même rythme que les battements de son cœur. Une baffe, c’est rien
et c’est tout, c’est minime et c’est énorme, cela fait même pas mal ou cela brûle
longtemps sur la joue rouge. Une baffe à 16 ans c’est le coup de souffle qui ravive
la flamme de la révolte permettant au feu qui couve de reprendre vie et ardeur.
- Et tu as fait quoi ?
- Ben d’après toi ?
- J’sais pas !
Nouveau silence qui s’alourdit en
attente de l’aveu.
L’heure passe, ils doivent se
quitter, ils se lèvent après avoir réglé leurs consommations. A ce moment, un
homme se dirige vers eux et s’adresse à Paul.
- Bonjour monsieur, comment
allez-vous, permettez que je vous présente quelqu’un, vous êtes toujours dans
la communication ?
Paul acquiesce en reconnaissant
son interlocuteur et, un peu surpris par la soudaineté de la demande, se laisse
entrainer par l’homme qui prend du temps pour se rendre compte que la politesse
consisterait également à dire bonjour à la femme qui accompagne Paul. Celle-ci
fait un peu la gueule, pas très contente d’être balayée de côté par ce goujat
de service qui demande quand même à Paul, après s’être aperçu de sa présence,
de la lui présenter.
- Marjolaine, une collègue.
- Enchanté, vous êtes aussi dans
la communication ?
Et après quelques secondes
d’observation, il ajoute.
- Mais vous devez être plus dure,
cela se voit sur votre visage !
Etonnée d’abord puis estimant le
jugement stupide, elle éclate de rire.
- Ah, mais cela change tout, vous
avez un beau sourire. Et de conduire Paul et Marjolaine vers une femme qu’il
interpelle.
- Baronne, laissez-moi vous
présenter un ami qui pourrait vous aider.
La Baronne se lève, est présentée
à Paul et alors que Marjolaine se présente à son tour, la Baronne est déjà en
train de parler avec ces deux messieurs. « Bon, la politesse n’est plus de
mode dans l’aristocratie », constate Marjolaine.
Les cartes de visites
distribuées, nouvelles poignées de mains échangées et Marjolaine trouve la
sienne emprisonnée dans celle du goujat de service qui la garde, plongeant son
regard dans le sien en susurrant qu’il faut absolument se revoir bientôt.
« Compte dessus, pauvre
con », pense Marjolaine, qui à son tour ne se prive pas de jugement !